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Réforme ferroviaire : Europa nein danke ?

Mis à jour le 23 mai 2017

Jean-Claude Favin Lévêque, consultant et auteur du livre Concurrence ferroviaire. La France peut-elle gagner ?,  revient dans ce numéro sur la réforme ferroviaire annoncée. Selon lui, elle ne laisse actuellement qu’entrevoir une vague orientation qui viserait à un maintien d’un statu quo national qui isolerait à terme la France en Europe. Il revient également sur la réforme de l’infrastructure, la fin du tout-TGV ou encore sur le modèle de service public de transport Le gouvernement a annoncé avec force la nécessité de la réforme du système ferroviaire. Le constat de l’impasse actuelle est effectivement partagé par tous, monde ferroviaire, voyageurs et classe politique. Pour autant, les lignes de cette grande réforme ne sont pas affichées clairement. Elles se laissent deviner dans le patchwork formé par le projet de réintégration de l’infrastructure, les rapports Bianco, Auxiette ou Duron et certaines déclarations-décisions gouvernementales (priorité au transport du quotidien, report de l’ouverture du marché français). L’ensemble laisse entrevoir une vague orientation générale visant à un maintien aussi long que possible d’un statu quo national, qui aurait pour conséquence l’isolement de la France ferroviaire en Europe
La réforme officiellement lancée, celle de l’infrastructure, donne un premier signe. La réunification des acteurs de l’infrastructure (propriétaire du réseau, maintenance, circulations et sillons) fait consensus. La réforme n’en reste pas moins critiquable sur deux points. Au plan financier, le trou annuel avoué de 1,5 milliard d’euros (il y a trois ans, il était estimé à un milliard !) ne sera pas comblé. Un premier tiers viendrait des synergies créées par le rapprochement. Cela paraît assez optimiste d’autant plus qu’il faudra du temps pour obtenir les gains d’échelle espérés dans la complexité traditionnelle de « l’administreprise » SNCF. Le deuxième tiers proviendrait d’une productivité qui progresserait de 1 % par an. On ne pourrait guère être moins ambitieux, comme si les accoucheurs ne croyaient pas aux qualités de la nouvelle entité. Enfin le dernier tiers consisterait en l’abandon de ses dividendes par l’actionnaire étatique. Hors le fait que le montant sera subordonné à celui des bénéfices futurs, cette mesure ne pourra pas être éternelle sauf à reconnaître que l’équilibre ne peut pas être rétabli.
Le deuxième aspect critiquable est que cette réforme ignore l’orientation européenne. Comme l’explique M. Rapoport dans ses discours, cette réforme vise à mettre la France en conformité avec la réglementation actuelle, laquelle a maintenant plus de vingt ans, et cela à la veille de l’évolution importante du quatrième paquet. La France donne l’impression qu’elle se donne à nouveau deux décennies pour rejoindre l’Europe ferroviaire alors qu’il était assez facile d’anticiper certains aspects importants de la révision en débat et d’être – pour une fois – en avance sur l’événement.
Mais cette seule réorganisation de l’infrastructure ne fait pas une politique. Au cœur de celle-là, le gouvernement affiche la priorité donnée aux trains du quotidien et la fin du tout-TGV. Cette annonce est unanimement accueillie par le politiquement correct de notre pays où les malheurs de l’un ont forcément pour cause les abus de l’autre : les TER, RER et TET ne peuvent être que les victimes de leur cousin qui a réussi, le TGV. Ce constat, objet d’un consensus commode pour le politique, est pourtant construit sur une idée fausse et un aveuglement.
L’idée fausse est que le TGV aurait été un grand projet ruineux. Certes le réseau à grande vitesse a été financé par l’emprunt et on ne peut donc prétendre qu’il n’est pour rien dans la dette de RFF. Mais le TGV a gagné beaucoup d’argent en trente ans de fonctionnement avec une marge opérationnelle qui dépassait les 20 %. Où est passé l’argent ? Il a financé les pertes abyssales du fret, les trous du TER ou de l’infrastructure ainsi que la croissance externe de la SNCF (dont le chiffre d’affaires a crû de 50 % en moins de 10 ans). Il aurait donc pu payer ses infrastructures. Mais il avait été installé dans le rôle de vache à lait de la SNCF. Le voici en bouc émissaire.
L’aveuglement consiste à se tromper de diagnostic. Est-ce le modèle TGV qui arriverait à bout de souffle ou bien le modèle du service public de transport qui déraille depuis longtemps ? Les trains de proximité sont d’abord la victime de ce qu’en ont fait les politiques dans leur rôle d’autorités organisatrices.
La crise de la région Ile-de-France illustre parfaitement ce propos. Cette crise, réelle, correspond à un déficit de capacités de transport, lesquelles ne peuvent être restaurées que par des modernisations ou/et des infrastructures nouvelles. Cette dégradation est la conséquence de décisions non prises au début des années 2000. Or je ne garde pas le souvenir de cris d’alarme ou de projets ambitieux rejetés à cette époque. Ces décisions non prises l’ont été moins par manque d’argent que par manque de projets et par l’absence d’une claire anticipation de la croissance des trafics. Saluons le projet du Grand Paris et le consensus politique qu’il semble créer, car mieux vaut tard que jamais. Pour autant, les acteurs reconnaissent que le principal risque de ce projet est maintenant que le financement de son fonctionnement ne serait assuré. Comment en arrive-t-on là ?
Lors d’un Club VRT récent, un intervenant répondait ainsi à la question du financement des grands projets de transport en Asie : « ils ne considèrent pas cela comme un coût ». En raccourci, les projets ont un modèle économique sain. Pour ma part, je pense qu’il est grand temps de réformer notre modèle du service public de transport dont les coûts ne sont pas maîtrisés et les recettes ne reposent que sur l’Etat.
En effet notre système ferroviaire bénéficie chaque année de 12,5 millions d'euros de contributions publiques. Pour sa part, la SNCF reçoit au nom du transport ferroviaire du quotidien plus de 4 milliards de deniers publics par an. Ces chiffres relativisent le discours récurrent sur le désengagement de l’Etat. Hélas, les collectivités locales ont une faible culture économique et une créativité forte pour trouver de ressources nouvelles (élégant euphémisme officiel) pour couvrir une dépense établie comme préalable. La remettre en cause serait interprété comme une atteinte au service public. Un président de région valorise son action en ne communiquant que sur ses dépenses, dont seule l’augmentation apporte la preuve de son engagement. Un conseil régional s’est-il jamais vanté d’une baisse de son budget ou mis en avant des gains de productivité ? Faire autant pour moins d’argent ou mieux pour le même argent n’est guère politiquement porteur. Voilà pourquoi la production des TER coûte 30 % plus cher en France qu’en Allemagne.
Si la dépense ne connaît qu’une variation à la hausse, l’utilisateur du service public doit payer de moins en moins cher. Le voyageur ne paie en France que 20 à 30 % du coût complet de son transport alors que cette contribution se situe entre 40 et 50 % en Allemagne ou en Angleterre.
Il est grand temps de remplacer le modèle budgétaire par celui du compte d’exploitation où les décideurs seraient jugés sur leurs performances. De même qu’une entreprise ne doit pas être évaluée sur la seule croissance de son chiffre d’affaires (dont la hausse non maîtrisée peut entraîner la faillite de la société), les politiques de transport régionales devraient s’apprécier sur un certain nombre d’indicateurs pertinents au triple plan socio-économico-écologique : nombre de voyageurs transportés, coût unitaire complet du voyageur, coûts externes, ratio de CO2, régularité, etc. Les voyageurs et contribuables, correctement informés de la performance de leur région en matière de transports, devraient être intéressés aux résultats par l’obligation de lier le tarif voyageur et la contribution fiscale du contribuable local au coût unitaire. La baisse du coût unitaire aurait donc un effet favorable pour le citoyen. Enfin la publication des résultats à l’échelle nationale permettrait aux citoyens de faire un benchmark pédagogique. Alors des choix aujourd’hui tabous deviendraient raisonnables : abandon de voies obsolètes, transfert de liaisons désertes vers des bus, mise en concurrence des opérateurs, optimisation des flottes de matériel, etc.
En résumé, la priorité donnée aux trains du quotidien devrait aller de pair avec l’exigence de l’assainissement de leurs finances. Sinon, cela consisterait à alimenter un tonneau des Danaïdes.
Un actionnaire recapitalisant une entreprise en faillite conditionne son apport aux mesures permettant le retour à l’équilibre du compte d’exploitation. L’effort de la France n’aura de sens économique que s’il permet un fonctionnement durable de ces services publics et que le maintien de l’équilibre de leurs comptes se fait naturellement sans appels récurrents à l’intervention généreuse de l’Etat.
Quant au rapport Duron, il fournit une des meilleures analyses faites sur le système ferroviaire français depuis longtemps, même s’il faut parfois le lire entre les lignes. Malheureusement, les commentateurs n’en ont retenu que les deux scénarios proposés faisant l’impasse sur l’analyse et certaines recommandations pleines de sens comme la « juste place de la route » ou l’interrogation (euphémisme) sur « le partage des charges entre contribuable national, contribuable local et bénéficiaire direct (utilisateur) ». Les deux scénarios ont été élaborés dans la continuité du système et en respectant l’équation économique actuelle, en évitant d’en envisager un troisième, celui qui serait rendu possible par une réforme profonde du modèle ferroviaire. Naturellement le gouvernement ne pouvait que rejeter le scénario 1 repoussoir pour approuver le scénario 2. Cette lecture réductrice jette un éclairage cru sur les conséquences d’une priorité-couperet donnée aux trains du quotidien sur le prétendu tout-TGV. Toutes les liaisons nouvelles avec les pays limitrophes Italie et Espagne sont abandonnées. Seule la LGV Bordeaux – Toulouse serait sauvegardée à une échéance plus ou moins lointaine.
Cela va sans dire, donc disons le côté absurde d’un trop long report voire d’une suppression de ce tronçon. Celui de Tours à Bordeaux n’a de véritable sens que par la suite qu’il préfigure. Il fait gagner 50 minutes sur Paris – Bordeaux au voyageur (gain à faible valeur sur ce trajet par rapport aux 3 heures actuelles), une meilleure productivité des rames et des sillons pour le fret. Bref ce projet ne se justifie qu’à moitié pour lui-même. Le tronçon Bordeaux – Toulouse est bien plus riche de potentialités. Il permet une relation à forte cadence entre ces deux grandes métropoles régionales ; dans la suite du tronçon précédent, il rend Toulouse accessible depuis la moitié nord de la France (qui ne se résume pas à Paris) ; il rapproche Bordeaux de Montpellier et Marseille, axe majeur où les temps actuels (environ 6 heures sur Bordeaux – Marseille pour 650 km !) sont presque identiques à ceux d’il y a un demi-siècle. Enfin il sera l’un des tronçons de la future relation à fort potentiel Bordeaux – Barcelone. La valeur ajoutée d’un tronçon réside dans sa contribution au réseau, c’est-à-dire les dessertes amont et aval qu’il promet. La promesse du Tours – Bordeaux concerne toute l’Aquitaine et l’Espagne et conditionne en partie celle du Bordeaux – Toulouse qui ouvre toute la région Paca et l’Espagne. La vraie finalité de la grande vitesse n’est pas de relier Paris à la province mais de relier les régions entre elles, régions françaises et régions européennes. La France ferroviaire a du mal à sortir de ce parisianisme complètement décalé à l’heure de l’Europe.
Le coût est-il tel qu’il faille renvoyer cette ambition au-delà de 2030 ? Non, car avec une mise raisonnable, l’Etat français peut gagner gros. Sur Tours – Bordeaux, la subvention (c'est-à-dire la partie d’argent public ne bénéficiant pas de retour financier direct) se monte à environ 50 % d’un projet de 7,8 milliards financés par PPP (partenariat public-privé), soit 650 millions d’euros par an pour l’Etat. Avec cet engagement, il bénéficie d’un effet de levier qui permet un grand chantier générateur de 4 500 emplois sur 6 ans. A l’issue du chantier lui-même, la ligne trouve son équilibre économique en exploitation avec des TGV s’acquittant de leurs péages au coût complet (hors subvention). L’Etat a donc créé avec un investissement maîtrisé une dynamique favorable au développement économique et à la croissance des trafics fret qui bénéficieront enfin de bons sillons sur le réseau classique. Il deviendra de plus propriétaire d’une infrastructure à gros débit au bout de la concession (environ 50 ans). Si on ajoute que la contribution européenne pour les lignes participant au RTE peut être très significative, la France doit-elle se mettre à l’écart d’un tel processus ?
En conclusion, la politique qui se dessine progressivement au travers des différentes prises de position a une certaine cohérence : esquive du quatrième paquet, report de l’appel d’offres pour les TET, TER, RER, règles de cabotage protectrices, renoncement aux tronçons transfrontières. Cohérence mais dans la mauvaise direction, celle qui consiste à tourner le dos à l’Europe, à ne pas voir que l’avenir du ferroviaire passe par l’espace européen, espace géographique du réseau et espace réglementaire d’une ouverture régulée à la concurrence.
Les réalités françaises ne peuvent évidemment pas être oubliées, comme la crise de certains (pas tous) trains du quotidien dont l’Ile-de-France est l’exemple le plus marquant. Toutefois le ferroviaire français ne sera pas sauvé par l’abandon d’un prétendu tout-TGV qui n’a existé que dans les discours moralisateurs. C’est un écran de fumée politique pour camoufler les déficits de stratégie ferroviaire qui ont conduit à certaines impasses bien réelles, notamment financières. Le TGV a donné une nouvelle ambition au chemin de fer français. Sur le moyen et long terme, il est fondé sur un modèle économique sain sous réserve de ne pas se lancer dans des projets politiciens. Son dynamisme a relancé le trafic régional. Il dispose avec l’Europe d’un immense domaine de développement. En revanche, les transports de proximité n’ont toujours pas su faire leur révolution car enfermés dans un modèle budgétaire étroit qui est celui d’un certain service public aux principes dépassés. Ils ne peuvent effectivement plus compter sur la manne du TGV à l’heure de la concurrence. Ils doivent se réformer pour abandonner un modèle où seule la dépense est célébrée et la vraie performance ignorée. Ils peuvent le faire facilement car leurs marges de productivité sont énormes et qu’ils bénéficient d’une croissance durable devant eux.
La bonne politique serait donc de remettre à plat le modèle économique des trains du quotidien d’ici 2019 (date clé). Pendant cette période, leur donner une priorité peut être une démarche légitime. Mais en aucun cas, ce redressement ne nécessite de bloquer définitivement le futur de la grande vitesse qui est porteuse d’un développement européen dont les entreprises françaises manufacturières ou de services pourraient largement profiter. Pourquoi passer à coté de cette opportunité et laisser la politique ferroviaire allemande se déployer sans concurrence ?   
 

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