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Ewa

Un cadre francilien sur cinq candidat au départ

Route 80km/h campagne

Un cadre francilien sur cinq cherche un emploi dans une autre région que l’Ile-de-France, selon une récente étude Cadremploi, qui n’a pas échappé à la vigilance de la Fabrique de la Cité. Entre mars 2020 et mars 2021, leur nombre a augmenté de 31 %. Cadremploi rappelle que, dans son dernier baromètre des envies de quitter Paris, figurait un autre chiffre « hallucinant ». 83 % des cadres franciliens envisagent une mobilité régionale, selon une tendance ininterrompue depuis huit ans. Des tendances que Cadremploi rapproche de données publiées dans la note de l’Insee parue le 25 avril dernier : seul un tiers des cadres travaillant en Ile-de-France réside dans une maison, contre plus des deux tiers en province. Et seul un tiers utilise la voiture contre les trois quarts des cadres provinciaux. Fort bien. Mais si le rêve, c’est d’échapper au RER pour aller gentiment polluer dans la verdure, il risque d’y avoir maldonne.

F. D.

Lire l’étude de Cadremploi

Ewa

Le trottoir tient le haut du pavé

piste cyclable

Ignoré, mal aimé, mal vu, le trottoir prend de la valeur. Avec le développement des mobilités actives, avec la révolution informatique, et notamment l’essor du e-commerce, il devint un grand enjeu de la ville de demain. Isabelle Baraud-Serfaty, consultante en économie urbaine, invite à le penser et à en organiser la gestion. Un sujet sur lequel elle intervient par monts et par vaux.

Naturel à nos yeux , le trottoir est une invention récente. Réinvention plutôt. Les Romains l’ont connu et Pompéi est là pour en témoigner. Puis il a disparu avant de renaître de ci de là, sur le tard. En France, on fait remonter sa généralisation à la loi de 1845, qui fait suite à l’épidémie de choléra de 1832. Mesure hygiéniste. Cette généralisation, note Isabelle Baraud-Serfaty, consultante en économie urbaine, « coïncide avec la création des grands réseaux d’infrastructure qui structurent le fonctionnement des services urbains en France depuis lors ». L’eau. Le gaz. Puis l’électricité. Aujourd’hui, alors qu’Alphabet, la société-mère de Google, venait de créer Sidewalk Labs — les Labos du trottoir — sa filiale dédiée aux projets urbains, Isabelle Baraud-Serfaty s’est dit : « Et si le trottoir incarnait ce basculement de la ville des infrastructures vers la ville des plateformes numériques ? »

En tout cas, il change. Pour le piéton, la marche requiert, en ville du moins, des trottoirs praticables. Et l’essor de la marche, qui est aussi l’un des grands enjeux de la ville à venir, va le demander de plus en plus. On dervait avoir une idée de l’état des choses en France avec la publication, début juin, du Baromètre des villes marchables.

Mais, c’est un autre point qui a retenu l’attention d’Isabelle Baraud-Serfaty. Elle en a fait part à diverses reprises : articles dans BelvedeR, la revue de l’agence d’urbanisme de Toulouse, dans la revue Futuribles, dans de nombreuses interventions sur son blog dont un récent podcast et, récemment encore, lors d’un webinaire organisé par Urbis le Mag, le magazine de l’agence d’urbanisme de Dunkerque.

Le trottoir, on le voit, est encombré : les terrasses des cafetiers, les étals des commerçants, les pistes cyclables, les voitures en stationnement, le mobilier urbain, les boîtes à lettres, les plantations… Tout le monde le veut, sans oublier les piétons. Depuis peu, remarque-t-elle, pour Urbis le Mag, « les trottoirs accueillent également beaucoup d’éléments ayant trait aux nouvelles préoccupations environnementales : des composteurs, des points d’apport volontaires des déchets, des bornes de recharge électrique ou de réparation de vélos, des fontaines rafraîchissantes… Et encore plus récemment, des distributeurs de masques ! ». Ajoutons, que selon les modalités des confinements, on a déjà connu et on doit de nouveau connaître les terrasses de cafés et restaurants sur la chaussée, faisant du trottoir un couloir pour les besoins du service, perpendiculaire à la marche des piétons.

En d’autres termes, comme l’écrit Stéphane Schultz dans la Newsletter de 15 Marches : « Le trottoir traduit aussi l’absurdité du développement urbain récent, qui refuse de choisir entre l’attrait des centres anciens et la place de la voiture. Cet espace conçu pour les piétons n’est plus qu’un entrelacs de kiosques, panneaux, bornes, potelets, édicules divers et variés. Tout ce que la chaussée, dédiée aux modes lourds et rapides, a rejeté. Chaque objet cache autant de fonctions, réseaux, gestionnaires, réglementations et administrations, rendant la gestion de ces espaces effroyablement complexe. »

Mais ce qui importe particulièrement à Isabelle Baraud-Serfaty, c’est le couplage inattendu, peu perçu, du trottoir et du numérique. La révolution numérique conduit à un encombrement accru. Surtout du fait des nouveaux services de livraison rapide. Et on n’y prête pas l’attention que cela mérite. Du moins en Europe. Au contraire, remarque-t-elle, « en Amérique du Nord, un nom existe pour désigner cela : le curb management. Le curb, c’est la bordure, l’espace à cheval sur la bande de stationnement et la bande de service, là où se trouve le mobilier urbain. Le curb management appréhende le trottoir comme une ressource rare, à optimiser, grâce à l’appariement, en temps réel et sur mesure, des besoins et des disponibilités. Sachant que l’occupation de cette bordure de trottoir peut être très rapide : le curb kiss désigne par exemple le fait que les opérateurs de VTC ou de livraison vont avoir besoin du trottoir juste le temps de prendre en charge ou déposer leurs passagers ou leurs colis. »

Le trottoir devient quai de déchargement, ou selon l’expression de Mathieu Chassignet, de l’Ademe, « salle d’attente du commerce en click & collect ». Le trottoir a donc un prix : or, demande-t-elle est-il normal que les opérateurs du VTC ou de la logistique comme Amazon ne payent rien pour l’utilisation de cette ressource clef indispensable à leur chiffre d’affaires ?

Une multitude d’acteurs privés a déjà envahi l’espace. Dont Coord, filiale de Sidewalk Labs, qui, selon les mots de Stéphane Schultz, « propose justement d’indexer le “curb” (…) comme sa maison mère a indexé le web. L’objectif ? Permettre de créer des services numériques performants pour la gestion dynamique du curb, y compris le stationnement des voitures, des livraisons et des services d’autopartage. »

Coord n’est pas le seul. Apparaissent, remarque la fondatrice d’Ibicity, des « acteurs très hétérogènes et très évolutifs ». Face à eux, les villes sont un peu démunies. La gestion de la rue est éclatée entre directions techniques, ce qui rend la discussion complexe. Elle est nécessaire pourtant, puisqu’il va falloir réguler cet accès au trottoir et parfois choisir entre les opérateurs. Résultat : « Je ne serais pas surprise de voir, en France, des opérateurs privés devenir des gestionnaires de rues dans les années qui viennent, avec des concessions de service public attribuées comme pour les autoroutes ou la plage de La Baule. Autre modalité de gestion possible : il y a déjà, quand des opérations de logements neufs émergent, une réelle tentation de transférer la fabrication du trottoir aux promoteurs, et de plus en plus d’associations de copropriétaires se retrouvent ainsi propriétaires de leurs trottoirs ! »

Véronique Bédague, la directrice générale déléguée de Nexity, s’interrogeait dans Le Monde du 12 février, sur les effets du recul inéluctable de la voiture en ville et la refonte qui s’ensuivra de l’espace public urbain. Et, remarque Isabelle Baraud-Serfaty, proposait une délégation de service public…

N’y a-t-il pas d’autre solution ? Quoi qu’il en soit les collectivités doivent prendre conscience au plus vite de la valeur du trottoir. A quand un « élu à la rue » ?

F. D.


Isabelle Baraud-Serfaty

Consultante en économie urbaine, au sein d’Ibicity, cabinet de recherche dont elle est fondatrice.

Animatrice dans ce cadre d’un blog.

Travaille sur les rues de demain pour la direction de la prospective du Grand Lyon.

Enseigne à Science-po sur la co-production public privé et les nouveaux modèles économiques urbains.


Plus sur le trottoir

Voir Pourquoi le trottoir est si important dans nos villes, la vidéo de Pop-up urbain (Philippe Gargov), faite pour Demain la ville (fondation Bouygues immobilier).


Rez-de-ville aussi

Objet précis, comprenant cependant la bande de stationnement, le trottoir n’est pas tout l’espace public. Loin de là. Isabelle Baraud-Serfaty limite volontairement son champ d’études. Mais la réflexion qu’elle mène croise en partie celle que conduisent, avec David Mangin, des nombreux urbanistes et architectes sur les rez-de-ville. Sur la question de la profondeur historique des changements en cours, on renverra à « Re-vivre dans la rue », l’entretien que nous avons publié en mai 2020 entre l’historienne Arlette Farge et David Mangin.

Ewa

Selon David Valence, Grand Est a reçu « davantage de marques d’intérêt que prévu » pour ses TER

David Valence

Grand Est fait partie des régions les plus avancées en matière d’ouverture à la concurrence des TER, à côté du Sud, des Hauts-de-France et des Pays de la Loire. Nous publions ci-dessous l’interview de David Valence, vice-président de Grand Est chargé des Transports, qui fait le point sur la procédure en cours dans sa région. Découvrez aussi qui sont les opérateurs en lice et retrouvez notre dossier complet dans le numéro de mai de Ville, Rail & Transports.

Ville, Rail & Transports. L’ouverture à la concurrence des lignes TER dans le Grand Est a été annoncée début 2020. Votre projet a-t-il avancé ?

David Valence. Il suit son cours. Nos appels à candidatures ont porté sur deux lignes. La première, Nancy – Contrexéville, porte précisément sur la section entre Pont-Saint-Vincent et Contrexéville. La seconde ligne, l’axe Strasbourg – Saint-Dié – Epinal, accueille deux dessertes au départ de Strasbourg : vers Sélestat par le piémont vosgien et vers Saint-Dié. Dans les deux cas, nous avons choisi une procédure d’intégration verticale, portant à la fois sur l’infrastructure et les circulations. Le périmètre de ces appels à candidatures a été plus important que prévu. Il n’était pas prévu, initialement, d’intégrer les infrastructures sur Strasbourg – Saint-Dié.

VRT. Qui sont les candidats ?

D. V. Nous avons arrêté les candidatures fin 2020, et nous avons reçu davantage de marques d’intérêt que prévu. Les grands opérateurs nationaux ont répondu. Il y a aussi une candidature européenne. Le calendrier a pris un peu de retard. Les dossiers de candidature sont en cours d’élaboration. Ils contiendront cette fois un cahier des charges précis, et sortiront cette année avant la fin du premier semestre. Les lots attribués seront opérationnels en 2024.

VRT. La ligne Nancy – Contrexéville n’est plus exploitée dans sa section vosgienne. L’infrastructure est en mauvais état. La région évoquait, pour cette ligne, la reconstruction d’une plate-forme légère, pour des trains légers. Est-ce toujours d’actualité ?

D. V. Sur Nancy – Contrexéville, nous partons sur un contrat de concession de 22 ans. C’est la durée maximale autorisée par les règles françaises et européennes. Pendant la première moitié de la concession, c’est-à-dire pendant onze ans, on sera sur du matériel roulant classique. Ensuite, nous ouvrirons un relais pour permettre la circulation de matériel léger à partir de la douzième année. Le Grand Est fait partie des régions qui demandent que l’on définisse assez vite les caractéristiques de ce nouveau type matériel roulant. Pour nous, c’est l’avenir, y compris pour l’hydrogène.

TER grand Est
TER X 76500 ligne Strasbourg – Saint-Dié – Epinal.

VRT. Vos lignes transfrontalières seront-elles aussi concernées par cette ouverture à la concurrence ?

D. V. Nous ciblons sept lignes transfrontalières qui desservent notamment Trèves, Karlsruhe ou Fribourg. Elles ne seront concernées que dans un deuxième temps par nos appels à candidatures. Ces lignes demandent un matériel roulant spécifique pour éviter les arrêts prolongés dans les gares de part et d’autre de la frontière. Le Conseil régional a passé une commande de matériel ferroviaire en commun avec les Länder voisins de Sarre, de Rhénanie-Palatinat et le Bade-Wurtemberg. J’ai établi un groupe de coordination politique avec les secrétaires d’Etat des Länder voisins. C’est une affaire suivie de près. Mais cela prendra encore un peu de temps.

VRT. L’ouverture à la concurrence pour l’exploitation des lignes TER risque de devenir un sujet de débats cette année pendant la campagne des élections régionales. Etes-vous déterminé à mener votre projet à son terme ?

D. V. Nous n’en faisons pas un enjeu politique. Le transfert du personnel de la SNCF est encadré par la loi. C’est très précis. Nous allons agir dans le cadre de l’article 172 de la loi d’orientation des mobilités. En pratique, la question que vous soulevez demeure sensible du côté de SNCF Réseau.

Il faudra définir précisément les personnels en charge de l’entretien de l’infrastructure. Pour le personnel roulant et les contrôleurs, tout sera plus simple.

Certains y voient pourtant un enjeu de service public. On ne parle pas de prendre la main pour gagner de l’argent. Le Conseil régional attend une augmentation de l’offre. Nous n’avons pas entamé cette démarche pour des raisons d’idéologie, mais bien pour des raisons pratiques. Cela fait du bien à la SNCF d’être stimulée.

Propos recueillis par Olivier Mirguet

Les candidats en lice

Nancy-Contrexéville

Durée du contrat : 19,5 ans

CA annuel : 15 millions d’euros

Selon nos informations, sont en lice : Régionéo, Renfe, Transdev, Keolis

BVP

Durée du contrat : 19,5 ans – CA annuel : 30 millions d’euros

Selon nos informations, sont en lice : Régionéo avec Colas, Renfe avec Vinci, Transdev avec NGE et Caisse des Dépôs, et SNCF

Ewa

Péages urbains, micromobilité, cars express… Décarboner, veulent-ils

Livraison Bordeaux

La décarbonation dans toutes ses dimensions de la mobilité, c’est ce qu’a envisagé le 31 mars le Lab recherche environnement (Vinci – Paris tech). Financement des infrastructures de mobilité, déploiement des systèmes de recharge électrique, réinvention de la logistique, essor des cars express… La réussite de la décarbonation dépend pour une bonne part de la fée électricité. Mais ses coups de baguette ne vont pas tout résoudre par magie.

Initiative conjointe du Lab recherche environnement (Vinci – Paris Tech), du Cerema et de Construction 21 (plate-forme d’informations collaborative regroupant un public d’opérationnels des projets urbains), la conférence du 31 mars sur la mobilité décarbonée a été organisée à l’occasion de la publication du dossier Mobilités décarbonées de Construction 21.

Camille Combe, chargé de mission à la Fabrique de la cité, souligne que le niveau d’émissions des transports a augmenté entre 1990 et 2014, et estime que les solutions technologiques ne suffiront pas à remplir les objectifs. Financement de la mobilité et décarbonation sont pour lui deux faces d’une même médaille. D’où un retour sur certaines des initiatives que la Fabrique de la Cité a déjà scrutées en mai dernier.

Et dont nous avons alors parlé : Singapour, avec le péage urbain dans un territoire contraint de 5,5 millions d’habitants, péage urbain devenu dynamique, permettant de s’ajuster en temps réel, la cité-état jouant aussi d’un système d’enchères et de quotas sur le nombre de véhicules autorisés. Objectif : doubler la part des transports collectifs.

New York, voulant remédier au sous-investissement chronique dans les transports publics (retard de financement très important, dernière ligne de métro ouverte en 1940, baisse de la fréquentation des transports collectifs avant la crise Covid), a adopté un grand plan de 51 milliards de dollars d’investissements dans les transports. Le plan prévoit des instruments de régulation comme le péage urbain, des taxes sur les livraisons via Internet, et, tout particulièrement, une taxe progressive sur les logements supérieurs à 1 million de dollars. Les logements bénéficient en effet de l’accessibilité sans y contribuer jusqu’à présent. L’idée est de retourner le mécanisme, en profitant de la plus value foncière qu’assure le transport pour financer celui-ci.

Enfin, certains des Etats-Unis, dont l’Oregon, essayent de se tirer (de nous tirer) une épine du pied : si l’entretien des infrastructures dépend de la taxe sur le fuel, la décarbonation de la mobilité aura pour effet de tarir les financements. D’où l’idée de remplacer la taxe sur le carburant par une taxe sur les miles parcourus… Donc, les véhicules électriques, qu’on a tendance aujourd’hui à ne pas taxer pour assurer leur essor, vont devoir un jour ou l’autre payer le juste coût de l’utilisation de l’infrastructure. Pour compliquer l’affaire, la taxe sur les miles pose une question de confidentialité, puisqu’elle est établie grâce à une connaissance fine des parcours de chacun.

Le débat est l’occasion donnée à Khadija Tighanimine, d’Omexom (Vinci Energie), entreprise qui s’intéresse à la structuration du marché de la mobilité électrique, de se pencher sur le déploiement des IRVE (Infrastructure de recharge de véhicule électrique). Dans le cadre du dernier plan de relance, 100 000 équipements de ce type sont prévus d’ici fin 2021. Objectif qui sera soit dit en passant difficilement tenu, selon une étude publiée en avril du bureau de conseils Mobileese. Ombre sur leur déploiement, selon Khadija Tighanimine, leur acceptabilité sociale. D’où la nécessité de mettre l’utilisateur au même plan que le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre en tant que maître d’usage. Intéressant même si le vocable parallèlement utilisé de consom’acteur sent un peu trop la com. Exemple est pris du Marché public global de performance (MPGP) passé par la région Bourgogne Franche Comté et remporté par un groupement où naturellement Omexom est présent. On peut espérer qu’émergent, grâce à ce type de marché, des solutions acceptables socialement, qui s’adaptent aux usages et soient plus simples que ce que proposent (parfois) des ingénieurs désireux de montrer l’étendue de leur savoir-faire.

Occasion donné aussi à Anne de Bortoli (Eurovia, Ecole des Ponts Paris Techs) d’exposer son analyse environnementale de la micromobilité à Paris. Une analyse mettant en relief trois facteurs comme le poids sur la biodiversité, la santé humaine ou encore sur les ressources dans lesquelles on doit puiser, à côté de ce qu’on scrute habituellement en priorité : consommation en énergie et conséquences sur le climat.

Les vélos personnels, vélos partagés, trottinettes partagées, trottinettes personnelles, scooters électriques partagés, deux roues personnels, forment un groupe occupant une place intermédiaire entre la marche d’un côté, l’automobile de l’autre. Groupe dans lequel chacun prend tour à tour la tête selon les critères retenus… à ceci près que le pur et simple vélo, celui que chacun possède, remporte sans coup férir la palme.

Pour ce qui est de la marche donnons-nous rendez-vous prochainement, à l’occasion de la publication annoncée à la fin de l’année par Jean-Paul Hubert (Université Gustave Eiffel) d’un dictionnaire de la marche.

On regrettera que le sujet si important de la logistique urbaine ait été abordé par un biais trop réglementaire. Les enjeux en ont été soulignés par Hélène de Solère, chef de projet urbain au Cerema : la logistique urbaine représente 20% des flux motorisés en ville. Elle répond à 50% aux besoins des particuliers, 40% à des besoins d’établissements économiques, et 10% aux besoins de gestion urbaine (chantiers, ordures). Si, elle n’est responsable que de 20% des GES, elle l’est pour un tiers de l’émission des NOX, pour 50% de celles des particules fines, et responsable aussi pour 50% de la congestion… Dommage donc, vu l’importance des enjeux, que l’exposé ait trop porté sur la méthodologie des bonnes pratiques et les étapes de déploiement d’un futur programme dit Interlud.

Des idées, ce n’est pas André Brotto qui en manque, et le lecteur de VRT le sait. Son idée phare, il ne manque aucune occasion de la développer, et nous avons eu souvent l’occasion d’en parler dans nos colonnes. Reste que l’idée est bonne et, pour la défendre, André Brotto a fait récemment équipe, dans le projet New Deal, avec l’architecte David Mangin pour la consultation internationale sur les routes du Grand Paris.

En exposant à nouveau les vertus de son système de cars express sur voies réservées, André Breton souligne que la solution qu’il propose pour le Grand Paris répond à la demande actuelle, peut même faire face à une demande supplémentaire et est susceptible d’évolution à mesure que les besoins changent et que le véhicule électrique autonome devient réel. Et fait apparaître, essentiel pour Vinci, un gestionnaire d’infrastructures comme partie prenante à part entière d’un système de transport. En soulignant les limites du localisme, Brotto invite à ne pas cèder aux vertiges de la ville du quart d’heure, et rappelle ce qu’impose un destin de capitale. F. D.

Références d’ensemble :
Replay de la conférence sur le site du Lab recherche environnement : https://cutt.ly/qc5EmrI
ou de Construction 21 : https://cutt.ly/Jc5EES2
Complété sur ce dernier site par le dossier sur les mobilités décarbonées : https://cutt.ly/4c5EYr0

Ewa

Recherches, débats, positions

La Défense

« Ça tue plus de gens que le Covid » -– A La Défense, on y va plus en auto, plus à vélo, moins en métro – Robots livreurs objets de thèse – Le Mobiliscope à jour –Retour sur les espaces peu denses – En marche avec l’hydrogène – Leonard s’y met aussi – Et l’Ademe aide au développement.

« Ça tue plus de gens que la Covid »

Transition ou effondrement ? C’est la question que posait l’Ecole des ingénieurs de la ville de Paris dans son université d’été, sur la question Urbanisme et santé publique… Une université d’été bien décalée dont, Covid oblige, la première séance s’est tenue en novembre 2020 et les trois suivantes en mars dernier. On ne donnera qu’un échantillon d’un ensemble riche : l’intervention de Frédéric Bonnet, Grand prix de l’urbanisme, qui veut « réinterroger la densité ». Connaissant bien les villes nordiques, se référant à Helsinki, ville polycentrique offrant des espaces de densité très riches, et de grands espaces de respiration, il invite à mieux se déplacer, moins se déplacer et à revoir pour cela la répartition des fonctions dans la ville. On en est très loin dit-il, regrettant une « tendance à faire encore de l’urbanisme du XXe siècle ». A mettre encore la circulation des voitures et les infrastructures routières au premier plan. Sauf exception comme à Paris, le vélo dans les villes françaises reste marginalisé. « Ça ne correspond pas aux mantras de la com, mais c’est ce qui se passe », regrette-t-il. Dernier signal d’alarme, l’étude d’une équipe de chercheurs des universités de Harvard, Birmingham, Leicester et Londres publiée le 9 février dans Environmental research. Elle évalue à 8,7 millions de morts en 2018 dans le monde les victimes de la pollution de l’air par les énergies fossiles, deux fois plus qu’on ne l’estimait jusqu’à présent. La nouvelle étude prenant en compte l’impact des particules fines : AVC, crises cardiaques et cancers.

En Europe, le nombre de victimes de la pollution atteignait alors 1,5 million. Or, constate Frédéric Bonnet, « ça tue beaucoup plus de gens que la Covid et on met moins de moyens en face ».

https://cutt.ly/bviosmB

A La Défense, on y va plus en auto, plus à vélo, moins en métro

12 % des personnes qui viennent travailler à La Défense ont récemment changé leur mode de déplacement et 13 % entendaient le faire prochainement. C’est ce qui ressort d’une enquête menée en décembre dernier par Paris La Défense avec l’Ieseg Conseil auprès de 5 500 personnes. 67 % de ceux qui avaient alors déjà changé leur mode de déplacement ont invoqué la crise sanitaire comme principale raison.

Les transports en commun restent le premier mode de déplacement. Et selon le communiqué, « 85 % des salariés interrogés se sentent en sécurité face au risque sanitaire dans les transports collectifs empruntés ». Reste que leur part baisse : 42 % des employés interrogés empruntent le RER, contre 47 % avant la crise, 40 % utilisent le métro contre 44 %. Les déplacements en bus sont stables, à 15 %. 23 % des salariés du quartier d’affaires empruntent désormais leur voiture, contre 16 % avant la crise sanitaire. Le vélo gagne aussi, mais moins : 13 % des travailleurs de Paris La Défense l’utilisent aujourd’hui contre 8 %. La marche affiche également une légère hausse, de 16 % à 18 %. 20 % des salariés interrogés souhaitent la mise en place de davantage d’infrastructures pour les modes de déplacement actifs tels que le vélo ou la trottinette.

https://cutt.ly/kvipAXR

Robots livreurs objets de thèse

La chaire Anthropolis, portée par l’IRT SystemX et Centrale Supélec, s’intéresse à l’utilisation de drones ou de robots pour les livraisons du dernier kilomètre : drones partant d’une base, drones partant d’un camion, ou robots pour le dernier kilomètre.

Une thèse de doctorat soutenue par Shoahua Yu a examiné différents cas d’usage entre un robot et son vaisseau mère. L’ensemble des travaux conduits « ont démontré que les livraisons basées sur des robots pourraient être rentables d’un point de vue opérationnel ».

Pour progresser, l’IRT SystemX ou la chaire Anthropolis pourront s’appuyer sur le projet européen Lead, lancé mi-2020, qui prévoit la création de jumeaux numériques de logistique urbaine à Madrid, La Haye, Budapest, Lyon, Oslo et Porto.

https://cutt.ly/nvipCG7

Le Mobiliscope à jour

Développé par une équipe du CNRS, en utilisant des données du Cerema, et avec le soutien de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’outil de géovisualisation Mobiliscope fait apparaître l’évolution de la composition sociale d’une ville ou d’un quartier heure par heure au cours de la journée, en se fondant — sauf pour l’Ile-de-France — sur les données d’enquêtes de déplacement. Sa nouvelle version intègre 49 agglomérations françaises et leur périphérie, soit 10 000 communes, couvrant les deux tiers de la population. Les enquêtes utilisées fournissent, non seulement des informations sociologiques (âge, sexe, CSP), mais aussi les motifs de déplacement et les modes de transport usités. Où il apparaît que la ségrégation sociale se reproduit au cours de la journée en dépit (ou justement à cause) des déplacements quotidiens…

Pourquoi quantifier et qualifier la population ? Cela peut aider à implanter un service ou un équipement au bon endroit et à l’ouvrir au bon moment. Ces questions, soulignent les concepteurs, « font écho aux politiques temporelles qu’un certain nombre de collectivités locales cherchent à mettre en place ». Cet instrument de mesure des inégalités qui pèsent sur la vie quotidienne, est en retour un instrument de suivi de l’efficacité des politiques publiques œuvrant pour une ville inclusive. Le Mobiliscope permet de connaître l’évolution sociospatiale d’une région (ou d’un secteur) et d’affiner au cours de la journée les diagnostics territoriaux, au-delà de seuls diagnostics basés sur la population résidente. A souligner : le Mobiliscope se veut « une alternative libre et gratuite aux services payants et propriétaires qui se développent actuellement autour de la quantification de la population présente au fil du temps ». Bien vu.

Retour sur les espaces peu denses

Olivier Jacquin, sénateur socialiste de Meurthe-et-Moselle, est revenu fin mars sur son récent rapport parlementaire Mobilités dans les espaces peu denses en 2040 : un défi à relever dès aujourd’hui. Comment se déplacer demain à la campagne et réparer la fracture territoriale ? La question a pris une tournure cruciale avec la crise des Gilets jaunes.

Or, la rupture d’égalité entre les territoires reste d’actualité : toutes les communautés de communes sont en train de délibérer pour la prise de la compétence mobilités mais nombreuses sont celles qui n’ont pas les moyens de la mise en œuvre de cette compétence…

Olivier Jacquin a pu de nouveau faire part de son constat et de ses convictions : « Le constat est clair : la voiture est utilisée dans plus de 80 % des transports du quotidien, c’est pourquoi il convient de socialiser pour partie sa pratique en partageant sous différents modes son usage, qu’il s’agisse de transports à la demande, d’autopartage ou de la promesse des nouvelles pratiques du covoiturage courte distance dynamisées par le numérique. Enfin, les modes doux ne sont pas exclus à la campagne car près de la moitié des trajets du quotidien font moins de trois kilomètres ».

En marche avec l’hydrogène

Michel Delpon (député LREM de Dordogne) publie Hydrogène renouvelable, l’énergie verte du monde d’après, (Nombre7 Editions). Michel Delpon voit en l’hydrogène la clé de voûte de la transition énergétique. Car les énergies vertes, qui vont s’imposer face au réchauffement climatique et à l’épuisement des ressources naturelles, sont produites de façon intermittente : pendant la journée pour l’énergie photovoltaïque, quand il y a du vent pour l’énergie éolienne. C’est ici qu’intervient l’hydrogène, excellent vecteur énergétique qui permet de stocker et transporter l’énergie qui sera utilisée plus tard. Pour Michel Delpon, l’hydrogène, longtemps cantonné à un usage industriel, s’apprête à transformer nos usages énergétiques.

Leonard s’y met aussi

Ce n’est pas Léonard qui dira le contraire. La plate-forme de prospective et d’innovation du groupe Vinci a entamé le 14 avril son nouveau cycle de conférences, La filière hydrogène, acteur-clé de la transition énergétique. Un cycle de six événements se proposant une fois par mois de « parcourir toute la chaîne de valeur de l’hydrogène, ses usages et ses dimensions technique et économique, en dressant l’état des lieux des applications existantes et de la recherche ».

Et l’Ademe aide au développement

S’agissant des applications, précisément, l’Ademe soutient la consolidation de la filière en accompagnant les déploiements d’écosystème hydrogène dans les territoires. L’Ademe le fait via un appel à projets, visant à faire émerger les infrastructures de production d’hydrogène bas carbone et renouvelable, avec des usages dans l’industrie et la mobilité. Une première clôture a eu lieu en décembre 2020 (présélection de sept dossiers), et une deuxième clôture le 16 mars. Celle-ci, selon l’Ademe, a « confirmé la dynamique très forte avec 32 projets candidats ». Les premiers appels à projets de l’Ademe sur la mobilité hydrogène, lancés en 2018, ont permis le déploiement de 19 écosystèmes.

https://cutt.ly/GvislEx

F. D.

Ewa

Alpha Trains n’exclut pas de se positionner sur le marché des trains à grande vitesse

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Trois ans après avoir répondu à l’appel à manifestation d’intérêt sur les TER lancé début 2018 par la Région Sud, Vincent Pouyet, le directeur France d’Alpha Trains fait le bilan. Les propositions du loueur de matériel roulant ferroviaire n’ont pas – pour le moment – été retenues par les régions en pointe dans l’ouverture à la concurrence de leurs TER. Mais d’autres perspectives sont possibles, comme l’a expliqué à VRT Vincent Pouyet.

Ville, Rail & Transports. Alpha Trains avait répondu à l’appel à manifestation d’intérêt de la région Sud sur l’exploitation des TER. Comment voyez-vous votre rôle maintenant ?

Vincent Pouyet. Aujourd’hui, dans aucune des régions, nous n’avons la possibilité de proposer nos services puisque les régions veulent soit acheter elles-mêmes le matériel roulant, soit mettre le matériel existant à disposition des nouveaux opérateurs. Nous avions formulé un certain nombre de propositions mais aucune n’a été retenue.

VRT. Vous êtes donc déçu des conditions d’ouverture à la concurrence des TER ?

V. P. Nous ne sommes pas déçus, c’est aux régions de définir les modalités de l’ouverture. Nous avons essayé d’expliquer qu’il fallait que les opérateurs puissent prendre la main sur le matériel et sa maintenance et qu’ils sachent dans quel état il est, en disposant d’audits, de plans de maintenance visés, d’une bonne visibilité sur les contraintes d’exploitation, sur les pièces détachées…

Aujourd’hui, les premiers appels d’offres sont lancés mais on ne peut pas dire qu’il y ait une équité totale entre les informations dont disposent l’opérateur historique et les candidats alternatifs. Les conditions ne sont pas optimales.

VRT. Quel rôle souhaitiez-vous jouer ?

V. P. Dans le cas du lot Intermétropole (Marseille – Toulon – Nice) ouvert par le Sud, la région a besoin d’un nouveau matériel. Inspirons-nous de ce qui s’est fait en Allemagne : les autorités organisatrices ont demandé aux opérateurs de proposer une offre complète comprenant le matériel roulant. Alpha Trains, comme d’autres, est intervenu en tant que fournisseur de matériels. Cette organisation a fait ses preuves, permettant de réduire les prix de façon importante. Elle a aussi suscité une concurrence vive avec l’arrivée de petits opérateurs.

La région Sud préfère choisir le matériel, le financer pendant 30 ans, pour le confier à un opérateur qui sera là pendant dix ans. C’est une prise de risque car la région n’a pas la compétence technique d’évaluer si tel ou tel matériel est pertinent, et s’il sera bien entretenu. Et plus tard, est-ce que ce matériel sera encore adapté ou bien ne sera pas obsolète pour les vingt années suivantes ? La région n’est pas capable d’assurer la gestion patrimoniale du matériel. Il va lui falloir acquérir cette compétence.

VRT. Cela va-t-il avoir une conséquence sur le développement de vos activités en France ?

V. P. Nous sommes implantés en France depuis 2003. Notre activité liée au fret fonctionne bien. Elle est pérenne. Nous venons par exemple de livrer des locomotives à Captrain France.

Nous savions que l’ouverture à la concurrence serait un long processus en France et qu’il faudrait des solutions originales qui répondent de façon spécifique aux demandes des régions.

Notre objectif est de proposer des solutions qui apportent de la valeur ajoutée.

Ainsi, nous avons proposé aux régions de racheter leurs flottes et de les rénover puis de les louer. Nous pensons qu’il est possible ne pas tout démonter, tout changer, comme c’est le cas lors des opérations de rénovation à mi-vie réalisées par la SNCF.

Nous pensons que l’on pourrait dépenser moins et dépenser mieux, et apporter une plus-value. Nous avons fait des propositions dans ce sens à la région Pays de la Loire. Nous leur avons proposé de racheter leur parc de 17 AGC pour les rénover et les louer. Mais la région a décidé de devenir propriétaire et gestionnaire de son matériel roulant.

VRT. Comptez-vous vous positionner sur les trains de nuit qui pourraient être relancés, ou les trains Intercités de jour ?

V. P. Oui, nous nous positionnons aussi sur ces sujets. Nous essayons de proposer des solutions aux autorités françaises. Nous verrons si elles sont retenues. Les matériels roulants sont un des sujets majeurs de performance dans le ferroviaire mais c’est aussi souvent une barrière entravant l’entrée de nouveaux opérateurs.

Ce sera aussi une clé de la réussite des trains de nuit. Nous avons déjà des locomotives aptes à tirer des voitures de voyageurs. Nous réfléchissons à faire l’acquisition des voitures voyageurs… si les conditions sont réunies.

Nous intervenons beaucoup sur le transport conventionné mais nous n’excluons pas d’aller sur le marché de l’open access, y compris la grande vitesse. Notre approche sera opportuniste.

VRT. Comment prendre en compte la demande croissante des élus qui souhaitent des trains moins polluants ?

V. P. Le remplacement des trains diesel sur les petites lignes par des trains hybrides et à batteries est un sujet sur lequel nous fondons beaucoup d’espoirs. Il s’agit plus précisément d’autorails diesel de petite capacité, avec deux ou trois voitures offrant de 120 à 150 places : ce sont les 72 500 et les 73 500 qu’il faudra changer dans les années à venir. Nous sommes prêts à acheter des parcs complets de trains hybrides et à batteries. Nous nous positionnons sur ce type de sujet en Europe. Nous sommes prêts à le faire en France.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

Ouverture à la concurrence des TER en Hauts-de-France. Nouvelles lignes et premières réponses

TER Hauts de France à Boulogne-Ville.

Les Hauts-de-France accélèrent. Fin mars, le conseil régional a décidé de lancer la procédure d’ouverture à la concurrence de plusieurs lignes TER : la future liaison Roissy – Picardie, dont l’ouverture est prévue fin 2025, et les radiales parisiennes vers Calais, Cambrai et Laon. « Des lignes stratégiques et importantes avec beaucoup de passagers, pour lesquelles nous ne sommes pas satisfaits de la qualité de service, avec une régularité régulièrement inférieure à 80 % », avait indiqué le président de la commission transports Luc Foutry.

Les Hauts-de-France, présidés depuis 2015 par Xavier Bertrand, candidat (DVD) à sa réélection mais aussi à la présidentielle de 2022, est une des régions les plus en pointe pour cette ouverture à la concurrence des TER. Elle a déjà lancé la procédure à l’été 2020 pour trois premiers lots représentant 20 % des trains-kilomètres de son réseau : la ligne Paris – Beauvais, l’étoile ferroviaire de St-Pol-sur-Ternoise, qui rouvrira après des travaux de rénovation, et l’étoile d’Amiens, représentant 70 % du total des deux millions de trains-km de ces lots. Selon Franck Dhersin, vice-président en charge des transports, « la procédure avance bien et chaque ligne a reçu au moins quatre réponses, l’une d’elles en ayant même reçu cinq, ce qui nous laisse le choix ». L’émission des cahiers des charges est en cours pour les opérateurs économiques retenus (dont la majorité a candidaté sur les trois lots). Le choix du ou des lauréats est prévu fin 2021 ; les contrats devraient être signés fin 2022 pour une exploitation démarrant en 2023 pour neuf ans.

Mécontente de la fiabilité de la SNCF, la région souhaite utiliser cette mise en concurrence pour « challenger » la SNCF et à l’arrivée proposer un service de meilleure qualité. « L’objectif de la dernière convention avec la SNCF était les 3A : A l’heure, Assis, Avertis, or on n’y est pas arrivés, déplore en effet l’élu divers droite. La régularité moyenne est de 89 % : correcte dans le Pas-de-Calais, elle est désastreuse de la Picardie vers la gare du Nord (80 % sur Amiens – Paris). » Une situation qui fait dire à l’opposition unie de gauche que ce n’est pas les AAA mais BAD pour Bloqué, Annulé, Dans le noir.

Par cette ouverture à la concurrence, Franck Dhersin assure vouloir offrir un meilleur service aux usagers et se défend de vouloir faire des économies. « Quand on lance un appel d’offres pour une délégation de service public de cars, le prix n’entre que pour 30 % dans le choix, alors que les 70 % restant concernent l’organisation technique, le matériel… », explique-t-il. L’appel d’offres prévoit une option pour les centres d’entretien, la région allant devenir propriétaire des centres d’entretien. Le dernier centre mis en service à Longueau près d’Amiens a coûté 21 M€ dont 18 M€ financés par la Région. « Mais nous ne sommes pas allés aussi loin que le Grand Est qui a mis aussi le réseau en option », complète l’élu DVD.

Marc Lambert, représentant CSE TER Sud Rail et référent CSSCT dans les Hauts-de-France, dénonce cette mise en concurrence sur fond de « cheminot bashing », soulignant que Xavier Bertrand a participé à l’éclatement de la SNCF lorsqu’il était ministre sous la présidence Sarkozy. « Beaucoup de postes ont été supprimés, notamment pour l’entretien des voies et des rames (550 postes en trois ans dans les Hauts-de-France) et ensuite ils profitent des manquements qu’ils ont eux-mêmes créés pour dire que la concurrence va tout améliorer », dénonce-t-il. Reconnaissant « avoir déjà activité tous les leviers », le syndicaliste place ses espoirs dans les élections régionales qui se tiendront en juin prochain. Sud Rail a rencontré les différentes sensibilités de la gauche unies autour de la candidate (EELV) Karima Delli, actuelle présidente de la commission transports du Parlement européen, qui ont assuré leur souhait de revenir sur cette ouverture à la concurrence, « même si cela ne sera pas facile ».

Catherine Stern

Ewa

Les opérateurs de fret craignent que SNCF Réseau ne puisse pas suivre si l’Etat ne lui en donne pas les moyens 

Franck Tuffereau

Les opérateurs de fret attendent la présentation du plan de relance pour le fret ferroviaire, conformément à ce que prévoit la LOM. Franck Tuffereau, coordinateur de l’alliance 4F et délégué général de l’Afra (Association française du rail), explique à VRT les attentes du secteur.

Ville, Rail & Transports. Quel bilan dressez-vous de l’année 2020 et du début 2021?

Franck Tuffereau. Notre secteur a moins souffert que d’autres, comme le tourisme ou la restauration. Le ferroviaire a assuré des acheminements qui n’étaient pas proposés par la route. Le fret ferroviaire n’est pas en détresse comme peut l’être le transport de voyageurs.

Toutefois, en plus de la crise sanitaire, le secteur a souffert de la mise en service du nouveau logiciel d’attribution des sillons, baptisé SIPH, pour organiser le nouveau service en décembre dernier. Sa mise en place a rencontré de grandes difficultés. SNCF Réseau s’est mobilisé et a mis sur pied une cellule de crise. Des horairistes non concernés par ce logiciel, y compris des horairistes de réserve, ont été appelés pour surmonter les difficultés et des sillons de dernière minute ont été attribués.

Le transport de fret a été davantage pénalisé que le transport de voyageurs dont le service annuel est préparé plus en amont, 18 mois en avance. Cela apporte plus de visibilité dans la construction du service. Aujourd’hui, nous rencontrons encore des difficultés même s’il y a des améliorations.

VRT. Quelles sont les pertes du secteur ?

F. T. De nombreuses entreprises ferroviaires de fret sont dans le rouge. Durant le premier confinement, l’industrie lourde par exemple a arrêté sa production.

Au début de la crise sanitaire, le volume a baissé de 20 à 30 %. Désormais les trafics ont repris, notamment la sidérurgie et l’industrie automobile. Il y a eu un gros effort réalisé par l’Etat qui a décidé d’instaurer la gratuité des péages durant les six derniers mois de 2020 et de les réduire de moitié sur toute l’année 2021 pour toutes les entreprises ferroviaires de fret.

Mais aujourd’hui, les clients manquent de visibilité sur les mois à venir.

VRT. Que demandez-vous ?

F. T. L’alliance 4F qui a été créée, a formulé un certain nombre de préconisations. Elle demande un milliard d’euros pour la sauvegarde du fret ferroviaire et 1,5 milliard d’euros par an sur une dizaine d’années pour arriver à l’objectif de doubler la part du fret ferroviaire à l’horizon 2030.

La grosse difficulté, ce sera de tenir dans le temps. Il y a des promesses mais on a déjà connu dans le passé des plans pour sauver le fret qui se sont perdus avec le temps.

Il y a aussi le plan d’urgence qui prévoit plus de quatre milliards d’euros en faveur de SNCF Réseau. Le ministre des Transports doit désormais présenter le plan de relance pour le fret ferroviaire comme le prévoit la loi d’orientation des mobilités (LOM) dans son article 178.

La LOM aurait dû être appliquée au 1er janvier mais les équipes techniques ont pris du retard. Nous nous attendons à ce que le plan de relance reprenne les préconisations de l’alliance 4F. Nous sommes plutôt optimistes.

Mais comme il y a énormément d’actions et de travaux qui concernent l’infrastructure ferroviaire dans les années à venir (notamment la résorption des nœuds ferroviaires), nous craignons que SNCF Réseau ne puisse pas suivre si l’Etat ne lui en donne pas les moyens. D’autant que son contrat de performance avec l’Etat n’est pas encore écrit. C’est notre grosse crainte.

VRT. Dans ce paysage, quel doit être le rôle de Fret SNCF ?

F. T. Nous avons besoin de Fret SNCF pour l’avenir du secteur. Fret SNCF a intérêt à se développer sur les créneaux qui lui apportent une situation pérenne. Cette entreprise va obtenir une aide spécifique pour les wagons isolés. Cela devrait aussi inciter d’autres acteurs à se positionner sur ce créneau.

Nous souhaitons mettre en place des systèmes informatiques pour optimiser ce type d’activité. L’alliance 4F planche avec des groupes de travail sur ces systèmes et cherche des prestataires pour mettre en place des dispositifs qui permettent de relancer le fret ferroviaire. Nous portons à la fois des demandes d’aide publique et des engagements des opérateurs.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

« Avec plus de 600 millions d’euros investis, nous sommes en Espagne pour longtemps » prévient la directrice générale de Ouigo Espagne

Ouigo helene valenzuela

Depuis décembre 2020, les opérateurs qui le souhaitent peuvent s’élancer hors de leurs frontières pour transporter des voyageurs sur les grandes lignes commerciales, notamment à grande vitesse. Ce sera le cas de la SNCF à partir du 10 mai qui fera rouler son train à bas coûts Ouigo en Espagne. Sur place, sa filiale Ouigo Espagne a dû tout bâtir en partant de zéro. Explications par Hélène Valenzuela, sa directrice générale.

Ville, Rail & Transports. Quelques semaines avant le lancement du TGV Ouigo en Espagne, où en êtes-vous ?

Hélène Valenzuela. Le premier train va s’élancer le 10 mai matin entre Madrid et Barcelone. Avant il y aura un train inaugural le 7 mai. Nous sommes en train de terminer les tout derniers préparatifs. Nos trains sont déjà visibles à Barcelone. On fait tous les jours deux allers-retours avec deux rames.

Nous avons embauché les derniers personnels. Au total, nous avons recruté 135 personnes, dont 22 conducteurs. Il y a deux ans, nous étions deux, la responsable logistique et moi-même. Nous sommes partis de zéro et avons tout bâti. Aujourd’hui, nos bureaux, où tous les métiers se croisent, sont à deux minutes à pied d’Atocha, cette grande gare de Madrid complètement refaite. Nous avons lancé les ventes le 9 décembre dernier.

VRT. Vous vous lancez dans un contexte compliqué… Quel est le niveau des ventes ?

H. V. Mi-avril, les ventes étaient en hausse de 40 % par rapport à la semaine précédente. Le marché commence à s’animer. Certains trains affichent des taux d’occupation de 30 % ce qui est déjà de bon augure compte tenu des taux de remplissage des trains en France actuellement. Les voyageurs ont été tellement privés de déplacements qu’ils manifestent une forte envie de loisirs.

La fin de l’état d’urgence est programmée le 9 mai en Espagne. Le Premier Ministre a confirmé qu’il n’y aurait pas de prolongation car la vaccination se développe très rapidement en Espagne et la quatrième vague est relativement sous contrôle. On voit que la population commence à s’organiser et à se projeter dans l’avenir.

Nous commencerons le 10 mai en proposant cinq allers-retours entre Madrid et Barcelone avec des arrêts à Saragosse et Tarragone. Fin 2021, nous lancerons la route de l’Est (Madrid – Valence/Alicante), puis vers la mi-2022 Madrid – Séville/Malaga avec un arrêt à Cordoue. Les dates ne sont pas encore totalement fixées car elles dépendent des autorisations qui nous seront données pour circuler. Nous réalisons des dossiers d’homologation car le matériel est adapté à l’infrastructure espagnole qui est très différente de l’infrastructure française.

VRT. Pourquoi avoir choisi de transformer des Duplex ?

H. V. Nous avons obtenu nos sillons de l’Adif il y a plus d’un an. La SNCF voulait être le premier opérateur à arriver sur le marché espagnol. La seule possibilité était d’adapter du matériel existant.

Nous avons acheté à la SNCF 14 rames Duplex Alstom. Nous les adaptons au fur et à mesure en démontant toute la signalisation embarquée pour installer l’ERTMS et le système espagnol ASFA (l’équivalent du KVB). Pour l’Andalousie, on installe le système LZB. Le rythme des livraisons se fait au rythme de l’avancée des transformations de rames. Nous disposerons des 14 rames en 2023. Quatre ont déjà été livrées.

VRT. Comment se passent les homologations avec les autorités espagnoles ?

H. V. Nous avons travaillé de façon assez novatrice avec les autorités espagnoles, dans une démarche de coconstruction. Nous avons beaucoup collaboré avec le Centre d’ingénierie du matériel de la SNCF (le CIM), et avec Alstom en France et en Espagne pour monter notre dossier. Le travail s’est réalisé de façon très fluide avec l’AESF (l’agence espagnole de sécurité ferroviaire, l’équivalent de notre EPSF) sur l’homologation du matériel roulant et avec l’Adif (le gestionnaire espagnol des infrastructures). Nous avons constaté beaucoup de bonne volonté de la part des autorités espagnoles. Notre dossier est complet.

VRT. Quel est le montant des investissements pour l’achat et la transformation des rames ?

H. V. Globalement, le montant tout compris des investissements de Ouigo Espagne est de plus de 600 millions d’euros. Nous avons recouru à l’emprunt et avons donc été financés en partie par le marché. Donc l’investissement est moitié moindre pour la SNCF.

VRT. Que répondez-vous aux concurrents de la SNCF qui protestent contre l’investissement réalisé par la SNCF pour sa filiale en Espagne, alors qu’en Angleterre le groupe réclame le soutien public pour sa filiale Eurostar ?

H. V. Ouigo Espagne est largement financé par le marché. La force de la SNCF est de continuer à investir et à voir loin malgré la crise. C’est la force d’un grand groupe qui ne peut pas être court-termiste. La SNCF ne peut pas attendre l’arrivée des concurrents sur son marché national sans chercher à se développer elle-même sur d’autres marchés. C’est une saine démarche de construction de l’avenir.

VRT. Quand pensez-vous rentabiliser votre investissement ?

H. V. Le retour sur investissements se fera dans quelques années. L’accord-cadre que nous avons signé avec l’Adif court sur 10 ans. Les sillons nous sont donc garantis pendant ce temps. Ouigo Espagne représente le plus petit opérateur en termes de sillons puisque nous avons obtenu 30 sillons par jour, tandis qu’Ilsa en a eu trois fois plus et la Renfe dix fois plus.

Mais notre modèle est basé sur la massification. Nous mettrons en circulation des trains à unités multiples, offrant plus de 1 000 places aux voyageurs, chaque rame proposant 509 places. En rythme de croisière, nous offrirons 10 millions de places chaque année.

Nous partons du principe que l’appétit de voyages va grossir et qu’il va y avoir un transfert modal de la route vers le fer. En Espagne, la voiture détient 90 % de parts de marché de la mobilité, c’est donc notre principal concurrent.

Le marché espagnol n’a pas été correctement développé par l’opérateur historique car il a des prix très élevés et ne visait, jusqu’à présent, que le marché premium avec les voyageurs business. Si on regarde l’expérience italienne, on observe que le marché de la grande vitesse ferroviaire a été multiplié par deux avec l’arrivée de la concurrence.

VRT. Quelle sera votre politique tarifaire ?

H. V. Notre offre sera en moyenne 50 % moins chère que celle de la Renfe. La Renfe arrivera le 23 juin avec son train low cost, l’Avlo, inspiré de Ouigo. Nous ne sommes pas inquiets car notre produit est très différent de la marque institutionnelle de la Renfe. Nous proposerons des prix démarrant à 9 €, sur 87 % de nos trains. Les tarifs sont construits sur un système de yield management. Les enfants bénéficient d’un tarif à 5 €, le transport étant gratuit jusqu’à quatre ans. C’est structurellement une offre basée sur des prix bas.

VRT. Vous annoncez des services innovants…

H. V. La grande nouveauté, c’est la gamme de prix : Ouigo Espagne est la meilleure offre du marché. C’est un train enfin accessible aux familles. Pour 9 €, nous proposons un pack Ouigo Plus permettant de choisir sa place, de disposer d’un siège XL, ou encore d’avoir accès à une plateforme de divertissements avec films, reportages, jeux… Et pour 7 € on peut changer plusieurs fois la date de son voyage ou le nom du billet. Dans l’imaginaire, un produit low cost n’est pas aussi généreux.

Autre différence, la Renfe, n’a pas de bar, pas de personnel de service. Nous proposerons un bar très convivial. Par ailleurs, notre matériel Duplex est du jamais vu en Espagne. Pour notre distribution, nous disposons d’une application sur les téléphones, une sur Android, une sur Apple, ainsi que le site ouigo.com. Notre site est très simple et permet d’acheter un billet en trois minutes. C’est très nouveau pour le consommateur. Nous sommes aussi distribués par Rail Europe. Et demain par Trainline.

VRT. Que se passera-t-il dans dix ans ?

H. V. Dans dix ans, il est prévu un renouvellement de contrat. Sous réserve de tenir nos engagements dans les domaines de la mixité (nos équipes comprennent 43 % de femmes), de l’inclusion et de la diversité, ou dans les objectifs de baisse de notre empreinte carbone (ce qui passera notamment par le développement de l’écoconduite, de l’écostationnement ou le développement du zéro déchets).

Ces divers engagements sont la condition du renouvellement de l’accord-cadre. Notre engagement en Espagne va bien au-delà de dix ans. Nous sommes là pour longtemps. Nous avons consenti un gros investissement, nos rames ne sont plus utilisables en France.

Dans dix ans, nous redemanderons des sillons, voire nous en demanderons plus. Car les accords-cadres actuels ne couvrent que 70 % de la capacité des infrastructures. Dans dix ans, de nouvelles gares seront construites. Les lignes ne sont pas saturées mais les gares le sont. Une gare est en construction à Barcelone – Sagrera. Elle ouvrira vers 2026-2027. Et à Madrid, il y a un projet d’agrandissement de la gare de Chamartin qui va permettre, à l’horizon 2030, d’accroître la capacité et de fluidifier le trafic. ADIF continue d’investir. Il existe de très belles opportunités sur le marché espagnol. C’est le premier réseau européen à grande vitesse, et le deuxième au niveau mondial, après le réseau chinois. 3 400 kilomètres sont déjà construits et 1 500 km sont en projet. La grande vitesse a de beaux jours devant elle.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

« Je crois dur comme fer à l’avenir du rail en France »

luclallemand clubvrt08 03 2021 07

Après avoir dirigé pendant 15 ans Infrabel, le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire belge, et réussi sa modernisation, Luc Lallemand avait le profil idéal pour prendre la direction de SNCF Réseau. Aux commandes depuis le 1er mars 2020, il a pour mission de poursuivre la modernisation d’un réseau de 30 000 km de ligne et de respecter une trajectoire financière permettant d’aboutir à l’équilibre financier dans trois ans.

Depuis un an à la tête de SNCF Réseau, Luc Lallemand peut désormais dresser un premier bilan, qu’il a détaillé lors de sa participation au Club VRT le 8 mars. Mais avant, il tient à saluer un « réseau ferroviaire français fabuleux », comme pour prendre le contre-pied de critiques si souvent entendues. « Les Français sont très critiques sur leur pays », s’étonne-t-il. Toutes les populations européennes ont un rapport affectif avec les chemins de fer, poursuit Luc Lallemand. Mais, selon lui, c’est en France qu’il y a « la plus grande aspiration au transport ferroviaire ».

“ MALGRÉ UN RÉSEAU VIEILLISSANT, ON PARVIENT TOUT DE MÊME À PRODUIRE EN FRANCE UNE QUALITÉ DE SERVICE COMPARABLE À CELLE D’AUTRES PAYS 

Venant de Belgique, le dirigeant du réseau ferré français (30 000 km de ligne, dont 2 600 km de LGV), se dit aussi stupéfait du niveau de critiques vis-à-vis du chemin de fer. Une sévérité injustifiée selon lui : malgré un réseau vieillissant, nécessitant des investissements colossaux pour la partie qui ne relève pas du TGV, on parvient tout de même à produire en France une qualité de service comparable à celle d’autres pays, assure-t-il.

« Si le réseau ferré français est surtout connu pour son TGV, il ne faut pas oublier que c’est un réseau de très haute performance, envié par toute l’Europe et même le monde entier » , souligne-t-il.

Toutefois, le réseau structurant classique, « a pâti durant plusieurs décennies du financement du TGV, qui s’est fait à ses dépens », rappelle-t-il.

SNCF Réseau travaille donc à la mise à niveau des lignes UIC 2 à 6, les plus parcourues, avec l’objectif de les remettre dans la moyenne européenne d’ici sept à neuf ans. « Une nécessité », affirme Luc Lallemand qui rappelle que l’âge moyen des composants des voies atteint parfois 29 ans.

Le pacte ferroviaire adopté en 2018 va y aider. Selon le dirigeant, « jamais un gouvernement en Europe n’avait fait autant pour ses chemins de fer. Que ce soit dans le domaine social, financier (avec la reprise de la dette), l’organisation du groupe ou la préparation à la concurrence ». C’est pourquoi, un an après sa prise de fonction, il se dit très enthousiaste et optimiste sur l’avenir du rail en France.

Quant aux lignes de dessertes fines du territoire, les UIC 7 à 9, les moins parcourues, elles peuvent faire l’objet d’un transfert de gestion, à la demande des exécutifs régionaux, comme le prévoit l’article 172 de la loi d’orientation des mobilités (LOM).

C’est le cas de la Région Grand Est qui souhaite prendre la main sur la ligne Nancy – Contrexéville et sur un ensemble de tronçons entre Strasbourg (Bas-Rhin) et Epinal (Vosges) formant la liaison Bruche – Piémont des Vosges, des liaisons fermées ou limitées en raison de leur vétusté.

L’équilibre financier attendu en 2024

Lorsqu’il est arrivé aux commandes du réseau français, le groupe SNCF venait de se transformer en un groupe public intégré, avec la constitution de SA : SNCF (société mère), SNCF Réseau, SNCF Gares & Connexions, Rail Logistics Europe et SNCF Voyageurs.

Passer d’un statut d’Epic à un statut de S.A. a donné au conseil d’administration de Réseau une responsabilité civile et pénale sur ses actes de gestion. « Plus question de laisser filer la dette », prévient Luc Lallemand, qui a comme priorité, de parvenir à un cash-flow à zéro en 2024. « Un sacré défi, sachant que l’on vient d’une situation structurellement déficitaire de deux milliards d’euros », commente-t-il.

Sa feuille de route lui confie aussi la mission de réaliser l’intégration de SNCF Réseau dans le groupe SNCF et d’améliorer sa performance et la qualité de service au client. « C’est-à-dire d’avoir le moins d’incidents techniques possible. Et lorsqu’il y en a, de minimiser le temps nécessaire pour remettre le réseau en état de fonctionner. » Ce qui n’est pas qu’une question d’argent. « Il faut du temps pour intervenir. Or sur certaines lignes très parcourues, nos équipes ne disposent parfois que de trois heures utiles pour faire la maintenance du réseau, voire l’améliorer. »

Un plan de relance de 4,1 milliards d’euros pour le rail

Quinze jours après son arrivée aux manettes, le premier confinement a été instauré. « La crise Covid a eu des conséquences sur le plan humain, opérationnel et financier », résume Luc Lallemand, avant de remercier les salariés du groupe qui ont assuré le service. « Il y a eu une mobilisation phénoménale dans le groupe pour parvenir à continuer à assurer nos missions malgré la crise. Et même pour réussir à lancer des opérations comme les TGV sanitaires. Notre moteur a été la solidarité avec tous les Français. »

Grâce à l’engagement des équipes, les trains ont pu continuer à circuler et les chantiers comme Eole, Charles-de-Gaulle Express, mais aussi ceux liés à la maintenance, se sont poursuivis. SNCF Réseau a dû s’adapter à des niveaux de charge changeants. « Nous avons enregistré une très forte baisse des circulations durant le confinement, puis la fréquentation est remontée durant l’été. En septembre le niveau habituel n’était pas au rendez-vous, en raison de l’absence de la clientèle business. En octobre, avec le reconfinement, le trafic est retombé », rappelle Luc Lallemand. D’où un important manque à gagner lié aux péages, qui expose le gestionnaire des infrastructures à des pertes de plusieurs centaines de millions d’euros.

Le PDG de Réseau se réjouit d’avoir pu bénéficier d’une enveloppe de 4,1 milliards sur les 100 milliards prévus dans le plan de relance de l’Etat. « Cela a permis à la société de poursuivre 100 % de son action de régénération du réseau. » Tous les pays d’Europe n’ont pas bénéficié d’un plan de relance aussi ambitieux, estime le gestionnaire. Si le gouvernement n’avait pas versé une première tranche de 1,6 milliard, avant de lui en attribuer une autre courant 2021 pour couvrir les besoins de l’année, il aurait été contraint de compenser le manque à gagner lié à la Covid avec l’enveloppe de régénération de 2,8 milliards, affirme-t-il.

Après le premier confinement, SNCF Réseau avait estimé le coût de la crise à 1,7 milliard d’euros jusqu’en juin 2022. Dont 50 % en coûts directs : pertes de productivité sur les chantiers, achat de gel hydroalcoolique et de masques et pertes liées aux péages. L’autre moitié s’expliquant par le fonds de concours, issus de dividendes versés par SNCF Voyages.

“ ON CRAINT QUE LES PERTES ADDITIONNELLES S’ÉLÈVENT JUSQU’À 800 MILLIONS D’EUROS, VOIRE DAVANTAGE, EN FONCTION DE LA SORTIE DE CRISE PANDÉMIQUE ET DE LA VITESSE À LAQUELLE LA CLIENTÈLE REVIENDRA 

Sans la crise, Réseau aurait dû recevoir près de 900 millions de ce fonds, versés par SNCF Voyages. Mais il risque de ne plus être alimenté, pendant au moins trois ans, en raison des difficultés de la filiale voyageurs. Et comme le deuxième confinement, survenu fin octobre, a entraîné une nouvelle chute du trafic, à un niveau plus élevé que Réseau ne l’avait envisagé, des pertes supplémentaires vont s’ajouter. « On craint que les pertes additionnelles s’élèvent jusqu’à 800 millions d’euros, voire davantage, en fonction de la date de la sortie de crise pandémique et de la vitesse à laquelle la clientèle reviendra. »

Des gains de productivité portés à 1,5  milliard d’ici 2026

Luc Lallemand s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur, Patrick Jeantet, tout en voulant aller encore plus loin dans l’industrialisation. « On partait d’un bon point de départ. L’équipe précédente avait lancé l’industrialisation du processus de régénération du réseau classique. » Il poursuit ce travail avec un plan stratégique baptisé : « Tous SNCF, ambition réseau », axé autour de quatre grandes orientations. La première est axée autour du client. Le PDG de Réseau souhaite proposer une offre de services élargie et un accompagnement renforcé des clients du réseau ferré, afin de leur faire préférer le train. « Cela passe par une relation de qualité avec les clients sur tous les territoires. »

La signature de contrats de performance ferroviaire avec la région Sud et la région Normandie va dans ce sens et représente le deuxième axe du plan pour proposer des sillons garantis. « L’objectif est d’atteindre dès 2023, 90 % de projets cofinancés qui respectent le triptyque coût-délai-qualité. Il s’agit de garantir les sillons et une exploitation robuste, permettant d’assurer 90 % de ponctualité au départ. Ce qui représente une baisse de 35 % des événements sécurité remarquable en exploitation dont la cause est due à SNCF Réseau. »

La troisième orientation stratégique concerne la sécurité au travail et la quatrième vise à revenir à l’équilibre financier dès 2024.

L’Autorité de régulation des Transports (ART) a déjà fait part, dans le passé, de son scepticisme sur la réalisation de cet objectif, en l’absence d’un contrat de performance clair signé avec l’Etat et définissant sa trajectoire économique. Luc Lallemand admet que ce ne sera pas facile mais assure « être sur la trajectoire pour y parvenir, sauf chute de péage supplémentaire d’ici la fin de la crise Covid. »

“ AVEC LA REPRISE DE DETTE DE 35 MILLIARDS D’EUROS, LES COMPTES DE L’ENTREPRISE SERONT SOULAGÉS D’UN MILLIARD D’EUROS D’INTÉRÊT 

Le patron de Réseau précise qu’un effort substantiel de productivité et de réduction des coûts est réalisé en interne. De plus, avec la reprise de dette de 35 milliards d’euros, les comptes de l’entreprise seront soulagés d’un milliard d’euros d’intérêt. D’où un bilan en ligne avec ce qui se fait dans d’autres sociétés comparables. « Il restera un passif de 25 milliards, soit une structure financière au passif acceptable », précise-t-il.

Luc Lallemand assure que des gains de productivité complémentaires pourraient être réalisés en s’attaquant à l’outil industriel. Notamment en réduisant le nombre de postes d’aiguillage de 2 200 à une vingtaine. Il en a fait l’expérience en Belgique, où il est parvenu à réduire le nombre de postes d’aiguillage du réseau ferroviaire de 365 à 11. « On a supprimé 97 % des postes d’aiguillage, afin de réaliser des gains de productivité. »

Reste toutefois une difficulté majeure depuis que l’Insee a décidé en 2017, en accord avec Eurostat, de reclasser SNCF Réseau en administration publique et d’intégrer sa dette aux comptes de l’Etat. Il est en effet nécessaire  d’avoir une autorisation de dépenses d’investissement, au sens d’Eurostat, pour moderniser l’outil de production. Il s’agit d’une dette « vertueuse » qui se rembourse d’elle-même en quelques années par création de valeur actualisée nette, explique Luc Lallemand. En clair, il est nécessaire d’avoir l’accord de l’Etat pour augmenter la dette. La probabilité de convaincre Bercy, toujours sourcilleux quand il s’agit d’alourdir la dette publique, paraît plus que mince alors que dépenser de l’argent pour réduire le nombre d’aiguillages pourrait être à l’origine d’économies quatre ou cinq ans plus tard.

En rationalisant le réseau, il serait même possible de doubler les gains de productivité, actuellement estimés à 1,6 milliard d’euros d’ici à 2026. Luc Lallemand compte bien l’expliquer…

Les effets positifs de la concurrence

La Covid a aussi remis en question les projets de conquête des opérateurs dans le cadre de l’ouverture à la concurrence. Difficile en effet d’entrer sur de nouveaux marchés ferroviaires qui nécessitent des investissements de l’ordre de dizaines de millions d’euros pour acheter des rames de TGV ou de TER quand la clientèle déserte les trains.

La compétition ne concerne pas que l’exploitation des trains. SNCF Réseau sera aussi mis en concurrence lorsqu’une région décidera de prendre une ligne pour en confier la gestion à un opérateur. Dans la région Grand Est, SNCF Réseau a choisi de ne pas répondre. Car, indique son PDG, « la stratégie de SNCF Réseau sur ce type de dossier est encore en cours d’élaboration».

Pour Luc Lallemand, être en situation de monopole n’est pas forcément un avantage. « Quand on n’a pas de concurrent, il est de bon ton de considérer qu’on en profite et que c’est sous optimal économiquement. Or, SNCF réseau accumule des pertes récurrentes depuis des années… ». La mise en concurrence permet aussi de se comparer et de vérifier si les efforts réalisés pour abaisser ses coûts et augmenter la qualité sont suffisants. Luc Lallemand aborde donc l’ouverture à la concurrence sans crainte, persuadé que Réseau sera gagnant dans tous les cas. « Si on remporte un marché, ou si on le conserve, nous saurons que nous sommes bons. Avec un monopole on ne le sait jamais. Si on perd, cela nous servira pour nous améliorer et pour gagner de prochains appels d’offres. »

ERTMS : pas une priorité en France

Considéré comme un spécialiste de l’ERTMS, suite à son passage chez Infrabel, Luc Lallemand justifie la frilosité de la SNCF à son égard. « Je m’y suis intéressé en 2004 parce que le réseau belge était le seul réseau d’Europe où il n’y avait pas de système de freinage d’urgence automatique en cas de dépassement d’un feu rouge. Quand je suis parti, 25 % du réseau était équipé en ERTMS. Soit la plus grande proportion en Europe. »

Dans l’hexagone, la situation est radicalement différente. Le réseau ferroviaire dispose déjà d’un excellent système de freinage d’urgence, KVB et en tant que coinventeur du TGV avec le Japon, la France a conçu un système de signalisation embarquée, le TVM 430, qui a des fonctionnalités au moins égales à l’ERTMS, mais qui présente l’inconvénient de ne pas répondre aux directives d’interopérabilité de l’Agence européenne du rail. « A l’horizon de 40 à 50 ans, tous les réseaux en Europe seront équipés de ERTMS, mais aujourd’hui sur le réseau français, les priorités sont ailleurs », conclut Luc Lallemand.

Le bon dimensionnement du réseau

Interrogé sur le bon dimensionnement du réseau français ferroviaire, Luc Lallemand répond qu’il dépendra des moyens que l’Etat, les Régions et l’Union européenne lui alloueront. Que ce sera un réseau sans faiblesse structurelle ou historique. Dont l’âge moyen des composants sera au minimum dans la moyenne européenne. Mais aussi un réseau qui n’aura pas de dette cachée.

Selon lui, il faudrait accélérer la modernisation des ateliers de Réseau. « En comparant un technicentre de SNCF Voyageurs avec un atelier de Réseau, on est dans deux siècles différents. »

Concluant son intervention, le chef d’entreprise a de nouveau voulu inviter les Français à avoir un regard plus positif et optimiste sur leur pays, sur son avenir et celui du rail. « Je crois dur comme fer à l’avenir du rail en France. La population n’a jamais été aussi demandeuse d’écologie, de vert et donc de chemin de fer. On a une époque en or devant nous. Nous avons tous les outils en main et une ingénierie parmi les meilleures au monde. Donc on y va et on se dit qu’on est vraiment bon. »

Valérie Chrzavzez