Fraîchement accueilli ! Lors de son audition le 8 novembre par les sénateurs, puis le lendemain par les députés, Jean Castex a dû affronter les remarques acerbes d’élus qui avaient déjà approuvé il y a un peu plus de 3 mois sa nomination à la tête de l’Afitf (Agence de financement des infrastructures de France) et ont peu apprécié de le voir revenir pour leur demander cette fois un vote en faveur de sa nomination à la présidence de la RATP.
Lui donnant du « Monsieur le Premier ministre« , ils ont pointé la « longue liste de recasages » (selon les termes du sénateur LR des Alpes-Maritimes, Philippe Tabarot), établie par le président de la République au profit de ses anciens collaborateurs. Ils ont aussi rappelé les réserves importantes de la Haute Autorité à la transparence de la vie publique (HATVP), qui interdisent à l’ancien Premier ministre d’entrer en relation directe avec les ex-membres de son gouvernement ou de ses services. Cela ne les a toutefois pas empêchés de voter en faveur de la nomination de l’ancien locataire de Matignon aux commandes de la Régie, sensibles sans doute aux qualités de « compétence » mises en avant par l’intéressé lui-même et reconnues, lors de leurs interventions, par de nombreux parlementaires.
Jean Castex a répondu point par point et s’en est finalement bien sorti : « Quand je suis venu devant vous, fin juillet, la présidence de la RATP n’était pas vacante », la PDG sortante, Catherine Guillouard, ayant annoncé sa décision le 1er septembre. « De plus, l’enjeu à la RATP n’est pas le même… » A propos des réserves de la HATVP, il rappelle : « elles sont très liées à l’ouverture à la concurrence. Mais l’autorité qui décide des lots à ouvrir, ce n’est pas le gouvernement, c’est Ile-de-France Mobilités ».
Priorité au coeur de métier
Interrogé sur sa stratégie, il explique que sa priorité, « c’est le coeur de métier« . Et il poursuit : « Ce n’est pas un retour sur la diversification. La diversification des activités fait sens mais ne doit pas nous détourner de notre mission première et fondamentale », citant le service aux collectivités et la qualité de service comme la ponctualité, la propreté, la sécurité, la lutte contre la fraude, la qualité de l’information, la modernisation de la billettique… Et il ajoute, se référant aux appels d’offres gagnés à l’international : « Je ne pourrai pas, par exemple, expliquer qu’on exploite très bien un réseau à l’étranger mais pas en Ile-de-France. »
Commentant les défis « extrêmement lourds » auxquels est confrontée la RATP (en particulier le manque de conducteurs qui ne permet pas de tenir l’offre demandée), Jean Castex cite les sujets qu’il faudra traiter à « très court terme : la qualité de continuité de service public, les difficultés de recrutements, l’absentéisme…« , même si la RATP n’est pas la seule à être confrontée à ces difficultés de recrutements, « si c’était la seule, ça se saurait! » Il se donne trois semaines pour établir un « diagnostic partagé » et trouver « des outils supplémentaires » pour accélérer les recrutements.
Ecoute et concertation
Pour y parvenir, sa méthode reposera sur « l’écoute, la concertation, la proximité« . Il vise tout le monde, à commencer par l’autorité organisatrice, IDFM, qui assure la plus grande part du chiffre d’affaires du groupe. « Nous avons l’obligation de travailler ensemble et de bien travailler. Je vais proposer un état des lieux très précis de ce qui marche bien et de ce qui ne marche pas », indique le futur patron de la régie. Il fait aussi une autre suggestion, lancer « une sorte d’observatoire » sur l’ouverture à la concurrence « pour voir ce qui marche, pour voir si la qualité de service ne se trouve pas dégradée, est-ce que les prix baissent…? « , faisant comprendre que l’ouverture à la concurrence n’est pas un dogme pour lui.
Aux collectivités, l’ancien maire promet qu’il ira sur les territoires où « notre entreprise assure son service public ou va se déployer« . Et il affirme vouloir travailler « encore mieux » avec les représentants des usagers.
A l’égard des partenaires sociaux et du personnel, il lance plusieurs messages. « Je vais m’employer à faire aboutir les textes réglementaires qui manquent sur le CST (cadre social territorialisé en vue de la concurrence)« . Il veut aussi lancer très vite les négociations annuelles obligatoire (NAO) pour 2023, comme cela est déjà prévu en décembre 2022.
Présence humaine renforcée
En interne, il prône plus de « déconcentration des responsabilités« . Cela passe par « une ligne hiérarchique responsabilisée » qui dispose « d’une plus large part de manoeuvre pour trouver des solutions rapides« .
Avec l’automatisation des métros, qu’il souhaite pousser et la digitalisation billettique qui va se développer, il compte poursuivre le déploiement du personnel dans les stations pour renforcer la présence humaine et aller au contact du public. Il faut « humaniser au maximum« .
Il cite enfin trois chantiers qu’il affirme vouloir suivre « personnellement » : l’amélioration de la qualité de vie au travail, de la gestion prévisionnelle de l’emploi, et de la formation et l’attractivité des métiers.
« Les défis ne manquent pas et ça me motive beaucoup« , lance-t-il aux sénateurs. A commencer par la grève demain, qui s’annonce dure, signe d’un climat social dégradé. Comme un cadeau de bienvenue adressé au futur dirigeant. En attendant que sa nomination soit confirmée en Conseil des ministres.
Marie-Hélène Poingt