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Ewa

Comment harmoniser le transport ferroviaire avec de multiples acteurs ?

gpr conf 2022

Qui dit ouverture à la concurrence, dit multiplication des acteurs. Comment faire en sorte que les voyageurs effectuent un trajet « sans couture », sans se poser de questions sur le transporteur aux commandes ? C’est ce thème qui a été abordé lors de la table ronde organisée le 12 mai en amont de la cérémonie de la remise des Grands Prix des Régions.

Alors que l’ouverture à la concurrence des TER se prépare de plus en plus activement, les associations d’usagers s’inquiètent d’un risque de « morcellement ferroviaire ». Elles redoutent la mise en place de tarifications très différentes d’une région à l’autre, de correspondances pas toujours adaptées ou de la multiplication d’applications locales.

L’arrivée de nouveaux opérateurs va conduire à de nombreuses transformations, reconnaît Jean-Aimé Mougenot, le directeur TER délégué de SNCF Voyageurs. Pour assurer une qualité de service élevée aux voyageurs, il juge essentiel d’innover. « Il ne faut pas continuer à travailler comme avant, mais faire en sorte que les Régions puissent développer et adapter leur offre afin de répondre à des besoins qui évoluent », conseille-t-il. Certaines Régions ont commencé à le faire. Pour prendre en compte les changements de comportements suscités par la crise sanitaire, l’Occitanie propose par exemple des abonnements financièrement intéressants pour ceux qui télétravaillent trois jours par semaine. La Région a aussi lancé un dispositif de post-paiement à destination des moins de 26 ans les incitant à prendre le train, avec un système de tarification dégressif. Jean-Aimé Mougenot plaide pour la personnalisation du service, clé selon lui de la réussite du transport de demain. Pour répondre à cette attente, les régions Normandie et Grand Est développent un outil permettant de renseigner par SMS les voyageurs du TER, avant, pendant et après leurs voyages.

 » LA PERSONNALISATION DU SERVICE EST LA CLÉ DE LA RÉUSSITE DU TRANSPORT DE DEMAIN  » Jean-Aimé Mougenot

De son côté, SNCF Voyageurs a conçu une plateforme proposant un service de transport à la demande en partenariat avec des chauffeurs payés à la prestation. L’objectif est d’offrir une solution aux habitants des zones peu denses. L’outil est expérimenté par les Pays de la Loire.

Transdev, qui a remporté un des deux lots de TER mis en concurrence par la région Sud sur l’axe Marseille – Toulon – Nice (la SNCF a remporté le lot Etoile de Nice) prépare la transition à venir avec la SNCF et la Région. Claude Steinmetz, le directeur ferroviaire de Transdev, rappelle que l’objectif est d’offrir plus de qualité, de fluidité et une totale transparence à l’usager. Il insiste sur la nécessité de réussir le transfert des 163 cheminots qui seront affectés au service ferroviaire qu’assurera à partir de 2025 Transdev. Une préoccupation sociale partagée par la SNCF, qui devra également réaliser le transfert de 600 salariés pour exploiter, à partir de 2024, l’Etoile de Nice, via sa filière SNCF Sud Azur.

A la recherche de standards pour créer de la valeur

Pas concerné pour le moment par la reprise d’une ligne ferroviaire, Didier Cazelles le directeur général adjoint de Keolis France, sait déjà, en tant qu’exploitant routier de lignes régulières, à quel point une billettique harmonisée est importante. « Nous sommes multiopérateurs et dans certaines régions il y a un système d’incitation lié aux recettes. Mais pour le client c’est transparent : il n’y a qu’une marque et une billettique commune. Le fait qu’il y ait plusieurs opérateurs reste invisible pour l’usager », explique-t-il. « Dans une logique de Délégation de Service Public avec une responsabilité d’opération de marketing de conquête et d’innovation, nous faisons des pilotes d’Open paiement sur carte bancaire ou Smartphone que les Régions peuvent ensuite élargir avec l’ensemble des opérateurs », poursuit-il. Harmoniser la billettique est une nécessité, souligne Didier Cazelles qui invite les opérateurs travaillant sur un même réseau à réaliser un travail de coordination pour y parvenir. L’objectif commun, rappelle-t-il, est de reconquérir les 10 % de clients qui ne sont toujours pas revenus à bord du transport public du fait de la crise sanitaire.

Pour y parvenir, il faut, poursuit-il, faciliter le parcours client, mettre au point des standards de service plus exigeants et personnaliser davantage les voyages. La gestion des données le rend possible. A la Région de l’organiser.

 » L’OBJECTIF EST D’OFFRIR PLUS DE QUALITÉ, DE FLUIDITÉ ET UNE TOTALE TRANSPARENCE À L’USAGER  » Claude Steinmetz

Observant l’ouverture à la concurrence des TER en France, Didier Cazelles voit émerger des modèles différents : « Une région a choisi un modèle d’exploitation en infra, une autre attribue le matériel et confie l’exploitation, la régénération des voies et des gares et une troisième a préféré retenir une logique mixte. »

Pour dégager de la valeur, il préconise de faire émerger un modèle industriel standard. Acheter un matériel en plus grande quantité permettrait aux Régions, comme aux opérateurs, de gagner sur les prix d’achat. Une préconisation qui semble être entendue dans les appels d’offres routiers, où les exigences de standard de service se renforcent. « Le métier se transforme. On passe de l’artisanat à des process. Ce qui ne nous empêche pas de jouer un rôle de conseil, ni de partager des innovations », rapporte le directeur de Keolis.

Pour Jean-Aimé Mougenot la standardisation est aussi amorcée dans le ferroviaire avec le marché Régiolis, une rame automotrice construite par Alstom déclinable en plusieurs versions que les autorités organisatrices peuvent personnaliser. « C’est un marché de trois milliards qui va concerner des centaines de matériel encore en cours de livraison », détaille-t-il, avant d’ajouter que l’on peut aussi espérer faire des économies en travaillant sur des innovations plus frugales, avec du matériel ferroviaire hyper léger et moins cher, pour raccorder le fer aux transports en commun sur des lignes à faible densité.

Harmoniser en prenant en compte les spécificités de chaque région

Michel Neugnot, le vice-président chargé des mobilités en Bourgogne-Franche-Comté, estime en revanche que vouloir avoir un système unique dans le cadre de l’ouverture à la concurrence serait une erreur, car chaque Région a sa spécificité, son histoire, son réseau. A ceux qui s’inquiètent de l’arrivée de nouveaux opérateurs, il rappelle qu’il y a déjà une multiplicité de trains : TER, TGV, TET et du service librement organisé. Le tout étant organisé par SNCF Réseau, sans que cela ne pose de problème. C’est SNCF Réseau qui autorise la circulation sur les sillons, intervient en cas de problème et gère la reprise du trafic selon les spécificités liées au monde ferroviaire.

L’harmonisation des correspondances ne lui semble pas non plus problématique. Selon l’élu, le système fonctionne déjà entre différentes catégories de trains et avec les cars routiers. En revanche, Michel Neugnot estime qu’il faudra un jour changer les distributeurs de billets régionaux permettant l’achat de titres de transport sans réservation, qui datent de 1994 et qui n’ont pas été conçus pour prendre en compte une tarification complexe. Dans sa région, l’élu compte y pallier notamment grâce à l’achat des billets via des téléphones ou des tablettes.

 » LE MÉTIER SE TRANSFORME. ON PASSE DE L’ARTISANAT À DES PROCESS. CE QUI NE NOUS EMPÊCHE PAS DE JOUER UN RÔLE DE CONSEIL, NI DE PARTAGER DES INNOVATIONS «  Didier Cazelles

La Bourgogne-Franche-Comté a prévu d’ouvrir la totalité de son réseau à la concurrence à partir de janvier 2026. « La loi de décentralisation de 2002, qui a transféré la responsabilité des TER aux Régions, a permis de réaliser des avancées dans la gestion des trains par rapport à la situation antérieure. Cette nouvelle étape doit permettre d’améliorer encore les transports publics, en ayant cette fois une démarche qui soit multimodale. » La LOM a donné aux Régions les compétences pour l’ensemble des mobilités et la Région va se saisir de cette possibilité pour travailler en coordination avec les AO urbaines afin d’augmenter la part des transports publics et donc lutter contre le réchauffement climatique.

Pour identifier ce que chaque entreprise, y compris la SNCF, peut lui apporter, afin de proposer de nouvelles offres dès le 1er trimestre 2023, la région Bourgogne-Franche-Comté recourt au sourcing. Elle travaille aussi à l’élaboration d’un MaaS intégrant l’ensemble des acteurs. « Nous voulons proposer une offre de transport multimodale, prenant en compte le dernier km, avec un système de billettique indépendant, qui mélangera toutes les solutions, y compris le car, le covoiturage et l’autopartage et permettra de délivrer un seul et même ticket regroupant le paquet de titres de transport nécessaires au voyage de son utilisateur. Un billet payable en une seule fois, pour que les choses soient simples », détaille Michel Neugnot qui prévoit également de mettre en place des kiosques dans les gares, où seront proposé des services de type de conciergerie, blanchisserie, ventes en circuit court, livraisons de courses…

Vers une multiplication des systèmes de billettique

La région Bourgogne-Franche-Comté veut prendre en charge la billettique. « On y travaille depuis trois ans. Ce n’est pas un long fleuve tranquille, mais on va arriver à quelque chose de correct avant 1er janvier 2026 », assure Michel Neugnot qui annonce que dans sa région, on pourra prendre son billet sur Mobigo, ou via un numéro Allo billet pour les personnes n’ayant pas accès à la plateforme. Il justifie : « Il faut que chaque Région avance sur ce sujet, car si on attend le grand outil que la Fnaut réclame, il faudra patienter jusqu’à la fin du siècle. »

De son côté, Claude Steinmetz prévient : « La pire des choses serait que chaque opérateur gère sa billettique. Ce serait une régression inutile. Ce n’est pas la démarche des nouveaux entrants. On a besoin d’une SNCF forte sur ce thème et de concertation, y compris entre régions, pour parvenir à faire en sorte que l’ouverture à la concurrence soit quelque chose de simple, de positif, qui fonctionne bien, à l’instar de ce qui se fait en Suisse ou en Allemagne. »

Michel Neugnot souhaite plus d’interconnexions entre le système billettique de sa région et l’agence de voyages de la SNCF, SNCF Connect, afin que les voyageurs qui souhaitent franchir les frontières régionales, puissent le faire de façon simple, tant pour l’information que pour la réservation. Jean-Aimé Mougenot explique : « Nous travaillons déjà comme une agence de voyages. Sur le site SNCF Connect on pourra trouver un billet combinant trains, cars et TAD. Avec la profusion de possibilités de voyages, quelqu’un qui prendra un billet à un guichet en gare trouvera la continuité de son parcours au-delà du train », assure-t-il avant d’ajouter : « La somme des possibilités de voyages doit permettre de les faciliter. Et pour cela, il faut que les différents sites soient interconnectés et puissent progressivement proposer l’ensemble des prestations de chaque Région. Notre travail est de servir à tout le monde un système d’information et d’achat simplifiant les choses. Ce qui va nous demander de passer d’un système monolithe à un système modulaire. »

 » GARES & CONNEXIONS TRAVAILLE À LA MISE EN PLACE DE STANDARDS DE SIGNALÉTIQUE, D’ANNONCES, DE RITUELS D’AFFICHAGES DES TRAINS 20 MINUTES À L’AVANCE, AFIN D’APPORTER UN MÊME NIVEAU DE SERVICE À TOUTES LES GARES EN FONCTION DE LEUR TYPOLOGIE «  Eliane Barbosa

Pour le directeur TER délégué, il n’y aura pas de compétition entre SNCF Connect et les sites de MaaS que les Régions mettent en place, car l’enjeu n’est pas de se faire concurrence. Le but est de parvenir à réussir l’objectif du patron de la SNCF en doublant la part du ferroviaire en 2030. Pour faciliter les échanges d’information et l’interconnexion des sites, SNCF Voyageurs est en train d’élaborer une prise TER. « Une passerelle, une boîte logicielle sur laquelle les AO pourront se brancher sur le système d’information centrale SNCF Connect, afin de faciliter les échanges d’informations », résume Jean-Aimé Mougenot qui relativise la difficulté : « On retrouve la même problématique entre les transports régionaux et le national qu’entre les AO urbaines et le transport régional. » Il prévoit qu’à l’avenir ceux qui se déplaceront dans leur région auront le réflexe d’utiliser le MaaS local, tandis que les voyageurs venant de l’extérieur se tourneront vers SNCF Connect.

Dans la Région Sud, Transdev et la SNCF avancent sur la billettique. « SNCF assurera la distribution, mais on n’a pas encore parlé de la gestion des situations perturbées, de la modification des billets, de l’annulation, de l’ajout d’options », précise Claude Steinmetz qui prévoit de traiter tous ces thèmes avant l’ouverture à la concurrence. « On a jusqu’à juin 2025 pour trouver des solutions, ce qui compte tenu de la complexité du dossier nous laisse juste le temps, mais nous sommes sereins », affirme-t-il.

Des gares en voie de standardisation

Gares & Connexions n’est pas concernée par l’ouverture à la concurrence des TER, mais sa directrice des Opérations et des territoires, Eliane Barbosa, compte profiter de cette étape pour redynamiser les 3 000 gares qui ont été confiées à la filiale de SNCF Réseau. Il s’agit d’en faire des hubs d’échanges multimodaux et de proposer de nouveaux services aux voyageurs, de manière à les inciter à prendre davantage le train. C’est tout l’objet du programme Place de la gare.

Gares & Connexions, qui est depuis 2018 le gestionnaire unique des gares, doit en effet garantir à tous les nouveaux opérateurs le même niveau de qualité de service, de confort, d’accessibilité, de propreté, d’information voyageurs, de sécurité, mais aussi de réassurance dans les parcours de transport ferroviaire ou multitransporteurs. Les équipes d’Eliane Barbosa travaillent à la mise en place de standards de signalétique, d’annonces, des rituels d’affichages des trains 20 minutes à l’avance, afin d’apporter un même niveau de service à toutes les gares, en fonction de leur typologie, quelle que soit la région où elles se trouvent.

 » IL FAUT QUE CHAQUE RÉGION AVANCE SUR LE SUJET DE LA BILLETTIQUE, CAR SI ON ATTEND LE GRAND OUTIL QUE LA FNAUT RÉCLAME, IL FAUDRA PATIENTER JUSQU’À LA FIN DU SIÈCLE «  Michel Neugnot

La loi d’orientation des mobilités donne la possibilité aux Régions qui le souhaitent, de prendre la main sur les petites gares. Si cela arrivait, « Gares & Connexions disparaîtrait et la garantie d’homogénéité aussi », prévient la responsable de Gares et Connexions. Pour les gares régionales, le décret mono-transporteur prévoit que des gares TER puissent voir leur gestion confiée au nouvel opérateur si la région le décidait.

Mais à ce stade, aucune Région n’a choisi de le faire. « En tant que spécialiste des gares, nous souhaitons continuer à exercer notre mission pour toutes les gares, pour tous les Français, mais nous avons aussi un devoir de pédagogie et souhaitons aider les Régions à regarder là où cela pourrait être pertinent pour elles de reprendre la main, et là où nous avons tout notre rôle à jouer pour leur apporter de nouveaux services attendus par nos clients. Les contrats de performances que nous voulons signer avec les Régions doivent aussi servir à cela », précise Eliane Barbosa.

Valérie Chrzavzez-Flunkert


Les Régions légitimes pour prendre la main sur la tarification

Michel Neugnot est favorable à la liberté tarifaire dans chaque Région et ne voit pas en quoi cela peut poser problème. « Sur les TGV, il n’y a pas de prix normés », rappelle t-il tandis que Jean Pierre Serrus abonde : « Ce n’est pas un privilège pour la région qui finance le TER d’avoir la main sur les tarifs ».

Le TER est le premier budget de la Région, rappelle Jean-Luc Gibelin, le vice-président chargé des transports en Occitanie, région qui n’ouvrira pas ses lignes à la concurrence. « Dans notre région, une offre de qualité combinée à une gamme tarifaire attractive, a permis au trafic des TER de retrouver, et même dépasser, son niveau d’avant Covid », annonce l’élu. Selon lui, la mise en oeuvre d’une politique tarifaire régionale efficace permet de développer le trafic du TER. Si Claude Steinmetz juge naturel que les Régions aient la main sur l’animation tarifaire, il les encourage tout de même à réaliser un effort d’harmonisation pour simplifier la vie des usagers. «Elles pourraient, par exemple, se mettre d’accord sur les âges à partir desquels les voyageurs ont le droit à des réductions. »


Accès aux dépôts et aux matériels, deux points clé dans l’ouverture à la concurrence

La position de Transdev est connue : il faut un atelier dédié en propre pour pouvoir faire les sauts de performance attendus par la région. En Sud Paca,, Transdev travaillera avec Alstom. « Nous serons responsable de la maintenance, mais nous travaillerons avec le constructeur pour profiter de son savoir faire», précise Claude Steinmetz.

Le directeur ferroviaire de Transdev rappelle que son entreprises bénéficiera de rames neuves dans la région. Ailleurs, si elle est amenée à récupérer du matériel auprès de la SNCF, « cela supposera qu’un état des lieux et que des informations précises soient donnés pour le transfert. La transparence doit être la règle. Je suis persuadé que ce sera le cas », conclut Claude Steinmetz.


Un système billettique universel proposé aux collectivités

Née en 2012, Ubitransport est une start-up mâconnaise qui accompagne les collectivités et les opérateurs privés dans l’optimisation de leurs réseaux de transports collectifs via des solutions de paiement en ligne, de gestion dématérialisée des titres de transport et de numérisation des informations pour les voyageurs. Sébastien Hurtaux son directeur général se félicite d’avoir déjà équipé 200 réseaux de transports répartis dans 10 régions de France : «Ubitransport gère les titres de transport et favorise le partage d’informations, en temps réel, entre conducteurs, opérateurs, collectivités et usagers », précise-t-il. La solution proposée concerne les transports scolaires, interurbains, urbains et à la demande. L’entreprise qui a obtenu une levée de fonds de 45 millions en 2019, exporte désormais son savoir-faire au-delà de nos frontières.

Ewa

« J’espère qu’on aura un ministre des Transports à la hauteur des enjeux »

CLUB KARIMA DELLI

Sur le volet transport, que retiendra-t-on de la présidence française du Conseil de l’Union européenne qui s’achève le 30 juin ? Pour répondre, Karima Delli était l’invitée du Club VRT le 10 mai. La présidente écologiste de la commission transports et tourisme du Parlement européen estime que l’élection présidentielle d’avril en France et la guerre en Ukraine ont ralenti le calendrier des textes clés du paquet de directives Shift for 55.

A un mois et demi de la fin de la présidence française du Conseil des ministres des Vingt-sept, Karima Delli, première femme présidente et écolo de la commission transports et tourisme (Tran) du Parlement européen, s’interrogeait : « Comment porter des textes à Bruxelles et Strasbourg sans ministre des Transports à Paris ? ». Il ne reste plus à la France que quelques semaines avant de remettre les clés du Conseil de l’UE à la République tchèque, le 1er juillet.

Mauvais tempo

« La présidence française n’aurait pas dû avoir lieu en année électorale, en plus, il y a la guerre en Ukraine. Le contexte ne nous a pas été favorable, aucun texte du paquet Shift for 55 ne sera négocié avant le 30 juin », se désole Karima Delli. Le paquet Shift for 55 (« Ajustement à l’objectif 55 » en français) a pour objectif de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2035. Il a été présenté au Conseil de l’UE en juillet 2021 et fait actuellement l’objet de discussions dans plusieurs domaines d’action : l’environnement, l’énergie, les transports et les affaires économiques et financières.

« Réduire de moitié les GES en huit ans, c’est court comme fenêtre ! J’aurais aimé mener un trilogue avec ma commission pendant la présidence française, mais les textes n’arriveront pas en négociation avant juillet ou septembre », reprend l’eurodéputée. Notamment l’optimisation de la gestion du ciel européen pour réduire l’empreinte carbone du trafic aérien, les réseaux transeuropéens de transport, ou la norme Euro 7 qui vise à interdire la vente de véhicules thermiques d’ici à 2025.

Euro 7, sujet explosif

La France a toutefois eu quatre mois pour tenir le rôle de colégislateur et tenter de faire avancer ces textes clés pour décarboner le secteur des transports, responsables de 35 % des GES. Lesquels ont avancé depuis le 1er janvier ?

« La directive Euro 7 », répond Karima Delli qui aurait aimé pouvoir s’appuyer sur la présidence française de l’UE pour mettre le sujet sur la table des négociations avant le 30 juin Raté.

Et la route sera longue car le sujet est explosif.

« J’ai rencontré les Tchèques (qui succéderont à la France le 1er juillet prochain) à deux reprises, ils sont prêts pour la sortie des véhicules thermiques, mais être prêts ne veut pas dire gagner les votes ! », note Karima Delli en se remémorant l’épopée du paquet routier qui a mis trois ans avant d’être adopté, avec neuf allers-retours entre les instances législatives de l’UE.

Le secteur automobile est vent debout contre le projet de directive, l’une des 13 du Shift for 55. Les lobbystes sont en embuscades. La norme Euro 6 en vigueur depuis 2014 doit céder la place à l’Euro 7 à partir de 2025 et durcir les objectifs en matière d’émissions de CO2 des véhicules neufs. Euro 7 est tellement stricte qu’elle sonnerait le glas des voitures particulières, utilitaires et poids lourds à moteur thermique. Karima Delli a hérité du texte porté par le parlementaire néerlandais Jan Huitema qui « n’a pas voulu l’assumer. Or, il faut accompagner la filière automobile car le tout électrique, ça n’est pas gagné ! », juge la présidente de la commission Tran.

Lors du Club VRT, elle a annoncé le lancement d’Assises de la transformation automobile pour accompagner cette transition énergétique et revoir la chaîne industrielle automobile. « Sinon ça va faire mal. S’ils ne prennent pas le virage maintenant, les constructeurs automobiles seront largués. La Chine qui a le monopole des batteries ne les attendra pas, les Etats-Unis qui maîtrise le contrôle des données non plus », insiste Karima Delli.

La bataille de l’électromobilité entre Européens

Autre gros sujet, la directive infrastructures. « Il n’y aura pas de véhicules électriques sans infrastructures de recharge. La Commission européenne veut des autoroutes de bornes électriques : tous les combien de kilomètres ? A l’hydrogène vert ?, interroge l’eurodéputée. Il va falloir s’armer d’intelligence car il ne s’agit pas changer de stratégie et de technologie dans cinq ans. Ce qu’il faut, c’est mailler le territoire », poursuit-elle. La position du Parlement est attendue d’ici juin, avant celle du Conseil, pour être ensuite négociée en trilogue en vue d’un texte commun.

 » RÉDUIRE DE MOITIÉ LES GES EN HUIT ANS, C’EST COURT COMME FENÊTRE ! J’AURAIS AIMÉ MENER UN TRILOGUE AVEC MA COMMISSION PENDANT LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE, MAIS LES TEXTES N’ARRIVERONT PAS EN NÉGOCIATION AVANT JUILLET OU SEPTEMBRE « 

Quel est le montant des investissements ? « La transition va coûter cher mais plus on tardera, plus ça coûtera cher. Dans la directive, il y a un fonds social pour le climat mais on ne sait pas à ce stade comment il sera financé, ni à quoi il servira. Il faut un fonds de formation dédié aux nouveaux métiers de l’automobile car si l’on veut développer une filière de l’économie circulaire dans le secteur, le rétrofit, il faut former maintenant. Demain tout le monde ne roulera pas en électrique, il va falloir innover et former. Les régions ont la compétence sur les filières professionnelles, qu’est-ce qu’elles attendent ?, interroge Karima Delli. L’Europe, ce sont des financements et des leviers d’actions incroyables, mais qui le sait ? Personne », selon l’eurodéputée. « La bataille de l’électromobilité entre Européens, c’est maintenant qu’elle se joue, et les Allemands veulent en devenir les leaders, prévient-elle. Quand la France expérimente un train à hydrogène, l’Allemagne en a déjà des dizaines… »

Quid des autres carburants alternatifs ? « On est dans un paradoxe extraordinaire : à la COP 26 de Glasgow fin 2021, tous les chefs d’Etat ont promis, juré, que leur pays n’investirait plus dans le fossile. On en est loin… Il y a beaucoup d’expérimentations sur les carburants alternatifs, on se donne le temps ». Trop ?  « Soit on se donne les moyens de la transition, soit on arrête les beaux discours », prône l’écologiste qui a appris le jeu des alliances entre États au sein de sa commission parlementaire.

« Sur l’Euroredevance, j’ai perdu »

La réforme controversée de l’Eurovignette qui fixe les nouvelles règles de l’UE relatives aux péages routiers, pour les rendre plus cohérentes et plus respectueuses de l’environnement, a fini par être adoptée par le Parlement européen en février. Rebaptisée Euroredevance à cette occasion, elle est devenue l’un des instruments du Pacte vert européen. Elle instaure un système de tarification basée sur la distance et non plus sur la durée, pour mieux inscrire le principe de pollueur-payeur dans la législation européenne. Avec des redevances applicables aux émissions de CO2 des poids lourds.

« Après une période de transition de quatre ans, la tarification des coûts externes de la pollution atmosphérique deviendra obligatoire pour les poids lourds, sauf si elle entraîne une déviation involontaire de circulation », dit la Commission européenne, réputée conservatrice. Bien que le texte final comprenne une disposition relative à l’affectation de l’Euroredevance aux transports alternatifs à la route (fret ferroviaire notamment), elle ne s’applique qu’aux taxes sur les embouteillages. Et n’est pas obligatoire pour les États membres…

« J’ai perdu sur l’Euroredevance, le Conseil n’a pas voulu de fléchage. Une partie des recettes devait aller vers le ferroviaire, la sécurisation des routes et vers les entreprises de transport routier car ce sont des PME, et qu’il faut les aider à changer leur flotte ou faire du transport combiné », regrette Karima Delli. En clair, le fléchage n’est pas contraignant, chaque Etat membre peut faire ce qu’il veut avec les recettes. « Les taxes ne vont jamais dans le secteur des transports propres », déplore l’eurodéputée Verte.

« L’Europe, c’est comme une copropriété »

Interrogée sur le boom du vélo en France et en Europe, et sur le retard de la filière industrielle du cycle, elle indique qu’une nouvelle résolution est en préparation dans sa commission et qu’elle veut « y inscrire une vraie politique industrielle européenne du vélo » : assemblage en Europe, ateliers de réparation, parkings vélo obligatoires, places de vélo dans les trains, pistes cyclables sécurisées, etc. « Les entreprises, les start-up sont prêtes, il faut enclencher la vitesse supérieure, rien de telle que l’Europe pour y arriver !, croit l’eurodéputée. Je vais tout faire dans ma commission pour avoir un texte de loi, et on le poussera ».

Si la question train + vélo se pose, « qu’en est-il des autotrains ? », a demandé un participant du Club VRT. En France, la SNCF les a supprimés en 2017, jugeant le service peu rentable.

 » LES MÉTROPOLES ASPIRENT TOUT. ATTENTION À LA FRACTURE TERRITORIALE SINON ON AURA DES TERRITOIRES OUBLIÉS ET PERDUS « 

« Ma commission reçoit beaucoup de demandes à ce sujet, l’idée est de nouveau dans l’air du temps. Les autotrains, c’est un peu comme les grandes lignes de trains de nuit fermées en 2016 par manque de rentabilité et d’investissement, à une époque (pas si lointaine) où les enjeux du dérèglement climatique n’étaient pas aussi flagrants. Il faut un fonds de rénovation permanent. Mon but c’est de mailler puis de multiplier les liaisons de nuit, on est train de redessiner le réseau européen des trains de nuit !, s’enthousiasme Karima Delli. C’est un peu long car l‘Europe, c’est comme une copropriété tant que tout le monde n‘est pas d’accord pour faire les travaux, ça ne démarre pas. Mais quand c’est lancé, ça va vite ».

Le train plus cher que l’avion

Autre cheval de bataille, l’interdiction des vols intérieurs en avion quand il y a une alternative en train en moins de 2 h 30. Ce principe est fixé par la loi française Climat et résilience d’août 2021 et il suscite des interrogations à Bruxelles. Saisie le 17 septembre par l’Union des aéroports français et la branche européenne du Conseil international des aéroports, la Commission européenne a ouvert une enquête.

Interdire ces vols, « est plus que nécessaire, vous posez la question à une écolo ! Il faut encourager le train à tout prix, mais le train, c’est plus cher que l’avion », constate l’eurodéputée.

L’industrie aéronautique n’a pas les fonds d’innovation et de recherche qu’elle mérite pour sortir du kérosène. Une partie de la taxe kérosène devrait aller dans un fonds innovation. Comme pour l’automobile, « si on n’investit pas maintenant pour la transition énergétique, l’industrie aéronautique européenne sera à la traîne ».

Pas trop pour les RER métropolitains

Défenseur invétéré des RER métropolitains qui dans l’Hexagone, tardent à franchir les frontières de l’Ile-de-France, Jean-Claude Degand a interpellé Karima Delli : « L’Europe ne pourrait-elle pas financer ces projets ? », lui a demandé l’ancien directeur des projets périurbains à la SNCF, qui dirige aujourd’hui la société de conseil Itinéraires & Territoires, et préside le think-tank Mobilités 2050. « Les métropoles aspirent tout, attention à la fracture territoriale, sinon, on aura des territoires oubliés et perdus, lui a répondu la candidate de l’union de la gauche dans les Hauts-de-France aux dernières élections régionales. La mobilité devrait réconcilier les territoires. Les RER… moi, je ne suis pas pour. La carte des mobilités ne doit oublier personne, et surtout pas accélérer la précarité », insiste Karima Delli en espérant que le paquet Shift for 55 sera bouclé avant la fin de la mandature du Parlement européen en 2024. « J’espère surtout qu’on aura un ministre des Transports à la hauteur des enjeux. Et présent à Bruxelles ! », a conclu Karima Delli.

Nathalie Arensonas

Ewa

Vinci présente le baromètre de l’autosolisme

voiture Paris pollution

Selon Vinci Autoroutes, qui a dévoilé en avril les résultats de son premier baromètre de l’autosolisme, « plus de huit conducteurs sur 10 se déplacent seuls dans le cadre de leurs trajets du quotidien ». Seuls 17,4 % des véhicules analysés transportent au moins deux personnes. Le pic moyen d’autosolisme atteint 89 % à 8 heures. En d’autres termes, selon Vinci Autoroutes, « c’est au moment où il est le plus pénalisant, soit aux heures de pointe, que l’autosolisme est le plus pratiqué ». Cela dit, le taux d’autosolisme varie « du simple au quadruple » selon les sections observées. L’étude, réalisée à l’automne 2021, en collaboration avec Cyclope.ai, porte sur 1,5 million de véhicules circulant entre 8h et 10h à proximité de 11 agglomérations françaises : Aix-en-Provence, Biarritz, Bordeaux, Lyon, Montpellier, Nantes (A11 et A83), Nice, Toulon, Toulouse (A62 et A64), Tours et Ile-de-France. Elle a été réalisée en association avec la Région Île-de-France, le syndicat Nouvelle-Aquitaine Mobilités, Tours Métropole Val de Loire, la communauté d’agglomération du Pays basque et Montpellier Méditerranée Métropole, ainsi que les plateformes de covoiturage Blablacar, Klaxit et Ecov.

La deuxième édition du baromètre doit être diffusée ce mois-ci sur le site de Vinci Autoroutes.

Ewa

« Chacun d’entre nous doit se demander comment réduire son empreinte carbone »

Patrick jeantet

Ancien PDG de SNCF Réseau, Patrick Jeantet est aujourd’hui senior adviser pour le fonds d’investissement Vauban Infrastructure Partners (groupe Natixis). Fin connaisseur du secteur des transports, il a aussi été, entre autres, directeur général d’Aéroports de Paris, et, pendant quelques mois président du directoire de Keolis. Invité du Club VRT le 6 avril, il a présenté le rapport sur le futur des infrastructures de transport qu’il vient de cosigner avec Jacques Gounon, le président de Getlink, et plaidé avec force pour une nouvelle politique en faveur du report modal et pour la transformation de nos comportements.

Au lendemain de la publication par l’Institut Montaigne du rapport intitulé « Infrastructures de transport vers le futur et le durable », qu’il a cosigné avec Jacques Gounon, Patrick Jeantet était le 6 avril l’invité du Club VRT. L’ancien PDG de SNCF Réseau, aujourd’hui consultant chez Vauban Infrastructure Partners, en a exposé les grandes lignes. « Le dérèglement climatique est l’angle d’attaque de ce rapport. Nous y rappelons que le secteur du transport, responsable de 30 % des émissions de gaz à effet de serre, a pris du retard dans sa décarbonation ».

Alors que tous les autres secteurs sont parvenus à baisser leurs émissions au cours des
30 dernières années, les transports sont en effet les seuls dont les rejets ont augmenté depuis 1990 (+10 %). Un résultat bien loin de l’objectif fixé lors du Grenelle de l’environnement et du nouvel objectif européen qui vise une baisse de 55 % des émissions d’ici 2030. Dans ce cadre, il faudrait que les rejets des transports soient réduits de 60 % en moins de dix ans.
« Cela ne pourra pas se faire en se contentant de mesurettes », prévient Patrick Jeantet appelant à une véritable « rupture ».

Une politique des transports inefficace

En cause, une politique des transports qui, même si elle s’est traduite par des investissements massifs dans les transports publics (de l’ordre de 90 milliards d’euros en 10 ans, soit une hausse de 50 % pour le réseau ferroviaire et de 250 % pour les transports collectifs urbains) et par des subventions en hausse, s’est finalement révélée inefficace, donc sans effet sur le report modal. Selon Patrick Jeantet, « les investissements dans les transports collectifs se sont essentiellement concentrés là où les enjeux étaient les plus faibles, c’est-à-dire dans les villes-centres ». Or, les déplacements au sein des centres urbains ne représentent que 1 % des émissions de GES liées à la mobilité, alors que les trajets entre la ville-centre et ses couronnes et au sein de celles-ci représentent près de 60 % des émissions mais n’ont pas fait l’objet d’investissements significatifs, à l’exception du Grand Paris Express. Et rien n’a été fait pour réduire les émissions du transport de marchandises rejetant pourtant 40 % des émissions.

Rappelant que les progrès technologiques pourraient permettre de réaliser environ 50 % des objectifs de réduction des émissions de GES à l’horizon 2050, Patrick Jeantet estime qu’il faudra de ce fait nécessairement changer nos comportements à l’avenir pour atteindre totalement les objectifs de lutte contre le réchauffement. La hausse de 10 % des émissions de GES des transports ces dernières années s’expliquant par l’augmentation de la mobilité et le bilan carbone de chaque Français avoisinant les 10 tonnes de CO2 annuel, « il faut que chacun d’entre nous se demande comment réduire notre empreinte carbone, sans tout attendre du gouvernement », souligne-t-il. Et de donner un exemple : « Il faut, par exemple, se demander : est-ce que j’ai besoin d’aller au Brésil faire du kite surf ? ».

Une tarification à revoir

Pour décarboner les transports, il faut verdir les flottes de véhicules puisque, selon Patrick Jeantet, il ne faut pas chercher à bannir la voiture qui assure 80 % des déplacements et restera le mode structurant de notre mobilité. « Supprimer les voitures n’a pas de sens, car si on peut facilement trouver des alternatives en ville, c’est moins facile en grande banlieue et impossible dans les communes rurales où la voiture est et restera indispensable. »

Dans les grandes métropoles, où les bassins de vie ne recouvrent pas les bassins économiques, Patrick Jeantet préconise des politiques visant à augmenter la part modale des transports publics en périurbain et dans les villes satellitaires, pour la porter à 50 %.

Pour trouver les financements nécessaires au doublement des offres de transport public, il préconise de s’inspirer de villes comme Copenhague ou Amsterdam, où le taux de couverture des dépenses par les recettes est proche de 50 %. Or, en France, la contribution des usagers aux investissements de transports publics atteint 19 % du coût (30 % si on prend en compte les coûts d’exploitation), alors qu’elle représentait plus de 50 % il y a 30 ans. « Remonter la contribution des usagers permettrait de récupérer 2 à 3 milliards d’euros par an » calcule celui qui considère que la gratuité des transports serait le fossoyeur du transport public. « Avec la gratuité, on n’aurait plus les moyens d’améliorer le service, on continuerait à rouler en voiture et l’effet sur les émissions serait négatif », affirme-t-il.

Selon lui, le critère de choix des usagers entre la voiture et les transports en commun ne repose pas sur le coût, mais avant tout sur la qualité du service et de l’offre. « Si en périurbain on doit marcher un kilomètre pour aller prendre un car qui passe toutes les 30 minutes, on continuera à préférer prendre sa voiture », commente-t-il.

Pour inciter les Français à avoir un comportement plus vertueux, il faut aussi, affirme-t-il, agir sur les prix. « Mauvaise nouvelle, cela passera par des transports plus chers », prévient-il. « C’est indispensable, car cela conduit à mener une réflexion sur les déplacements, à faire le tri entre ceux qui sont contraints et les autres ».

Selon l’ancien patron de SNCF Réseau, on pourrait, par exemple, revoir les cartes d’abonnement aux transports publics. L’objectif initial de ces abonnements était de permettre d’effectuer les trajets domicile-travail à coûts modérés, mais ils ont aussi contribué à augmenter les trajets de loisirs et le week-end. Raison pour laquelle il suggère de les remplacer par des cartes qui ne seraient valables que pour se rendre au travail, obligeant à payer plus cher les autres déplacements moins indispensables. Ce qui apporterait des recettes supplémentaires. Il faudra, dans le même temps renforcer les tarifications solidaires pour éviter tout risque d’exclusion sociale, ajoute-t-il.

Une gouvernance assumée

Patrick Jeantet recommande de donner aux autorités organisatrices des mobilités (AOM) tous les leviers disponibles permettant de favoriser une approche multimodale et de développer les transports collectifs en périphérie. Ce qui passe notamment par le transfert de la gestion de l’ensemble des routes ainsi que les pouvoirs de police de la circulation et du stationnement. Les AOM devraient être « responsabilisées » sur des objectifs précis de réduction des émissions de CO2.

Patrick Jeantet est favorable à la décentralisation, y compris pour la fiscalité. « Les métropoles doivent pouvoir assumer leurs objectifs et l’Etat se recentrer sur son rôle stratégique », énonce-t-il. Il prône aussi une loi de programmation des infrastructures, établissant une liste d’investissements prioritaires, « sur le modèle de ce qui existe pour la Défense nationale, pour donner de la visibilité aux projets sur le long terme ».

Les investissements à prévoir, conséquents, appellent de nouvelles ressources. D’autant qu’avec le développement des véhicules électriques, les recettes liées aux taxes sur le carburant vont progressivement s’étioler. Patrick Jeantet souhaite remettre à plat la fiscalité des transports. Estimant que la TICPE ne prend pas en compte les particularités locales, il recommande de diviser cette taxe en deux. Avec d’une part, une taxe carbone nationale, et même idéalement européenne, d’autre part, une taxe locale destinée à financer l’ensemble des transports publics prenant en compte les particularités territoriales.

Dans le rapport de l’Institut Montaigne, les deux cosignataires estiment qu’il faut « remplacer partiellement la TICPE par une taxe locale sur les véhicules, pour un financement des transports plus efficace, plus juste et plus transparent. La TICPE devrait être recentrée sur le seul objectif auquel elle est aujourd’hui bien adaptée : la lutte contre le changement climatique, ce qui conduirait dans un premier temps à la réduire afin de l’aligner sur les minima européens (0,38 €/litre) 16, puis de la réaugmenter progressivement pour atteindre 1,10 €/litre en 2040, puis 1,80 €/litre en 2050. En contrepartie, pour renforcer l’autonomie des collectivités locales sans augmenter à court terme le coût de l’automobile, une taxe locale de financement des transports pourrait être mise en place pour tous les véhicules motorisés jusqu’à 12 tonnes ».

Cette taxe serait plus basse dans les zones rurales, où la voiture est indispensable et beaucoup plus élevée dans les métropoles où existe le choix de prendre les transports en commun et où la voiture est sous-tarifée au regard de l’offre alternative existante, détaille le consultant. Les recettes seraient affectées aux dépenses de l’AOM locale

Une priorité donnée à la régénération

Le patrimoine ferroviaire et routier en France étant l’un des plus importants d’Europe, Patrick Jeantet recommande de ne pas chercher à l’étendre pour le moment mais de consacrer les investissements à leur remise à niveau, via la régénération et la modernisation.

Le consultant, qui estime les besoins de régénération annuelle du réseau ferroviaire à plus de 3,5 milliards d’euros, critique le contrat de performance Etat-Réseau en cours de négociation. « S’il est signé, il consistera à réduire les investissements. En effet, il fixe la somme de plus de 2 milliards d’euros par an pour la rénovation, mais sans prendre en compte l’inflation. Or, avec une inflation de l’ordre de 4 %, l’effort de régénération sera réduit de 12 % en trois ans. »

Pour que le réseau ferroviaire progresse en productivité, il faut, dit-il, davantage recourir à la digitalisation, déployer le système de signalisation ERTMS ainsi que la commande centralisée des postes d’aiguillage. Il se prononce aussi pour l’indépendance du gestionnaire de l’infrastructure actuellement dans le giron du groupe SNCF car « les nouveaux entrants ont besoin d’un climat de confiance qui pourrait être malmené par des liens trop étroits avec l’opérateur historique ». Il balaie l’argument selon lequel un groupe unifié permet d’être plus efficace et réactif. Et critique aussi l’hyper-centralisation de la SNCF et les strates administratives « loin du terrain » que cela suppose.

Pour inciter à l’utilisation du rail, l’ancien dirigeant du gestionnaire des voies ferrées pointe l’importance des investissements destinés
à résorber les nœuds ferroviaires des métropoles :
« C’est là qu’il faut investir massivement pour doubler le nombre de voyageurs et avoir plus d’effet sur les émissions de Co2. Si on fait du tout TGV, la part modale du transport public continuera à plafonner à 10 % et on n’aura pas résolu le problème des GES dans le transport ». Et d’ajouter : « Cela ne veut pas dire que, dans un deuxième temps, on ne devra pas lancer de nouvelles LGV. Mais il faut se donner des priorités, car nous ne sommes pas capables de tout faire en même temps ».

Selon lui, 60 % des « petites lignes » pourraient être efficacement remplacées par un service de car. « Cela permettrait de réaliser
20 à 30 % d’économies en offrant un meilleur service »
. Et il poursuit : « Si les trains sont vides dans certaines zones rurales, ce n’est pas forcément un problème de cadence, cela peut aussi s’expliquer par la densité de population. Il faut partir des besoins pour décider des services à mettre en place ».

Côté fret, Patrick Jeantet souhaite que des sillons aillent prioritairement au fret. « Il faut faire passer les trains de fret de jour sur les trois grands axes les plus fréquentés : Calais-Luxembourg, l’axe Sud Est et l’axe Sud-Ouest. C’est une mesure qui ne coûte rien comparée aux  10 milliards d’euros jugés nécessaires par la profession pour relancer le fret ferroviaire ».

Toutes ces mesures doivent être prises d’urgence pour espérer limiter la hausse des températures. « Limiter la hausse à +1,5 degré sera difficilement atteignable. Mais, sans réaction rapide, on se dirige vers un réchauffement planétaire de 3 à 5 degrés. Vers un monde dans lequel je n’aimerais pas avoir à vivre », conclut-il.

Valérie Chrzavzez


« Le système d’ouverture à la concurrence des TER en Allemagne est biaisé »

Le système d’ouverture à la concurrence des TER en Allemagne n’est pas aussi exemplaire qu’on a coutume de le dire. Souvent pris pour modèle par les régions françaises qui souhaitent ouvrir leurs trains à la concurrence en espérant réaliser les mêmes économies que celles affichées par les Länder outre-Rhin (30 % en moyenne), le système serait en réalité « biaisé » affirme Patrick Jeantet. Aujourd’hui consultant pour le fonds d’investissement Vauban Infrastructure Partners, l’ancien PDG de SNCF Réseau, qui a aussi été, en 2020, quelques mois aux commandes de Keolis, s’en est expliqué le 6 avril devant le Club VRT. Il avance trois raisons principales.

D’une part, rappelle-t-il, « la répartition des risques est très inéquitable et trop défavorable aux opérateurs ». Selon lui, les opérateurs alternatifs à la Deutsche Bahn proposent des tarifs de 25 à 30 % inférieurs à ceux du transporteur national. « Les régions réinvestissent ces économies pour demander des services supplémentaires. Les opérateurs doivent donc trouver plus de conducteurs, ce qui mène à une poussée inflationniste », souligne-t-il. Il faut en effet les trouver (il n’y a pas de transferts automatiques des personnels, contrairement à ce qui va se passer en France) et les former, ce qui contribue à augmenter les coûts salariaux. « Or, les contrats, qui ont de longues durées (de l’ordre de dix ans), ont des coûts d’indexation basés sur l’inflation générale (très faible ces 20 dernières années) et non pas sur l’inflation ferroviaire beaucoup plus forte. L’écart d’inflation va grandissant ».

D’autre part, poursuit Patrick Jeantet, les pénalités de retard infligées aux opérateurs ferroviaires s’entendent toutes causes confondues. Ainsi, par exemple, même si un TER doit attendre et laisser passer devant lui un ICE qui a du retard, c’est l’opérateur du train régional qui est sanctionné. « Il n’est pas possible de répercuter ces pénalités sur la DB ni sur DB Netz (le gestionnaire des infrastructures allemandes, ndlr). En conséquence, une très large part des pénalités payées ne relève pas de fautes de l’opérateur ».

Selon l’ancien dirigeant de Réseau, « le cumul de ces deux facteurs va largement au-delà de la marge bénéficiaire qui tourne autour de 2 à 3 % ». Résultat, affirme-t-il, « tous les nouveaux opérateurs perdent de l’argent en Allemagne… sauf Transdev si l’on en croit Thierry Mallet… je ne peux pas mettre en doute sa parole… ». De fait, le paysage ferroviaire allemand évolue, après le départ depuis le début de l’année de Keolis qui enregistrait des pertes abyssales et l’abandon par Abellio, confrontée à des difficultés croissante, d’une large part de son activité.

Troisième écueil cité par Patrick Jeantet : les opérateurs doivent lourdement investir pour acheter les trains (ce qui n’est pas le cas en France). Quand le contrat s’arrête, il leur faut replacer le matériel ailleurs. Avec d’autant plus de difficultés que chaque Lander a ses propres spécifications de matériels. Enfin, les opérateurs doivent, soit disposer de leur propre dépôt, soit le louer à la Deutsche Bahn. Si le modèle peut paraître enviable aux yeux des élus, il peut aussi décourager des opérateurs de plus en plus soucieux de s’inscrire dans une croissance « sélective » après les difficiles années Covid et avec la crise énergétique qui s’annonce.

Marie-Hélène Poingt


Un passage éclair chez Keolis

Patrick Jeantet n’est resté que six mois chez Keolis, de janvier à juin 2020. Il l’explique par un désaccord stratégique avec Jean-Pierre Farandou et Joël Lebreton. « J’avais une vision de développement plus sélective et j’étais favorable à l’arrêt au plus vite de nos activités en Allemagne, considérant que le marché était biaisé. »

« Transdev et Keolis se sont développés en répondant à tous les appels d’offres qui se présentaient, sans forcément réfléchir à la pertinence de ces marchés. Cela leur a permis de grossir très vite, mais cela leur a aussi occasionné de gros déboires. Certains contrats de longue durée ont été à l’origine de pertes annuelles considérables ». Raison pour laquelle, alors aux commandes de Keolis, il souhaitait être plus sélectif.


Les limites du modèle Lisea

Interrogé sur le modèle Lisea, construite par Vinci, dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP), assurant la liaison entre Tours et Bordeaux, il évoque un « raté ». Et d’expliquer : « C’est une concession qui n’a qu’un seul client, la SNCF. Et comme le système concessif français oblige à amortir les investissements sur la durée de la concession, soit avant 2061 pour Lisea, les tarifs des péages seront très élevés durant toute la concession, avant de chuter. » Pour les faire baisser il faudrait pouvoir amortir les investissements sur une période plus longue, ce qui nécessite de modifier la loi. Il ajoute : « si la SNCF fait rouler des TGV « cadencés » entre Paris et Bordeaux, elle peut gagner de l’argent. Mais sur un Paris Bordeaux-Hendaye, le train s’arrête tous les 60 km, l’équation économique devient mauvaise car le TGV coûte très cher, il est fait pour aller très vite et transporter beaucoup de monde. Il faudrait mettre en place une correspondance en TER à Bordeaux. »

Ewa

Les programmes transports des candidats en débat

presidentielle2022 clubvrt

Challengés par le représentant des usagers des transports Bruno Gazeau, et par l’expert en économie des transports Arnaud Aymé, les porte-paroles de sept candidats à l’élection présidentielle ont défendu les promesses de leurs candidats le 15 mars, devant le Club Ville, Rail & transports. La relance du ferroviaire fait l’unanimité, l’ouverture à la concurrence creuse les écarts.

A quelques jours du premier tour de la présidentielle, les questions liées aux transports et à la mobilité restaient discrètes dans la campagne électorale. Elles touchent pourtant le quotidien des Français et prennent une dimension particulière avec la flambée du prix des carburants et la nécessaire transition énergétique et écologique.

Peu audibles, les programmes transport des candidats existent néanmoins. Invités à les exposer le 15 mars devant le Club Ville, Rail & Transports, sept porte-paroles (lire plus bas) ont débattu des mesures de leurs candidats. Tous ont répondu présents, sauf l’équipe d’Éric Zemmour, tandis que le porte-parole de marine Le Pen est intervenu par vidéo. Le représentant d’Emmanuel Macron s’est contenté d’un bilan des actions du quinquennat puisque la feuille de route transport du président candidat n’était pas dévoilée à l’heure du Club.

Convergence sur le réseau ferroviaire…

S’il y a bien un sujet sur lequel les candidats de l’opposition présentent des points de convergence, c’est le train !  « Comme quoi, en politique on arrive à être d’accord sur les enjeux de transports », s’amuse Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations d’usagers de transport (Fnaut). Il était l’un des deux « grands témoins » de ce Club VR&T, avec Arnaud Aymé, expert en économie des transports travaillant pour le cabinet de conseil Sia Partners.

Avant même que le Conseil d’orientation des infrastructures ne dévoile le 16 mars le « mur d’investissements » nécessaire, notamment pour le ferroviaire, et alors que le projet de contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau fait l’unanimité contre lui, la majorité des candidats avaient un plan de relance du rail dans leur besace de campagne. Ils surenchérissent sur le montant des investissements à consentir.

 » NOUS INVESTIRONS 40 MILLIARDS D’EUROS SUR LE QUINQUENNAT POUR REMETTRE À NIVEAU LES INFRASTRUCTURES FERROVIAIRES, AUGMENTER LA PERFORMANCE DU RÉSEAU… «   Franck Briffaut

Jugez plutôt : 7 milliards d’euros par an pour Yannick Jadot (contre 2,8Mds en 2022) pour régénérer et moderniser le réseau ferré, « le mettre aux normes européennes au bout de cinq ans », faire rouler des TER cadencés de 5h du matin à minuit et créer 15 nouvelles lignes de trains de nuit. « Il faut faire confiance aux territoires pour engager les investissements de proximité, tout régenter depuis Paris, ça ne marche pas », juge le porte-parole du candidat écologiste, Vincent Dubail. Et à chaque fois qu’il existe une alternative en train, les trajets de moins de quatre heures en avion seront supprimés, promet-il au nom de Yannick Jadot.

Six milliards d’euros par an pour Jean-Luc Mélenchon : « Le train doit remailler le territoire, avec la possibilité d’avoir une gare multimodale près de chez soi, de la présence humaine aux guichets et des trains accessibles aux personnes handicapées », énonce sa porte-parole Émilie Marche qui défend aussi les RER métropolitains, sous l’appellation de trams-trains.

Un milliard par an supplémentaire dans la loi de finances pour 2023 du côté d’Anne Hidalgo, et un « grand plan » pour l’extension du réseau (pas encore été arbitré) , indique son porte-parole Nicolas Mayer-Rossignol.

Marine Le Pen promet « d’investir 40 milliards d’euros sur le quinquennat pour remettre à niveau les infrastructures ferroviaires, augmenter la performance du réseau avec l’accélération du programme ERTMS, sauver les dessertes fines du territoire en lien avec des itinéraires de fret alternatifs » et « en coordination avec les collectivités locales qui ont plutôt fait le job », affirme Franck Briffaut, maire RN de Villers-Cotterêts et porte-parole de la candidate.

Valérie Pécresse promet 3,5 milliards par an pour régénérer et moderniser le réseau structurant, accélérer l’ERTMS, construire des RER métropolitains, assurer le « sauvetage » des petites lignes avec des sociétés de projet public-privé et des aides de l’État. « A chaque fois que les AOM mettent deux euros, l’État mettra un euro », a également précisé Philippe Tabarot, l’un des porte-paroles de la candidate LR lors du « Grand débat transport » organisé le 17 mars par le think tank TDIE et Mobilettre.

Sur les 25 milliards d’euros par an que Fabien Roussel entend consacrer aux transports, il en prévoit cinq pour le rail et trois pour les transports urbains.

Aucun chiffrage du côté d’Emmanuel Macron. Ses porte-paroles Paulin Dementhon et Fabienne Keller étaient bien en mal de faire
« des annonces tonitruantes » (dixit) puisque le programme transport du président candidat n’était toujours pas dévoilé, ni le 15 mars au Club VR&T, ni deux jours plus tard chez TDIE. « On a doublé les investissements pendant le mandat (61 milliards d’euros injectés dans le système ferroviaire avec les 35 milliards de reprise de la dette de SNCF Réseau), mais il s’agit d’aller plus loin en modernisation du réseau, d’investir dans les RER métropolitains et de faire des efforts sur le fret ferroviaire », ont-ils avancé.

… mais divergences sur la concurrence

Quelle est la position des candidats sur l’ouverture à la concurrence ferroviaire ? Sur ce sujet, les divergences sont plus marquées. Du côté du RN, « le ferroviaire doit rester un système intégré et la SNCF un opérateur pivot, 100 % public ». La concurrence oui, « à condition de définir des périmètres concédés cohérents et économiquement viables », dit Franck Briffaut.

Les candidats de l’Union populaire et du PCF veulent, eux, abroger le Pacte ferroviaire voté en 2018, stopper l’ouverture à la concurrence, réunifier le groupe SNCF dans un EPIC et remettre les nouvelles recrues au statut cheminot.
« On voit bien les vertus d’une entreprise intégrée, sur le modèle de la RATP », défend Jacques Baudrier, porte-parole de Fabien Roussel.

 » A CHAQUE FOIS QU’IL EXISTE UNE ALTERNATIVE EN TRAIN, LES TRAJETS DE MOINS DE QUATRE HEURES EN AVION SERONT SUPPRIMÉS «   Vincent Dubail

Emmanuel Macron qui n’a pas voulu séparer SNCF Réseau du reste du groupe SNCF au moment de la réforme de 2018, « défend les garanties d’équité pour les nouveaux opérateurs entrant sur le marché ferroviaire », selon Paulin Dementhon.

Du côté des candidats PS et EELV, statu quo sur le sujet : « La séparation de SNCF Réseau n’est pas vraiment le problème, on l’a fait (en 1997 avec RFF, ndlr) puis on est revenu en arrière. La question, c’est plutôt que la SNCF traite équitablement les nouveaux entrants », relève Vincent Dubail pour le candidat Jadot. Valérie Pécresse elle, veut « accélérer la mise en concurrence ferroviaire », indique François Durovray, qui la représente.

Des tarifs plus avantageux… 

Pour Fabien Roussel, la promesse des « Jours heureux » passe par une « mobilité heureuse » et donc, la gratuité des transports urbains. Il promet par ailleurs une baisse de 30 % du prix des billets de train et des TER gratuits pour les trajets domicile-travail. « Après les cars Macron, il y aura les TER Roussel », s’amuse le candidat communiste.

 » LE TRAIN DOIT REMAILLER LE TERRITOIRE, AVEC LA POSSIBILITÉ D’AVOIR UNE GARE MULTIMODALE PRÈS DE CHEZ SOI ET DE LA PRÉSENCE HUMAINE AUX GUICHETS «   Émilie Marche

La gratuité, Jean-Luc Mélenchon la prône pour les moins de 25 ans, quand Yannick Jadot mise plutôt sur un forfait mobilité durable de 1 000 € par an, la gratuité des transports scolaires et un « Ticket climat » pour les 16-25 ans : 100 € par mois (50 € pour les étudiants) pour voyager en illimité en transport collectif, sauf en avion. L’écologiste défend la TVA à 5,5 % sur les transports publics (tout comme Anne Hidalgo), et le forfait mobilité durable obligatoire.

… et des aides à la conversion automobile

Pour accompagner les Zones à faibles émissions (ZFE) attendues d’ici à 2024 dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants dépassant les seuils de pollution (plus de 30 villes sont concernées, en plus des 11 métropoles déjà prévues), Fabien Roussel évoque 10 000 euros de prime à la conversion pour l’achat d’un véhicule électrique ou hybride rechargeable, au lieu de 6 000 € aujourd’hui. Y compris pour un véhicule d’occasion. Valérie Pécresse veut revoir le calendrier des ZFE et Jean-Luc Mélenchon envisage carrément de les supprimer.

Anne Hidalgo et sa concurrente LR veulent lancer un crédit à taux zéro et un système de leasing social pour l’achat d’une voiture électrique. Le leasing (location longue durée) pour aider les plus modestes à s’équiper d’une voiture électrique a été la seule annonce d’Emmanuel Macron pour les mobilités lors de la présentation de son programme électoral, le 16 mars.

 » IL FAUT DES VOIES RÉSERVÉES AU COVOITURAGE ET AUX BHNS POUR RACCROCHER LES HABITANTS DES MÉTROPOLES À UNE OFFRE DE MOBILITÉ SOUPLE  »   Nicolas Mayer-Rossignol

Anne Hidalgo et Yannick Jadot, qui veut interdire la vente de véhicules thermiques neufs à partir de 2030, promettent un million de bornes de recharge sur le territoire français (dix fois plus que l’objectif de l’actuel gouvernement). Valérie Pécresse en annonce 200 000, en s’appuyant sur le privé.

Comme Valérie Pécresse, la candidate socialiste veut des voies routières réservées aux lignes de covoiturage et aux bus à haut niveau de service (BHNS), y compris sur les grands axes « afin de raccrocher les habitants des métropoles à une offre de mobilité souple », indique Nicolas Mayer-Rossignol. Anne Hidalgo veut aussi développer le covoiturage courte distance sur voies réservées, « sur le modèle de la start-up Ecov ». Pour le représentant de Marine Le Pen, « le transport routier reste le mode plus souple », il ne s’agit donc pas de le bousculer.

Vélo populaire

Pour porter la part du vélo à 9 % des déplacements, Anne Hidalgo veut doubler le Fonds vélo, le porte-parole d’Emmanuel Macron évoque 30 % de pistes cyclables supplémentaires et des infrastructures pour le vélo périurbain. Yannick Jadot vise 15 % de parts modales avec 500 millions d’investissement par an en faveur de la bicyclette, quand Jean Luc Mélenchon veut développer « le vélo populaire », c’est-à-dire plus sûr avec des pistes cyclables continues, du stationnement sécurisé, la possibilité de l’embarquer dans le train, d’accéder à la gare à vélo, etc.

« ON A DOUBLÉ LES INVESTISSEMENTS PENDANT LE MANDAT (61 MILLIARDS D’EUROS INJECTÉS DANS LE SYSTÈME FERROVIAIRE AVEC LES 35 MILLIARDS DE REPRISE DE LA DETTE DE SNCF RÉSEAU «   Paulin Dementhon

« On ne produit plus de vélos en France, on ne fait que de l’assemblage : recréer une filière vélo permettrait de créer 150 00 emplois locaux », avance par ailleurs Émilie Marche. Fabien Roussel promet une Agence nationale du vélo pour passer à 15 % de part modale avec un million d’euros par an d’investissements pour les pistes cyclables et le stationnement sécurisé.

Pas touche au droit de grève

Valérie Pécresse défend un droit de grève plus encadré avec 72h de prévenance, au lieu des 48h instituées par la loi. Elle répond ainsi à une demande de la Fédération nationale des usagers des transports (Fnaut).

Pour le représentant de Fabien Roussel, « Le problème du moment, ce n’est pas la grève, mais le manque de chauffeurs. Avant de s’interroger sur le droit de grève, il faut s’interroger sur la mise en concurrence (des lignes de bus Optile, puis RATP demain, ndlr) et les conditions sociales dans les appels d’offres ». Avant de vouloir réformer le droit de grève, encore faut-il pouvoir embaucher avec des salaires attractifs !, lance-t-il en évoquant « 100 000 chauffeurs de bus manquants. Sinon, il n’y aura plus de transports publics ! ».

 » LE PROBLÈME DU MOMENT CE N’EST PAS LA GRÈVE MAIS LE MANQUE DE CHAUFFEURS «    Jacques Baudrier

Même avis chez les Insoumis :  « On n’a qu’à bien les payer les agents et il n’y aura pas de grève », tranche Émilie Marche. Pour la candidate socialiste,
« Pas question de toucher au droit de grève. Deux cas suscitent l’exercice du droit grève et du droit de retrait : les agressions et elles augmentent, les salaires et ils n’augmentent pas », résume Nicolas Mayer-Rossignol.

Des milliards à financer

Les colis ne votent pas… L’une des propositions de Philippe Duron dans son rapport sur le financement des transports publics – un euro par colis du e-commerce, ce qui pourrait rapporter 1,3 milliard d’euros par an, selon le coprésident de TDIE – est visiblement tombé dans de sourdes oreilles. Aucun candidat n’a repris l’idée. « Sur 100 colis d’Haropa, le port fluviomaritime de l’axe Seine, 90 % passent par la route », observe pourtant le porte-parole d’Anne Hidalgo

Alors qui paiera la transition énergétique ? Comment financer les programmes d’investissements ? On généralise le principe pollueur-payeur et on rétablit l’écotaxe poids lourds ? On permet aux villes d’instaurer un péage urbain ? On ponctionne davantage la consommation de carburant plutôt que de la subventionner ? Interrogé par Arnaud Aymé, directeur associé du cabinet Sia Partners, quatre porte-paroles ont précisé comment leurs candidats comptent financer leurs mesures.

Anne Hidalgo veut créer « Routes de France » qui récupérera la gestion et les recettes des autoroutes à la fin des concessions et abondera le budget de l’Agence de financement des infrastructures (AFITF), elle défend aussi une « écotaxe progressive ».

Yannick Jadot prévoit une loi de programmation budgétaire pluriannuelle, une taxe sur le kérosène, une taxe carbone aux frontières (taxer les marchandises produites à l’étranger et exportées vers l’UE en fonction de leur empreinte carbone), un droit d’usage pour les poids lourds (Eurovignette), mais exclut les péages urbains, « forme de féodalité médiévale et facteur d’exclusion des citoyens », résume le représentant du candidat vert. Un autre porte-parole, David Belliard, annonce de son côté  « une grande convention pour retrouver de nouveaux modèles de financement avec l’ensemble des acteurs et avec la fin de la TICPE ».

 » VALÉRIE PÉCRESSE VEUT LANCER UNE LOI DE PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE DANS LES 100 PREMIERS JOURS DU MANDAT  »   François Durovray

Valérie Pécresse promet aussi « une loi de programmation budgétaire dans les 100 premiers jours du mandat, la création d’une « vraie » taxe carbone aux frontières (sur toutes les marchandises y compris celles issues de l’agriculture), et la création d’un Livret Vert (fusion du Livret de développement durable et du Livret A) » indique François Durovray.

Pour financer au total 25 milliards d’euros d’investissements annuels dans les transports, Fabien Roussel veut augmenter la taxe sur les bureaux dans les villes les plus riches et où la demande est forte, en se fondant sur l’exemple francilien : « 624 euros du mètre carré contre 150 euros à Noisy-le Grand. Visiblement, ce n’est pas rédhibitoire et beaucoup moins compliqué que le péage urbain », illustre Jacques Baudrier. Son candidat défend la hausse du taux du versement mobilité (VM) dans les « zones premium », quand Anne Hidalgo prévoit  « une base fiscale pour pouvoir lever le versement mobilité partout et le moduler à la hausse ou à la baisse ». Malgré les coups de boutoir du Medef contre les impôts de production, Valérie Pécresse promet de pérenniser cette ressource précieuse pour les autorités organisatrices de mobilité.

Pour dégager des ressources dédiées aux mobilités décarbonées, Yannick Jadot veut taxer les billets d’avion en classe affaires et sur les compagnies de jets privés, instaurer un malus au poids sur les véhicules : « On est à un moment cardinal : c’est le moment de faire payer le transport routier », tranche aussi Jacques Baudrier.

Si Bruno Gazeau se « réjouit de la convergence d’esprit chez les candidats », il se dit « frappé qu’aucun n’a conscience qu’il faut changer d’échelle. » Cette persévérance passe par une loi de programmation pluriannuelle ou des appels à projets réguliers et d’un montant constant, selon l’ancien délégué général de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) « Le Plan de relance, c’est bien, mais comment on fait après ? », interroge celui qui défend aujourd’hui les intérêts des usagers.

Nathalie Arensonas


Des experts transports et des candidats

Pour Yannick Jadot (EELV) : Vincent Dubail, militant écolo, élu d’opposition à Puteaux, il coordonne le programme du candidat écologiste pour l’énergie, l’habitat et les déplacements, avec David Belliard, adjoint EELV à la mairie de Paris, chargé des transports.

Pour Anne Hidalgo (PS) : Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, président de la Métropole Rouen Normandie. Olivier Jacquin, sénateur de Meurthe-et-Moselle, fait aussi partie des conseillers.

Pour Marine Le Pen (RN) : Franck Briffaut, maire de Villers-Cotterêts, membre du FN puis du RN depuis 1977, il est « référent « aménagement du territoire et transports » dans la campagne présidentielle de la candidate RN.

Pour Emmanuel Macron (LRM) : Paulin Dementhon, fondateur de la start-up d’autopartage Drivy revendue à l’américain Getaround. L’équipe transports du président candidat réunit aussi Jean-Marc Zulesi, député LRM des Bouches du Rhône, et l’eurodéputée Fabienne Keller, ex-maire de Strasbourg.

Pour Jean-Luc Mélenchon (LFI) : Émilie Marche, conseillère régionale en Auvergne-Rhône-Alpes. C’est sa deuxième campagne présidentielle, elle est coanimatrice du livret Transports du candidat des Insoumis.

Pour Valérie Pécresse (LR) : François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne, membre du Conseil d’orientation des infrastructures, il coordonne avec Vincent Chriqui, Frédéric Lemoine et Philippe Tabarot le projet transport de la candidate qui préside Ile-de-France Mobilités depuis 2015.

Pour Fabien Roussel (PCF) : Jacques Baudrier est l’un des animateurs du collectif transports et mobilité du PCF. Spécialiste de l’urbanisme, c’est un élu du 20e arrondissement de Paris, et administrateur d’Ile-de-France Mobilités depuis 2014.

L’équipe d’Éric Zemmour n’a pas répondu à l’invitation.

Ewa

Frédéric Delorme réclame un « plan Marshall » pour le réseau ferroviaire

Portrait de Frederic Delorme, Président-directeur général du pôle Transport Ferroviaire Multimodal de Marchandises - SNCF Fret

Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe, est un ardent défenseur du transport ferroviaire de marchandises. Invité du Club Ville Rail & Transports le 17 février, il a plaidé pour des investissements massifs en faveur du rail pour réussir la transition énergétique. Il a aussi annoncé les premiers résultats positifs pour Fret SNCF, porté par une reprise d’activité, dans un contexte où la décarbonation des transports commence à être prise en compte très sérieusement par les clients.

« Les planètes n’ont jamais été aussi alignées pour une relance du transport ferroviaire de marchandises », assure avec optimisme Frédéric Delorme, le président de Rail Logistics Europe, invité du Club VRT le 17 février. Il estime que, face à l’enjeu environnemental, la route, qui reste le principal mode de transport de marchandises, a encore beaucoup à faire pour réaliser sa transition énergétique et réduire ses émissions, tandis que le fret ferroviaire est un moyen efficace pour répondre immédiatement aux besoins de l’industrie de notre pays, tout en réduisant les externalités des transports.

Nouveau nom, nouvelles ambitions

Il y a deux ans, TFMM (Transport ferroviaire et multimodal de marchandises) devenait Rail Logistics Europe. « Plus qu’un changement de nom, il s’agissait de clarifier notre offre, d’affirmer notre ambition d’être reconnu comme un partenaire de fret ferroviaire et de logistique, et de faire savoir que nous proposons tous les services de fret dans 10 pays européens », explique Frédéric Delorme. Rail Logistics Europe regroupe Fret SNCF, VIIA, Captrain, Naviland Cargo et Forwardis, le tout assurant 1,6 milliard d’euros de CA, dont la moitié réalisée par Fret SNCF. « Nous sommes la première entreprise ferroviaire en France, et VIIA est un opérateur de transport combiné exploitant des autoroutes ferroviaires. En Europe, nous sommes troisième en commission avec Forwardis et cinquième pour le combiné avec Naviland. Nous sommes un acteur clé de la décarbonisation en Europe », détaille Frédéric Delorme, en rappelant qu’une tonne de marchandises transportée par le train, c’est six fois moins d’énergie consommée, huit fois moins d’émissions de particules nocives et 14 fois moins d’émissions de CO2 que par la route.

En 2021, Fret SNCF a renoué avec les bénéfices pour la première fois depuis longtemps. En 2020, l’entreprise avait enregistré 105 millions d’euros de pertes. « Tous les résultats de nos filiales sont dans le vert, y compris pour nos filiales étrangères », précise-t-il.

Cette amélioration des comptes de Fret SNCF s’explique par la hausse de l’activité, mais aussi par des efforts de productivité (avec notamment l’augmentation du nombre des rotations) liés à la réduction des frais de structures. Le secteur a également bénéficié de l’aide financière des pouvoirs publics pour les péages et les wagons isolés. « Le wagon isolé est structurellement déficitaire. Sans coup de pouce de l’Etat, cette activité serait amenée à disparaître », rappelle-t-il.

Politique de reconquête

« Nous sommes dans une politique de reconquête », souligne Frédéric Delorme. Fret SNCF a déjà augmenté son trafic de 10 % en 2021, davantage que la moyenne européenne (le volume devrait revenir cette année au niveau d’avant-crise), Naviland a vu son activité progresser de 25 % l’an passé, tandis que VIIA enregistrait une progression de 38 % par rapport à 2020. Parmi les autres nouvelles positives, l’entreprise a gagné le marché pour lancer une cinquième autoroute ferroviaire entre Sète et Calais en 2023, comme le rappelle le dirigeant , qui ajoute : « Cette nouvelle liaison permettra d’éviter 43 000 camions sur les routes et de réduire de 40 000 tonnes le CO2 rejeté dans l’atmosphère chaque année. »

Frédéric Delorme se félicite d’avoir repris des trafics à la route. Et donne quelques exemples comme le transport de containers entre Grand Est et Gennevilliers pour les ciments Vicat. Ou encore le gain par Novatrans de nouveaux trafics entre la France et l’Italie, qui permettront de supprimer 12 000 camions sur les routes. La société de combiné a également lancé une relation hebdomadaire entre la France et l’Espagne pour la société Cristalco, qui a choisi le report modal afin d’éviter de mettre 3 600 camions aller/retour sur la route, ce qui permet de réduire de 5 000 tonnes ses émissions de CO2. Captrain a rouvert des lignes en Allemagne pour transporter des déchets… « De nouveaux clients reviennent de la route vers le fer, poussés par la volonté d’être plus verts », constate le président de Rail Logistics Europe, qui se souvient : « Il y a 15 ans, lorsque j’étais à Fret SNCF, on parlait prix et qualité. Désormais, nos clients font passer leur bilan carbone au rang de leurs principales priorités. » Frédéric Delorme poursuit : « Des entreprises soucieuses de leur image s’intéressent à l’autoroute ferroviaire ou achètent des trains complets », et cite Amazon, groupe ô combien symbolique.

Ecolabels

Même si le coût du transport routier va augmenter, en raison notamment de la pénurie de routiers, permettant à l’écart de compétitivité de se réduire progressivement, il faut continuer à soutenir le fret ferroviaire pour lui permettre d’être dans le marché. Frédéric Delorme se dit favorable à une politique incitative plutôt que punitive.

Il préfère ainsi des mécanismes de défiscalisation ou de sur-amortissement qui pourraient être mis en place par exemple au bénéfice d’investissements qui ne nuisent pas à la santé.

Si Fret SNCF utilise encore quelques locomotives diesel, 90 % des tonnes-km transportées par Fret SNCF le sont sous caténaires, avec une énergie nucléaire décarbonée, alors que pour le transport routier, 95 % de la transition énergétique reste à faire. « Notre solution de transport, qui émet 14 fois moins de CO2 que par la route, est disponible immédiatement », souligne Frédéric Delorme qui propose une autre idée : la mise en place de certificats verts et blancs, vertueux pour la planète et la santé, ou encore la création d’écolabels pour que les consommateurs puissent faire leurs choix en toute connaissance de cause.

« 1 000 km réalisés sur autoroute ferroviaire, c’est 800 euros de valeur sociétale, si on prend en compte la moindre accidentologie, la décarbonisation et la dépollution, par rapport à un transport par camion », précise Frédéric Delorme.

Partie prenante de l’alliance 4F

Pour aller plus loin, la SNCF participe à l’alliance 4F (Fret Ferroviaire Français du Futur), mise en place en 2020 par les acteurs de la filière pour proposer une série d’investissements. Evalués à plus de 10 milliards d’euros, ils doivent permettre de doubler en dix ans la part modale du ferroviaire en la faisant passer à 18 %. C’était le niveau du fret ferroviaire il y a 30 ans.

Cette régression du fret ferroviaire au fil du temps s’explique, selon Frédéric Delorme, par la désindustrialisation de notre pays, la moindre compétitivité des ports français face à ses grands concurrents européens, et par le fait que les trains de fret passent toujours après ceux transportant des voyageurs.

De plus, ces dernières années, la part des subventions dédiée au fret en France a été la moins forte d’Europe, à égalité avec l’Espagne. Le président de Rail Logistics Europe y voit une corrélation avec cette part modale qui ne dépasse pas 9 % en France, contre 14 % en Italie, 18 % en Allemagne, 32 % en Autriche ou 35 % en Suisse. La France ne consacre que 49 euros par an et par habitant au réseau, soit neuf fois moins que la Suisse, cinq fois moins que l’Autriche et deux fois moins que l’Allemagne ou l’Italie.

Pour que le fret ferroviaire regagne des parts de marché, le dirigeant insiste sur la nécessité de subventions publiques afin de compenser l’inégalité avec la route qui ne paye pas ses infrastructures, ni ses émissions. D’où un déséquilibre de compétitivité et l’idée d’instaurer le principe du pollueur-payeur. « Mais on a vu ce que cela donnait avec les bonnets rouges… », rappelle-t-il.

De son côté, l’alliance 4F a transmis une liste de 72 mesures au gouvernement. Celui-ci a déjà lancé un plan de relance de plus de quatre milliards d’euros en faveur du ferroviaire (principalement ciblés sur les infrastructures), auquel s’ajoute le soutien au fret ferroviaire via une aide annuelle de 170 millions d’euros jusqu’en 2024. « S’il est satisfaisant d’avoir une vision pluriannuelle avec cet engagement, il faudra aller au-delà, car cela ne suffira pas. Il faudra continuer à investir au-delà de cette date », prévient Frédéric Delorme qui, avec 4F, appelle le prochain président de la République à poursuivre les efforts au cours des dix prochaines années et à « oser une mutation écologique et technologique, porteuse de sens ».

Et de rappeler que, grâce à son activité, Rail Logistics Europe a permis d’éviter 1,4 milliard d’euros d’externalités : émissions de CO2 et de particules. « Presque l’équivalent de notre CA, ce qui, en ces temps d’urgence climatique, où la pollution cause 50 000 morts prématurées par an, doit être pris en compte. »

Plan de relance

« La relance ferroviaire ne sera efficace que si on raisonne globalement », insiste le président de Rail Logistics Europe. Pour tenir les objectifs de doublement du fret ferroviaire, il faudra tripler le transport combiné. Ce qui nécessite de pouvoir bénéficier de sillons de qualité, permettant d’assurer la ponctualité. « Il faut un plan Marshall pour le réseau ferroviaire », martèle Frédéric Delorme. Plan qui profitera non seulement au fret mais aussi à l’acheminement des voyageurs.

Il estime en effet que le principal frein du ferroviaire est de ne pas disposer de sillons pour répondre aux besoins du marché, et met en garde : « Si on ne lance pas un plan Marshall en investissant 10 milliards comme le préconise 4F, nous aurons de plus en plus de difficultés. »

Selon Frédéric Delorme il faut gérer différemment les plannings de chantiers, afin de ne plus pénaliser le fret qui circule souvent de nuit, moment choisi pour réaliser les travaux. C’est dans ce but que 200 millions ont été engagés jusqu’à 2024 pour permettre à SNCF Réseau de réorganiser différemment des travaux en vue d’assurer de bons sillons au fret. « Sur le long terme, il y a un énorme enjeu pour le réseau », insiste-t-il, car si, globalement, la réponse actuelle en sillons est satisfaisante en qualité et en quantité pour le trafic conventionnel qui sert notamment l’industrie sidérurgique, le papier et la chimie, le transport combiné souffre d’un manque de qualité : 70 % des sillons proposés pour les autoroutes ferroviaires ne répondent pas aux besoins du marché. « Il faut du cadencement, avec des horaires précis et de la fréquence pour faire venir les transporteurs routiers. D’où la nécessité de continuer à investir de manière massive pour régénérer le réseau entre 2024 et 2030 ».

Les décisions qui seront prises au cours du prochain quinquennat présidentiel seront donc déterminantes. Après les premières décisions de ce gouvernement en faveur du fret ferroviaire, Frédéric Delorme attend un « acte II ». A court terme, il exprime le souhait que le fret ne soit plus pénalisé face au transport de voyageurs et que des sillons soient sacralisés. « On a besoin de capacités réservées permettant d’assurer des temps de transport dans le marché, afin de répondre à des commandes de dernière minute », plaide-t-il.

Dans l’attente du rapport du COI

« Nous attendons la remise du rapport du conseil d’orientation des infrastructures (COI) sur la stratégie de développement du fret ferroviaire, mais il va falloir être créatif et aller vite. Nous avons besoin d’une loi de programmation pour doubler le fret ferroviaire, comme c’est écrit dans la loi Climat », continue le dirigeant. « Ce qui sera décidé sur la saturation des nœuds ferroviaires et sur les lignes capillaires, qui acheminent 50 % des trafics de fret, sera déterminant. Si on le rate, nous risquons d’être largués par le reste de l’Europe. Notre industrie patinera, et les objectifs de réduction de CO2 ne seront pas atteints », prévient-il, avant d’ajouter que « le cap fixé est réalisable, à condition de sacrément se remuer ».

Tous bords politiques confondus, tout le monde veut du fret ferroviaire, et une pression citoyenne s’exerce. Or, au rythme actuel, on prend déjà du retard, poursuit-il. Les 10 milliards d’euros d’investissements préconisés par l’Alliance 4F apporteront à terme des économies bien supérieures, puisqu’ils pourraient générer de 25 à 30 milliards de bénéfices en valeur sociétale. « Il faut que les politiques les intègrent », insiste Frédéric Delorme.

Valérie Chrzavzez

Ewa

Frédéric Delorme réclame un « plan Marshall » pour le réseau ferroviaire

frederic Delorme

Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe, est un ardent défenseur du transport ferroviaire de marchandises. Invité du Club Ville Rail & Transports le 17 février, il a plaidé pour des investissements massifs en faveur du rail pour réussir la transition énergétique. Il a aussi annoncé les premiers résultats positifs pour Fret SNCF, porté par une reprise d’activité, dans un contexte où la décarbonation des transports commence à être prise en compte très sérieusement par les clients.

« Les planètes n’ont jamais été aussi alignées pour une relance du transport ferroviaire de marchandises », assure avec optimisme Frédéric Delorme, le président de Rail Logistics Europe, invité du Club VRT le 17 février. Il estime que, face à l’enjeu environnemental, la route, qui reste le principal mode de transport de marchandises, a encore beaucoup à faire pour réaliser sa transition énergétique et réduire ses émissions, tandis que le fret ferroviaire est un moyen efficace pour répondre immédiatement aux besoins de l’industrie de notre pays, tout en réduisant les externalités des transports.

Nouveau nom, nouvelles ambitions

Il y a deux ans, TFMM (Transport ferroviaire et multimodal de marchandises) devenait Rail Logistics Europe. « Plus qu’un changement de nom, il s’agissait de clarifier notre offre, d’affirmer notre ambition d’être reconnu comme un partenaire de fret ferroviaire et de logistique, et de faire savoir que nous proposons tous les services de fret dans 10 pays européens », explique Frédéric Delorme. Rail Logistics Europe regroupe Fret SNCF, VIIA, Captrain, Naviland Cargo et Forwardis, le tout assurant 1,6 milliard d’euros de CA, dont la moitié réalisée par Fret SNCF. « Nous sommes la première entreprise ferroviaire en France, et VIIA est un opérateur de transport combiné exploitant des autoroutes ferroviaires. En Europe, nous sommes troisième en commission avec Forwardis et cinquième pour le combiné avec Naviland. Nous sommes un acteur clé de la décarbonisation en Europe », détaille Frédéric Delorme, en rappelant qu’une tonne de marchandises transportée par le train, c’est six fois moins d’énergie consommée, huit fois moins d’émissions de particules nocives et 14 fois moins d’émissions de CO2 que par la route.

En 2021, Fret SNCF a renoué avec les bénéfices pour la première fois depuis longtemps. En 2020, l’entreprise avait enregistré 105 millions d’euros de pertes. « Tous les résultats de nos filiales sont dans le vert, y compris pour nos filiales étrangères », précise-t-il.

Cette amélioration des comptes de Fret SNCF s’explique par la hausse de l’activité, mais aussi par des efforts de productivité (avec notamment l’augmentation du nombre des rotations) liés à la réduction des frais de structures. Le secteur a également bénéficié de l’aide financière des pouvoirs publics pour les péages et les wagons isolés. « Le wagon isolé est structurellement déficitaire. Sans coup de pouce de l’Etat, cette activité serait amenée à disparaître », rappelle-t-il.

 » LE WAGON ISOLÉ EST STRUCTURELLEMENT DÉFICITAIRE. SANS COUP DE POUCE DE L’ETAT, CETTE ACTIVITÉ SERAIT AMENÉE À DISPARAÎTRE « 

Politique de reconquête

« Nous sommes dans une politique de reconquête », souligne Frédéric Delorme. Fret SNCF a déjà augmenté son trafic de 10 % en 2021, davantage que la moyenne européenne (le volume devrait revenir cette année au niveau d’avant-crise), Naviland a vu son activité progresser de 25 % l’an passé, tandis que VIIA enregistrait une progression de 38 % par rapport à 2020. Parmi les autres nouvelles positives, l’entreprise a gagné le marché pour lancer une cinquième autoroute ferroviaire entre Sète et Calais en 2023, comme le rappelle le dirigeant , qui ajoute : « Cette nouvelle liaison permettra d’éviter 43 000 camions sur les routes et de réduire de 40 000 tonnes le CO2 rejeté dans l’atmosphère chaque année. »

Frédéric Delorme se félicite d’avoir repris des trafics à la route. Et donne quelques exemples comme le transport de containers entre Grand Est et Gennevilliers pour les ciments Vicat. Ou encore le gain par Novatrans de nouveaux trafics entre la France et l’Italie, qui permettront de supprimer 12 000 camions sur les routes. La société de combiné a également lancé une relation hebdomadaire entre la France et l’Espagne pour la société Cristalco, qui a choisi le report modal afin d’éviter de mettre 3 600 camions aller/retour sur la route, ce qui permet de réduire de 5 000 tonnes ses émissions de CO2. Captrain a rouvert des lignes en Allemagne pour transporter des déchets… « De nouveaux clients reviennent de la route vers le fer, poussés par la volonté d’être plus verts », constate le président de Rail Logistics Europe, qui se souvient : « Il y a 15 ans, lorsque j’étais à Fret SNCF, on parlait prix et qualité. Désormais, nos clients font passer leur bilan carbone au rang de leurs principales priorités. » Frédéric Delorme poursuit : « Des entreprises soucieuses de leur image s’intéressent à l’autoroute ferroviaire ou achètent des trains complets », et cite Amazon, groupe ô combien symbolique.

Ecolabels

Même si le coût du transport routier va augmenter, en raison notamment de la pénurie de routiers, permettant à l’écart de compétitivité de se réduire progressivement, il faut continuer à soutenir le fret ferroviaire pour lui permettre d’être dans le marché. Frédéric Delorme se dit favorable à une politique incitative plutôt que punitive.

Il préfère ainsi des mécanismes de défiscalisation ou de sur-amortissement qui pourraient être mis en place par exemple au bénéfice d’investissements qui ne nuisent pas à la santé.

Si Fret SNCF utilise encore quelques locomotives diesel, 90 % des tonnes-km transportées par Fret SNCF le sont sous caténaires, avec une énergie nucléaire décarbonée, alors que pour le transport routier, 95 % de la transition énergétique reste à faire. « Notre solution de transport, qui émet 14 fois moins de CO2 que par la route, est disponible immédiatement », souligne Frédéric Delorme qui propose une autre idée : la mise en place de certificats verts et blancs, vertueux pour la planète et la santé, ou encore la création d’écolabels pour que les consommateurs puissent faire leurs choix en toute connaissance de cause.

« 1 000 km réalisés sur autoroute ferroviaire, c’est 800 euros de valeur sociétale, si on prend en compte la moindre accidentologie, la décarbonisation et la dépollution, par rapport à un transport par camion », précise Frédéric Delorme.

Partie prenante de l’alliance 4F

Pour aller plus loin, la SNCF participe à l’alliance 4F (Fret Ferroviaire Français du Futur), mise en place en 2020 par les acteurs de la filière pour proposer une série d’investissements. Evalués à plus de 10 milliards d’euros, ils doivent permettre de doubler en dix ans la part modale du ferroviaire en la faisant passer à 18 %. C’était le niveau du fret ferroviaire il y a 30 ans.

Cette régression du fret ferroviaire au fil du temps s’explique, selon Frédéric Delorme, par la désindustrialisation de notre pays, la moindre compétitivité des ports français face à ses grands concurrents européens, et par le fait que les trains de fret passent toujours après ceux transportant des voyageurs.

De plus, ces dernières années, la part des subventions dédiée au fret en France a été la moins forte d’Europe, à égalité avec l’Espagne. Le président de Rail Logistics Europe y voit une corrélation avec cette part modale qui ne dépasse pas 9 % en France, contre 14 % en Italie, 18 % en Allemagne, 32 % en Autriche ou 35 % en Suisse. La France ne consacre que 49 euros par an et par habitant au réseau, soit neuf fois moins que la Suisse, cinq fois moins que l’Autriche et deux fois moins que l’Allemagne ou l’Italie.

Pour que le fret ferroviaire regagne des parts de marché, le dirigeant insiste sur la nécessité de subventions publiques afin de compenser l’inégalité avec la route qui ne paye pas ses infrastructures, ni ses émissions. D’où un déséquilibre de compétitivité et l’idée d’instaurer le principe du pollueur-payeur. « Mais on a vu ce que cela donnait avec les bonnets rouges… », rappelle-t-il.

De son côté, l’alliance 4F a transmis une liste de 72 mesures au gouvernement. Celui-ci a déjà lancé un plan de relance de plus de quatre milliards d’euros en faveur du ferroviaire (principalement ciblés sur les infrastructures), auquel s’ajoute le soutien au fret ferroviaire via une aide annuelle de 170 millions d’euros jusqu’en 2024. « S’il est satisfaisant d’avoir une vision pluriannuelle avec cet engagement, il faudra aller au-delà, car cela ne suffira pas. Il faudra continuer à investir au-delà de cette date », prévient Frédéric Delorme qui, avec 4F, appelle le prochain président de la République à poursuivre les efforts au cours des dix prochaines années et à « oser une mutation écologique et technologique, porteuse de sens ».

Et de rappeler que, grâce à son activité, Rail Logistics Europe a permis d’éviter 1,4 milliard d’euros d’externalités : émissions de CO2 et de particules. « Presque l’équivalent de notre CA, ce qui, en ces temps d’urgence climatique, où la pollution cause 50 000 morts prématurées par an, doit être pris en compte. »

Plan de relance

« La relance ferroviaire ne sera efficace que si on raisonne globalement », insiste le président de Rail Logistics Europe. Pour tenir les objectifs de doublement du fret ferroviaire, il faudra tripler le transport combiné. Ce qui nécessite de pouvoir bénéficier de sillons de qualité, permettant d’assurer la ponctualité. « Il faut un plan Marshall pour le réseau ferroviaire », martèle Frédéric Delorme. Plan qui profitera non seulement au fret mais aussi à l’acheminement des voyageurs.

Il estime en effet que le principal frein du ferroviaire est de ne pas disposer de sillons pour répondre aux besoins du marché, et met en garde : « Si on ne lance pas un plan Marshall en investissant 10 milliards comme le préconise 4F, nous aurons de plus en plus de difficultés. »

 » SI ON NE LANCE PAS UN PLAN MARSHALL EN INVESTISSANT 10 MILLAIRDS, NOUS AURONS DE PLUS EN PLUS DE DIFFICULTÉS « 

Selon Frédéric Delorme il faut gérer différemment les plannings de chantiers, afin de ne plus pénaliser le fret qui circule souvent de nuit, moment choisi pour réaliser les travaux. C’est dans ce but que 200 millions ont été engagés jusqu’à 2024 pour permettre à SNCF Réseau de réorganiser différemment des travaux en vue d’assurer de bons sillons au fret. « Sur le long terme, il y a un énorme enjeu pour le réseau », insiste-t-il, car si, globalement, la réponse actuelle en sillons est satisfaisante en qualité et en quantité pour le trafic conventionnel qui sert notamment l’industrie sidérurgique, le papier et la chimie, le transport combiné souffre d’un manque de qualité : 70 % des sillons proposés pour les autoroutes ferroviaires ne répondent pas aux besoins du marché. « Il faut du cadencement, avec des horaires précis et de la fréquence pour faire venir les transporteurs routiers. D’où la nécessité de continuer à investir de manière massive pour régénérer le réseau entre 2024 et 2030 ».

Les décisions qui seront prises au cours du prochain quinquennat présidentiel seront donc déterminantes. Après les premières décisions de ce gouvernement en faveur du fret ferroviaire, Frédéric Delorme attend un « acte II ». A court terme, il exprime le souhait que le fret ne soit plus pénalisé face au transport de voyageurs et que des sillons soient sacralisés. « On a besoin de capacités réservées permettant d’assurer des temps de transport dans le marché, afin de répondre à des commandes de dernière minute », plaide-t-il.

Dans l’attente du rapport du conseil d’orientation des infrastructures

« Nous attendons la remise du rapport du conseil d’orientation des infrastructures (COI) sur la stratégie de développement du fret ferroviaire, mais il va falloir être créatif et aller vite. Nous avons besoin d’une loi de programmation pour doubler le fret ferroviaire, comme c’est écrit dans la loi Climat », continue le dirigeant. « Ce qui sera décidé sur la saturation des nœuds ferroviaires et sur les lignes capillaires, qui acheminent 50 % des trafics de fret, sera déterminant. Si on le rate, nous risquons d’être largués par le reste de l’Europe. Notre industrie patinera, et les objectifs de réduction de CO2 ne seront pas atteints », prévient-il, avant d’ajouter que « le cap fixé est réalisable, à condition de sacrément se remuer ».

Tous bords politiques confondus, tout le monde veut du fret ferroviaire, et une pression citoyenne s’exerce. Or, au rythme actuel, on prend déjà du retard, poursuit-il. Les 10 milliards d’euros d’investissements préconisés par l’Alliance 4F apporteront à terme des économies bien supérieures, puisqu’ils pourraient générer de 25 à 30 milliards de bénéfices en valeur sociétale. « Il faut que les politiques les intègrent », insiste Frédéric Delorme.

Valérie Chrzavzez

Ewa

« Il est temps de lancer au plus vite des réseaux express métropolitains »

Jean Claude Degand

A l’exception de l’Ile-de-France, les territoires périurbains sont bien mal desservis par le train. La LOM a pourtant fait émerger la notion de Réseau Express Métropolitain (REM). Il est grand temps de permettre à ces réseaux de voir le jour, estime Jean-Claude Degand, ancien directeur du périurbain de la SNCF. Sans oublier de mettre à niveau les RER franciliens.

 

L’accélération du réchauffement climatique impose de prendre, au cours du mandat présidentiel qui vient, les décisions essentielles pour réussir la transition écologique.

La question des mobilités a été à l’origine de la secousse majeure du quinquennat des Gilets Jaunes, et notamment l’absence de solutions transports crédibles hors des agglomérations pour les mobilités du quotidien.

Trois ans plus tard, l’inadaptation des transports publics dès que l’on s’éloigne des zones denses des agglomérations reste. Le traitement enfin engagé des « petites » lignes ferroviaires, pour être nécessaire et souvent urgent vu leur état, est une réponse très partielle parce que ces lignes ne concernent le plus souvent que la partie la plus rurale du territoire.

La difficulté essentielle, bien mise en évidence par le mouvement des Gilets Jaunes, se situe en effet dans les couronnes périurbaines des agglomérations, et notamment les plus grandes, qui se sont développées de façon continue depuis les années 70. Dans ces territoires, les autoroutes et les voiries rapides ont étalé l’habitat sur de vastes aires urbaines archipélisées. C’est le refuge des plus modestes et le vote protestataire y est fort.

 » LES TERRITOIRES PÉRIURBAINS SONT LE REFUGE DES PLUS MODESTES ET LE VOTE PROTESTATAIRE Y EST FORT « 

A l’exception notable de l’Ile-de-France, ces territoires périurbains sont mal desservis par le train qui n’offre pas les fréquences, l’amplitude et la finesse de desserte pour répondre aux besoins. Les quelque 15 millions d’habitants qui y vivent sont presque toujours captifs de l’automobile pour leurs déplacements quotidiens. Quelles solutions alors ?

La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) votée en 2019 y répond pour la première fois en introduisant la notion de Réseaux Express Métropolitains (REM) : il s’agit de mettre en place des réseaux ferrés à haute cadence parcourant les territoires agglomérés et les couronnes périurbaines des métropoles, en s’appuyant sur les réseaux ferroviaires en étoile que les générations passées nous ont légué et qui sont autant de pénétrantes rapides au cœur des agglomérations. Une extension en quelque sorte aux métropoles régionales du concept de RER bien connu en Ile-de-France, mais aussi le choix opéré par de nombreuses métropoles européennes.

En Allemagne par exemple, où, depuis les années 50 et 60, pas moins de 12 réseaux S-Bahn ont été aménagés, qui sont pour beaucoup dans le développement urbain structuré des capitales des Länder. Ou encore en Espagne, où 14 réseaux Cercanias de banlieue ont été mis en place depuis les années 80. En quelque sorte, restructurer et transformer les réseaux ferrés de la périphérie de nos métropoles à l’aune du mass transit.

Une étude, confiée à SNCF Réseau en application de la LOM, a confirmé la pertinence de ce concept. 22 agglomérations ont ainsi été recensées comme cas d’application possibles, mais à l’exception de Bordeaux et d’une ou deux autres agglomérations, les agglomérations intéressées ne se bousculent pas. En attribuer la cause à la relance récente du programme TGV n’est pas exact, et élude largement les causes réelles des difficultés rencontrées.

Que l’on ne s’y trompe pas : les réseaux express métropolitains que l’on appelle de nos vœux sont le plus souvent des projets d’infrastructures majeurs, d’une échelle financière considérable au regard des ressources financières directement mobilisables au niveau des agglomérations.

 » EN ALLEMAGNE, DEPUIS LES ANNÉES 50 ET 60, PAS MOINS DE 12 RÉSEAUX DE S-BAHN ONT ÉTÉ AMÉNAGÉS « 

Il s’agit aussi de projets complexes, en interaction avec les autres activités ferroviaires, dans lesquels une collectivité se doit de vérifier avant de s’engager qu’elle aura une maîtrise suffisante du processus, à l’abri des conséquences de nouveaux arbitrages techniques ou financiers du gestionnaire du réseau ferroviaire sur lesquels sa prise est limitée. Chacun a ici en tête la dérive financière du projet EOLE en Ile-de-France ou encore, dans cette même région, les errements de l’exploitation des RER.

Le parallèle avec les cas allemand et espagnol est d’ailleurs fort instructif ; si des réseaux analogues à nos projets de réseaux express métropolitains y ont vu le jour, c’est parce qu’ils ont répondu d’abord à une forte volonté politique nationale en dépit du caractère bien plus décentralisé de ces pays que le nôtre. En Allemagne, l’Etat fédéral a financé à 80 % les travaux d’infrastructures correspondants. En Espagne, le rôle de l’opérateur ferroviaire national a été décisif.

En France, le quinquennat qui s’achève a manifestement créé, avec la réforme ferroviaire et la LOM, un environnement juridique et économique plus favorable pour le développement de tels projets : il importe maintenant de poursuivre et d’amplifier la démarche, et de mettre en place un véritable programme national de mise en place des réseaux express métropolitains. Ce programme servira de boussole pour le développement des transports publics du quotidien en régions afin qu’ils touchent d’ici 2035/2040 le plus grand nombre de nos compatriotes, y compris dans les zones périurbaines.

 » 22 AGGLOMÉRATIONS ONT AINSI ÉTÉ RECENSÉES COMME CAS D’APPLICATION POSSIBLES « 

Deux conditions sont essentielles pour réussir un tel programme :

  • La mise en place de ressources financières nouvelles à disposition des autorités métropolitaines, comme on a su le faire en Ile-de-France pour le métro du Grand Paris,
  • La sécurisation par l’Etat de l’engagement des agglomérations, sur le plan technique et financier, sous le contrôle de l’Autorité de Régulation des Transports.

Un tel panorama serait incomplet sans évoquer le cas de l’Ile-de-France : elle fait figure d’exception avec le premier réseau RER européen et quelque quatre millions de franciliens transportés chaque jour, qui prouvent la pertinence du concept. Mais le système est aujourd’hui saturé et il ne se passe pas de semaine sans que des incidents de toute nature ne viennent illustrer le recul du niveau de service qui en découle depuis une quinzaine d’années. Les lignes RER B et D partagent le même tunnel central, ce qui plafonne leur capacité alors que leur trafic explose. Les difficultés de pilotage entre les différents acteurs sont récurrentes et handicapent la performance d’ensemble d’un système pourtant remarquable. Ile-de-France Mobilités n’entrevoit pas d’amélioration avant la fin de la décennie, et il est à craindre que les mesures somme toute partielles envisagées sur le matériel roulant et l’exploitation ne soient annihilées par la hausse continue des trafics. Une situation qui ne se réglera pas sans la définition d’un nouveau cap par l’Etat qui a seul les moyens de le faire.

 » LES LIGNES RER B ET D PARTAGENT LE MÊME TUNNEL CENTRAL, CE QUI PLAFONNE LEUR CAPACITÉ ALORS QUE LEUR TRAFIC EXPLOSE « 

Une impulsion nationale d’ampleur est donc nécessaire au cours du prochain quinquennat pour les réseaux ferroviaires du quotidien, notamment pour mettre en place les réseaux express métropolitains en région et pour mettre à niveau les RER en Ile-de-France. Elle s’ajoute à ce qui a déjà été réalisé au cours du présent quinquennat : le désendettement de la SNCF, la réforme ferroviaire et la modernisation des petites lignes. C’est maintenant une nécessité, à la fois pour l’unité sociale et territoriale de notre pays, ainsi que pour la transition écologique. L’ampleur de l’effort nécessaire est à la hauteur des décennies de désintérêt pour les transports du quotidien et de décisions différées. Le nouveau pacte ferroviaire qui résulte de la réforme de 2018 le rend enfin possible.

Par Jean-Claude Degand, animateur du think tank Mobilités 2050, ancien directeur du périurbain de la SNCF

Ewa

«Lacroix & Savac se sent plus à l’aise dans la compétition en Ile-de-France maintenant que les critères sociaux ont été revus à la hausse »

Stéphane Guenet

Engagé dans la bataille des bus en Ile-de-France, le groupement Lacroix & Savac vient de se voir attribuer mi-février par IDFM son premier contrat en grande couronne. Stéphane Guenet, le président du groupement, également directeur général de CFTR (Compagnie française des transports régionaux, filiale du fond d’investissements Cube ) détaille pour VRT ses objectifs.

Ville, Rail & Transports. Vous venez enfin de remporter votre première victoire en Ile-de-France suite à l’ouverture à la concurrence des bus Optile…

Stéphane Guenet. Nous venons en effet de remporter le contrat d’exploitation du réseau de bus du territoire de l’ouest de l’Essonne. C’est une très bonne nouvelle, un message de confiance de la part d’IDFM. Nous avons réussi une fois, cela montre que nous serons capables d’autres succès à l’avenir. Nous allons rependre 174 conducteurs et ferons les meilleurs efforts pour que la transition se fasse sans couture.

VRT. … mais vous avez aussi perdu un lot important, le lot 27 desservant notamment Vélizy et rassemblant les lignes historiques de Savac…

S. G. : C’est une perte douloureuse. Les équipes travaillaient de longue date avec Savac, assurant une bonne qualité de service. Nous sommes d’autant plus tristes que ces salariés ne savent pas s’ils sont repris par Keolis ou par un sous-traitant. La même situation se produit avec le lot 26 gagné par RATP Dev  : les salariés seront repris par une société sous-traitante et ils ne savent pas laquelle… Cela fait partie des mauvaises surprises. A quoi ça sert d’avoir une entreprise attributaire si celle-ci confie le contrat à un sous-traitant? Ce n’est pas loyal.

VRT. Quels autres enseignements tirez-vous de cette compétition?

S. G. Il y a eu une période d’apprentissage. Concourir en Ile-de-France nécessite des moyens que Lacroix & Savac n’avaient pas. Nous avions anticipé des risques de dérives sur ce marché et ces dérives se sont produites.

La pression concurrentielle des trois grands groupes (Keolis, Transdev et RATP Dev, ndlr) est très forte. Ils se sont installés dans une guerre de positions.

La compétition a principalement portée sur les conditions de travail et la rémunération. Avec des astuces pour baisser les coûts et augmenter la pression sur la conduite. Sur certains appels d’offre, comme on a pu le constater, la prime n’a pas été au plus-disant social. 

On s’y attendait mais cela ne peut pas fonctionner sur le long terme. 

Heureusement, l’autorité organisatrice (IDFM, ndlr) a aussi appris de cette période. Le fait d’avoir augmenté le poids du critère social de 5 points dans les appels d’offres va dans le bon sens.  

VRT. N’avez-vous pas, vous aussi, cherché à réduire vos coûts pour tenter de gagner des contrats?

S. G. Nous avons été obligés de prendre en compte les critères d’attribution. Mais nous avons conscience que la règle doit être socialement acceptable. Je suis très heureux que voir que l’on va mieux prendre en compte la dimension sociale.

VRT. Quels sont plus précisément vos objectifs en Ile-de-France ?

S. G. Le groupement Lacroix & Savac a très clairement l’intention de rester un opérateur de premier rang en Ile-de-France. Nous sommes désormais plus à l’aise dans ce contexte où les critères sociaux ont été revus. 

Pour le moment, nous avons répondu à près de la moité des lots sur la quinzaine ouverts à la concurrence.

VRT. A combien de lots répondrez-vous ?

S. G. Au total, nous répondrons à 22 ou 23 lots sur les 36. 

Il faut comprendre que nos capacités ne sont pas infinies. Le fait de voir le rythme de lancement des appels d’offres s’intensifier est pénalisante pour nous. Nous n’avons pas les mêmes « écuries » que nos concurrents qui sont les trois leaders mondiaux.

L’ouverture en Ile-de-France a montré quelques travers. Il y a une ardente obligation pour les leaders mondiaux de se montrer exemplaires au niveau des prix alignés et au niveau social. S’ils proposent des solutions de dumping ou contribuant à détériorer le service comme on a pu le voir notamment en Seine-et-Marne, cela montrera finalement que l’ouverture à la concurrence en Ile-de-France se traduit par un service moindre, par des conflits sociaux… Personne n’y a intérêt. Cela pourrait même avoir des répercussions au-delà de nos frontières, en influençant négativement l’opinion au niveau international.  

VRT. Comment expliquez-vous que les concurrents étrangers ne se bousculent pas en Ile-de-France?

S. G. Il est difficile de répondre à ce genre d’appel d’offres. Cela suppose beaucoup de moyens et une culture du pays. Répondre coûte cher, et, que l’on gagne ou que l’on perde, c’est le même coût.

De plus, même quand un opérateur gagne, le niveau de rentabilisation n’est pas forcément au rendez-vous : je suis convaincu que certains contrats qui ont déjà été gagnés resteront déficitaires.

Les 3 grands groupes leaders sont tous des groupes publics qui sont recapitalisés régulièrement. Nous, privé, ne pouvons pas perdre d’argent.

J’estime aussi qu’il y a un problème de coordination entre l’Etat et IDFM. IDFM va lancer une série d’appels d’offres sur les bus en petite couronne, qui engage la RATP. Après bien des tergiversations (comme on en a l’habitude en France), la décision de lancer ces appels d’offres en imposant un calendrier serré a pour conséquence d’en accélérer le rythme.  Les deux ans qui viennent vont être très tendus.

VRT. Quelle va être la part de votre activité impactée par ces appels d’offres ?

S. G. En 2022 et 2023, ces appels d’offres vont concerner 25 % du chiffre d’affaires total actuellement réalisé par le groupe CFTR. Soit 60 millions d’euros. Cela représente plus de la moitié de nos contrats conventionnés en Ile-de-France. Il y a donc un gros enjeu dans les deux ans qui viennent.

Nous avons pour objectif de consolider ce que nous avons et, pourquoi pas, d’en augmenter un peu la part.

VRT. Où en est la fusion entre SAVAC et Lacroix ?

S. G. Cette année, nous allons commencer à rapprocher toutes les fonctions centrales, DRH, comptabilité… et nous continuons la convergence entre les deux entités au niveau du top management, avec Géric Bigot, l’ancien président de Savac, à sa tête.

Notre plan d’action « convergence » vise à la fois à gérer la fin des contrats avec Ile-de-France Mobilités et à faire émerger notre nouvelle entité qui s’appellera LS Mobilité. LS Mobilité sera la holding et créera des filiales dédiées pour exploiter chaque contrat gagné. Ainsi, c’est Francilité Ouest Essonne qui gérera le lot 24 ouest.

VRT. Ce plan prévoit-il une réduction du nombre des salariés ?

S. G. C’est le résultat des appels d’offres qui déterminera le nombre de salariés. Un lot d’IDFM représente l’équivalent du réseau urbain d’Orléans. Je pense qu’il y aura de la place pour tout le monde au sein du Groupe Lacroix & Savac.

Le frein au développement vient plutôt du manque de conducteurs et de saisonniers pour assurer le service. Pourtant, la pénurie des conducteurs que nous connaissons actuellement était prévisible. En effet, quand on n’arrive pas à vivre avec son métier, on fait autre chose. C’est ce qu’il se passe aujourd’hui et ce n’est pas dû au fait que les gens ne veulent pas travailler. Les minimas conventionnels sont très bas et ne permettent pas de vivre correctement. Si on ajoute à cela le « saucissonnage » des appels d’appels d’offres et la pression accrue sur les prix, on en arrive à cette pénurie de conducteurs.  

Chacun doit être responsable, et tout particulièrement les grands groupes. Les autorités organisatrices aussi, qui doivent parfois résister au miroir aux alouettes. On ne pourra pas avoir une qualité de service avec des gens qui sont de plus en plus maltraités.

Cette pénurie de conducteurs est de grande ampleur. Pour le moment, elle ne touche pas encore l’Ile-de-France mais cela ne saurait tarder. Ressaisissons-nous !

VRT. Quelle est votre politique dans ce domaine?

S. G. CFTR paye ses salariés bien au-dessus des minimas conventionnels et nous faisons attention aux heures de travail de façon à proposer des journées pleines. Nous ne proposons pas, par exemple, deux heures de conduite par jour pendant 180 jours par an…

C’est parce que de telles conditions de travail sont proposées que l’on fait venir dans certaines régions de France, des travailleurs de l’Est en vols low cost…

Il faut tirer un certain nombre d’enseignements de cette situation et avoir une vision à long terme. Nous avons la chance d’avoir une activité non délocalisable. Il faut réviser les minimas conventionnels. Je pense en particulier à la convention de la FNTV. Le transport public de voyageurs a un très bel avenir devant lui. Nous ressentons une soif de mobilité.

Je ne vois pas pourquoi en France on ne réussirait pas là où d’autres pays ont réussi, notamment en Europe du Nord.

VRT. Et au niveau national, quelle est votre stratégie?

S. G. Le groupe CFTR a vocation à constituer des champions régionaux du transport public sur chaque territoire. Actuellement, nous sommes surtout implantés en Ile-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes, un peu moins en Normandie et dans les Hauts-de-France.

Nous continuons à regarder le marché : nous ciblons des sociétés que nous pouvons accompagner dans leur développement pour leur permettre d’apporter une alternative dans les transports publics.

Nous restons en veille et regardons partout. Nous essayons à chaque fois d’avoir un maillage territorial et sommes sélectifs.  

La législation a contribué à redimensionner le marché. Auparavant, nous raisonnions à l’échelle d’un ou de plusieurs départements. Désormais, il faut se situer à l’échelle régionale. Une entreprise doit avoir une taille suffisante et disposer d’une bonne maîtrise technique pour pouvoir répondre aux appels d’offres. 

Ce sont les deux principaux critères que nous regardons avant de nous engager. Ces entreprises doivent être bien implantées dans des régions disposant d’un marché dynamique.

 Nous pouvons aussi être intéressés par des sociétés de moindre rang, mais en complément, si elles ont des synergies avec nos entreprises. Ce n’est pas le cas en Ile-de-France qui est à part et où il reste beaucoup moins d’intervenants.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

Voici l’organigramme de la future Direction générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités

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14 ans après sa création, le monde a changé et la DGITM en prend acte. En mars, elle va être dotée de deux directions modales (d’un côté les routes, de l’autre le rail, les ports et le fluvial) et prend le nom de Direction Générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités.

En mars, l’actuelle Direction générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer rattachée au ministère des Transports va faire sa mue en changeant d’organisation et de mode de fonctionnement. Concrètement, il va être mis fin à la séparation entre la direction des services de transport et la direction des infrastructures. A la place, deux nouvelles directions modales et transverses vont voir le jour : d’une part, la direction des mobilités routières (qui regroupe la direction des routes et les transports routiers dont les taxis) avec à sa tête Sandrine Chinzi, et d’autre part, la direction des transports ferroviaires et fluviaux et des ports (rassemblant à la fois les infrastructures et les services de transport), chapeautée par Alexis Vuillemin. Marc Papinutti reste à la tête de la DGITM.

« La DGITM a été créée il y a une quinzaine d’années et son organisation n’avait jusqu’à présent pas changé. Ou alors à la marge », explique-t-on en interne. Dans le même temps, le secteur des transports a beaucoup évolué, entre montée en puissance de la digitalisation, apparition de nouvelles mobilités, transformations sociétales, réformes ferroviaires ou encore renforcement des relations avec les collectivités locales.

Cette réforme a été décidée en 2019, après l’arrivée de Marc Papinutti aux commandes. Elle a été un temps suspendue, lors du pic de la crise sanitaire. Puis elle a été remise sur les rails à partir du quatrième trimestre 2020 avec l’appui de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP).

« Au cours du premier trimestre 2021, un diagnostic a été partagé sur les priorités et les attentes des agents. Et des orientations ont été identifiées en termes d’organisation pour mieux prendre en compte notamment la transition énergétique, la digitalisation et la mixité », souligne la DGITM.

A l’été 2021, des préfigurateurs ont été désignés pour peaufiner le travail, qui a été soumis en décembre aux organisations syndicales. « Fonctionner avec deux directions modales va permettre d’avoir une vision systémique pour le ferroviaire mais aussi pour les autres modes, fluvial et routier. Rapprocher les équipes qui travaillent sur les infrastructures et celles des services de transport fait consensus. Tout le monde trouve que cela a du sens », ajoute-t-on.

Au sein de la direction des transports ferroviaires et fluviaux, une équipe sera plus particulièrement chargée des infrastructures ferroviaires et une autre des services de transport et de la sécurité, tandis qu’un département sera chargé du transport fluvial (voies navigables et service navigation), et une autre équipe gérera les ports. « Nous souhaitons développer une vision transversale grâce à plusieurs équipes de petites tailles pour marquer les enjeux principaux », précise-t-on en interne. « L’ambition est de regrouper les modes massifiés et les mobilités alternatives à la route, et de chercher à augmenter leurs parts modales. »

Parmi les autres équipes identifiées, citons la mission sur les mobilités actives (incluant la marche) sous l’égide de Thierry Ducrest. Ou encore celle chargée de la multimodalité, de l’innovation, du numérique et des territoires, qui reprend en partie l’agence de l’innovation pour les transports créée l’an dernier et dirigée par Claire Baritaud.

On trouvera aussi, au sein de la DGITM réformée, une mission fret et logistique ainsi qu’une mission Europe et internationale, bienvenue en cette année de présidence française de l’Union européenne.

En raison de l’importance du social dans le secteur, une sous-direction (qui existait déjà dans la direction des services de transport) restera spécialisée en droit social dans les transports terrestres. Et une directrice des projets de la transition écologique et de la transformation numérique (Christine Rivoallon) sera chargée de diffuser l’information et les bonnes pratiques dans l’ensemble de la direction générale. Enfin deux sous-directions, une sous-direction du budget et une sous-direction des ressources humaines assureront une gestion pour l’ensemble des équipes.

Conséquence de ce recentrage, la DGITM perd la direction des Affaires maritimes qui sera rattachée au ministère de la Mer (donc au ministère de la Transition écologique), avec la pêche et de l’aquaculture (jusqu’alors rattaché au ministère de l’Agriculture). Les missions relatives aux ports restent sous l’égide de la DGITM, l’objectif étant avant tout de développer les liens avec le ferroviaire et le fluvial.

Pour bien marquer ces changements, à partir de mars, si la DGITM garde son sigle, sa signification change : la DGITM devient la Direction générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités.

Marie-Hélène Poingt

organigramme dgitm