Philippe Tabarot, sénateur LR des Alpes-Maritimes, également conseiller régional de la région Sud, est rapporteur sur le projet de loi de finances sur les budgets des transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. Il a expliqué à Ville, Rail & Transports quels amendements il porterait la semaine prochaine en plénière au Sénat.
Ville, Rail & Transports : Comment jugez-vous le projet de loi de finances, dont vous êtes l’un des rapporteurs ?
Philippe Tabarot : Nous avons donné un avis favorable le 17 novembre en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, même si cette approbation est davantage liée au plan de relance qu’au budget lui-même qui reste assez stable. La trajectoire de la loi d’orientation sur les mobilité est respectée en ce qui concerne l’AFITF (Agence de financement des infrastructures de transport de France, ndlr). Mais ce qui valorise surtout le budget, c’est ce plan de relance de 11 milliards d’euros dont 40 % est dédié au rail. Nous avons posé toutefois quelques réserves.
VRT : Lesquelles?
P. T. : Nous avons d’abord noté un problème sur le plan sémantique. Nous estimons qu’il s’agit plus d’un plan de soutien qu’un plan de relance. En effet, ce plan acte des décisions qui étaient déjà dans les tuyaux, comme par exemple l’application de la loi Didier sur les ouvrages d’art ou la fin du glyphosate, mais qui n’étaient jusqu’alors pas financées.
Au-delà, de cette question sémantique, nous avons une autre réserve : nous considérons que les recettes programmées pour l’AFITF sont très aléatoires. Cette année, l’AFITF a pu tenir son budget car l’Etat a l’abondé à hauteur de 250 millions dans le PLF 3 et va probablement l’abonder à hauteur de 180 millions dans le PLF 4. Un certain nombre de recettes ne sont pas rentrées dans les caisses de l’AFITF, comme celles issues de l’aérien compte tenu de la situation vécue par le secteur, celles liées à la TICPE, celles liées à la taxe d’aménagement du territoire due par les concessionnaires d’autoroutes, ou encore et surtout celles liées aux amendes radars (l’AFITF étant le dernier bénéficiaire de ce produit, une fois que tous les autres sont servis).
Nous estimons que les recettes prévues en 2021 pour l’AFITF sont trop optimistes car elles tablent sur une situation revenue au beau fixe pour l’aérien et pour le produit des amendes radars. On ne pourra éluder à l’avenir la question des recettes pérennes pour l’AFITF, même si l’Etat s’est montré solidaire et a abondé son budget. De plus, 70 millions d’euros n’ont pas été utilisés cette année sur le budget de l’Agence du fait de décalage dans le temps de projets. La question du financement de l’AFITF n’est donc toujours pas réglée. Elle nous interroge pour l’avenir et pour 2021.
VRT : Le soutien au ferroviaire vous paraît-il suffisant?
P. T. : On ne peut que l’apprécier : plus de 4 milliards d’euros de recapitalisation vont principalement profiter à SNCF Réseau. Plus de 200 millions vont aller au fret, 100 millions aux trains de nuit, même si cette somme paraît encore confuse (ira-t-elle à l’accueil des passagers, aux matériels roulants…?) Enfin, il est prévu plus de 300 millions d’euros sur deux ans pour les petites lignes. C’est trop peu si on veut tenir les engagements que prendront l’Etat et les régions pour les financer et si on veut arriver aux 6,4 milliards préconisés par le préfet Philizot dans son rapport sur les petites lignes. C’est pourquoi nous avons voté un amendement prévoyant d’abonder de 300 millions d’euros de plus le budget des dessertes fines du territoire. Sinon, nous n’arriverons jamais à avancer sur ce sujet.
Enfin, nous demandons plus de moyens pour l’ART (Autorité de régulation des transports, ndlr). 6 ETP (temps emploi plein) ont été accordés. Nous en demandons 7 de plus pour que l’ART puisse tenir ses missions qui se sont élargies à l’aéroportuaire, à la RATP et à l’ouverture des données.
J’aurai l’occasion de défendre tous ces amendements lors de la plénière la semaine prochaine.
Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt