Pour ce qui est du nombre de visiteurs, Innotrans a encore progressé. Mais de peu, passant en deux ans de 138 872 à 144 470 visiteurs professionnels. On était habitué à des progressions plus importantes de l’ordre de 10 000 à 15 000 visiteurs en plus d’une édition à l’autre.
Pour ce qui est du matériel roulant, l’exposition berlinoise marque nettement le pas, avec 127 véhicules exposés contre 145 en 2014. Alors que certaines autres années, les constructeurs ou loueurs se seraient battus pour le moindre mètre de voie posée à cet effet au Parc des expositions de Berlin, l’absence totale de Bombardier ou de CAF et la faible présence d’Alstom sur l’espace d’exposition en plein air se faisait ressentir. Bombardier n’est pas venu les mains vides pour autant, avec l’annonce de la troisième génération du Talent, attendue d’ici deux ans. Un matériel qui comprendra une version à stockage d’énergie électrique à charge rapide pour desservir les lignes non électrifiées. Dans ce domaine précis, Alstom présentait quand même du concret : l’autorail iLint à pile à combustible, développé avec quatre Länder. A propos de véhicules électriques, Innotrans innovait cette année avec une mini-exposition de bus urbains, confirmant la volonté des organisateurs de s’imposer également dans le domaine des transports publics.
Tous les exposants ne pouvaient pas faire venir du matériel roulant. Par exemple pour des raisons d’ordre géographique. Et c’est dans les halls que les exposants chinois ont imposé leur marque, en particulier sur le stand de CRRC, d’où le visiteur sortait convaincu que « décidément, ils savent tout faire », du transport public guidé aux trains de fret ou à grande vitesse… « La Chine est un marché clé pour Bombardier », a d’ailleurs rappelé Laurent Troger, président de Bombardier Transport.
Comme la nature a horreur du vide, Siemens, Stadler et les exposants venus de l’Est ont profité des emplacements laissés vacants par Alstom Bombardier et CAF pour prendre leurs aises sur les voies ferrées. A l’occasion, les visiteurs auront pu constater que les rames automotrices pour les transports régionaux ou intercités dans la gamme de vitesses 160-200 km/h, voire 250 km/h pour le Giruno de Stadler destiné aux CFF, formaient un marché visiblement porteur dans les pays dépourvus de LGV. Et comme d’habitude, un seul « vrai » train à grande vitesse était présent : le Velaro de Siemens pour la Turquie.
Toujours sur les voies, jusqu’aux emplacements d’honneur, le fret était mieux représenté que lors des éditions précédentes, avec des wagons d’apparence classique mais aux détails innovants. Fret toujours : même Vossloh, qui souhaite officiellement vendre sa production de locomotives, présentait entre autres la « locomotive du scandale » DE 18 destinée à Akiem… et décorée en conséquence. Enfin, comme lors de toutes les éditions, le matériel pour la maintenance de voies était très présent. Peut-être plus que d’habitude selon certains, qui disent que maintenant que l’argent a été placé dans l’achat de nouveau matériel roulant, il serait peut-être temps de s’occuper des voies sur lesquelles ces matériels sont appelés à circuler…
Mais il n’y a pas que le matériel roulant. Henri Poupart-Lafarge rappelait que cette activité ne représente que 46 % du chiffre d’affaires d’Alstom : il y a aussi les services, la signalisation et les systèmes. De même, Laurent Troger évoquait côté Bombardier la digitalisation des transports, permettant de tirer un meilleur profit des équipements disponibles pour les rendre plus performants. Tout en prenant garde à protéger les systèmes informatiques des attaques… La digitalisation, c’est également l’affaire de spécialistes comme Thales, mais aussi de la SNCF et de la DB, qui ont signé à Berlin une alliance dans ce domaine.
Cette signature était du reste la seule manifestation visible de la SNCF à Innotrans cette année. Finis les stands géants et les matériels roulants acheminés par trains entiers. La France n’était pas absente pour autant, avec deux grands stands stratégiquement placés. Il semblerait même que parmi les 2 955 exposants, la France était deuxième par sa participation sur les 60 pays représentés. C’est du moins ce qu’a annoncé l’Ambassadeur de France à Berlin au premier soir de l’exposition. Pourtant, un fin observateur français de l’industrie ferroviaire a été impressionné par la multiplication des innovations et des pays exposants à Innotrans. Et conclut, par contraste, que « quand on met toutes les innovations bout à bout, il y a un gap, avec ce qu’on voit en France… »
Patrick Laval