La compagnie allemande a décroché de nombreux contrats de consulting dans la région. Une façon habile de se positionner sur ce marché très prometteur Sans faire de bruit, la DB place ses pions au Moyen-Orient. Métro de La Mecque, ligne de fret en Arabie saoudite, réseau ferré au Qatar… Les trains de la compagnie ne roulent pas encore sous le soleil de la péninsule arabique. Mais le nom de la Bahn est intimement lié à ces projets. Alors que se multiplient les projets d’infrastructures ferroviaires, les ingénieurs allemands sont en effet très actifs en coulisse. Car pour se faire une place sur ce marché très convoité, l’opérateur a subtilement choisi d’entrer par la porte de service. Sa stratégie ? Vendre son expertise aux émirs et asseoir ainsi sa réputation auprès des autorités ferroviaires locales. Comme dans d’autres régions du monde, c’est DB International qui est chargée de jouer les têtes de pont. Cette filiale, créée dès 1966, est le cabinet d’études de la compagnie. La structure travaille de façon « autonome » et en toute « indépendance », précise-t-on à Berlin. Mais cette agence d’experts représente aussi une « bonne carte de visite », souffle un porte-parole. « Cela contribue à nous faire connaître. » Dernière illustration en date, en Arabie saoudite, la Bahn est associée à la construction du métro de La Mecque, qui doit permettre de désengorger la ville dont la population est multipliée par deux et demi au moment du grand pèlerinage annuel. Le chantier revient aux Chinois, mais la DB est parvenue à s’attribuer une part du gâteau : le royaume lui a confié plusieurs missions de contrôle de qualité. Autre exemple, au Qatar cette fois-ci : la Bahn vient d’élaborer les contours du système ferroviaire dont le pays souhaite se doter, en particulier pour faire face à la forte croissance de sa population, qui progresse de 5 à 10 % par an. Le projet comprend notamment une ligne à grande vitesse entre Doha et le nord-ouest de la presqu’île, une liaison de fret devant relier la capitale à l’Arabie saoudite, ou encore plusieurs voies régionales dédiées au trafic passagers. Le montant du contrat est plutôt modeste : la DB a reçu une dizaine de millions d’euros pour son expertise. Mais pour la compagnie, l’essentiel est ailleurs : « Ce qui est décisif, c’est de pouvoir mettre un pied sur cette partie du globe », commente-t-elle. Car la Bahn a déjà les yeux rivés sur les appels d’offres que les Etats du Golfe vont lancer dans les prochaines années. Il s’agira alors de sélectionner les opérateurs qui exploiteront les réseaux actuellement à l’étude ou en cours de construction. En se positionnant dès aujourd’hui, la DB espère avoir une longueur d’avance. C’est le cas dans les Emirats arabes unis où la DB a été retenue pour planifier la construction d’une ligne urbaine entre Abu Dhabi et la station balnéaire Al Raha Beach, qui doit sortir du sable d’ici 2020. « Avoir décroché ce premier contrat nous place favorablement en tant qu’opérateur », glisse un manager allemand à Die Welt. Reste que cette stratégie ne garantit pas la victoire à tous les coups : la DB espérait ainsi participer à la construction et à l’exploitation d’une imposante ligne de fret de 730 km en Arabie saoudite. Arrivée en finale de l’appel d’offres, elle s’est finalement fait recaler. Du moins pour l’instant : avec la crise, les cartes pourraient être redistribuées. La DB continue d’aller de l’avant : elle prépare discrètement la reconstruction ferroviaire… en Irak. Au début de l’été, Rüdiger Grube, le patron de la DB, aurait ainsi rencontré le ministre irakien des Transports. L’objectif : bâtir un réseau dédié aux marchandises, que la DB exploiterait avec un partenaire local. La Bahn rappelle que son engagement sur les rives de l’Euphrate s’inscrirait dans le prolongement d’une longue tradition : au début du siècle dernier, la construction de la Bagdad Bahn, une voie reliant la mer Noire à la capitale irakienne, avait été confiée aux Allemands.
Antoine HEULARD
Il y a 15 années