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« En 2050, on ne veut plus de voiture dans les centres-villes »

Karima DELLI

© Union européenne

Mis à jour le 23 mai 2017

Entretien avec Karima Delli, eurodéputée Europe Ecologie Les Verts

L’eurodéputéee EELV, coordinatrice de la commission Transports pour le groupe des Verts du Parlement européen vient d’être nommée rapporteure de la mobilité urbaine durable. Une thématique qui lui est chère : c’est là qu’il y a urgence, explique-t-elle. Ville Rail & Transports. Vous venez d’être nommée rapporteure de la mobilité urbaine durable en Europe, en quoi cela consiste-t-il ?

Karima Delli.L’objectif est de susciter une réelle mutation dans les transports durables, c’est LE défi. La mobilité aujourd’hui, ce n’est plus une nécessité, c’est un droit. Cela suppose de changer le cap car nous avons devant nous des échéances climatiques et environnementales qui sont terribles. Depuis le protocole de Kyoto en 1990, l’industrie ou l’agriculture ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre. Il n’y a qu’un secteur dont les émissions de gaz à effet de serre explosent de 30 %, c’est le transport !

Ce rapport doit donner des pistes pour les faire baisser. Il sera voté en juin en commission Transport et en septembre en plénière par le Parlement européen. Il proposera des mesures très concrètes, par exemple une véritable taxation sur le diesel, car je vous rappelle que la France vient d’avoir un nouvel avertissement de la part de la Commission européenne.

 

VR&T. La Commission a menacé la France d’un recours devant la Cour de Justice de l’Union européenne pour dépassement du seuil de pollution aux particules dans dix zones. Vous croyez qu’on va finir par avoir une amende ?

K. D.En théorie, si au bout de deux mois la France ne met pas en œuvre des mesures suffisantes pour lutter contre la pollution, ce sera une éventualité plus que plausible car il s’agit avant tout d’une question de santé publique. Ce qui est sûr, c’est que le rapport est un des outils qui va réellement mettre la pression… Il pose par exemple la question du financement : en 2016, nous devrions avoir l’eurovignette à l’agenda européen. Celle-ci ne concerne pas seulement les poids lourds, mais aussi les véhicules particuliers. Dans le rapport, nous demandons que 50 % de ces recettes soient fléchées pour la mobilité urbaine durable. C’est une nouveauté.

 

VR&T. Ce rapport ne va pas s’imposer aux Etats membres ?

K. D.Si parce que nous sommes dans du législatif et que la Commission a l’ambition d’avancer sur ces questions. La première étape, c’est qu’avant fin 2016, chaque Etat membre devra rendre ce qu’on appelle un plan national de la mobilité urbaine durable. Donc on va commencer à réellement agir. Pas dans le sens où Ségolène Royal le voudrait puisque la reconversion souhaitée ne sera pas uniquement axée vers la voiture électrique. Plus que le tout-électrique, nous défendons la multimodalité avec plus de tramways, plus de transport public et une plus grande place pour le vélo. Cela exigera aussi de ne plus travailler exclusivement sur l’urbain, mais aussi sur le périurbain, qui est le parent pauvre.

 

VR&T. Ces plans nationaux de mobilité, c’est un peu l’esprit des plans de déplacements urbains à l’échelle des agglomérations ?

K. D.Tout à fait. L’objectif très clair, c’est que d’ici 2030, on réduise de moitié le nombre de voitures dans les centres-villes et qu’en 2050 il n’y en ait plus du tout. On a un peu de temps, mais cet objectif est aussi défendu par la Commission européenne. Ce plan d’action national sera de plus réévalué tous les ans. On prône bien sûr la question de l’innovation : les smart cities sont en mouvement, il n’y a pas assez de transport collectif à l’hydrogène, qui est pourtant une innovation. Il faut mettre sur paquet sur la R&D.

Parmi les problèmes majeurs de la mobilité urbaine en Europe, se pose aussi la question de l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap et les personnes vulnérables. Rien qu’en France, il y a huit millions de personnes qui n’ont pas accès à la mobilité, que ce soit pour des questions de coût ou de dessertes. Il faut donc créer des alternatives : multiplication des TC, covoiturage, tarification selon les revenus, etc. On souhaite mettre en avant la notion de la pauvreté de la mobilité pour ces huit millions de personnes.

Il y a enfin quantité de villes dans lesquelles on a fermé, il y a quelques années, des lignes ferroviaires qui permettaient des petits trajets dans le périurbain, donc le but, c’est de réinvestir pour rénover l’existant mais aussi de rouvrir ces petites lignes pour y mettre des tram-trains, etc.

 

VR&T. Mais là, on va vous dire qu’on n’a plus d’argent…

K. D.Justement, je suis là pour vous dire que dans le plan Juncker, on a réussi à écrire une ligne sur le développement de la mobilité urbaine. Ça veut dire que les projets de mobilité durable sont éligibles dans le plan Juncker. Reste à voir ce que donnera ce plan car derrière les 315 milliards promis, pour l’instant il n’y en a que 21. Monsieur Juncker considère que cette garantie va être un levier pour les investisseurs privés, afin de lever 315 milliards en trois ans, mais rien ne nous garantit que les investisseurs seront au rendez-vous. Il y a une belle ambition à vouloir engager un plan de relance européen, mais encore aurait-il fallu investir plus d’argent…

 

VR&T. Est-ce que le plan Juncker va permettre de poursuivre la politique de grands corridors européens, de fret et de grande vitesse voyageurs ?

K. D.Dans le plan Juncker, la première étape a été de demander à chaque Etat de porter des projets pour ce fameux plan de relance. Moi je suis un peu fâchée avec la France car parmi les projets de transports, il y a certes le port de Calais ou la rénovation ferroviaire qui vont dans le bon sens, mais il y a aussi le CDG Express, alors qu’il suffirait de rénover le RER B. Un autre problème, c’est le Lyon – Turin. Ce cas précis est révélateur d’une grande incohérence car la France ne l’a pas porté dans le cadre du plan Juncker, mais dans le MIE (Mécanisme d’interconnexion européen), le fonds spécial destiné à financer les infrastructures de transport comme les corridors à hauteur de 40 % du montant de l’investissement. L’Italie, elle, l’a inscrit au plan Juncker… Ce projet est une bêtise monstrueuse sur le plan économique – pas de création d’emplois –, au plan environnemental – on creuse dans la roche amiantée –, et sur le plan démocratique. Je préfère mettre les 26 milliards d’euros du Lyon – Turin dans la mobilité urbaine. Parce que ça crée de l’emploi, ça favorise les nouvelles filières comme l’économie circulaire et c’est là qu’il y a urgence à investir.

 

VR&T. Sur le transport longue distance, la loi Macron va libéraliser l’autocar, cela va dixit, « aider les pauvres à se déplacer », vous êtes d’accord ?

K. D.Je crois que les transports collectifs doivent rester du domaine du service public. Avec la libéralisation, on va « gagner » une concurrence des entreprises qui est autodestructrice, avec une guerre des tarifs. La France a besoin d’une vraie politique des transports avec des objectifs contraignants – ce n’est pas normal qu’on ait juste un secrétariat d’Etat – pour l’instant je ne vois pas quels sont les objectifs. J’aimerais que la France ait un vrai plan de rénovation ferroviaire, qu’elle investisse beaucoup plus sur le fret fluvial, qu’elle mette le paquet sur l’écomobilité. Bref, il faut qu’elle ait du courage politique. On ne peut pas faire tout ça sans fiscalité verte. Ce n’est pas normal que nous soyons le 25e pays européen en terme de fiscalité verte et que nous n’ayons toujours pas de taxe poids lourds. C’est un manque à gagner pour l’ensemble des projets. 122 projets locaux sont à l’arrêt du fait de l’abandon de l’écotaxe. Prenez l’autoroute ferroviaire Atlantique qui relie le Nord-Pas-de-Calais et les Landes et qui devait en partie être financée par l’Europe, la France vient soudainement d’y renoncer sans raison objective… Sur le volet climatique, c’est une catastrophe. Je ne comprends pas non plus qu’on n’ait toujours pas de taxe kérosène… La France devrait avoir le courage de porter ce débat-là à l’Europe, mais il semble qu’elle refuse de se poser les vraies questions. Et notamment celle de la fiscalité écologique.

 

VR&T. Parce que dès qu’il est question de fiscalité verte, on la taxe d’écologie punitive. C’est aussi pour ça qu’on n’arrive pas à sortir du diesel, non ?

K. D.La punition, réellement, c’est Ségolène Royal qui nous la donne ! En continuant à mettre en place des dispositifs qui accentuent la pollution, au péril de la santé des citoyens qui sont des otages puisqu’on ne leur propose rien à côté. Quand on instaure un chèque vert pour reprendre les voitures diesel aux personnes les plus vulnérables, qui achètent alors un véhicule propre, où est la punition ? La France reçoit le sommet mondial sur le climat en décembre 2015. A ce titre, elle devrait être exemplaire. L’automobile est un secteur en pleine mutation : on voit se développer une économie du partage, de nouvelles formes comme le covoiturage, etc. C’est sur ce modèle qu’il faut se réorienter et les constructeurs auto doivent jouer le jeu.

 

VR&T. Quand on parle véhicule propre, on a tendance à se focaliser sur le tout-électrique, comme étant la solution économique et environnementale. Etes-vous d’accord avec cette vision ?

K. D.Non pour la bonne raison qu’elle marche à l’uranium, plus de 70 % de l'électricité française provient du nucléaire. On ne peut pas croire qu'une voiture électrique peut être propre si l'électricité produite ne l'est pas. Et l’uranium vient du Niger, il faut aller le chercher loin et ça va être une denrée rare. Il faut arrêter de focaliser notre énergie sur la voiture électrique. Il y a également une contradiction à s’engager sur une réduction de la part d’électricité d’origine nucléaire de 75 à 50 % et à investir sur la voiture électrique qui augmentera de manière drastique notre consommation électrique. Il faut aussi penser en termes d’efficacité énergétique.

 

VR&T. Et si l’électricité était majoritairement verte – solaire, éolien –, la voiture électrique serait propre à vos yeux ?

K. D.Oui, ça existe déjà dans d’autres pays. Mais il faut aussi investir massivement dans la recherche et l’innovation et voir également  que les villes exemplaires ne sont pas conçues autour de la voiture, électrique ou pas, mais qu’elles ont investi massivement dans la mobilité douce, les TC, les pistes cyclables, etc., comme Strasbourg ou Nantes. La voiture représente 10 m2 d'espace public, elle a donc un impact sur notre espace commun. Après il faut aller chez les Danois, voir les autoroutes à vélos !

 

VR&T. La semaine dernière, Jean-Jack Queyranne a affirmé que le Lyon – Turin était devenu irréversible, pensez-vous que ce soit le cas sachant qu’un milliard d’euros y a déjà été englouti ?

K. D.A-t-on les moyens de faire le Lyon – Turin ? C’est la vraie question. Il suffirait d’utiliser l’alternative, c’est-à-dire de rénover la ligne du Mont-Cenis et du tunnel du Fréjus pour obtenir le report du fret. La deuxième chose, c’est le montant : 26 milliards ! Et le risque environnemental : on va artificialiser 1 500 hectares de terre par des infrastructures, des entrepôts. Pour preuve le mouvement citoyen en Italie, No Tav, qui dit « laissez nos villages ». Quand on perce de la roche amiantée, on impacte l’eau, la biodiversité. La France a déposé son projet à la commission, le 26 février, pour expliquer comment elle finançait ses 60 % et impossible d’avoir accès au dossier. Pourtant ce n’est pas faute de l’avoir demandé plusieurs fois au ministre aux Affaires européennes et à M. Queyranne. Par ailleurs les 40 % apportés par l’Europe ne concernent que le tunnel de base, évalué maintenant à quelque 12 milliards d’euros. De plus, avec Michèle Rivasi, nous avons saisi l’Office européen de lutte antifraude (Olaf). Car dans le dossier du Lyon – Turin, il y a des surcoûts inexpliqués, des liens avec la mafia italienne, des conflits d’intérêts de personnes et des questions d’entrave à la concurrence. Donc je dis un, l’Olaf va rendre ses conclusions fin juin-début juillet, attendons-les pour remettre à plat toutes les problématiques. Deux, on ne peut pas faire des projets contre les citoyens. Trois, réfléchissons ensemble aux alternatives.

 

VR&T. En matière de financement, faut-il promouvoir d’autres modes après que les PPP, présentés un peu comme une recette miracle, montrent leur limite sur Perpignan – Figueras comme sur Sud Europe Atlantique ?

K. D.Moi j’aimerais qu’on expérimente les fonds régionaux d’investissements. On n’utilise pas assez le Feder – or, 20 % du Feder, c’est pour l’efficacité énergétique – ni les possibilités de lier ces fonds avec la Caisse des dépôts par exemple. Dans le cadre d’un plan d’investissement régional, on créerait des leviers de financements, on aurait les diagnostics territoriaux. Parce que dans le cadre du plan Juncker, la France a déposé 42 projets et dans certains cas, aucun élu local n’est au courant ! Le but serait de recréer de l’ingénierie financière en accompagnant les porteurs de projets.

 

VR&T. Quelle devrait être la position de l’UE en matière de stratégie industrielle ? Que pensez-vous de la proposition de créer un « airbus du rail » alliant Alstom et Siemens pour faire le poids notamment face aux Chinois et aux Coréens ?

K. D.Mais ça existe déjà, ça s’appelle Shift2Rail. Cette entreprise commune regroupe tous les constructeurs européens dans le but d’élaborer un plan directeur stratégique pour le train du futur, la nouvelle signalisation, etc., et de garantir à l’industrie européenne de conserver une position stratégique au plan mondial. Maintenant il faut que la France porte ce projet…

 

VR&T. La réforme ferroviaire sera-t-elle eurocompatible avec le quatrième paquet ferroviaire ?

K. D.C’est un peu tôt pour le dire. On n’a pas encore fini le paquet technique prévu en juin. Pour les questions politiques, notamment celle du service public, il faut attendre septembre ou octobre. La commission aimerait que ce soit réglé fin 2015.

 

VR&T. L’américain Uber s’installe un peu partout en Europe provoquant un tollé plus ou moins généralisé et des plaintes auprès de la Commission. L’UE va-t-elle s’emparer de la question ?

K. D.Il faut bien différencier Uber et UberPop : en Europe, c’est surtout UberPop qui pose un vrai problème en particulier de protection sociale. C’est un sujet devenu important, au point qu’on a prévu un débat de la commission Transport en mai ou juin dans l’hémicycle. Il faut recadrer tout ça en sachant que ces nouveaux services répondent à une vraie demande.

 

VR&T. Quel dossier aurez-vous particulièrement à cœur de défendre dans les prochains mois ?

K. D.Peut-être celui que j’ai « inventé » : j’ai lancé l’idée d’un paquet « Climat-Transports » et le commissaire européen à l’Action pour le climat a compris que c’est un enjeu. J’étais inquiète de voir les transports relégués quand on parlait de climat. Nous sommes en train de l’écrire, il y a du travail…

Propos recueillis

par Cécile NANGERONI

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