Opération déminage pour Valérie Pécresse, en guerre depuis septembre contre la piétonnisation des voies sur berge rive droite à Paris instaurée d’autorité par la municipalité et toujours en phase
expérimentale. La présidente (LR) de la région Ile-de-France a présenté le 14 mars deux scénarios alternatifs, qui seront proposés aux différentes parties prenantes – préfecture de police, Ville de Paris, Métropole du Grand Paris. Ils sont assortis de douze mesures d’accompagnement. Elle a assuré vouloir ainsi « sortir du blocage entre Paris et la banlieue ».
Toutefois ses deux scénarios, issus des bureaux de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme (IAU) d’Ile-de-France envisagent un retour « soft » et momentané des voitures sur les quais bas de la Seine. Parmi les douze mesures, dont cinq concernent directement les transports en commun ou l’intermodalité, figure tout de même la réouverture d’une voie apaisée sur les quais bas. Une mesure facile à mettre en œuvre étant donné que la file en question a été préservée sur demande de la préfecture de police pour les secours en cas de situation grave. Apaisée… selon le scénario 1 (dit « apaisement général »), à 30 km/h. Mais pas vraiment selon le scénario 2 ( « cohabitation douce ») qui, à 50 km/h, redonnerait à la voie Georges-Pompidou une fonction de voie de transit puisque les véhicules n’auraient plus de bretelle de sortie vers les quais hauts. Ce dont la municipalité parisienne ne veut absolument pas entendre parler…
Apparemment bien disposée, la Mairie de Paris se focalise sur le positif : la présidente de région parle enfin de « piétonnisation ». « Pour l’essentiel, Valérie Pécresse rejoint désormais la position de la Ville », s’est félicité Christophe Najdovski, maire adjoint (EELV) chargé des Déplacements à Paris lors d’une conférence de presse improvisée sur les bords du fleuve quelques heures après celle de Valérie Pécresse. L’édile parisien relève son engagement en faveur « de la création d’un BHNS électrique sur les quais hauts, de navettes fluviales et de parcs-relais aux portes de la capitale, trois points très importants à nos yeux ».
Une opération de communication bien menée de part et d’autre. Pourtant Valérie Pécresse n’a pas tout à fait changé d’avis. A la mi-janvier, en présentant les résultats du troisième rapport d’étape de l’évaluation de la fermeture de la voie Georges-Pompidou aux véhicules motorisés, elle proposait trois scénarios. Le dernier, qui prévoyait de remettre deux files de voitures sur cet axe de 3,3 km qui en aspirait auparavant 45 000 chaque jour, est certes enterré. Mais la présidente de région affirme toujours qu’il y a eu une mesure de piétonnisation trop brutale et imposée unilatéralement. Et qui a engendré une hausse démesurée des temps de parcours des automobilistes dans la capitale. Comme l’a précisé Chantal Jouanno, la vice-présidente chargée de l’Ecologie et du Développement durable, « on est juste sur une énième, peut-être ultime tentative de concertation… »
La région a imaginé « 12 propositions pour sortir de la crispation », a précisé la présidente. A la clé, une promesse d’engagement de 50 millions d’euros d’investissements divers (voir ci-dessous). Ce sont également des mesures destinées à attendre le phénomène d’évaporation de la circulation – soit « entre 10 et 20 % du trafic qui disparaît au bout de six mois à un an », précise le maire adjoint de Paris – qu’on a noté dans d’autres villes européennes, et qui selon Valérie Pécresse, « n’arrivera pas à court terme ». Pour l’heure, les reports de circulation se situent toujours principalement sur les quais hauts et le boulevard Saint-Germain. D’après les dernières mesures effectuées par le comité d’évaluation régional, les temps de parcours en janvier 2017 par rapport à ceux de janvier 2016 sont supérieurs de 30 à 73 % selon les axes et les heures.
« On est dans une phase où les reports sur les quais hauts sont en diminution », souligne pour sa part Christophe Najdovski. Qui réaffirme aussi la détermination de la Mairie : « On est sur un parc urbain et on ne reviendra pas en arrière. On ne remettra pas de la circulation de transit en cœur de ville ! Ne regardons pas dans le rétroviseur et travaillons ensemble à la manière dont nous pouvons avancer sur le projet de réaménagement des quais hauts. »
Plus problématique, tout de même la forte hausse du bruit (et la région envisage d’ailleurs des protections phoniques) en particulier la nuit, avec trois portions des quais où le niveau des décibels a plus que doublé. Ainsi que celle supposée de la pollution, tout du moins localement. Un impact dont on n’a, à l’heure actuelle, aucune preuve tangible. Valérie Pécresse demande d’ailleurs au préfet de prolonger de trois mois la période expérimentale, soit jusqu’à Paris-Plages, afin d’établir un « bilan crédible », sachant que les pics de pollution surviennent précisément en nombre au printemps. « Nous sommes encore en train d’analyser les résultats de toutes nos mesures et de les croiser avec les informations de trafic », assure Karine Léger, ingénieur et directrice adjointe d’Airparif, l’organisme francilien de surveillance de la qualité de l’air, qui a mis en place des moyens ad hoc avec 80 points de mesures et deux campagnes spécifiques. C’est à la fin du mois que les résultats devraient être communiqués aux différents comités de suivi et d’évaluations et rendus publics dans la foulée…
cecile.nangeroni@laviedurail.com
Les 12 mesures de la présidente du Stif
Ces projets visent à améliorer la desserte en transports collectifs et fluidifier la circulation. Certaines consistent en un rappel de mesures votées.
– Mesure phare : la création d’un BHNS sur les quais haut entre la porte de Saint-Cloud et la Gare de Lyon, une sorte de ligne 72 (le bus actuel) améliorée pour un montant de 30 millions d’euros. C’est aussi ce que la Mairie de Paris souhaite pour la fin 2018, même si le tracé diffère légèrement, cette dernière envisageant déjà sa transformation éventuelle en tramway à l’horizon des JO de 2024 si sa candidature était retenue. Valérie Pécresse parle de bus à grande capacité et électriques, même si dans un premier temps, il sera impossible de remiser les 30 bus nécessaires à la ligne et qu’il faudrait se résoudre à n’avoir que quatre véhicules électriques.
– Un renfort d’offre sur la ligne 1 du métro (La Défense – Château-de-Vincennes) pour un million d’euros.
– La création de 1 000 places de parking supplémentaires aux portes de Paris, par l’optimisation des parcs-relais existants et la construction de trois nouveaux parcs aux portes de Bercy, Maillot et d’Auteuil. Tous accessibles moyennant « une faible participation supplémentaire au prix du Navigo ».
– De nouvelles navettes fluviales. Une étude exploratoire est en cours, sous l’égide de la métropole du Grand Paris et « dont les premiers résultats seront dévoilés à la rentrée 2017 ».
– Réouverture d’une voie de circulation apaisée sur les berges de Seine de façon à « éloigner le trafic des habitations » et « aller progressivement vers la piétonnisation ». La circulation pourrait être ouverte selon des modulations saisonnières et même horaires.
– Création de six carrefours intelligents afin d’accélérer le passage des bus.
– Optimisation de la circulation des véhicules de propreté et de livraisons.
– Installer des protections phoniques sur les façades d’immeubles des quais hauts ainsi qu’un revêtement de chaussée absorbant (trois millions d’euros).
– Le plan régional pour la qualité de l’air voté en juin 2016 qui prévoit notamment la fin des bus au diesel en 2025 (conformément à la loi sur la transition énergétique).
– La restructuration du réseau de bus francilien via le plan « Grand Paris des bus » en cours.
– Le plan antibouchon sur les routes d’Ile-de-France voté ce mois-ci par la région et prévoyant notamment l’utilisation de la bande d’arrêt d’urgence pour créer des voies dédiées aux bus et au covoiturage.
– Le plan régional vélo qui doit être présenté en mai prochain. Et proposera notamment « une offre nouvelle en gare de vélos à assistance électrique en location longue durée ».
C. N.