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Ewa

La feuille de route de Jean-François Monteils pour la Société du Grand Paris

Le Club VRT avec Jean-François Monteils s’est tenu le 1er décembre dans nos salons, 
rue de Clichy, dans 
le 9e arrondissement 
de Paris.

Devant le Club VRT du 1er décembre, Jean-François Monteils, le président du directoire de la Société du Grand Paris depuis mars 2021, a tracé la feuille de route pour l’établissement public chargé du plus grand chantier de France. Soit 68 gares desservies par 200 km de ligne de métro automatique autour de Paris. Saluant le travail réalisé par son prédécesseur, Thierry Dallard, il confirme que les chantiers seront menés dans leur intégralité. Et ambitionne d’ouvrir un nouveau chapitre, en élargissant le champ d’intervention de la SGP, lorsque celle-ci aura achevé sa mission après 2030.

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Jean-François Monteils

Construire 200 km de lignes de métro automatique et 68 gares en investissant plus de 36 milliards d’euros, c’est la mission confiée à la Société du Grand Paris. « Elle sera menée à son terme », affirme Jean-François Monteils qui a succédé à Thierry Dallard à la présidence de la SGP. Il balaie d’un revers de main les critiques qui se font encore entendre, comme celles de Jacqueline Lorthiois, Jean-Pierre Orfeuil, Harm Smit ou Jean Vivier qui, dans une tribune publiée cet automne par l’Obs, expliquaient que les calculs réalisés par la SGP pour justifier la construction des lignes 17 Nord et 18 étaient sujets à caution. « Il est traditionnel et sain d’avoir des visions opposées », justifie-t-il. Selon lui, le raisonnement de ces opposants repose sur le fait que ces travaux aboutiraient à une urbanisation massive qui ne serait pas souhaitée. « C’est peut-être le cas pour ceux qui veulent préserver leur pavillon, mais des milliers de Franciliens à la recherche d’un logement en Ile-de-France attendent la réalisation du Grand Paris », assure le dirigeant.
Et Jean-François Monteils de poursuivre : « Il n’y a pas de projet qui puisse avancer sans utilité publique, sans analyse des flux, sans mesure de valeur socio-économique, vérifiées par des autorités expertes. C’est très encadré méthodologiquement » , assure-t-il. Le président de la SGP ne s’inquiète pas non plus des changements d’habitudes et de déplacements des Franciliens, causés notamment par le télétravail, qui pourraient remettre en cause l’intérêt de certaines lignes du Grand Paris. « C’est habituel de se poser la question lorsque les évaluations sont lancées très en amont. Mais je suis confiant, car nous n’anticipons pas moins de transport, mais un meilleur transport. Le métro automatique du Grand Paris ne sera pas un métro comme les autres. Il pourra s’ajuster aux flux, ce qui est intéressant pour les coûts d’exploitation », commente-t-il. Et il ajoute : « On ne peut pas dire qu’il y ait un surcroit d’offres de transport public en Ile-de-France, qu’il n’y ait pas un besoin massif de report modal, de liaisons nouvelles, d’interconnexions, ou de développer le transport du quotidien ».

Un peu plus de la moitié des lignes déjà creusée

Pour l’heure, un peu plus de la moitié des travaux sur les lignes a été creusée. « Le creusement de la ligne 15 est achevé et la voie posée sur sa moitié. Les deux tiers de la ligne 16 sont accomplis et plus de 110 marchés sont en cours d’exécution. Sur certains tronçons on entrevoit déjà la ligne d’arrivée. Nous avons actuellement à la fois de très gros chantiers de génie civile et une multitude de chantiers d’aménagement », précise le patron de la SGP.
Les rames ont déjà été commandées et achetées et des essais en usine ont démarré. Il faudra patienter jusqu’à fin 2023 pour que commencent les premiers essais en ligne. « Une nouvelle phase critique débutera alors, car il y aura des des interfaces avec d’autres lignes déjà en exploitation et avec Ile-de-France Mobilités. Ce qui annonce de nouvelles difficultés, les seules que nous n’ayons pas encore expérimentées », indique Jean-François Monteils. Pour se préparer à cette phase d’intégration qui nécessitera des échanges constants entre la SGP, IDFM et l’opérateur du système, un appel d’offres a été lancé pour contractualiser avec un « shadow » opérateur, qui servira de « sparring partner » pour anticiper l’exploitation. C’est Transdev Group et Strides International Business qui ont été choisis, il y a un peu plus d’un an par la SGP et IDFM, pour jouer le rôle d’opérateur virtuel pour les quatre nouvelles lignes de métro sans conducteur du Grand Paris. Cette démarche vise à préfigurer l’exploitation et la maintenance pour qu’elles fonctionnent par la suite dans de bonnes conditions, Transdev devant jouer le rôle du futur exploitant et Strides International Business devant apporter son regard d’exploitant de métro automatique avec une expérience internationale.

Aménagement de gares

En plus des nombreux chantiers sur les lignes (creusement de tunnels, constructions des piliers, pose de voies), des travaux d’aménagement de gares ont également démarré. Plus de 12 millions de m2 destinés à créer des bureaux, logements et équipements sont en cours de réalisation sur les 32 millions attendus. La SGP, qui possède un million de m² de surfaces de plancher dans les quartiers des nouvelles gares, a prévu de réaliser 8000 logements d’ici 2030.
La stratégie urbaine définie par la SGP prévoit que ces projets se feront en co-promotion. Une filiale immobilière a été créée pour permettre à la SGP de garder la main sur les 353 projets d’aménagement accompagnant le Grand Paris Express. « Les opérations urbaines seront réalisées en partenariat avec les grands acteurs publics, des promoteurs, des aménageurs », énumère le président de la SGP. « Nous avons signé des conventions. Nous ne faisons pas ce que d’autres font mieux que nous », explique-t-il.

Le bouclage du Grand Paris ne sera pas achevé en 2030

Une vingtaine de jours après cette rencontre, Jean-François Monteils a finalement reconnu que le métro du Grand Paris ne sera finalement pas achevé comme prévu en 2030 mais « probablement » avec « un décalage de quelques mois ».
« On va casser le cap de 2030, on va recaler l’échéance de mise en service des deux derniers tronçons » de la ligne 15, de Pont de Sèvres à Saint-Denis Pleyel puis à Champigny, a-t-il expliqué à l’AFP, en refusant de s’engager sur une date, tant que le groupement chargé de sa construction ne serait pas choisi. « On n’est pas à deux ans », a-t-il ajouté, laissant entendre un objectif d’ouverture en 2031. « On décale de quelques mois, on se sent beaucoup plus robuste sur le planning global ».

Chantiers duplicables

« La SGP est un projet à visée environnementale », assure Jean-François Monteils. Les nouvelles lignes de métro du GPE devraient permettre d’économiser 14 millions de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre en contribuant au report modal et grâce au plan d’urbanisme. Mais leur construction pourrait générer 4,4 millions de tonnes équivalent CO2. Jean-François Monteils assure que d’ici 2050, les émissions de la phase chantier auront été compensées, mais pour aller plus vite, il s’est fixé comme objectif de réduire de 25% les émissions liées aux travaux, en utilisant tous les leviers possibles.
« Nous faisons un gros travail d’innovation environnementale qui pourra être reproduit et s’étendre dans des projets menés de par le monde », affirme-t-il, promettant de jouer la carte de la transparence sur ce sujet. « Nous publierons des données vérifiables sur notre performance environnementale, de manière à ce que d’autres projets puissent s’en inspirer ».
Après plusieurs accidents mortels et graves, qui ont jeté une ombre sur les chantiers du Grand Paris, l’établissement public s’est engagé à renforcer la sécurité et la prévention des risques d’accident sur les 170 chantiers en cours, sur lesquels travaillent actuellement plus de 6000 personnes. « Leur sécurisation est une priorité absolue pour 2023. Nous sommes dans un secteur d’activité où la sécurité est importante, mais pas toujours la mieux traitée. D’autres pays, ou d’autres secteurs, font probablement mieux. Nous devons nous en inspirer pour nous améliorer », déclare Jean-François Monteils.

Expertises

Depuis sa création en 2010, la Société du Grand Paris a traversé plusieurs phases. « Dans les premières années, peu de gens pensaient qu’on arriverait au bout d’un projet de cette ampleur. Il semblait impossible de réaliser ces travaux dans les délais », se remémore Jean-François Monteils. Le démarrage des travaux a fait entrer l’entreprise dans une deuxième phase, celle de l’apprentissage. « Ce qui nous a permis d’acquérir de l’expérience. Désormais, nous amorçons une troisième phase, celle des acquis de l’expérience. Nous pouvons utiliser ce que nous avons appris pour faire mieux et améliorer la poursuite du chantier », poursuit-il.
Le réseau a été divisé en 6 tronçons : les trois sections de la ligne 15 et les lignes 16, 17, 18 et comme chacune est dans un état d’avancement différent, il est possible de tirer les leçons de ce qui a été réalisé ici et là pour poursuivre les travaux plus efficacement sur d’autres chantiers. « Nous avons accumulé une énorme somme d’expérience qu’il est important d’utiliser pour la suite du projet et même au-delà », souligne le président de la SGP. C’est dans ce but, qu’avec l’accord du conseil de surveillance, la SGP a créé la filiale SGP Dev. Il s’agit d’utiliser la concentration de compétences « d’une qualité exceptionnelle » rassemblées par la SGP, que ce soit dans le domaine technique, juridique ou administratif, précise t-il (lire aussi l’encadré en page 53).

Equilibre financier

Le financement de la réalisation du Grand Paris Express a été possible grâce à un emprunt massif réalisé avec des taux d’intérêt bas et fixes. « La stratégie de financement a été faite de manière intelligente par mes prédécesseurs », rend hommage Jean-François Monteils qui se trouve confronté à la remontée des taux d’intérêt pour réaliser de nouveaux emprunts destinés à financer la suite des travaux. « Pour financer le projet au-delà de 2027, nous allons continuer notre stratégie de financement par appel au marché avec des taux qui seront plus élevés mais avec des recettes qui le seront
également. Car l’inflation a deux effets : un sur les coûts, l’autre sur les recettes ». Restera à trouver un équilibre financier. « Il faudra voir si la hausse des recettes, indexées sur la hausse des prix, suffira à financer celle des coûts. Mais à ce stade, nous n’avons pas identifié de raison de considérer que l’inflation remet en cause l’équilibre financier du projet », affirme Jean-François Monteils.
Selon lui, il n’y a pas lieu de revoir l’estimation des coûts sur l’ensemble du projet, évalué à ce jour par la SGP à 36,1 milliards d’euros. « Certains pensent que c’est une fatalité qu’il y ait une dérive financière pour ce type de projet. A ce jour, ce n’est pas le cas », insiste-t-il.
Le président de la SGP reconnaît toutefois que l’entreprise ne sera pas épargnée par le phénomène de hausses de prix et les problèmes d’approvisionnement. « L’inflation aura des effets sur la conduite du projet. Il faut voir, contrat par contrat, s’il y a des clauses prévues, des dispositifs d’indexation pour répercuter les hausses, pour savoir comment les hausses subies nous seront répercutées », liste le président de la SGP, qui mène ce travail avec les sociétés intervenant sur ses chantiers.
Un travail mené en conformité avec les préconisations de la circulaire sur l’exécution des contrats de la commande, qui invite les services de l’Etat à passer des marchés à prix révisables, lorsque ceux-ci portent sur des prestations exposées à des aléas économiques majeurs. « Nous devons avoir une approche plus souple et faire évoluer les contrats en cours d’exécution. Nous allons intégrer ce nouveau contexte pour travailler avec les entreprises », indique Jean-François Monteils.

Deux filiales dont il faudra assurer la pérennité

La Société du Grand Paris a pour mission de concevoir et réaliser les travaux du Grand Paris Express. Une fois sa mission achevée, à l’horizon 2030, elle aura vocation à disparaître, même si une structure pourrait rester en place pour gérer la dette. Pour donner de nouvelles perspectives et éviter de perdre l’expérience et l’expertise accumulée avec les chantiers du Grand Paris, la SGP vient de créer deux filiales, SGP Immobilier et SGP Dev, qui devraient subir le même sort que leur société-mère… sauf changement législatif.
La filiale SGP immobilier a été lancée pour gérer le patrimoine foncier du Grand Paris Express en lien avec la puissance publique. « Nous travaillons avec le Préfet de région et le commissaire du gouvernement qui font des préconisations sur l’urbanisme », explique Jean-François Monteils. Les bénéfices réalisés par cette filiale, de l’ordre de quelques centaines de millions d’euros, doivent contribuer à rembourser la dette. « Les contribuables ont acheté des terrains qu’on valorise. On les vend et les recettes serviront à minorer le montant de la dette », résume le dirigeant. Une fois, les aménagements réalisés, cette filiale n’aura plus de raison d’être. En revanche, la filiale SGP Dev, pour l’heure « une structure exploratoire », pourrait être appelée à un bel avenir s’il lui est possible, plus tard, de conduire des études en vue de réaliser d’autres infrastructures que celle du Grand Paris Express. Eventuellement en intervenant sur le réseau ferroviaire national, actuellement chasse gardée de SNCF Réseau. Mais auparavant, il faudra faire évoluer la loi.
« Il ne serait en effet pas concevable, que nous travaillions sur d’autres projets avec de l’argent destiné au Grand Paris Express », a expliqué Jean-François Monteils en justifiant le lancement de ces filiales : « La SGP a développé un savoir-faire dans la maîtrise d’ouvrage, qu’il serait dommage de voir se perdre avec la fin du projet du Grand Paris ». Réponse d’ici à l’été prochain, espère le président, pour savoir si la SGP a convaincu les pouvoirs publics du potentiel de SGP Dev. Et pour pouvoir commencer à lever les obstacles juridiques et techniques qui se dressent encore sur son chemin.

Management collégial

Interrogé sur sa méthode, la président met en avant la concertation. Il rappelle que la SGP a une direction collégiale et se réjouit d’avoir été intégré « dans un directoire d’une qualité exceptionnelle, avec des complémentarités qui permettent la réflexion et de faire émerger des solutions sur des sujets difficiles, en échangeant. Ce qu’on aura fait de bien, on l’aura fait à trois, avec Bernard Cathelain et Frédéric Brédillot », souligne le président du directoire.
Celui-ci se félicite également de l’élection à l’unanimité, en novembre, de Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen-sur-Seine, à la présidence du conseil de surveillance. « Cela n’avait pas été le cas de ses prédécesseurs. Cela démontre que nous sommes entrés dans une période de sérénité qui contraste avec les phases précédentes. Avoir un conseil de surveillance qui fait son travail, surveille, se prononce sur notre stratégie et valide nos options de manière sereine, c’est important, et c’est un signe de progrès », conclut Jean-François Monteils. Deux filiales dont il faudra assurer la pérennité
La Société du Grand Paris a pour mission de concevoir et réaliser les travaux du Grand Paris Express. Une fois sa mission achevée, à l’horizon 2030, elle aura vocation à disparaître, même si une structure pourrait rester en place pour gérer la dette. Pour donner de nouvelles perspectives et éviter de perdre l’expérience et l’expertise accumulée avec les chantiers du Grand Paris, la SGP vient de créer deux filiales, SGP Immobilier et SGP Dev, qui devraient subir le même sort que leur société-mère… sauf changement législatif.
La filiale SGP immobilier a été lancée pour gérer le patrimoine foncier du Grand Paris Express en lien avec la puissance publique. « Nous travaillons avec le Préfet de région et le commissaire du gouvernement qui font des préconisations sur l’urbanisme », explique Jean-François Monteils. Les bénéfices réalisés par cette filiale, de l’ordre de quelques centaines de millions d’euros, doivent contribuer à rembourser la dette. « Les contribuables ont acheté des terrains qu’on valorise. On les vend et les recettes serviront à minorer le montant de la dette », résume le dirigeant. Une fois, les aménagements réalisés, cette filiale n’aura plus de raison d’être. En revanche, la filiale SGP Dev, pour l’heure « une structure exploratoire », pourrait être appelée à un bel avenir s’il lui est possible, plus tard, de conduire des études en vue de réaliser d’autres infrastructures que celle du Grand Paris Express. Eventuellement en intervenant sur le réseau ferroviaire national, actuellement chasse gardée de SNCF Réseau. Mais auparavant, il faudra faire évoluer la loi.
« Il ne serait en effet pas concevable, que nous travaillions sur d’autres projets avec de l’argent destiné au Grand Paris Express », a expliqué Jean-François Monteils en justifiant le lancement de ces filiales : « La SGP a développé un savoir-faire dans la maîtrise d’ouvrage, qu’il serait dommage de voir se perdre avec la fin du projet du Grand Paris ». Réponse d’ici à l’été prochain, espère le président, pour savoir si la SGP a convaincu les pouvoirs publics du potentiel de SGP Dev. Et pour pouvoir commencer à lever les obstacles juridiques et techniques qui se dressent encore sur son chemin.

Valérie Chrzavzez

Ewa

Siemens Mobility à la conquête du marché français

Club Bouyer

Président de Siemens Mobility France depuis juillet 2021, suite au rachat de Bombardier par Alstom, Laurent Bouyer était l’invité du Club VRT le 16 novembre. Chargé du développement de l’activité pour tous les produits et services de la filiale de Siemens en France et en Afrique du Nord (Algérie, Maroc et Tunisie), le dirigeant a expliqué sa stratégie qui vise à accélérer sur le marché ferroviaire français, où la part de son entreprise reste modeste.

Laurent BouyerSiemens Mobility, dont le siège est à Munich, a réalisé avec ses 38 000 salariés un chiffre d’affaires de 10 milliards d’euros l’an passé dans quatre activités : infrastructures et matériel ferroviaire, métro et activités de service. « Nous sommes le deuxième acteur européen », précise Laurent Bouyer, le président de la division française, basée à Châtillon dans les Hauts-de-Seine. « Nous proposons d’améliorer la qualité de service grâce au digital », résume le dirigeant qui table sur les progrès technologiques pour amener plus de valeur ajoutée aux exploitants, chargeurs, mainteneurs et usagers.

Précurseur dans les métros automatiques

Dans le domaine du métro, Siemens Mobility rappelle son rôle précurseur. « Nous avons inventé le métro automatique à Lille, en 1983 et avons un centre d’expertise mondial de l’automatisme à Châtillon, à partir duquel nous rayonnons dans le monde entier », détaille Laurent Bouyer.

Siemens est aussi à l’origine de la technologie Méteor, un système de contrôle de commande ferroviaire automatique installé lors de la création de la ligne 14, première ligne automatique de la RATP. Le groupe a ensuite réalisé l’automatisation de la ligne 1 du métro parisien, sans interruption de trafic, puis lancé le Système d’Automatisation de l’Exploitation des Trains de la ligne 4.

En Ile-de-France, Siemens Mobility a été retenu pour automatiser les lignes 15, 16 et 17 du Grand Paris et la SNCF lui a confié la mise en œuvre d’un nouveau système de signalisation et de gestion des circulations basée sur la communication (CBTC), dans le cadre du prolongement de la ligne E du RER, avec Nexteo.

 » NOUS AVONS UN CENTRE D’EXPERTISE MONDIAL DE L’AUTOMATISME À PARTIR DUQUEL NOUS RAYONNONS DANS LE MONDE ENTIER « 

Ce système doit permettre d’augmenter la capacité des fréquences de 30 %,  tout en réduisant de 15 % la consommation d’énergie électrique. Siemens Mobility a également participé aux projets d’automatisation des lignes de métro à New-York et mène des projets d’automatisation à Sao Paolo, Ryad, Barcelone, avec des produits développés à Châtillon. Et c’est à Toulouse que l’entreprise a installé son centre mondial de compétences pour l’activité de métros automatiques clé en main comme le Val, Neoval, Cityval ou encore Airval, qui équipera des dessertes aéroportuaires à Bangkok et Francfort, avec des technologies développées par ses ingénieurs toulousains.

3 % du marché ferroviaire français

Après avoir pris les commandes en juillet 2021, Laurent Bouyer a annoncé vouloir développer l’activité française du groupe. L’entreprise ne détient que 3 % de parts de marché dans le ferroviaire en France, tandis qu’Alstom en réalise 40 % en Allemagne. Le président a demandé à ses équipes d’œuvrer à un rééquilibrage. L’activité purement française de la société devrait bénéficier du développement de nouvelles offres destinées à répondre aux besoins croissants en locomotives, trains de nuit, trains légers ou trains fonctionnant à l’hydrogène ou à batterie.« Nous sommes les seuls à savoir faire des trains de nuit », rappelle le dirigeant qui compte profiter du renouveau de ce mode de transport en Autriche et en Allemagne. Les chemins de fer autrichiens OBB lui ont déjà commandé 33 rames avec douche, espace famille, business … « L’engouement va arriver en France », prédit-il, en rappelant que l’expérience menée par la SNCF pour relancer une offre avec des vieux trains corail rénovés, a démontré qu’il y avait de la demande. « Il reste à trouver le modèle économique, mais le train de nuit peut être une alternative à l’avion et les jeunes génération les sollicitent. Nous sommes prêts à répondre aux besoins avec une technologie compétitive et des délais de livraison rapides », assure le patron de Siemens Mobility, en précisant que son entreprise peut aussi répondre aux besoins des loueurs avec ses locomotives, aux besoins en trains plus verts avec sa gamme Mireo à batterie ou à hydrogène. « Notre matériel est adapté au marché européen », affirme-t-il.

Mireo Siemens
Siemens annonce
des trains plus verts
avec la gamme Mireo Plus.

Solutions standardisées   

Pour bénéficier d’économies d’échelle et pouvoir livrer plus vite, Laurent Bouyer se pose en défenseur de solutions standardisées et éprouvées. « Pour des projets en devenir, dans le cadre de grands appels d’offre, nous pouvons faire du cousu main, mais pour les autres demandes, il faut pousser la standardisation. Partir de matériel existant qu’on adapte, plutôt que de développer un nouveau matériel », plaide t-il, bien décidé à convaincre la SNCF et la RATP. « Les industriels doivent expliquer à leurs clients qu’on peut faire un train moins cher à l’achat et en maintenance, livré plus rapidement, avec des solutions standardisées. Mais l’impulsion doit aussi venir des politiques, à travers la mise en concurrence des exploitants », poursuit Laurent Bouyer. L’ex-patron de Bombardier estime que la concurrence conduira les opérateurs à s’interroger sur leur modèle économique et de performance, suite aux pressions qui seront exercées pour qu’ils augmentent la qualité de service. « Il faut que les éléments économiques soient prépondérants pour arriver à des solutions innovantes, permettant à la fois d’augmenter les cadences et de baisser les coûts. Mon rêve serait que, comme pour les locomotives, on puisse produire du matériel en série, avant de le vendre. Aujourd’hui on signe d’abord et on lance la production ensuite », regrette t-il.

Si depuis le rachat de Bombardier par Alstom, la filière est ravie d’avoir un champion national, elle s’inquiète pour la compétitivité et l’innovation. « Comme nous sommes le deuxième joueur en Europe, on nous demande d’être présent et on le sera », garantit Laurent Bouyer, convaincu d’avoir des atouts pour profiter de l’ouverture à la concurrence. « Aujourd’hui tout le monde sait faire des trains. Ce qui fait la différence, c’est comment on génère des revenus, quel modèle économique on propose et quels services sont apportés aux financeurs, à l’exploitant, aux mainteneurs et aux voyageurs grâce au digital. » Dans ce domaine, Siemens Mobility revendique la position de leader.

Ouverture aux start-up

Pour être à la pointe sur les activités service et digital, Siemens Mobility n’hésite pas à faire l’acquisition de start-up. L’an dernier, elle est devenue majoritaire dans le capital de Padam, société francilienne qui fournit des plateformes et des applications basées sur l’intelligence artificielle pour le transport à la demande et le transport de transit de personnes à mobilité réduite. Sqills, un fournisseur néerlandais de logiciels de réservation en mode SaaS, a également rejoint le groupe et vient d’installer un bureau de développement technique et d’ingénierie en France, pour développer des systèmes d’inventaire et de réservation billettique pour les grands opérateurs ferroviaires. Ce fournisseur a notamment été retenu pour remplacer le système RésaRail de la SNCF.

 » ON SAIT QUE DANS LES ANNÉES À VENIR, IL SERA DE PLUS EN PLUS COMPLIQUÉ DE FAIRE DU BUSINESS AVEC LA CHINE ET ON S’INTERROGE SUR L’INTÉRÊT DE SOURCER EN ASIE « 

Priorité à la cybersécurité 

Le digital s’impose partout, que ce soit dans le MaaS (mobility as a service), la gestion d’un réseau depuis le Cloud ou la maintenance prédictive. Ses avancées permettront de réaliser d’importants sauts de performance, rappelle Laurent Bouyer, tout en reconnaissant aussi ses fragilités. Et de citer les exemples récents du métro de New-York qui a subi les assauts de hackers et fin octobre de la compagnie danoise DSB dont le trafic a été paralysé pendant plusieurs heures par un rançongiciel. Conscientes du risque, les autorités françaises ont fixé dans l’arrêté du 11 août 2016, des règles de sécurité pour les secteurs d’activités d’importance vitale, dont le transport.

Pour s’y conformer, Siemens a mobilisé ses ressources et intégré les normes les plus élevées en matière de sécurité sur tous ses produits : IEC 62443 LS 3 et TS50701. Siemens Mobility France a développé des solutions pour sécuriser l’ensemble de l’architecture de ses automatismes, de manière systémique. « On a fait le maximum imposé par la loi en matière de cybersécurité dans le secteur privé. Nous sommes juste en-dessous du niveau militaire », affirme Laurent Bouyer. 

Enjeux énergétiques

Pour répondre aux décisions politiques prises suite à l’agression de l’Ukraine par la Russie, Siemens à licencié 3500 salariés Russes et repositionné les flux qui venaient de ce pays. La flambée du prix de l’énergie qui découle de ce conflit a contribué à la hausse des tarifs chez ses fournisseurs et allongé les délais de livraison. Laurent Bouyer reconnait que si ces difficultés se poursuivent, il sera difficile de maintenir un impact limité sur ses tarifs. Pour des raisons géopolitiques et environnementales, Siemens travaille aussi à son repositionnement avec la Chine. « On sait que dans les années à venir, il sera de plus en plus compliqué de faire du business avec ce pays et on s’interroge sur l’intérêt de sourcer en Asie en raison de l’explosion des coûts, mais aussi pour prendre en compte le réchauffement climatique. »

Pour réduire son impact carbone, la filière doit se poser la question de la provenance des produits et développer un écosystème de proximité. Siemens qui fabrique déjà des trains recyclables à 89 %, vise la neutralité carbone de toutes ses activités industrielles en 2030. Pour y parvenir, l’entreprise cherche à réduire les besoins en énergie de ses bâtiments et de ses usines, installe des panneaux solaires, veille à l’origine de l’électricité. Parmi les actions mises en place, le groupe propose jusqu’à 3 jours de télétravail pour éviter des déplacements, équipe ses sites de bornes électriques et va supprimer les véhicules thermiques de son parc de véhicules de fonction. Siemens Mobility demande aussi à ses fournisseurs d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

Ordinateur sur rail

Si Laurent Bouyer regrette que l’offre de Siemens Mobility ne soit pas assez connue en France, il aborde l’avenir avec confiance. « Nous avons un niveau de maturité qui nous permettra de faire la différence dans les appels d’offres à venir. Le train du futur sera un ordinateur sur rail », explique-t-il. Selon lui, demain, le train sera un ordinateur sur roues, intelligent, qui saura s’auto-diagnostiquer, s’auto-réparer, sans affecter le trafic ni les voyageurs.  D’où la nécessité absolue de maitriser le digital. « Dans ce domaine, nous avons le sentiment d’avoir pris une longueur d’avance et qu’il sera difficile de nous rattraper, en raison des investissements colossaux que cela demande », poursuit-il. « Nous disposons des bons produits au bon moment, au bon endroit. Nous sommes à la conjonction de facteurs comme l’accélération de la mise en concurrence et d’une dynamique environnementale favorable au ferroviaire ». Qui plus est, Laurent Bouyer voit aujourd’hui « une vraie ouverture d’esprit des pouvoirs publics qui sont prêts à casser le modèle, à sortir du cadre et à s’inspirer d’autres pays. Le train doit devenir la colonne vertébrale des mobilités en France et nous pouvons y aider avec nos solutions pour accélérer l’automatisme et l’efficacité du ferroviaire. »

Valérie Chrzavzez


Trois contrats emblématiques

Siemens Mobility va développer la grande vitesse en Egypte 

Le groupe a remporté un projet pharaonique en Egypte d’un montant de 8,1 milliard d’euros pour construire environ 2000 km de lignes nouvelles desservant 60 villes. En outre, le consortium fournira des services clés en main pour la conception, l’installation, la mise en service et la maintenance pendant 15 ans de ce réseau. 

Sur les trois lignes prévues, Siemens Mobility installera également un système de signalisation « basé sur ETCS niveau 2 », ainsi que l’alimentation électrique. A cela s’ajoute la commande de 41 trains à grande vitesse Velaro, 94 trains régionaux Desiro et 41 locomotives de fret Vectron. Avec cette nouvelle infrastructure, l’Egypte disposera du sixième réseau ferroviaire à grande vitesse au monde.

Siemens Egypte
Siemens va construire 2000 km de ligne et fournir du matériel pour desservir 60 villes en Egypte.

La signalisation gérée dans le cloud en Norvège 

Siemens Mobility a aussi été retenu pour digitaliser l’infrastructure du réseau de Bane NOR SF, l’entreprise d’État norvégienne, chargée de gérer l’infrastructure des chemins de fer du pays. 

D’ici 2034, les équipements de signalisation de l’entreprise publique seront gérés sur le cloud, avec un centre de commandement unique sur le réseau. Ce qui implique d’équiper 4200 km d’ETCS Level 2, type Trainguard, près de 400 stations, le déploiement de 4200 machines, 7000 compteurs d’essieux, 10.000 eurobalises. Le tout doit permettre de réduire de 30 % les coûts de maintenance du réseau norvégien et d’augmenter de 30 % ses capacités de transport à périmètre équivalent. Un contrat de 800.000 euros, pour une première mondiale, qui prévoit aussi de confier la maintenance à Siemens mobility durant 25 ans. Un contrat qui pourrait représenter une belle vitrine pour Siemens Mobility, avec l’espoir de le dupliquer ailleurs, et peut-être un jour en France ?

Une appli MaaS complète avec la Renfe en Espagne 

Siemens Mobility a signé, en partenariat avec Everis, un contrat de cinq ans avec la Renfe, pour déployer une application MaaS qui intégrera, en Espagne, tous les transports publics et partagés, bus, train, vélo, covoiturage, scooter, des 27 principales villes d’Espagne. 

« Cela permettra de trouver un itinéraire et de payer toutes les mobilités, dans les plus grandes métropoles espagnoles. Nous fournirons l’ensemble de la technologie et Eneris assurera l’intégration du système », précise le président de Siemens Mobility.

Ewa

« Mon objectif, c’est d’être moins cher et plus simple »

Christophe Fanichet club

Si le transport ferroviaire a connu une embellie cet été, la SNCF fait encore face à la baisse des déplacements professionnels et aux changements d’habitudes des voyageurs. Le tout sur fond d’ouverture à la concurrence. Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs (TGV InOui, Ouigo, Intercités, TER, Transilien) aborde cette nouvelle période sous l’angle de la conquête, que ce soit en France ou en Europe, comme il l’a expliqué au Club VRT le 9 septembre dernier.

Le bilan estival redonne le sourire aux dirigeants de la SNCF. « Plus de 22 millions de voyageurs ont pris le train cet été », se félicite Christophe Fanichet. Le nombre de voyages reste en retrait de 8 % par rapport à ceux de l’été précédant la crise Covid, mais les déplacements en Ouigo ont connu une progression de 20 % par rapport à 2019.

Les trains de nuit ont aussi trouvé leur public, bénéficiant sans doute du nouvel intérêt des Français pour des voyages à l’intérieur du pays.

Christophe Fanichet
Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs.

La SNCF a joué sur différents dispositifs afin d’inciter les voyageurs à monter à bord des trains pour redécouvrir leur région, comme cela a été le cas en Ile-de-France avec la campagne de communication #CPASLOINENTRAIN.

Ailleurs, les 12/25 ans ont profité de la reconduction du Pass Jeune TER de France offrant la possibilité de voyager un mois en illimité sur l’ensemble des TER pour 29 euros. Ce pass, qui avait déjà connu un beau succès l’an passé, a doublé ses ventes cette année. Plus de 85 000 jeunes en ont acheté un.

Par ailleurs, 100 000 jeunes de 16 à 27 ans sont abonnés à TGVmax qui leur permet de voyager en illimité sur le réseau à grande vitesse pour 79 euros par mois. « Les jeunes sont sensibles à la cause environnementale, ils passent moins leur permis de conduire et nous savons leur proposer des offres pour voyager en train », souligne Christophe Fanichet.

Ces bons résultats estivaux, la SNCF les doit aussi à la simplification des cartes de réduction avec le lancement en juin dernier de la carte Avantage, donnant accès à des prix réduits et plafonnés. Plus d’un demi-million de ces cartes ont été vendues depuis le 17 juin, soit 9 000 par jour. « Avec cette carte, le prix moyen du billet a baissé et on ne nous reproche plus d’être trop chers », se réjouit Christophe Fanichet qui prône un « choc de simplification » pour faire grandir le ferroviaire en France. « Gagner des parts de marché passe par la simplicité et par le prix, et je veux être un accélérateur de la part du ferroviaire en France », affirme-t-il.

 » AVEC LA CARTE AVANTAGE, LE PRIX MOYEN DU BILLET A BAISSÉ ET ON NE NOUS REPROCHE PLUS D’ÊTRE TROP CHERS. JE PRÔNE UN CHOC DE SIMPLIFICATION « 

Un modèle économique à réinventer

Depuis la rentrée, les télétravailleurs qui avaient déserté les trains du quotidien sont de retour dans les TER et Transilien. 80 % des voyageurs sont revenus.

En revanche, l’activité des TGV est à la peine. Le trafic sur ces trains a baissé de 50 % l’an passé, faisant perdre 4,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires à SNCF Voyageurs. Une activité essentielle pour l’entreprise qui en tire une grande part de ses revenus. Car si les 15 000 trains du quotidien représentent 90 % des déplacements et 4,5 millions de voyageurs, ils n’assurent que 50 % du chiffre d’affaires de SNCF Voyageurs et seulement 25 % de ses recettes. L’autre moitié des 17 milliards d’euros de l’activité de la SA est réalisée par les TGV, les voyages professionnels apportant la plus forte rémunération. Or les voyages d’affaires ont reculé de 70 % l’an passé, pesant lourdement sur les résultats de l’entreprise. Et si la reprise des voyages de loisir se confirme, la clientèle professionnelle se fait encore désirer. Leur poids est encore loin de ce qu’il était en 2019 et pourrait ne jamais retrouver son niveau d’avant crise. Comme le secteur de l’hôtellerie anticipe une baisse structurelle de son business de 20 %, Christophe Fanichet en déduit que « les gens qui n’iront plus à l’hôtel ne seront plus non plus dans nos trains ». De quoi remettre en cause le modèle économique de la compagnie ferroviaire…

Pour tenir le cap, la SNCF conduit un plan d’économies d’ampleur. L’entreprise a coupé dans ses dépenses, arrêté ou différé des investissements et réduit ses frais de structure pour gagner en productivité.

Pour mieux suivre le marché, la SNCF a mis en place une méthode consistant à observer la demande, afin d’adapter son plan de transport.  « Nous avons gagné en agilité. Nous sommes capables d’être plus réactifs et de créer des trains en fonction de la demande », souligne Christophe Fanichet.

L’entreprise doit aussi s’adapter aux nouvelles habitudes des voyageurs. « Nous nous attendons à ce que le télétravail s’installe durablement, sur deux jours par semaine, d’autant que les entreprises pourraient se servir de cet argument pour séduire les jeunes générations. » Les Régions l’anticipent aussi et certaines proposent déjà des abonnements Spécial Télétravail.

Comme le télétravail se fait majoritairement en début ou en fin de semaine, la SNCF propose plus de trains le week-end et moins la semaine. « Les pics de demandes démarrent le jeudi soir et vont jusqu’au lundi soir. » Cet étalement des déplacements liés au télétravail complique la vie de la SNCF, mais présente aussi un avantage. Dans les grandes agglomérations, les télétravailleurs qui prennent les trains durant les heures creuses peuvent contribuer à faire baisser le pic de voyageurs aux heures de pointe. Ce qui est appréciable dans les métropoles où les transports sont saturés.

Autre changement auquel la SNCF doit faire face : des réservations de plus en plus tardives. De plus en plus de professionnels et voyageurs de loisirs achètent leurs billets moins de 15 jours avant le départ. « Avoir plafonné les prix en loisirs jusqu’à la dernière minute pousse moins à anticiper, même si les tarifs des billets pris à l’avance restent plus intéressants », précise Christophe Fanichet. Pour aider les voyageurs à se décider, le site internet leur indique le nombre de places encore disponibles dans un train, avant qu’il ne soit complet, ajoute le patron de SNCF Voyageurs.

Club Fanichet

Pour ajuster plus finement l’offre aux besoins de sa clientèle, la SNCF pourra bientôt compter sur les TGV M, modulaires, qui lui permettront de passer rapidement d’un train composé classiquement de trois premières et cinq secondes, à un train uniquement composé de secondes classes, ou encore d’enlever la voiture-bar. Ces trains permettront aussi d’emporter des vélos, car si c’est possible dans les TER, ça l’est moins dans les trains à grande vitesse actuels qui n’ont pas été conçus dans ce but.

SNCF Voyageurs a déjà augmenté de 6 % les places réservées aux bicyclettes dans les TGV InOui. Pour aller plus loin, il faut aussi, souligne Christophe Fanichet, que les villes jouent pleinement leur rôle en mettant à disposition des vélos à louer autour des gares, pour accompagner la tendance croissante de l’usage partagé des modes de transport plutôt que la propriété.

L’éventualité d’une baisse structurelle des voyages d’affaires doit pousser la SNCF à attirer d’autres clients dans ses trains, en se renouvelant. Mais Christophe Fanichet reconnaît : « Les prochaines années seront compliquées pour l’entreprise qui va devoir faire un rééquilibrage entre loisir et professionnel. » Le dirigeant se dit toutefois persuadé qu’il y aura toujours des déplacements pour affaires : « Les rendez-vous commerciaux continueront. » Et il compte sur les vertus du train pour convaincre les entreprises, dans leurs engagements RSE, de privilégier le train, afin de pouvoir présenter un bilan carbone plus responsable.

La fin du monopole

Outre ces difficultés conjoncturelles, la SNCF est aujourd’hui vraiment confrontée à l’ouverture à la concurrence. La région Sud qui avait lancé un appel d’offres pour deux lots de lignes TER s’apprête à confier officiellement l’exploitation de l’axe Nice – Marseille à Transdev. Un choix symboliquement très fort qui marque la fin du monopole de la SNCF. « Perdre ce lot est une déception collective », reconnaît Christophe Fanichet. La SNCF, qui doit se voir attribuer le lot Azur (Etoile de Nice), devra augmenter très fortement la fréquence des trains sur cet axe. Un défi, alors qu’aujourd’hui le réseau est saturé aux heures de pointe. Le dirigeant assure pouvoir tenir les objectifs fixés : « On a un peu de temps pour s’y préparer, car d’ici 2025 des travaux seront réalisés et nous bénéficierons de l’homogénéisation des trains. Je suis serein, si ce n’était pas possible, nous ne nous serions pas engagés. » Il rappelle que la SNCF a déjà réalisé de très gros efforts pour améliorer la qualité dans la région Sud, ce qui lui a sans doute permis de ne perdre qu’un des deux lots, alors qu’initialement la Région n’avait pas caché sa volonté de vouloir les confier à ses concurrents. « Notre indice de satisfaction a progressé et nous poursuivrons l’amélioration de notre qualité de service jusqu’en 2025 », assure le président de SNCF Voyageurs.

Pour exploiter ces lignes, la SNCF créera une société dédiée permettant de répondre aux exigences des autorités organisatrices régionales qui cherchent ainsi à avoir une vision plus claire et transparente des moyens affectés à l’exploitation des TER, ainsi que des coûts et des comptes. Les cheminots affectés à l’exploitation des TER seront donc transférés dans ces filiales 100 % SNCF Voyageurs. « En passant dans ces sociétés dédiées, leurs droits individuels seront les mêmes que dans la société mère », assure Christophe Fanichet, en s’engageant à leur garantir les parcours et leurs déroulements de carrière. Avec une mobilité possible entre les différentes entités, « les cheminots pourront aller chez SNCF Réseau, Gares & Connexions, à la maison mère, passer à TER, ou aller chez TGV. »

La SNCF répondra à tous les appels d’offres de mise en concurrence dans le but de les remporter à chaque fois, précise-t-il. Même en cas de perte de contrat, la SNCF croit à la croissance : Jean-Pierre Farandou a fixé l’objectif de multiplier par deux le nombre de voyageurs en dix ans. Parmi les projets de développement, figure le programme OSLO, qui consistera à utiliser des voitures Corail pour effectuer des trajets à 200 km/h sur des liaisons comme Paris – Nantes ou Paris – Lyon, en s’adressant à des voyageurs plus sensibles aux prix qu’aux temps de parcours. « Il y a là un marché pour ceux qui sans cette offre prendraient leur voiture, ou qui n’auraient pas les moyens de prendre le train. » Ces trains, qui compléteront les TGV, pourraient circuler dès 2022.

Des concurrents bienvenus

La SNCF n’est pas la seule entreprise à penser qu’il y a des parts de marché à prendre en France. De nouveaux opérateurs arrivent. C’est le cas de la société Le Train, qui souhaite utiliser la ligne à grande vitesse Tours – Bordeaux et faire du trafic interrégional dès 2022 entre Arcachon, Bordeaux, Angoulême et Poitiers. Ou encore de Railcoop, société coopérative, ayant pour ambition de relancer des liaisons transversales abandonnées par la SNCF, comme entre Lyon et Bordeaux. Christophe Fanichet les considère non pas comme des concurrents, mais comme des partenaires potentiels. « Nous partageons le même objectif : augmenter la part modale du ferroviaire en France, où 90 % des Français se déplacent en voiture. Ils viennent avec des idées marketing différentes des nôtres, pour proposer des services que nous n’avons pas su adresser. Si leurs offres attirent de nouveaux voyageurs, je ne peux que m’en réjouir, car je sais qu’à un moment leurs clients prendront aussi nos trains. » C’est pourquoi il leur souhaite la bienvenue et se dit même prêt à collaborer avec eux sur des sujets comme la maintenance. Christophe Fanichet rappelle aussi que si Paris – Bordeaux est un succès commercial, c’est aussi la ligne la plus déficitaire de l’entreprise, en raison du coût élevé des infrastructures. « Le péage est deux fois plus cher que sur Paris – Lyon. Avec Le Train, nous aurons comme intérêt commun d’essayer d’en faire baisser le prix. »

Christophe Fanichet se montre plus critique sur l’arrivée prochaine de Thello sur Paris – Lyon, la liaison la plus rentable de France. Selon lui, lorsque SNCF Voyageurs fait un profit sur cette ligne, 100 % des résultats remontent à la société mère, qui les utilisera ensuite pour alimenter les fonds servant à renouveler le réseau. « Les bénéfices réalisés par d’autres compagnies sur cette ligne ne serviront pas à moderniser le réseau mais iront dans la poche de leurs actionnaires », prévient-il.

 » NOUS NE PROCÉDERONS À UN INVESTISSEMENT À L’ÉTRANGER QU’À LA CONDITION QU’IL NOUS APPORTE PLUS DE RENTABILITÉ QUE CE QU’ON FAIT EN FRANCE « 

Des ambitions européennes réaffirmées

La SNCF se développe aussi en Europe, où elle réalise le tiers de son activité grande vitesse, avec Eurostar ou Thalys. Le trafic international de la SNCF a toutefois fortement souffert des mesures sanitaires mises en place par la Grande-Bretagne. « Ce qui ne devrait être que provisoire car, quand on lève les contraintes, le trafic reprend », relativise Christophe Fanichet. Le projet de mariage entre Eurostar et Thalys, qui doit permettre de jouer sur les synergies et d’offrir aux voyageurs plus de fréquences et des correspondances, reste d’actualité. « Mais la trajectoire n’est plus celle qu’on avait en 2019. »

Le Groupe compte aussi poursuivre sa politique de conquêtes sur de nouveaux marchés. En mars dernier, il a lancé une ligne Ouigo entre Barcelone et Madrid qui connaît, affirme-t-il, un énorme succès. Il regarde chez ses voisins « parce qu’on a la conviction qu’il y a un marché. », commente Christophe Fanichet, qui prévient : « Nous ne procéderons à un investissement à l’étranger qu’à la condition qu’il nous apporte plus de rentabilité que ce qu’on fait en France. »

Rappelant que la Commission européenne avait déclaré que 2021 serait « l’Année européenne du rail », Christophe Fanichet regrette que cela n’ait pas été assez médiatisé. « Nous n’en avons pas assez parlé. Nous sommes trop modestes. Nous oublions de dire que le train est le moyen de transport le plus facile et le plus écologique, et qu’il permet d’optimiser les trajets puisqu’on peut y faire autre chose que conduire. » Il conclut : « Le train a participé à la construction de l’Europe et doit continuer à le faire. C’est pourquoi nous ne devons pas nous limiter à regarder le marché domestique, mais nous intéresser aussi au marché européen. »

Valérie Chrzavzez


Bientôt une nouvelle application

Le nouveau « choc de simplification » voulu par Christophe Fanichet passe aussi par la nouvelle application préparée par la SNCF pour la fin de l’année. Pour faciliter la vie de ses clients, la SNCF ne proposera, à l’avenir, qu’une application unique baptisée SNCF. L’ambition est d’héberger de multiples opérateurs pour proposer tous types de services (covoiturage, VTC, taxis, vélos… ) et devenir un assistant personnel de mobilité.


« Attaché aux facilités de circulation »

Rappelons que les facilités de circulation viennent de donner lieu à un rapport commandé par le Gouvernement. Christophe Fanichet souhaite clore le débat : « on parle trop souvent des cheminots de manière négative. Rappelons que ce sont eux qui ont fait circuler les trains pendant la crise. Si le Gouvernement a demandé un rapport sur ces facilités, c’était pour éclairer le sujet sur les droits transférables des cheminots qui seront amenés à changer d’entreprise ferroviaire. Pas pour les remettre en cause. Il y a à la SNCF des avantages, comme dans toutes les grandes entreprises. Quand on est recruté, cela fait partie du package. Ces facilités de circulation sont un avantage auquel les cheminots sont attachés, et moi plus encore. »