Troisième entreprise ferroviaire fret britannique, GB Railfreight (GBRf) va encore une fois changer de propriétaire, le dernier en date étant le Groupe Eurotunnel. Ce dernier… a en effet finalisé, le 15 novembre, la vente de sa filiale à EQT Infrastructure II, un fonds d’investissement suédois (groupe Investor, de la famille Wallenberg) qui n’est pas étranger au monde des opérateurs de fret ferroviaire. En effet, EQT Infrastructure II a également repris en 2014 l’entreprise ferroviaire privée suédoise Hector Rail, fondée dix ans auparavant. Et l’acquisition de GBRf entre dans la stratégie d’EQT Infrastructure II visant à « créer un chef de file du fret ferroviaire indépendant paneuropéen grâce à l’expansion du Groupe Hector Rail », ce dernier étant alors appelé à intégrer GBRf. Ce qui, vu du repreneur, ne devrait pas poser de difficultés : « GBRf est une société bien gérée, avec des valeurs et des ambitions similaires à Hector Rail », selon Joakim Landholm, PDG du groupe Hector Rail. Mais le côté « paneuropéen » de l’opération a ses limites : le vendeur précise que « les activités de fret ferroviaire français du Groupe au travers d’Europorte en France ne sont pas concernées par ce projet de cession. Europorte France poursuit son développement au service d’une satisfaction toujours accrue de ses clients, avec l’objectif de devenir le premier opérateur de fret ferroviaire privé en France ».
L’acquisition de GBRf par EQT Infrastructure II était soumise à l’avis des représentants du personnel du Groupe Eurotunnel. Côté direction de GBRf, le PDG et fondateur John Smith affichait déjà sa satisfaction avant la transaction : « Nous sommes convaincus que l’approche industrielle d’EQT, ainsi que son réseau, sa grande expérience du fret ferroviaire et son accès aux capitaux apporteront un soutien précieux à GB Railfreight. » John Smith n’en est pas à un changement de propriétaire près depuis les débuts de GB Railfreight en 1999, alors comme filiale de GB Railways, un petit groupe créé suite à la privatisation. Le propriétaire suivant, en 2003, était FirstGroup. Mais ce spécialiste des transports publics et des bus s’est révélé bien plus intéressé, côté ferroviaire, par le transport de voyageurs que par le fret. D’où la revente en 2010 de GBRf à Europorte (Groupe Eurotunnel), qui n’était alors pas le seul candidat : la SNCF et le concurrent britannique Freightliner étaient également sur les rangs.
Employant aujourd’hui 650 personnes, GBRf assure plus de 1 000 trains par semaine, qui représentent environ 15 % du fret ferroviaire britannique. Avec son parc de plus de 130 locomotives et 1 100 wagons, GBRf a pour principaux clients la centrale thermique de Drax, Network Rail, EDF Energy, MSC UK, Aggregate Industries et Tarmac.
Couronné « opérateur de l’année 2015 » outre-Manche, « GBRf est une très belle réussite, qui montre qu'il est possible de créer de la valeur dans le fret ferroviaire », se félicite Jacques Gounon, PDG du Groupe Eurotunnel. Le vendeur, qui a acquis GBRf en 2010 pour 25 millions de livres Sterling (29,25 millions d’euros à l’époque), aura plus que doublé son activité, avec un chiffre d’affaires prévisionnel 2016 d’environ 125 millions de livres (145 millions d’euros), tout en accroissant fortement sa rentabilité. « Sur cette même période 2010-2016, le taux de rentabilité interne (TRI) estimé de l’investissement au moment de la cession potentielle ressort à un peu plus de 28 % », précise Eurotunnel.
Alors pourquoi vendre ? Déjà, la transaction, chiffrée à environ 180 millions d'euros selon le Groupe Eurotunnel, permet à celui-ci de réaliser une belle plus-value. Dans un communiqué annonçant la remise de la promesse d'achat, le vendeur avait indiqué que « l’apport de liquidité ouvrira de nouvelles options pour développer [son] cœur de métier que sont les infrastructures et ses activités de transport, avec notamment la réalisation du projet d’interconnexion électrique ElecLink, dont les travaux de construction rentrent aujourd’hui dans une phase active de réalisation ». Il y a aussi des raisons moins positives : l’augmentation de la taxe carbone au Royaume-Uni a entraîné un effondrement du transport de charbon en direction des centrales électriques, pour GBRf comme pour ses concurrents, alors que cette activité « dopait » le fret britannique depuis des décennies. D’autre part, on ne peut pas dire que la présence du Groupe Eurotunnel des deux côtés de la Manche, ainsi que sous cette dernière, ait été très fructueuse pour le développement du fret ferroviaire transmanche. Avec, il est vrai ces dernières années, la situation autour de Calais comme circonstances atténuantes…
P. L.
Mis à jour le 16 novembre