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Champion national ou nostalgie du monopole ?

25 Oct 2013

Concurrence

Mis à jour le 23 mai 2017

Yves Crozet, professeur à l’université de Lyon (Institut d’études politiques) et président du Laboratoire d’économie des transports (LET). réalise une première évaluation du projet de loi qui sera soumis au Parlement début 2015. Quelle sera vraiment la marge de manœuvre de l’Etat face à son « champion national » ? Et à terme, que va exiger la Commission européenne des Français face au risque du simple retour au monopole ? Après la remise des rapports Auxiette et Bianco (avril 2013) et la communication du ministre des Transports au conseil des ministres (mai 2013), la longue marche de la réforme ferroviaire se poursuit. Le projet de loi qui sera soumis au Parlement au début de 2015 circule déjà. Il est donc possible de procéder à une première évaluation. Au-delà de l’évidence selon laquelle la direction de la SNCF a largement tenu la plume des rédacteurs (même Le Canard Enchaîné l’a relevé), se pose la question des impacts potentiels de la double logique qui inspire cette réforme : aider à la création d’un « champion national » ferroviaire et refuser la logique européenne de la séparation radicale entre gestionnaire d’infrastructure et opérateur ferroviaire. Ces deux questions sont liées mais abordons-les successivement en se concentrant pour chacun sur trois points.

Gouvernance, performance, finance… quelles forces de rappel ?

Il n’est pas besoin d’être un grand initié des questions ferroviaires pour comprendre que la solution de la holding présentée dans le projet de loi est calquée sur le modèle allemand (décidément un must !) mâtiné de tradition colbertiste. L’ambition du redressement productif concerne aussi le ferroviaire et quoi de mieux pour y répondre qu’un champion national aux mains de l’Etat ! Mais quelle sera vraiment la marge de manœuvre de l’Etat face à son champion ? Il est fort à craindre que sur trois points clés, la gouvernance, la performance et la finance, l’Etat soit simplement le payeur en dernier ressort.

Gouvernance. Le pôle public ferroviaire esquissé dans le projet de loi ne ressemble pas à ce que dessinaient les rapports Auxiette ou Bianco. Faisant fi des inquiétudes de nombreux élus, le projet de loi pousse le curseur le plus loin qu’il est possible pour que se confirme la capture des autorités de tutelle de la SNCF par la SNCF elle-même et d’autres parties prenantes. Les pouvoirs de l’Araf sont rognés (l’avis motivé remplace l’avis conforme…), le régulateur ne s’occupera que de l’accès non discriminatoire au réseau. La création du « Haut comité du ferroviaire » est un moyen de diluer les prises de décision et donc de renforcer le pouvoir de la direction de la SNCF de ceux qui ont intérêt à limiter les marges de manœuvre de l’Etat. On cherche les forces de rappel qui lui permettront d’éviter d’être seulement appelé à payer !

Performance. Rappelons que le constat que nous faisions il y a deux ans est toujours d’actualité. Le principal problème du ferroviaire en France ne se situe pas dans les coûts de transaction entre SNCF et RFF, mais dans les coûts de production. Un chiffre édifiant aide à en prendre conscience. Lors des Assises du ferroviaire il y a deux ans, il était apparu qu’en Allemagne comme en France, le ferroviaire coûte cher en subventions publiques. Dans les deux pays, les subventions sous leurs différentes formes sont à des niveaux comparables. Mais on oublie souvent de rappeler que grâce aux TGV et au Transilien, le nombre de passagers par train est de 212 en France contre 115 en Allemagne (données UIC 2010). Comme la recette par passager-km est de 0,15 centime en France contre 0,18 centime en Allemagne, un train-km rapportait (en 2010) 31,80 euros à la SNCF contre 20,70 euros à la DB. Grâce à une vitesse moyenne et à des taux de remplissage plus élevés, le système ferroviaire français est de fait plus productif. Mais qui en profite ? L’UIC nous apprend que le coût du travail représente 44 % du chiffre d’affaires de la SNCF contre 29 % pour la DB. En termes de productivité, cela signifie que la SNCF produit 2 983 trains-km par employé contre 3 695 en Allemagne. Ce « slack » organisationnel pourra-t-il être abordé clairement dans les contrats de performance annoncés ? Ce qui est dit sur l’harmonisation des règles de l’organisation du travail n’incite pas à l’optimisme.

Finance. Comme le rappellent dans un récent ouvrage A. Landier et D. Thesmar, il faut se défier du « capitalisme de connivence », celui où les niveaux de subvention dépendent de la qualité des réseaux tissés avec les cabinets ministériels. Le projet de loi illustre cela jusqu’à la caricature. En autorisant la holding SNCF à décider elle-même ce qu’elle fera des bénéfices de SNCF Mobilités, la puissance publique perd tout moyen d’action et de contrôle. D’autant que le projet de loi insiste à plusieurs reprises sur les financements que devra assumer l’Etat, notamment sur les infrastructures. Les demandes de réduction globale des péages sont inscrites en filigrane dans le projet de loi. Nous en aurons d’ailleurs une illustration concrète au fur et à mesure que se rapprochera la date de l’inauguration de LGV SEA. Tout est donc prêt pour que la machine à subventions continue à fonctionner.

Indépendance, transparence, concurrence… les moyens de pression de la Commission

Ce projet de loi pose quelques problèmes de compatibilité avec les directives européennes passées et à venir (4e paquet ferroviaire). Mais comme la direction de la SNCF aurait tort de manquer d’ambition face à un pouvoir politique tétanisé par les questions syndicales, non contente d’avoir tordu le bras des élus, elle leur demande de tordre le bras de la Commission européenne. Comprenons bien ici que contrairement aux idées reçues, la question principale n’est pas de savoir si la Commission pourra ou ne pourra pas imposer dans le 4e paquet ferroviaire une « dé-intégration » verticale intégrale. En réalité il y a peu de chances qu’elle y arrive. Ce qu’il faut rechercher ce sont les moyens de rétorsion de la Commission. Ayant sans doute battu en retraite, au moins partiellement, sur la « dé-intrégration » sous la pression de l’Allemagne, que va-t-elle exiger à terme des Français face au risque du simple retour au monopole ? Là aussi, trois points clés : Indépendance, transparence, concurrence

Indépendance. Dans le projet de 4e paquet ferroviaire, la Commission indique que si on se trouve dans une structure de holding, des murailles de Chine doivent être érigées entre la holding et le gestionnaire d’infrastructure (GI) pour garantir l’indépendance de ce dernier et la non-discrimination. Cette question est abordée à plusieurs reprises dans le projet de loi et l’indépendance du GI est affirmée. Mais le diable se cache dans les détails comme disent nos amis allemands. Qu’en est-il par exemple des relations entre le président de la holding et son vice-président, par ailleurs président du GI ? Qu’en est-il des systèmes d’information sur la réservation des sillons, la circulation des trains ? Le GI disposera-t-il d’un système propre, totalement étanche par rapport à la holding ? N’oublions pas que l’Europe considère que le rattachement organisationnel de la DCF (direction des circulations ferroviaires) à RFF ne garantissait pas vraiment son indépendance. Le contentieux subsiste !

Transparence. Les questions financières sont bien sûr centrales et notamment les subventions versées à l’infrastructure. Soulignons ici la grande différence entre RFF et DB Netz. Au bilan de RFF la dette représente plus de 30 milliards d’euros et le chiffre croît de 2 à 3 milliards par an. La charge financière que cela représente n’est pas supportable par le compte de résultat de la holding SNCF. Au contraire, en Allemagne, DB Netz a été allégé de sa dette lors de la réforme du milieu des années 90. DB Netz contribue donc au bénéfice de la DB AG ce qui est d’ailleurs un sujet d’inquiétude pour la Commission européenne. La question clé est donc celle des transferts de fonds publics vers le GI. Rappelons que la SNCF, entreprise commerciale ne peut recevoir des subventions d’équilibre puisqu’elle est en concurrence avec d’autres. L’organisation des flux financiers à l’intérieur du ménage à trois que constitueront l’Etat, le GI et la holding SNCF reste un sujet de tension.

Concurrence. La concurrence existe déjà dans le domaine du fret ferroviaire. On a vu comment, faute d’y être préparée, la branche Fret SNCF n’a eu d’autres solutions que le repli, sans avoir encore réussi à combler les pertes. Fret SNCF a englouti plus de 2,5 milliards d’euros en quelques années ce qui montre bien le risque qu’il y a à laisser une holding décider seule de l’affectation de ses bénéfices. Au lieu de remonter à l’actionnaire, ici l’Etat, ils servent à une péréquation interne qui évite de se poser des questions clés sur l’organisation. Sait-on que cela correspond en fait à de la vente à perte et que les autorités de la concurrence, française ou européenne pourraient se saisir de cette question. Tout comme elles pourraient, dans la lignée du jugement rendu sur La Poste, se pencher sur les avantages concurrentiels dont bénéficie sur les marchés financiers l’opérateur public qui emprunte à meilleur compte que ses concurrents du fait du soutien public qui lui est assuré.
En outre, comme le projet de loi ne dit rien du fait que la SNCF et ses personnels doivent se préparer à l’arrivée de la concurrence en 2019 pour les voyageurs, on peut craindre qu’elle se trouve confrontée à la même situation que dans le fret. Or il faudra accepter la concurrence car ce sera indispensable pour que les filiales du groupe SNCF (Keolis, Geodis…) puissent continuer à se développer.
Le manque de vision stratégique est d’ailleurs la principale faiblesse de ce projet de loi, inspiré par la nostalgie du monopole. A terme, le chiffre d’affaires de la SNCF (frontières actuelles de l’Epic) progressera peu en France, à la différence de ce qui va se passer pour ses filiales de droit privé, en France ou à l’étranger. Le talon d’Achille du Colbertisme est de croire que la création d’une forteresse ferroviaire en France va servir de tremplin à la conquête de marchés étrangers. C’est tout le contraire de ce qu’a fait la DB. Sa présence à l’étranger s’intensifie, et pas seulement dans le fret, mais elle a fondé cette ambition sur l’acceptation de la concurrence et la recherche de la performance sur son territoire même. Peut-on copier le modèle allemand en ne retenant que ce qui ne fait pas trop de vagues chez nous ?  

 

Yves Crozet

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