La commande par Amtrak de 28 rames Avelia Liberty à Alstom, le 26 août, annonce-t-elle un regain d’intérêt pour les chemins de fer –en particulier à grande vitesse– aux Etats-Unis ? C’est dans le cadre d’un programme de financement de la réhabilitation et de l’amélioration des chemins de fer (Railroad Rehabilitation and Improvement Financing, RRIF) que s’inscrit le prêt de 2,45 milliards de dollars (2,19 milliards d’euros) fait à Amtrak pour le Corridor nord-est par le ministère américain des Transports (DOT) et annoncé par le vice-président américain Joe Biden le 26 août. Un programme dont le budget atteint actuellement 5,1 milliards de dollars (4,6 milliards d’euros).
Les trois quarts de la somme dévolue au Corridor nord-est (reliant Boston, New York, Philadelphie et Washington) iront à l’achat des nouvelles rames, offrant « environ 40 % de sièges en plus que les rames Acela », indique la Maison Blanche. Le reste ira au financement des travaux d’infrastructure (voie entre New Carrolton, au nord de Washington, et Baltimore, nouveaux quais dans quatre grandes gares…).
Jérôme Wallut, vice-président senior d’Alstom pour l’Amérique du Nord, résume l’enjeu pour le client : « Le Corridor nord-est est la ligne phare d’Amtrak : elle marche bien et son business model est économiquement profitable. De plus, elle a connu une hausse de trafic de 40 % en 10 ans. Amtrak veut non seulement remplacer ses 21 trains Acela existants en achetant 28 nouveaux trains, mais aussi augmenter la fréquence des dessertes, avec du matériel plus capacitaire. Ce qu’Amtrak recherche, c’est un train pour les voyageurs d’affaires, avec business class et première classe. »
En réponse, « Alstom possède un savoir-faire d’intégrateur pour répondre sur mesure aux demandes du client. Que ce dernier veuille de la grande vitesse ou de la très grande vitesse. Dans le cas d’Amtrak et du Corridor nord-est, seul un train pendulaire pouvait répondre aux exigences de vitesse commerciale. En plus, notre Avelia Liberty offre la possibilité de passer à une gamme de vitesse supérieure une fois que les travaux d’infrastructure seront terminés sur le Corridor. » Tout en faisant évoluer les standards en vigueur outre-Atlantique : « l’Avelia Liberty sera le premier train américain aux normes anticollision européennes », indique Jérôme Wallut.
Et il n’y a pas que le corridor entre Boston et Washington. « Le train pour le Corridor nord-est faisait partie à l’origine d’un appel d’offres commun avec le projet de train à grande vitesse californien, au terme duquel près de dix sociétés avaient été préqualifiées, rappelle Jérôme Wallut. Ce projet de ligne à grande vitesse a été proposé pour relier les villes de San Francisco et Los Angeles (plus de 600 km). La construction de la nouvelle ligne a débuté en 2015 et un premier tronçon devrait être ouvert d’ici 2022. Avec la présence renforcée d’Alstom dans le pays et ce contrat gagné avec Amtrak, Alstom souhaite se positionner sur ce projet. »
Ceci dit, Alstom limitera son train à grande vitesse aux lignes électrifiées, encore très minoritaires aux Etats-Unis. « Nous ne proposerons pas d’Avelia à traction thermique », déclare le vice-président senior d’Alstom pour l’Amérique du Nord, qui pense que « le passage des lignes en traction diesel à la grande vitesse se fera par une phase préalable d’électrification ». Et souligne qu’autour de San Francisco et de Toronto, « on électrifie, ce qui permet des augmentations de vitesse, une désaturation des gares, une diminution des intervalles entre trains… » Le réseau nord-américain, c’est aussi le Canada, « où l’on parle de la grande vitesse pour le corridor Toronto – Ottawa – Montréal ».
« Mais il ne faut pas oublier que la grande vitesse, ce n’est que 8 à 10 % de la production de l’industrie ferroviaire mondiale, tempère Jérome Wallut. Et les trains ont la fâcheuse habitude – si l’on peut dire, du point de vue du vendeur – de durer longtemps ! On ne peut donc pas baser toute une stratégie industrielle que sur la grande vitesse. »
C’est pourquoi les activités d’Alstom et de ses 2 200 salariés en Amérique du Nord (2 000 aux Etats-Unis et 200 au Canada) sont aussi diversifiées. « Nous sommes ainsi présents dans la signalisation, où nous sommes numéro un aux USA, tant pour les trains de voyageurs que le fret, en particulier depuis la reprise des activités de GE Signaling. Une autre activité majeure est les services : la rénovation, en particulier, est très importante aux Etats-Unis, d’autant plus que nos clients n’ont généralement pas la capacité d’effectuer les rénovations en interne. Enfin, il y a le matériel roulant et la traction, avec l’Avelia Liberty pour Amtrak, le métro pour Montréal, le Citadis Spirit pour la Confederation line à Ottawa ou le Citadis pour Miami Beach avec APS… »
Car si la grande vitesse avance lentement en Amérique du Nord et que les trains de voyageurs y vivotent sur la plupart des grandes lignes, le secteur ferroviaire n’est pas atone pour autant. Le fret y est bien vivant, les trains de banlieue se modernisent, les métros poursuivent leur développement et les tramways connaissent une renaissance depuis une bonne trentaine d’années.
Patrick LAVAL