Les recettes fiscales tirées du vélo seraient de 600 millions d?euros annuels et concerneraient 35 000 emplois directs Le retour sur investissement des aménagements cyclables est énorme. C’est ce qu’a expliqué Nicolas Mercat, du bureau de conseil Inddigo, à la journée d’étude de la Fubicy, le 23 avril à Strasbourg. S’appuyant sur son étude réalisée pour Atout France (l’agence de développement touristique), il a notamment indiqué qu’« en dessous de 500 m linéaires par habitant l’augmentation de la part modale du vélo est faible. Mais au-delà, chaque mètre linéaire par habitant engendre 10 % de pratique en plus ». Il a aussi mis en évidence qu’à partir d’une demi-heure de vélo par jour chaque cycliste fait faire au moins 1 000 euros d’économie au système de santé. Une demi-heure, cela peut être deux fois un quart d’heure, soit deux fois quatre kilomètres… ce qui est vraiment à la portée de presque tout le monde, sauf que pour l’heure il n’y a guère que 5 % des Français qui pratiquent chaque jour.
Sous un autre angle, si la fabrication de vélos a largement déserté la France, avec pour corollaire un marché encore très orienté vers le bas de gamme, vente, réparations, services et tourisme restent des activités de main-d’œuvre non délocalisables. Encore un atout économique du vélo. Dans ce secteur, les recettes fiscales seraient déjà de 600 millions d’euros annuels et concerneraient 35 000 emplois directs. Le tourisme à vélo génère au moins 480 millions d’euros de recettes fiscales et a créé plus de 20 000 emplois. Si l’on additionne les emplois et les taxes et en comptant les économies réalisées en termes de santé, en pollution évitée… le rendement du vélo est de 19 pour 1. Toujours selon Nicolas Mercat, un investissement de 10 euros par an et par habitant, pendant 10 ans, permettrait à la France de quadrupler son linéaire aménagé et d’atteindre une part modale de 10 % des déplacements pour le vélo. Pour autant, la France a vingt ans de retard. A Groningue, par exemple, certes la ville la plus cyclable des Pays-Bas, c’est 60 % des trajets courts (moins de 7,5 km) qui sont faits à vélo.
Aussi Nicolas Mercat propose-t-il aux pouvoirs publics de se fixer quelques objectifs. Par exemple que 80 % de la population se trouvent à moins de 5 km d’une voie verte, grâce à une dépense de 5 euros par an et par habitant pendant 10 ans. On atteindrait ainsi quelque 60 000 km contre 15 000 aujourd’hui. La réduction du nombre de gens qui ne font jamais de vélo (soit environ 60 % de la population) aurait également un très fort impact de santé publique. Comment faire ? S’il faut créer des aménagements spécifiques, Jean-Baptiste Rigaudy, de l’agence d’urbanisme de Bordeaux, a lui insisté sur les questions d’organisation globale de la ville. Il a d’abord avoué une certaine « gueule de bois », puisqu’à Bordeaux l’objectif de transfert de 4 % du trafic automobile vers le tramway n’a même pas été atteint. Entre les deux dernières enquêtes ménages (1998 et 2009), l’auto a perdu 4 %, mais le transport public n’en a gagné qu’un. « On n’a pas été assez coercitif avec l’auto », conclut-il. Quant au vélo, il est resté à 3 %, alors même que son image est devenue bien plus favorable. Pour Jean-Baptiste Rigaudy, si la révolution du vélo n’a pas eu lieu, c’est que le vrai combat n’a pas été mené. Pour lui, ce combat est double : il est d’abord contre la concurrence que se font vélo et stationnement. Le stationnement prend de la place, a justifié de nombreux sens interdits et, tout aussi important à ses yeux, il rend inconfortable la circulation à vélo, entre des voitures qui roulent et des portières qui menacent de s’ouvrir. Le deuxième combat, il est à mener contre la vitesse des véhicules.
La CUB s’est fixé d’atteindre une part modale du vélo de 15 %, selon la charte de Bruxelles signée par le maire. Pour y arriver, il faudra rendre le vélo compétitif, seul ou en intermodalité : faire qu’il soit plus pratique d’aller à vélo qu’autrement. Renforcer les microcentralités, créer un maximum de mixité de proximité, « faire du renouvellement urbain sur la ville étalée ». Et créer des quartiers apaisés autour de chaque station de TC, favorisant ainsi le rabattement à vélo, ou créer des voies vertes avant même les bâtiments, comme la ville s’est engagée à le faire dans le cadre du projet EcoCité. Certes, le centre-ville de Bordeaux a été réaménagé, mais il ne représente que 10 % de la population, et d’ailleurs, dans ce centre, le vélo fait 8 % des déplacements. Mais ailleurs le tramway cohabite avec des phasages de feux optimisés pour la fluidité automobile… « Le vélo ne pourra se développer en ville que si l’auto perd de la place », a conclu Alain Jund, adjoint à l’urbanisme de Strasbourg et conseiller communautaire délégué au vélo. Il a aussi expliqué que si sa ville était mieux qu’à l’Ouest, elle était très en retard par rapport à l’autre côté du Rhin…
Isabelle LESENS
Spécial économie du vélo, 526 pages, octobre 2009. 20 euros en version électronique, sur www.atout-france.fr