Véhicules à hydrogène. La France est-elle dans la course ?
Il y a un peu plus d’un an, Toyota lançait la Mirai, le premier véhicule à hydrogène destiné au grand public. Cette voiture, qui se recharge en 3 minutes, a une autonomie pas si éloignée de celle d’un véhicule thermique : elle permet de parcourir 500 km avec 5 kg d’hydrogène. Le constructeur a commencé… à la vendre au Japon, puis l’année suivante, en 2015, il a proposé son modèle aux Etats-Unis, et cette année en Europe. Vu le prix de la voiture (autour de 60 000 euros, hors taxes et subventions, pour la Mirai par exemple) et les difficultés d’approvisionnement, ce sont bien sûr de petites séries. Honda de son côté devrait commercialiser en mars sa voiture à pile à combustible (Clarity) et Nissan devrait suivre.
Ce sont tous des constructeurs asiatiques et ce n’est pas un hasard. Depuis plusieurs années, le Japon soutient fortement la filière hydrogène, à tel point que le pays a pris une bonne longueur d’avance sur tous les autres dans ce domaine. Pour encourager le secteur automobile, il mise sur la constitution rapide d’un réseau de recharge. Aujourd’hui, le pays devrait compter environ une centaine de stations.
Mais sa stratégie va bien au-delà puisqu’il envisage même de bâtir une « société de l’hydrogène ». Une énergie dont l’immense avantage est de ne rejeter que de la vapeur d’eau. Mais dont la production a aujourd’hui le gros inconvénient d’utiliser des hydrocarbures, eux-mêmes émetteurs de gaz à effet de serre. Le Japon espère à terme parvenir à un mode de production vert via un processus d’électrolyse de l’eau où l’électricité proviendrait d’énergies renouvelables (éolien, solaire ou hydraulique). Le pays en attend aussi d’importantes retombées économiques : il vise un marché estimé à 7,5 milliards d’euros par an pour la filière d’ici à 2030.
Même s’ils ne sont pas aussi avancés, quelques autres pays se montrent très intéressés par cette technologie. Et ils savent que s’ils veulent s’engager dans cette voie, il leur faut appliquer une politique très volontariste tant les coûts de production et de développement sont élevés. En plus du frein lié au coût dissuasif de la voiture à hydrogène, il faut en effet garantir que les automobilistes pourront faire le plein (pour 50 euros !) Et donc faciliter l’implantation de stations de recharge sur le territoire.
Aux USA, c’est la Californie qui montre la voie : elle finance la construction de 100 stations dont 50 pour la fin de l’année. En Europe, quelques pays sortent du lot comme le Royaume-Uni, la Norvège et l’Allemagne. En Allemagne tout particulièrement, où on observe un vif intérêt pour l’hydrogène, on prévoit d’installer 400 stations à hydrogène d’ici à 2024.
Et la France ? Elle ne faisait pas jusqu’à présent partie des pays en pointe dans ce domaine. « Nous étions très en retard. Depuis 18 mois, on observe une forte accélération, affirme Pascal Mauberger, le président de l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (Afhypac). La Loi sur la transition énergétique comporte un article exclusivement sur l’hydrogène. Elle indique que la France doit se doter d’un plan pour l’hydrogène dans les transports d’ici à août 2016 », ajoute-t-il.
De plus dans le cadre du plan Industrie du futur sous l’égide d’Emmanuel Macron, un groupe sur l’hydrogène a été mis en place piloté par Florence Lambert du CEA. L’objectif est de déployer une centaine de stations de recharge à l’horizon 2018 sur le territoire et d’avoir 1 000 véhicules à hydrogène en circulation. Mais avec une cible particulière : les flottes d’entreprises, les taxis ou encore les véhicules de livraison. « En France, l’hydrogène devrait se développer grâce au fret urbain, confirme Pascal Mauberger. Les maires, qui ne veulent plus voir de véhicules polluants dans les centres villes, sont intéressés par cette technologie. »
Les initiatives sont encore éparses. Aujourd’hui, une dizaine de stations sont installées ou en cours d’installation en France, selon l’Afhypac. « Ce sont généralement de petites stations qui coûtent quelques centaines de milliers d’euros et permettent de livrer cinq à six véhicules par jour. Les plus grandes stations peuvent représenter un investissement allant de deux à trois millions d’euros », précise le promoteur de l’hydrogène.
La Manche a ainsi été le premier département à installer en 2014 une station à hydrogène à Saint Lô (voir page suivante). Il y en a aussi à Lyon, Valence, Grenoble. Tout récemment, en décembre dernier à Paris, Air Liquide a inauguré sa première station de recharge sur le parking du pont de l’Alma. Elle sert à alimenter cinq taxis, des ix35 de Hyundai de la start-up Step (Société du taxi électrique parisien) qui mise pour se développer sur l’engouement du public pour des véhicules verts (sous la marque Hype). Selon Air Liquide, trois stations devraient encore ouvrir cette année aux portes de Paris.
Pour développer le réseau, l’Afhypac promeut une démarche menée en commun. « Quand on comptabilise dans un territoire, une vingtaine de véhicules à hydrogène, les municipalités peuvent mettre un terrain à disposition et on peut installer une station de recharge. » Une politique des petits pas qui repose généralement sur un modèle de financement supporté à 50 % par l’Europe et l’autre moitié par le privé. « Nous discutons avec le ministère de l’Ecologie pour qu’il y ait un volet de financement dans le cadre du plan Industrie du futur », ajoute Pascal Mauberger.
En attendant une utilisation plus massive par le grand public, les bus à hydrogène devraient également se développer. Il est prévu que 300 bus à hydrogène, financés en partie par l’Union européenne, soient livrés en 2017 et roulent dans 10 à 15 villes, dont 3 en France.
Pour l’heure, les constructeurs français n’ont pas encore totalement franchi le pas. « A la différence d’autres Européens comme Daimler, BMW ou Audi par exemple, les industriels français n’ont pas encore développé de concept car », rappelle Pascal Mauberger. Mais un constructeur comme Renault installe désormais un prolongateur d’autonomie à hydrogène sur ses Kangoo. Ce prolongateur (c’est-à-dire une pile à combustible et un réservoir) qui permet de doubler l’autonomie de la batterie et de rouler pendant 300 à 350 km environ a été conçu par la société française Symbio SC, qui s’est positionnée sur ce créneau. DHL par exemple a pris récemment livraison de son premier Kangoo avec prolongateur d’autonomie, un concept qui l’intéresse, selon le président de l’Afhypac.
En France, pour le moment c’est tout de même la voiture à batterie électrique qui semble l’emporter. La voiture électrique à hydrogène pourrait en faire les frais. Pour les promoteurs de l’hydrogène, les deux sont complémentaires ; les premiers sont plutôt de petits véhicules urbains, conçus pour les parcours ne dépassant pas les 150 km, tandis que l’hydrogène peut assurer les plus longs trajets. Tout dépendra donc des progrès technologiques qui seront faits par les uns et les autres à l’avenir.
Reste que la voiture à hydrogène est en marche. Y compris en France. « Nous prédisons 800 000 à l’horizon 2030. Un mixte entre véhicules individuels et véhicules utilitaires », indique encore Pascal Mauberger. Optimiste ? Il affirme aussi que « même si la France est sans doute encore un peu derrière, elle est revenue dans la course ».
Marie-Hélène Poingt
Le véhicule à hydrogène, qu’est ce que c’est ?
C’est un véhicule mû par un moteur électrique. Ce qui change, avec le véhicule à hydrogène, c’est ce qu’on met dans le « réservoir ». Sur les véhicules électriques « classiques », l’électricité est fournie par des batteries ou des super-condensateurs. Avec plusieurs contraintes : l’autonomie, qui certes s’est améliorée, la puissance disponible, qui dépend du stockage d’énergie, et le temps de charge, qui reste long, même si cette recharge peut être effectuée partiellement en cours de journée ou de trajet.
Dans le cas des véhicules à hydrogène, c’est une pile à combustible qui alimente le moteur en électricité. Cette pile à combustible produit de l’électricité grâce à une réaction chimique entre l’hydrogène (plus précisément du dihydrogène) embarqué dans un réservoir en phase gazeuse le plus souvent, avec l’oxygène contenu dans l’air. Ce qui produit une tension électrique.
Au chapitre des avantages : le temps de remplissage du réservoir d’hydrogène. Quelques minutes suffisent pour faire le plein de gaz, à 350 bar (prototype Renault Scenic ZEV H2, Nissan X-Trail FCV ou Mazda 5 hydrogen RE hybrid), ou 700 bar (Kia Borrego FCV). Un « plein » de 3 à 5 kg selon le véhicule, offre une autonomie de 300 km pour le prolongateur d’autonomie installé par Symbio FCell sur des Kangoo électriques en juillet à Lyon, et jusqu’à 700 km annoncés pour la Kia Borrego FCV. Pour simplifier, 1 kg d’hydrogène permet de parcourir une centaine de km. Outre cette autonomie largement améliorée par rapport à des batteries, la pile à combustible a le gros avantage de ne rejeter aucun GES ni pa
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Publié le 20/03/2024