Fondateur d’un mouvement baptisé En Marche !, homme pressé et d’une génération agile, d’abord connu du public par les cars affublés de son nom, Emmanuel Macron se devait d’avoir une grande politique de la mobilité. Du moins pouvait-on le penser. Mais, sur ce point, lors de la campagne, l’homme qui veut changer la politique en France ne s’est pas distingué de ses concurrents. On l’a dit, redit, les sujets de mobilité et de transport ont été le cadet des soucis des candidats du premier comme du second tour. En bonne compagnie, puisque les questions d’environnement ou de transition énergétique ont brillé par leur absence.
Des options ont tout de même été prises. Suffisamment clivantes pour qu’on voie s’opposer, à une Marine Le Pen soucieuse du statu quo dans le ferroviaire au moins, en phase avec les monopoles, les statuts et les frontières, un Emmanuel Macron apôtre d’une société ouverte, accusé par son adversaire de vouloir « uberiser » le pays.
Ces repères étaient assez clairs pour qu’à l’avant-veille du scrutin, précisément au nom de la mobilité, un collectif de parlementaires (de toute façon peu suspects d’attirance pour l’extrême droite) en appelle à faire barrage à Marine Le Pen. Dans un texte publié par La Tribune le 5 mai ces huit parlementaires, pour la plupart bien connus de nos lecteurs, comme Dominique Bussereau, Philippe Duron, Bertrand Pancher ou Gilles Savary, ont soutenu fermement Emmanuel Macron, en invoquant des valeurs d’ouverture et de mobilité.
Si l’on en vient à ce que proposait plus précisément celui qui vient d’être élu président de la République, c’est au nom de la mobilité et non des transports qu’il avait choisi de se positionner. « Les transports répondent à un besoin de mobilité », rappelait l’un de ses soutiens et conseillers. Ce qui montrait, au-delà d’une apparence de truisme, le refus de se référer d’abord à une politique d’infrastructures.
Sans surprise, le credo du président s’inscrit dans le droit fil d’un programme empruntant ses idéaux autant à la droite qu’à la gauche. Libéralisme d’un côté, avec notamment un souhait d’ouvrir au plus vite les trains régionaux à la concurrence, « dans le respect des directives européennes, en créant le cadre social qui le permet » ; mobilité inclusive de l’autre.
S’agissant de la concurrence dans le TER, le nouveau président (ou son entourage) juge inutile d’en passer par une loi d’expérimentation pour la concurrence dans les TER. « Ce serait une loi de faux-cul puisqu’il n’y aura pas de retour en arrière », s’est écrié Arnaud Leroy, député du groupe socialiste, écologiste et républicain, soutien d’Emmanuel Macron, venu s’exprimer au Grand Débat Transport de TDIE le 22 mars. Même s’il reconnaissait qu’il fallait l’organiser sans précipitation, ne serait-ce que pour organiser « le transfert des personnels sous-statut ». Conclusion : « Allons-y à un rythme de sénateur »… Cela tombe bien puisque c’est de deux sénateurs, Hervé Maurey et Louis Nègre, qu’on attend, à la rentrée, un projet de loi sur le sujet.
Les partisans de Macron ont aussi prôné lors de la campagne une mobilité sociale « en tant que lutte contre l’assignation à résidence ». Bien dans le prolongement de sa réforme sur les cars longue distance. Une ouverture, qui a permis de transporter « un million de personnes qui n’auraient pas eu accès au voyage sinon », rappelle-t-on à l’envi.
Trois axes principaux ont structuré le discours sur la politique des transports : les investissements, les usages et services, la transition écologique. Sur 50 milliards d’investissements promis tous azimuts, on en consacrerait cinq aux infrastructures de transport, « en plus du fil de l’eau ». Mais un investissement se focalisant davantage sur la rénovation que sur les grands projets, deux tiers des sommes allant à la route, un tiers au ferroviaire. Sans oublier les nœuds et l’intermodalité : gares routières et parcs-relais devront gagner en efficacité. Quant aux grands projets, rendons le pouvoir au parlement, a clamé l’équipe d’EM !. Dès le début du quinquennat, le vote d’une loi d’orientation pluriannuelle – sur cinq ans – et financée doit être à l’ordre du jour. La loi sera faite « sur la base des préconisations de la commission Mobilité 21, permettant de budgétiser et d’établir un calendrier », a précisé Arnaud Leroy.
Principe de choix pour les projets : le bon investissement, au bon endroit, au bon moment. Exemple donné par Emmanuel Macron sur RTL, Toulouse – Paris, déjà desservi par une navette Air France : « Est-ce que ma priorité en termes d’infrastructures de transport est de redéployer énormément d’argent pour venir par le train là où il existe quelque chose par l’avion ? Je ne veux pas le trancher aujourd’hui pour ne pas faire d’électoralisme. » En fait, s’il s’est gardé de faire des promesses sur le sujet de la LGV Bordeaux – oulouse, Emmanuel Macron a pris soin de ne pas fermer la porte non plus. Restera à ne pas alourdir la dette ferroviaire… Arnaud Leroy l’a annoncé pour TDIE, Emmanuel Macron élu reprendra la dette historique de SNCF Réseau, « parce que c’est une dette d’Etat, pas une dette d’entreprise ». Reste à voir maintenant ce qui sera réellement repris et à quel rythme. La reprise de la dette, on connaît la chanson, Et on peut faire confiance aux services de Bercy pour se rappeler au bon souvenir de l’ancien ministre de l’Economie.
Côté usages, l’un des axes forts d’Emmanuel Macron, c’est de réduire la dépendance à la possession d’une voiture personnelle. Il compte s’appuyer sur les services numériques et partagés. « 60 % de la population n’aura jamais de transports en commun, il faut accroître le taux d’occupation des véhicules, donc développer le covoiturage qui présente des réserves de capacités monumentales en zone rurale », assure l’un de ses conseillers. Avantage : l’offre est compatible avec les petits budgets car EM ! relève que les transports représentent 24 % du budget des ménages sous le revenu médian et que 28 % des Français disent avoir refusé une offre d’emploi parce qu’ils ne disposaient pas du moyen de transport pour s’y rendre. Mesures proposées : « voies dédiées aux bus, VTC et covoitureurs sur les autoroutes urbaines, modulation des péages en fonction du nombre d’occupants du véhicule… »
Concernant la transition énergétique enfin, un verdissement du parc est promis… à petite vitesse. Il s’agira de commencer par une convergence « à moyen terme » des fiscalités du gazole et de l’essence. Aux détenteurs de modèles antérieurs à 2001, une aide de 1 000 euros à l’achat d’un véhicule moins polluant neuf ou d’occasion est annoncée. Le candidat évaluait l’enveloppe nécessaire à trois milliards d’euros, envisageait qu’il n’y ait plus une seule vente de moteurs thermiques en 2040. 250 millions d’euros seront consacrés à créer un réseau de bornes de recharge électrique rapide. « Il faut qu’on négocie avec l’UE, prévient aussi Arnaud Leroy. Qu’on pousse le véhicule 2 l, qu’on se donne les moyens de vérifier les cycles d’émissions, car c’est la question de la crédibilité de la parole publique qui est en jeu. » Eh oui !
F. D. et C. N.