Transports, environnement, banlieues : les dossiers explosifs du prochain Président
Mais où est passé l’environnement ? On n’a pas oublié l’empressement avec lequel les candidats avaient souscrit au pacte écologique de Nicolas Hulot en 2007. Un quinquennat plus tard, alors que le Grenelle n’est plus une priorité nationale, que les prix du pétrole flambent, que le réchauffement climatique se confirme et que le transfert modal revêt une importance toujours plus grande, l’environnement et les transports semblent être des non-sujets de la campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2012. Certes, la plupart des candidats ont noirci les pages de leurs programmes avec des propositions sur le sujet. Certains programmes se veulent assez complets (François Hollande, Eva Joly) d’autres se focalisent sur quelques principes ou grandes mesures (Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou, Marine Le Pen). Nicolas Sarkozy, sans surprise, n’aborde pas le sujet dans sa lettre au peuple français. Depuis que le Président avait lâché, au salon de l’Agriculture, en 2010 : « L’environnement, ça commence à bien faire », on avait compris que de tels sujets avaient de bonnes chances de ne pas apparaître dans le projet UMP. Du côté de la gauche, malgré les efforts des équipes de Roland Ries pour structurer des propositions pour le domaine des transports, on sent bien que François Hollande « ne sent pas » le sujet auquel il aura consacré un déplacement discret à Saint-Etienne en tout début de campagne. Un proche du candidat socialiste nous faisait à ce sujet remarquer que, dans le domaine des transports, le grand thème qui retient l’attention de François Hollande est la sécurité routière – question de grande importance il est vrai, sur laquelle le bilan de la droite est d’ailleurs plutôt bon. Plus généralement, la faible audience, en tout cas selon les sondages, des écologistes dans la campagne n’incite pas forcément les grands candidats à aller glaner des voix de ce côté-là. Et puis les sujets « transports collectifs » sont souvent clivants. Il est plus rassembleur de promettre monts et merveilles sur le permis de conduire que d’arbitrer, par exemple, entre taxe carbone ou kérosène et prix de l’essence pour les ménages. Admettons-le, ce n’est pas sur les thématiques mobilité que se gagne une élection.
Si la campagne ne s’attarde pas sur des sujets, il faut le reconnaître, parfois ingrats, nombre de dossiers vont devoir être traités au plus vite par le pouvoir sorti des urnes. Par exemple la gouvernance du ferroviaire, à la fois parce que les dysfonctionnements du système doivent être rapidement réparés, mais encore parce que la discussion sur le quatrième paquet ferroviaire va amener les Français à présenter au plus vite leur nouvelle organisation, eurocompatible. Sur la question de la concurrence, également, il va falloir avancer, sous peine de se trouver en infraction par rapport au droit européen, ou de voir les groupes français pénalisés à l’étranger.
La faiblesse de la campagne ne doit pas masquer une tendance de fond. Le monde professionnel, par un mélange de réalisme budgétaire, de nécessité de rattrapage, se rapproche des priorités affichées de longue date par les écologistes. Le discours dominant, à la SNCF, à RFF, à la RATP chez les opérateurs urbains, et, dans une certaine mesure, chez les industriels c’est « priorité à l’existant ». En d’autres termes, le temps du réalisme est espéré. Celui où l’on fera un tri parmi les grands projets d’infrastructures, celui ou l’on veillera à l’efficacité des politiques publiques que l’on met en œuvre pour les transports.
François DUMONT et Guillaume LEBORGNE
Pour ou contre une fiscalité écologique ?
Si la fiscalité fait la Une de la campagne, ce n’est pas le cas de la fiscalité écologique. Et pourtant… il y a beaucoup à faire, à promettre, à envisager pour les candidats. Seul sujet de consensus, l’écotaxe poids lourds, puisque malgré deux reports, la mesure-phare du Grenelle de l’environnement verra le jour en juin 2013. Pour rouler sur les 15 000 km de routes de France, les plus de 3,5 t – ils sont estimés à 800 000 par an – devront passer à la caisse. Cette redevance devrait rapporter 1,2 milliard d’euros par an, dont 760 millions d’euros alimenteront l’Afitf et 160 millions seront reversés aux collectivités locales. Mais le nouveau gouvernement devra peut-être chercher comment contourner l’effet d’aubaine pour les sociétés d’autoroutes : à l’automne dernier, le député Hervé Mariton estimait la manne liée au report de trafic sur les autoroutes à 400 millions d’euros.
Les experts ont beau le clamer depuis des années, sans la fiscalité ad hoc, pas de report modal massif possible, qu’il s’agisse de transport de voyageurs ou de marchandises, jusque-là, le gouvernement n’a pas osé mettre en œuvre de mesure impopulaire. On a préféré s’en remettre aux lois du marché plutôt que d’employer coercition ou taxation. La taxe carbone, qui figurait dans le pacte écologique signé par tous les candidats en 2007, a finalement été enterrée. Eva Joly propose de la remettre à l’ordre du jour. François Hollande s’est prononcé pour « une taxe carbone sur les industries émettant beaucoup de gaz à effet de serre ». Mais il a aussi proposé de réintroduire la TIPP flottante afin de stabiliser artificiellement les prix à la pompe. Cette mesure, soutenue par les associations de consommateurs comme l’UFC, avait été appliquée par le gouvernement Jospin entre 2000 et 2002. Elle est jugée par la Fnaut, dans sa charte des transports proposée aux candidats, comme « pernicieuse, anti-écologique et antisociale », et de nature à jeter un doute sur la volonté du candidat de « réformer le secteur des transports. » L’association rappelle que le directeur du Centre de géopolitique de l’énergie, Jean-Marie Chevalier estime que « les blocages des prix donnent aux consommateurs de faux signaux et entretiennent les illusions. »
Parmi les autres mesures fiscales au menu du futur Président : repasser le taux de TVA sur les transports publics de 7 à 5,5 % ou étendre le versement transport (VT) à toutes les entreprises du territoire, éventuellement même aux petites, de façon notamment à créer un VT régional, une revendication ancienne du Gart qui a d’ailleurs récemment posé la question aux candidats. Sur ces aspects pointus, seule la candidate EELV s’est vraiment positionnée. « L’augmentation de la TVA de 5,5 % à 7 % pour le transport public est particulièrement injuste et doit être supprimée, une tarification sociale doit permettre l’accès, pour tous, aux transports publics », estime Eva Joly. La candidate assure par ailleurs être favorable à l’élargissement de l’assiette du VT et de façon générale à une « harmonisation des conditions de concurrence entre la route et les modes alternatifs, fer et fluvial. » Elle souhaite ainsi supprimer les aides au gazole et aux agrocarburants. Un point de vue que partageait Corinne Lepage, la candidate de Cap21 recalée aux 500 signatures. Elle ajoutait même qu’il fallait « expérimenter le péage urbain », une possibilité pourtant désormais ouverte aux grandes agglos par la loi, mais qu’aucune n’a décidé d’appliquer…
Cécile NANGERONI
Quelle politique en matière de véhicule décarboné ?
Hybride ou tout électrique, le véhicule dit « décarboné » est censé nous transporter demain… ou après-demain, car, chaque année ou presque, l’échéance est décalée. Mais il lui faudra sans doute encore un petit coup de pouce gouvernemental. Fraîchement nommé au ministère de l’Ecologie, Jean-Louis Borloo assurait qu’il fallait mettre la gomme pour développer ces voitures d’avenir. Qu’en est-il cinq ans plus tard ? Aux dernières nouvelles, deux millions de véhicules électriques vendus en 2020, c’est toujours l’objectif du Grenelle de l’environnement – soit une réduction de 17,5 millions de tonnes de CO2. Cela signifie multiplier les ventes actuelles par presque… mille car, selon des données du Comité des constructeurs automobiles français, 2 630 voitures électriques ont été immatriculées en 2011, 12 888 hybrides électricité-essence et 401 électricité-diesel. Avec ses deux appels à manifestation d’intérêt de 2008 et 2009, l’Ademe a pu soutenir 18 projets de développement et a présenté, mi-mars, six prototypes de produits atypiques prochainement commercialisés (scooter pliant, quadricyle pour les livraisons, moteur-roue, tricycle…).
Pour voir la filière décoller, reste aussi à développer les infrastructures de recharge sur voirie. Promesse du plan gouvernemental de 2009 : 75 000 points de recharge publics en 2015, près de cinq millions cinq ans plus tard en incluant les points de recharges privés… Il va falloir carburer ! A terme, l’absence de bornes publiques risque de freiner l’essor de la filière, mais pour l’instant les constructeurs se contentent des prises de courant standards.
Eternelle question de la poule et de l’œuf. « Il y a très peu de bornes sur voirie pour l’instant, mais ça va venir progressivement, les collectivités ne vont pas investir s’il n’y a pas de véhicules et ce n’est pas la condition nécessaire pour développer les véhicules », soulignait ainsi Patrick Coroller, chef de service transport et mobilité à l’Ademe. Tout en relativisant : « On fait rarement plus de 100 km par jour », soit l’autonomie moyenne de la plupart des véhicules électriques. De plus, les batteries ne devant pas progresser prochainement, il faut aussi réussir à diminuer la consommation des véhicules. Globalement, « le parc automobile actuel consomme en moyenne 7 l au 100, on doit pouvoir passer aux 4 l, assure François Loos, président de l’Ademe. Ce qui ferait passer de 65 à 30 millions de tonnes les émissions de CO2 par an ». Un véhicule comme le VelV, tricycle de PSA attendu prochainement et concurrent de la Twizy de Renault, consomme 85 Wh/km, soit l’équivalent de moins d’un litre d’essence ! Restera aussi à trouver le bon modèle économique. Les aides comme le bonus écologique n’étant sans doute pas éternelles, afin de minorer le surcoût à l’achat du véhicule, les constructeurs planchent presque tous sur des offres incluant la location des batteries.
Les candidats ne sont pas tous très prolixes sur la question des véhicules décarbonés. Eva Joly a toutefois avancé une proposition claire : elle s’engage à aider les constructeurs pour que les véhicules qui sortiront d’usine dans cinq ans consomment moins de 2 l litres aux 100 km. Pour y parvenir, elle promet d’intensifier les programmes de R&D et de renforcer l’actuel système de bonus-malus.
Cécile NANGERONI
Qui veut désenclaver les banlieues ?
En ce début d’année présidentielle, la question du désenclavement des banlieues et de la refonte de la politique de la ville semble encore avoir du mal à s’imposer dans les débats. Si François Hollande bouclait récemment son « banlieue tour » afin de montrer son implication, les propositions des différents candidats semblent discrètes ou peu relayées. A ce sujet, le 4 avril dernier, l’Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), l’association Ville et Banlieue et l’Association des communautés urbaines de France (Acuf) ont interpellé les candidats en présentant leur Manifeste pour une nouvelle politique de la ville, dans lequel ils soulignent les défaillances de la politique de la ville, incapable de mobiliser convenablement les moyens de droit commun.
Plusieurs plans se sont succédé depuis le début des ann&eacut
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