Entretien avec Jacques Rapoport, président-directeur général de SNCF Réseau.
En arrivant aux commandes de RFF fin 2012, Jacques Rapoport avait pour mandat de préparer la future réforme ferroviaire désormais engagée depuis le 1er janvier. Son objectif aujourd’hui, c’est « l’excellence ferroviaire ». Elle s’appuie sur les trois gammes d’innovation, centrées sur le mass transit, que sont l’automatisation de la surveillance, le passage à la maintenance prédictive grâce au big data, et le contrôle commande. Dans dix ans, le PDG de SNCF Réseau vise le leadership mondial sur les systèmes et les réseaux de zone dense.
Ville, Rail & Transports. Où en est la métamorphose de RFF en SNCF Réseau ?
Jacques Rapoport. Cette transformation est engagée depuis la mi-2011. Ce n’est donc pas moi qui ai engagé le mouvement. Mais quand je suis arrivé à RFF, ce mouvement a été accéléré. Cela faisait partie de mon mandat. À ce moment-là, la question qui était souvent posée était de savoir si RFF allait manger l’Infra ou si ce serait l’inverse. Ce n’était ni l’un ni l’autre puisque nous avons réuni trois entités, qui chacune avait ses spécificités, pour créer une nouvelle entreprise.
Depuis le 1er janvier, le changement a été surtout d’ordre culturel. La bascule aura réellement lieu le 1er juillet car, en vertu des règles publiques, il faut déterminer le passif et l’actif de chaque établissement public, ce qui est une opération d’une complexité inouïe. Il s’agit de couper en deux la SNCF – non pas d’en intégrer une partie à RFF – et de créer une holding conformément à ce que prévoit la loi. Nous serons donc prêts au 1er juillet prochain, que ce soit au plan de la comptabilité ou des ressources humaines. Mais le processus ne sera réellement achevé qu’à la fin de l’année, quand nous aurons mis en œuvre les nouvelles organisations, lorsque nous aurons publié les comptes certifiés par les commissaires aux comptes et lorsque les élections professionnelles auront eu lieu. Nous sommes déterminés à conduire cette transformation dans le cadre d’un plein dialogue social.
Côté Réseau, nous allons vivre une période de transition avant la mise en place des nouvelles institutions représentatives du personnel : ce sont les élus des 1 500 salariés de l’ex-RFF (CFDT, UNSA, CGC) qui vont représenter les 52 000 cheminots de SNCF Réseau. C’est juridiquement incontestable. Mais comme il n’y a ni élus CGT ni élus SUD-Rail, il est difficile de penser qu’ils sont représentatifs de tous les salariés. D’où notre souhait de lancer au plus vite les élections professionnelles.
VR&T. Comment la fusion est-elle vécue en interne ?
J. R. Tous les baromètres montrent que la légitimité de la réforme est admise par le personnel, ce qui n’était pas le cas avant. Avant 2012, c’est l’Infra qui devait être intégrée à RFF. Quand les salariés de RFF se sont rendu compte début 2013 qu’il n’en était pas question, certains ont pensé que le rouleau compresseur de la SNCF allait les écraser. Ces états d’âme (qui mange qui ?) n’ont plus cours. Une fusion de ce type est toujours longue à mettre en place.
Deux difficultés subsistent : les questions sur les évolutions individuelles dans les équipes d’encadrement. Ce sont des questions légitimes auxquelles nous apportons des réponses. Nous ne laisserons personne au bord de la route.
Le deuxième sujet est plus préoccupant et nous avons lancé des alertes aussi bien du côté des pouvoirs publics que de l’Araf en disant : attention à ne pas mettre des murailles de Chine dans tous les sens ! Si passer de Réseau à Mobilités pose problème, des cadres supérieurs pourraient se poser des questions avant d’accepter un poste. Qu’il y ait un sas de trois ans dans certains cas entre deux postes et que la loi prévoie des règles déontologiques est compréhensible. Mais auparavant, il faut bien limiter les incompatibilités déontologiques aux métiers qui le méritent vraiment avant d’édicter des règles. La question de la mobilité du personnel doit absolument être traitée car nous avons besoin de personnes qualifiées à Réseau.
VR&T. Vous insistez beaucoup sur la nécessaire modernisation du réseau et de ses techniques de maintenance. Vous dites souvent que certaines méthodes sont héritées du XIXe siècle. Quelle forme peut prendre la modernisation ?
J. R. Au niveau des principes, la performance économique résulte de la performance industrielle. Et non le contraire. Ce qui coûte cher, c’est quand nos chantiers sont mal faits, quand la maintenance préventive n’est pas faite et qu’on tombe dans le curatif, quand nos équipements ne sont pas performants, quand nous avons des incendies comme à Vitry parce qu’il n’y a pas de détection d’incendie… C’est la mauvaise performance industrielle qui génère de la mauvaise performance économique. Au contraire, lorsqu’on fait des travaux massifiés comme nous venons de le faire, par exemple à Versailles, ou quand nous arrivons en un week-end à faire des travaux massifiés bien préparés, bien organisés, la performance industrielle dégage des économies importantes. Même chose pour l’innovation. Le ministre Alain Vidalies va aller voir prochainement la grue Kyrow, c’est de la performance industrielle. On n’utilise pas une grue parce que ça coûte moins cher, on utilise une grue parce que c’est plus efficace et, ensuite, cela coûte moins cher. Et nous avons bien besoin de cette performance compte tenu de notre volume considérable de production.
Quand je dis que nous faisons de la maintenance comme au XIXe siècle, mon propos est un peu excessif. Je suis allé voir une suite rapide sur Rennes – Redon, c’est de la performance industrielle et de l’innovation technologique. Car de l’innovation technologique, il y en a.
En revanche, ce qui est vrai, c’est que la surveillance du réseau est restée traditionnelle. C’est fait à pied d’œuvre avec des hommes qui surveillent les installations ; et là, il s’agit plus de surveillance que de maintenance, y compris quand on démonte un aiguillage pour voir s’il est en bon état. Cette surveillance du réseau, qui représente des montants très importants, peut-on l’automatiser ? La réponse n’est pas définitive. Théoriquement, oui. Grâce à la vidéo embarquée, soit à bord de trains spéciaux soit, et c’est l’idéal, à bord de trains commerciaux, grâce aux drones aussi, qui permettent de surveiller toutes les installations, la voie, la caténaire, les ouvrages d’art. Pour surveiller un viaduc, un drone c’est une merveille. Aujourd’hui, il y a une sorte de train avec une grande nacelle qui va sous le viaduc pour voir ce qui se passe en dessous, c’est une énorme machine avec pas mal de personnel, vous bloquez la voie pendant deux heures, vous n’avez plus de sillon… Mais il faut être sûr que le drone a bien vu tout ce qui ne va pas.
La technologie est disponible. Mais, si c’était si simple de la déployer, ce serait déjà fait. Or, ce n’est fait dans aucun pays au monde. Dans le monde ferroviaire, on est en sécurité, et il faut que les dispositifs soient efficaces à 99,99 %. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une efficacité à 95 %. Nous devons avoir l’absolue certitude que le numérique – puisqu’il s’agit de digitalisation – garantit que tout défaut dans les installations est détecté. Pour l’instant, nous n’en sommes pas au stade du déploiement, nous en sommes au stade des tests.
Il y a un autre sujet de modernisation, c’est ce qu’on appelle le big data. Quel est l’enjeu pour SNCF Réseau ? Aujourd’hui, nous faisons soit de la maintenance préventive, soit de la maintenance curative. Le curatif, moins on en a, mieux on se porte. La façon d’en faire moins c’est de faire du préventif. La maintenance préventive est faite selon des normes qui sont le fruit de l’accumulation des savoir-faire. En fait-on trop ou pas assez ? Pourrait-on détendre les pas de maintenance ? Le calage est très compliqué. Le sens de l’histoire, c’est de passer à la maintenance prédictive. C’est-à-dire, d’avoir toute une série de précurseurs qui permettent de dire : attention, on va avoir une panne ou un incident. Le prédictif n’est pas normé, il est quasiment individualisé. Comment passer au prédictif ? C’est là qu’intervient le big data. Il s’agit de collecter et traiter toutes les informations portées par les trains qui passent. Par exemple des trains qui ont des petites secousses inattendues à un endroit, ce qui invite à aller voir la géométrie de la voie.
Pour l’automatisation de la maintenance, les technologies existent, la route est tracée. Pour le big data en vue du prédictif, on est encore un peu plus en amont. Mais c’est une piste considérable. Si l’on parvient à faire de la surveillance automatique des installations et du prédictif à l’aide du big data, on explose la productivité. Tous les réseaux d’Europe s’y intéressent et nous travaillons avec eux, mais aucun n’a trouvé la martingale. Nous explorons ces solutions avec les gestionnaires d’infrastructure dans le cadre de la plate-forme européenne Prime.
VR&T. A quelles échéances pensez-vous être prêts ? Et que représentent les investissements ?
J. R. Pour les échéances je ne le sais pas. L’investissement est très faible. Les drones, ça coûte trois fois rien. Certes, il faut des caméras intelligentes pour interpréter les données. Mais l’essentiel des coûts, c’est de la matière grise.
VR&T. Quel secteur moderniser encore, à part la surveillance du réseau et le passage à la maintenance prédictive ?
J. R. Le contrôle-commande. Le sujet a été abordé dans le rapport du Cercle des Transports sur le Grand Paris. Nous avons pris connaissance avec intérêt de ce rapport. Car en Europe, dans les vieux pays, l’enjeu numéro un, c’est d’améliorer la performance de l’existant plutôt que d’ajouter. Ajouter, cela coûte des sommes gigantesques et ne résout pas le problème de l’existant, qu’il faut de toute façon remettre à niveau. Et moderniser. Il nous faut des systèmes d’exploitation modernes – signalisation, contrôle commande, radio, etc. – qui permettent, d’une part de réduire l’intervalle entre les trains, d’autre part de prévenir et traiter les incidents de façon beaucoup plus efficace. Et surtout, en cas d’incident, d’en limiter la portée : éviter d’arrêter les trains dans toute une zone, et dans la mesure du possible remettre en service à distance.
C’est un gisement très important. Certes, il a ses limites : on dit qu’on veut ainsi faire passer 30 trains par heure, mais le système est sous une telle tension qu’au moindre incident tout se bloque. Mais nous avons toute de même beaucoup de marge.
C’est une des raisons – pas la seule raison – pour laquelle nous attendons Eole et le système NExTEO. C’est essentiel car l’avenir, pour le ferroviaire, c’est le mass transit, et beaucoup moins l’intercités. Le monde s’urbanise. Même en France, où on voit bien que les grandes métropoles se développent, et que les portions du territoire en interrogation, ce sont les villes moyennes. Alors, ne parlons pas des pays émergents, où les villes de dix millions d’habitants poussent comme des champignons. Or, dans le mass transit, la capacité d’avoir des systèmes d’exploitation performants est fondamentale. C’est ce qu’explique le Cercle des Transports. Et dans ce domaine, notre vraie ambition, ce n’est pas la remise à niveau. C’est un objectif indispensable mais intermédiaire. Notre objectif, c’est l’excellence ferroviaire, en s’appuyant sur les trois gammes d’innovation, centrées sur le mass transit, que sont l’automatisation de la surveillance, le passage à la maintenance prédictive grâce au big data, et le contrôle-commande.
Notre objectif à cinq ans c’est de remettre à niveau le réseau. À dix ans, c’est le leadership mondial sur les systèmes et les réseaux de zone dense. Mais nous avons des sujets semblables pour la grande vitesse, avec la signalisation qui permet de passer à 16 sillons par heure sur Paris – Lyon. On voit d’ailleurs que, sur Paris – Lyon, nous pouvons à la limite avoir du mass transit en intercités.
VR&T. Où en est le programme de passage à la commande centralisée ?
J. R. Il se poursuit, mais il s’agit là de remise à niveau. Pas de modernisation. Car nous sommes très en retard par rapport aux autres réseaux de l’Europe de l’Ouest. Le programme suit son cours, et nous allons bientôt mettre en service le CCR Lorraine. Ce que nous avons vu, à l’occasion du renouvellement des postes de la gare de Lyon, qui datent des années 30, c’est que, comme ce qui avait été engagé l’avait été par un binôme RFF et direction des circulations ferroviaires, on avait oublié plein de choses, parce que l’exploitant n’était pas dans le circuit. Nous avons donc repris le projet, qui a évolué dans son contenu et la méthode, pas dans les objectifs. Et nous avons invité tous les exploitants même si seule SNCF Mobilités est venue. Thello n’a évidemment pas les moyens de dégager deux ou trois ingénieurs de haut niveau pour cette question et nous fait confiance. Tout de même, le programme évolue aussi dans le fond, car nous souhaitons, au-delà des postes d’aiguillages (aux abords des gares), en profiter pour initier une modernisation de la régulation (circulation entre les gares). Car, pour la régulation aussi, les outils que nous avons sont anciens.
VR&T. Vous venez de tenir une conférence avec les fournisseurs. Vous leur parlez de partenariat. Qu’est-ce à dire ?
J. R. Nous avons absolument besoin de nouer ces relations partenariales avec les fournisseurs. Pour trois raisons. Ces entreprises ont quasiment un seul client. Nous faisons 70 à 80 % du marché français des travaux ferroviaires. Pour les entreprises, il est absolument vital de travailler avec nous. Je discutais lors de cette convention avec un de nos fournisseurs. Il a beau être très présent à l’international, nous représentons 50 % de son CA ! Normalement une entreprise ne devrait pas avoir plus de 20 % de CA partagé avec un seul client. Dans le ferroviaire, pour les travaux sur réseau exploité, c’est impossible. Nous ne sommes pas dans une relation commerciale classique. Nous sommes dans un monde particulier.
Deuxième raison, nous avons un plan de charge très élevé. Et nous n’aurons jamais les moyens internes d’assurer la totalité du plan de charge. Nous sommes là dans une logique un peu défensive. Il faut des fournisseurs qui soient en mesure de flexibiliser l’appareil productif global. Car, même si les sommes que nous investissons sont stables – ce que je ne souhaite pas, car je souhaite qu’elles augmentent –, dans le temps et dans l’espace cela varie énormément. Nous avons donc besoin que la capacité de production soit partagée avec des fournisseurs. Les reports d’opération que le ministre a dû décider parce que nous sommes en saturation de ressources, c’est sans plaisir que nous les annonçons. Nous sommes là pour faire ce qu’on nous demande de faire. Pas pour dire que nous ne pouvons pas. Mais pour cela, il faut décloisonner notre capacité de production.
Il y a une troisième raison, plus offensive. Un monopole qui se replie sur lui se sclérose. Or, le ferroviaire est une activité repliée sur elle-même. Il vit dans un monde spécifique, avec des métiers spécifiques, et il n’y a pas de message qui vienne l’inciter à évoluer. Nous avons besoin pour éviter l’immobilisme ou la sclérose de nous ouvrir sur l’extérieur. Ce n’est pas une critique, ce n’est pas un désaveu. Nous avons besoin d’être challengés, besoin de la capacité d’innovation de fournisseurs qui non seulement répondent à des cahiers des charges, mais participent à leur élaboration.
Le problème, c’est que comme nous vivons repliés sur nous-mêmes, aujourd’hui, il n’y a pas d’offre externe. J’entends bien M. Jachiet (Syntec Ingénierie) ou M. Lacoste (TSO) qui disent « nous sommes prêts, nous sommes disponibles ». Mais sur réseau exploité ça n’est pas exact.
C’est vrai, il y a aussi des résistances internes. Cela fait partie de la culture publique française, selon laquelle l’interne c’est bon et l’externe c’est mauvais. Comme on considère que le prestataire ne sait pas faire, alors on fait des appels d’offres saucissonnés et le prestataire, comme il doit faire sa marge, fait les travaux plus ou moins bien, etc. On rentre dans un cercle de la méfiance. Nous devons en sortir.
Pour cela, nous commençons à passer des marchés de conception-réalisation. Nous responsabilisons nos fournisseurs sur la réalisation d’un projet global, comme la réfection du poste de Vitry, ou la rénovation de Niort La Rochelle.
Deuxième façon d’en sortir, nous allongeons les marchés, nous augmentons les volumes. Troisième idée, la signature de contrats cadres : nous garantissons à des fournisseurs un volume d’activité et en échange ils s’engagent sur un volume de recrutement et de formation de personnel.
Le chiffre d’affaires que nous achetons augmente de 10 à 15 % par an. Je ne veux pas tout basculer en deux ans. Mais, année après année, on crante. C’est un axe stratégique majeur, et nous le tenons. Il y a une limite. Nous ne pouvons pas perdre la maîtrise du réseau.
C’est pourquoi nous avons pris une décision : nous avons décidé de ne plus sous-traiter la maîtrise d’ouvrage. Nous avons recours à l’assistance à maîtrise d’ouvrage, sous-traitons la maîtrise d’œuvre globale, études et travaux, pas la maîtrise d’ouvrage.
VR&T. Que répondez-vous à l’étude présentée par le CCE sur la suppression de 7 500 kilomètres de lignes ? Quelle doit être la consistance du réseau, selon vous ?
J. R. Je suis très serein sur cette question car pour nous, l’enjeu économique ne porte pas sur les petites lignes. Ces lignes 7 à 9 coûtent 100 millions d’euros par an. Une goutte d’eau ! L’enjeu stratégique, c’est de gagner 500 millions d’euros par an en productivité, ce qui passe avant tout par la massification des travaux ou encore une meilleure organisation des chantiers.
Par ailleurs, SNCF Réseau doit faire ce que les autorités publiques décident pour le réseau. Quand vous posez au niveau national la question de l’avenir du réseau capillaire, personne ne veut payer. Mais quand vous posez la question au niveau local, on arrive à faire un tour de table. Quand on n’y arrive pas, c’est que la petite ligne n’est pas aussi utile que ça.
Dans le cadre de la conférence fret lancée par le précédent secrétaire d’État aux Transports, Frédéric Cuvillier, le groupe sur l’état du réseau capillaire a pu constater que sur une grande partie des lignes, il n’y a pas un seul train qui passe. Là où il y a vraiment des circulations, il y a toujours la capacité à trouver des financements locaux.
Actuellement, nous sommes en train de voir, avec Colas et Europorte, si nous ne pourrions pas maintenir les lignes 7 à 9 à un coût moins élevé, en le mettant à 100 000 euros le km. Pour l’instant, nous avons examiné le cas d’une ligne qui n’est pas en trop mauvais état. Il faut que nous regardions le cas d’une ligne qui aurait besoin d’un renouvellement immédiat. Il y a un équilibre à trouver entre grosse maintenance et durée du renouvellement. Nous sommes persuadés que quand les petites lignes ont un intérêt, on peut trouver des solutions. Mais peut-être faudra-t-il fermer définitivement les lignes non exploitées.
VR&T. Comment résoudre la question de la LGV SEA, qui est actuellement en construction mais pour laquelle les financements se font attendre ?
J. R. Vu de SNCF Réseau, nous avons des créances sur les collectivités qui ne cessent d’augmenter. Au total, la créance sur cette LGV atteint pas loin d’un milliard d’euros. La plus grande partie s’explique par les sommes dues par l’Afitf [Agence de financement des infrastructures de transport de France, ndlr]. Quant aux collectivités locales, elles arrêtent, les unes après les autres, de payer. Celles situées au nord de Bordeaux attendent des dessertes, alors que la SNCF en annonce moins que ce qu’elles pouvaient escompter. Celles situées au sud, attendent le prolongement avec le projet GPSO.
La cause essentielle de ce blocage réside dans la conception du financement : le projet compte 50 % de financement public. Or, le TGV n’est pas un service public. C’est une activité commerciale, dont la billetterie doit couvrir les charges, l’exploitation, le matériel et 10 à 30 % du coût de l’infrastructure. Si l’on veut que le système fonctionne, il faudrait un financement public allant jusqu’à 70 ou 80 %. Selon moi, il manque 2 milliards d’euros. Donc soit on impose des péages et des dessertes à Mobilités, soit on explique à RFF que le montant investi est perdu.
Seconde raison, en contrepartie de leurs financements, les 58 collectivités sollicitées veulent une contrepartie. Donc des dessertes. Le TGV est fait pour relier Paris à Bordeaux. Dans cette histoire et avec ce tour de table sans précédent, Mobilités pourrait perdre de l’argent et Réseau aussi.
Propos recueillis par François Dumont
et Marie-Hélène Poingt