Malgré son lourd endettement, la Bahn ne devrait avoir aucune difficulté à lever de l?argent. Chouchou des agences de notation, la compagnie bénéficie aussi du soutien sans faille du gouvernement allemand Hartmut Mehdorn en rêvait. Son successeur Rüdiger Grube l’a fait. En digne héritier de son mentor qu’il avait côtoyé chez Daimler dans les années 90, le nouvel homme fort de la Bahn n’a pas hésité à sortir le carnet de chèques pour propulser la compagnie allemande dans une nouvelle dimension. A grands coups de rachats, et faisant fi de la montagne de dettes laissées derrière lui, l’ancien patron de la Bahn avait transformé l’ancien monopole public en un géant de la logistique. Aujourd’hui, l’histoire se répète dans le transport de passagers : la Deutsche Bahn va débourser 2,8 milliards d’euros pour avaler Arriva, dont 1 milliard rien que pour éponger le passif de l’entreprise britannique. Une somme record, qui met vraisemblablement la DB à l’abri d’une contre-offre, mais fait surtout bondir de 18 % la dette du groupe allemand à 17,8 milliards d’euros. Un comble, alors que Rüdiger Grube s’était juré d’accélérer le désendettement du groupe… Résultat outre-Rhin, certains critiquent « la folie des grandeurs » d’une compagnie qui vivrait au-dessus de ses moyens. Et pourtant, cette fois encore, la DB ne devrait avoir aucun mal à trouver de l’argent pour financer la transaction. « Pour les investisseurs, le montant de la dette en soi n’est pas déterminant. C’est le ratio dette/capitaux propres qui fait référence », explique Maria Leenen, directrice du cabinet d’expertises ferroviaires SCI Verkehr. « Or, à ce niveau, la Bahn s’en sort mieux que la plupart de ses concurrents. » Preuve de la confiance des « marchés » : les principales agences de notation continuent de donner leur bénédiction à la Bahn. « Considérant les performances de la compagnie au cours d’une année 2009 difficile, […] nous considérons que ce rachat aura un impact limité sur sa qualité de crédit », analyse-t-on chez Moody’s. Traduction : la Deutsche Bahn est capable de tenir ses engagements envers ses créanciers. Malgré l’effondrement du fret, la firme de Rüdiger Grube est en effet parvenue à dégager un bénéfice de 830 millions d’euros l’an dernier. Un résultat meilleur qu’attendu, et de nature à rassurer les banques. Autre élément jouant en sa faveur : le groupe bénéficie de la bienveillance de son propriétaire, l’Etat allemand. Ainsi, en 1994, lorsque les chemins de fer de RDA et de RFA fusionnent pour donner naissance à l’actuelle Deutsche Bahn, Berlin décide de remettre les compteurs à zéro : l’Allemagne prend à sa charge la dette colossale du groupe. Depuis, tous les Chanceliers, de droite comme de gauche, se sont montré coopératifs. Dernier exemple en date : le rachat d’Arriva a été validé par Angela Merkel en personne. « Je trouve formidable que le gouvernement soit toujours à l’écoute de la Bahn », se félicite le patron de la compagnie. Une entreprise bénéficiaire, chouchou des agences de notation et soutenue par la première puissance économique d’Europe : autant dire que l’emprunt obligataire que la DB va émettre au cours de l’été ressemble déjà à une formalité. « La DB va pouvoir emprunter facilement et à bon marché », conclut Maria Leenen.
Antoine HEULARD
Publié le 05/04/2024