C’est le soulagement à Caen où la fin programmée du TVR engendre une rupture anticipée du contrat avec la société concessionnaire du transport sur voie réservée (STVR). Un accord vient d’être trouvé entre Caen-la-Mer et le consortium composé de Colas Rail et de Bombardier Transport Belgique pour une indemnisation de 13,3 millions d’euros. Elle correspond au manque à gagner pour le concessionnaire qui avait initialement signé pour 30 ans d’exploitation, soit jusqu’en 2032. Les chiffres les plus fous ont été évoqués, le plus haut étant celui de 120 millions d’euros. L’autorité organisatrice estime donc qu’elle ne s’en sort pas si mal. Mais c’est au prix de cinq années de batailles d’experts, puis d’une longue procédure de conciliation.
Le TVR sera arrêté comme annoncé au 31 décembre 2017, soit 15 années après sa mise en service. Le protocole d’accord prévoit toutefois que la STVR « s'engage à tout mettre en oeuvre pour une exploitation normale et optimisée », ce qui implique notamment des travaux pour un montant de 2 millions d'euros. Il constitue l’épilogue d’un feuilleton qui démarre dès 2010, après, déjà, plusieurs années d’ennuis récurrents pour le tram avec le rapport demandé par le secrétaire d'Etat aux Transports au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD). Rapport qui préconisait une fin anticipée du système à moyen terme et évaluait la rupture de la concession à 70 millions.
L’autorité organisatrice de Caen d'alors, le syndicat mixte Viacités décide de suivre ce conseil et vote, en décembre 2011, le remplacement du TVR à l’horizon 2018. Commence alors une succession d’expertises et de batailles d’experts dont les conclusions sont globalement déplaisantes pour l’AO : en dépit des multiples défaillances du matériel, il faudra indemniser la STVR à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros.
« En novembre 2015, le rapport d’expertise Fioux précise qu'une déchéance pour faute dans les conditions actuelles d'exécution du contrat ne peut être envisagée », précise Rodolphe Thomas, vice président chargé des Transports à Caen-la-Mer. même si la fiabilité n’a jamais été au rendez-vous. « Nous subissons encore régulièrement les défaillances du matériel, insiste-t-il. Dysfonctionnements mécaniques ou matériels qui ont été unanimement reconnus par toutes les instances, jusqu’au ministère. » De plus, Caen doit encore verser en 2017 la dernière annuité de l'emprunt initial (12,3 M€) et engager les frais du futur tram. A son arrivée aux manettes en 2014, la nouvelle majorité LR a pour objectif de mettre un terme aux querelles entre la STVR et l’exploitant Keolis, « chacun rejetant systématiquement la faute sur l’autre », rappelle l’élu.
Afin de ne pas perdre le bénéfice des subventions de l’Etat obtenues grâce à l’appel à projet, ni des fonds européens et de diverses aides locales, il faut rapidement fixer un calendrier pour le nouveau projet. Rodolphe Thomas se félicite encore du choix de ne pas faire les deux lignes de tram qui avait été acté par la précédente majorité socialiste, « un choix à 320 millions d'euros qui était financièrement intenable » estime-t-il. Même si le futur tram de la communauté urbaine qui verra le jour au 1er janvier prochain devra transporter quelque 60 000 voyageurs par jour. Une commission de conciliation présidée par un conseiller d’Etat, est finalement saisie en 2015. Elle débloque la situation et aboutit à un coût pour la collectivité dans « une fourchette comprise entre 32,8 et 37 millions d'euros », incluant les 12,3 millions de prêt encore dus.
Au chapitre des bonnes nouvelles, selon ce protocole qui devrait être signé avant la fin de l'année : la STVR met fin à l'ensemble des recours et les infrastructures restent la propriété de Caen-la-Mer. L’EPCI espère ainsi pouvoir réutiliser avec le tram d’Alstom qui doit rouler dès la mi-2019 « les lignes aériennes de contact, sous-stations électriques et armoires électriques en station ». Avant la fin décembre également, le futur délégataire, qui prendra les clés du réseau Twisto au 1er janvier 2018 devrait être connu. Keolis, Transdev et RATP Dev s’y affrontent et la capacité à gérer les 18 mois de travaux et de bus de substitution sera un argument de poids dans le choix.
Suivant les recommandations de la conciliation, la STVR et Caen-la-Mer ont déterminé l’indemnisation à un peu plus de 17 millions d'euros. Les frais d’entretien de 2017 et d’autres aléas ont encore pesé dans la balance pour diminuer légèrement la facture. Rodolphe Thomas n’en tire pas gloire : « Pas de satisfecit pour ce que cela coûte au contribuable… C’est un bon compromis, mais un compromis dont on aurait préféré se passer. »
cecile.nangeroni@laviedurail.com