Alors que Patrick Jeantet, le PDG de SNCF Réseau, se félicitait en fin d’année dernière de l’adoption par son conseil d’administration du projet de contrat de performance avec l’Etat, l’Arafer (l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières) en a pointé class= »Texte-courant–VR-T-« >
toutes les limites dans un avis très critique rendu le 29 mars.
Ce projet de contrat de performance, qui lie l'Etat et SNCF Réseau pour dix ans, était attendu depuis la réforme du système ferroviaire en août 2014. Mais il « a donné lieu à une consultation purement formelle et de dernière minute, qui, selon toute vraisemblance, n’aura pas de suite », estime Bernard Roman, le président de l’Arafer.
Si le gendarme du ferroviaire se félicite de la confirmation de la priorité à la maintenance du réseau (près de 34 milliards d’euros pendant dix ans), il critique une totale absence de vision stratégique de l’Etat. Ainsi, rien n’est précisé en matière de dimensionnement du réseau, tout particulièrement sur la liste des lignes du réseau à conserver. « L’Etat rejette ainsi implicitement sur les régions ou les acteurs locaux la responsabilité des petites lignes », souligne Bernard Roman.
De même, rien n’est dit en matière de développement du réseau, le document se contentant d’indiquer l’objectif « d’une poursuite raisonnée des projets de développement ». L’Arafer invite donc l’Etat à clarifier ses priorités de développement.
Le régulateur pointe aussi les imprécisions d’autres indicateurs contractuels « pourtant cruciaux » portant sur la productivité de l’entretien, la qualité de service des circulations fret et voyageurs ainsi que sur la qualité de l’infrastructure par axe. L’Arafer regrette que ce travail n’ait pas été fait en concertation avec les autres acteurs du secteur ferroviaire comme elle-même l’a fait pour motiver son avis.
Les mêmes imprécisions touchent les gains de productivité sur lesquels s’engagent SNCF Réseau (+1,4 % par an, soit moins que l’objectif de +1,5 % sur lequel SNCF s’engageait lorsqu’elle intervenait en 2012 en tant que gestionnaire d’infrastructure déléguée auprès de l’ex-RFF), sans expliquer comment. L’Arafer fait part de « ses réserves sur cet objectif au regard de la dérive structurelle des dépenses proche de 2,5 % par an ».
La soudaine accélération des gains de productivité au-delà de 2020 reste aussi inexpliquée. « La crédibilité des chiffres est posée », souligne l’Arafer. Le projet de contrat ne prévoit d’ailleurs aucune mesure incitant à tenir les engagements.
Enfin, le document prévoit une augmentation annuelle des péages de l’ordre de 2,8 % par an entre 2018 et 2026, et même de 3,6 % par an en fin de période dans le cadre d’une application « forfaitaire ». Rien ne justifie que les péages soit déconnectés du contexte économique général, estime l’Arafer qui pointe les montants de péages augmentant à un rythme bien supérieur à l’inflation. Alors que la SNCF se plaint déjà du prix très élevé des péages qui met à mal son modèle économique, ces hausses pourraient aussi dissuader des opérateurs ferroviaires concurrents de se présenter sur le marché français de l'open access.
Autre mauvaise nouvelle, l’Etat confirme dans ce document la fin de son soutien au fret ferroviaire en supprimant progressivement la compensation fret. Le rattrapage des tarifs conduira à une hausse de 6,7 % par an en moyenne et les conséquences sur le trafic de fret ne sont pas chiffrées.
Enfin, malgré ces hausses de péages dissuasives, l’Etat et SNCF Réseau s’attendent à une hausse du trafic et donc des recettes. Or qui dit hausse des tarifs, dit plutôt baisse de la demande, estime Bernard Roman. « Les recettes de péages apparaissent surestimées », en déduit-il.
Quant à l’effort budgétaire de l’Etat en faveur du réseau ferré, il paraît très optimiste : en hausse de 50 %, il passerait de deux milliards d’euros aujourd’hui à trois milliards en 2026. « Trop beau pour être vrai ? », s’interroge Bernard Roman, alors que la question du devenir de la dette reste posée : il est prévu qu’elle s’élève à plus de 63 milliards d’euros dans dix ans.
Conclusion de l’Arafer : la trajectoire financière envisagée pour SNCF Réseau « n’est tout simplement pas réaliste ». Cet avis transmis au gouvernement ainsi qu’au Parlement, a aussitôt fait réagir Hervé Maurey, (UDI Eure) le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui a demandé au gouvernement « de revoir sa copie ". Ces avis n'étant que consultatifs, le contrat de performance devrait tout de même être adopté par le conseil d'administration de SNCF Réseau du 18 avril. Et sans doute dans la foulée par l'Etat.
Ce n'est peut-être pas un hasard, le décret d'application de la règle d’or vient juste d'être publié, le 31 mars. Votée par le Parlement, cette règle vise à interdire à SNCF Réseau d'investir au-delà d'un certain ratio, dans des projets de lignes nouvelles aggravant son endettement. Le ratio d'endettement est fixé à 18, ce qui doit permettre à SNCF Réseau de recouvrer une capacité d'auto-financement dans une dizaine d'années, explique-t-on du côté du secrétariat des Transports.
M.-H. P.