On aurait pu croire que le projet Wizway Solutions faisait du sur-place. Depuis l’annonce en grande pompe le 3 décembre 2015, du lancement de la joint-venture – Orange, Gemalto, RATP et SNCF – destinée à promouvoir auprès des opérateurs et des autorités organisatrices. un titre de transport sur mobile NFC, permettant le voyage « de porte à porte sans couture », c’était silence radio. Pour autant, les choses ont beaucoup avancé. Aussi bien sur les aspects techniques que commerciaux.
Un an après la création formelle de la société Wizway Solutions (WS), en mars 2016, la plateforme est opérationnelle et les premiers contrats signés. « Nous avons consacré 2016 à développer notre plateforme de production, actuellement en phase test et qui sera totalement finalisée dans les prochains jours », explique Louis Brosse, le PDG de Wizway Solutions. Du côté des contrats, les clients souhaitant garder la primeur de l’annonce – probablement lors du congrès européen des ITS à Strasbourg en juin –, le patron devra taire les noms, même s’ils lui brûlent la langue !
Toujours est-il qu’une grande métropole s’apprête à lancer ce service innovant de validation via le smartphone auprès d’une centaine de personnes avant le lancement commercial à grande échelle en septembre. Et avant la fin de l’année, de nombreuses agglomérations devraient l’utiliser, Wizway ayant aussi signé un contrat-cadre incluant une importante zone géographique. « Nous avons perçu beaucoup d’interrogations de la part du marché sur le thème “est-ce que c’est encore la bonne technologie ?“ », poursuit-il.
Aucun doute pour le promoteur du système. De l’effet de volume naîtra son influence, son coût réduit, son intérêt pour la fameuse « expérience client ». « Nous avons beaucoup de partenaires en Europe qui prévoient des usages massifs dans les grandes métropoles », assure Louis Brosse, qui a noué des contacts en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Allemagne… Le NFC prend tout son intérêt s’il devient un titre de transport européen, un touriste ayant besoin d’un ticket occasionnel n’ayant plus à se préoccuper de son achat, autrement qu’en actionnant son mobile…
L’Ile-de-France sera également prochainement concernée, Valérie Pécresse ayant depuis plusieurs mois déjà annoncé l’avènement du « smart Navigo » entre 2018 et 2020, ainsi que la fin du ticket carton pour 2021. Les actuels valideurs sont en effet parfaitement compatibles – puisque le principe était d’utiliser la même norme que les cartes de télébillettique répandues sur au moins 120 territoires de l’hexagone, qu’il s’agisse du Navigo, de la carte Korrigo, Pass Pass, OùRA etc.
L’avantage de Wizway ? La mise en œuvre est extrêmement simplifiée et les délais raccourcis. La solution étant sur étagère, « il suffit de trois mois pour l’utiliser », assure le PDG. Il s’agit en réalité d’implémenter une nouvelle brique technique au sein de sa propre application voyageurs et le tour est joué. Pour l’utilisateur, il faudra juste faire l’équivalent d’une mise à jour de l’appli. « On masque toute la complexité du mobile, et l’idée est de se rendre invisible pour l’utilisateur, poursuit-il. Le contraire signifierait qu’on est trop lent, que ça fonctionne mal ! »
Le smartphone équipé du NFC – ce qui est le cas de 60 % des mobiles en France, exception faite à ce jour du parc Apple dans la poche d’un utilisateur sur cinq – ou même la montre connectée devient le passe de transport. Et ce pour peu qu’on soit abonné Orange, SFR ou Bouygues, soit 83 % du marché. La vitesse de validation est identique : de l’ordre de 200 à 300 millisecondes et la fiabilité visée de 99,9 %, « mais on est au-delà », affirme Louis Brosse.
A la clé, toutes les subtilités marketing possibles : pay as you go, post-paiement via un identifiant sécurisé, abonnement et jusqu’au concept qu’on dit d’avenir de « mobility as a service », le service tout-compris ! L’écran du mobile permettant de suivre sa consommation en temps réel et de s’assurer qu’on est en règle est un atout rassurant pour le client, les études montrant que la dématérialisation totale peut être un facteur de stress pour certains utilisateurs. Quant à l’hypothèse du vol, elle a été contrée : « on peut brûler les droits au transport et les reconstituer sur un nouveau téléphone ».
Côté tarif enfin, pour l’opérateur ou l’AO, rien de prohibitif selon le PDG de WS. « Aujourd’hui, les coûts sont maîtrisés, ils sont analogues à d’autres solutions de ticketing qui présentent une moins bonne expérience client », assure-t-il. Voire moins chers, contrairement aux apparences. Le code-barres ou le bluetooth par exemple présentés comme des solutions low cost réclament notamment des adaptations des systèmes de validations qui ne sont pas gratuites.
Dès le 18 avril, Wizway devrait être connecté aux systèmes des opérateurs de téléphonie mobile. Ne manqueront à l’appel que Free et les opérateurs virtuels. Sans oublier un accord à trouver avec la marque à la pomme, qui a, comme à son habitude, mis sur pied un système propriétaire indépendant de la carte SIM de l’iPhone, les systèmes étant toutefois compatibles. Des raisons d’espérer ? Il y a tout d’abord « Orange Cash qui a signé un accord avec Apple. Mais aussi l’exploitant JR East à Tokyo qui depuis septembre dernier a mis sa carte dans l’iPhone, et c’est un immense succès ». Deux brèches dans un système Apple jusqu’alors fermé…
Il est encore trop tôt pour parler de déploiement massif, mais le couteau suisse de la mobilité arrive… En tout cas le titre promet d’être universel. Et pour ce faire, même pas besoin de se préoccuper d’interopérabilité, précise Louis Brosse, « puisqu’on met chaque type de titre côte à côte et que chaque lecteur lit son propre système ». Le PDG qui espère voir cet usage se développer à grande vitesse, raconte en tout cas qu’en tant que bêta testeur dans le métro parisien, il se fait déjà remarquer. « c’est quoi ce tour de magie ? », lui demande-t-on régulièrement.
cecile.nangeroni@laviedurail.com