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Ewa

Les nouveaux entrepreneurs du rail

Club Janvier 2023

Le Train, Midnight Trains, Kevin Speed et Railcoop, quatre nouveaux acteurs du monde ferroviaire, sont venus présenter, le 24 janvier, leur projet devant le Club VRT. Et leur parcours du combattant qui passe par la levée de fonds, des partenariats avec des investisseurs, l’acquisition du matériel, le recrutement de personnel…

Ils sont apparus en quelques années sur la scène ferroviaire française : Le Train, Midnight Trains, Railcoop, Kevin Speed… Et peu à peu, ils avancent leurs pions même si les obstacles sont nombreux sur leur chemin.  Ce foisonnement d’initiatives constitue-t-il un phénomène franco-français ? « Le cadre légal français est intéressant pour les entrepreneurs. Il permet de voir émerger de nouveaux opérateurs », constate Stéphane Coppey, sociétaire de Railcoop. Adrien Aumont, l’un des fondateurs de Midnight Trains nuance ses propos. « L’herbe est quand même plus verte ailleurs. En Belgique, il existe une loi qui permet aux trains de nuit de ne payer ni infrastructure, ni l’énergie, pour aider les entreprises à s’implanter. En France, il existe effectivement un cadre légal, mais son application ne suit pas. Le gestionnaire d’infrastructure fait le moins d’efforts possible et le gouvernement pas grand-chose. On a le droit de se lancer, mais il faut se débrouiller », estime l’entrepreneur. Qui rappelle aussi la situation aux Pays-Bas : « Pour aider le lancement d’une compagnie de train de nuit privée dans ce pays, l’Etat lui accorde des garanties pour le leasing du matériel ».

Acquérir du matériel, étape clé

Une étape importante a été franchie par la société Le Train : le 23 janvier, elle a annoncé avoir choisi, au terme d’un appel d’offres européen, le constructeur espagnol Talgo pour lui commander dix rames. En souhaitant à l’avenir aller encore plus loin, au gré des besoins et des développements, car « lancer une compagnie ferroviaire uniquement avec dix rames n’aurait aucun sens », commente Alain Getraud, le directeur général du Train. La commande représente plus de 300 millions d’euros,. 

Les rames seront issues de la plateforme Avril développée par Talgo. Elles seront aménagées de façon à pouvoir embarquer des pièces de grande taille, par exemple des planches à voile, et disposeront de 40 places de vélo par rame. « Nos ingénieurs travaillent avec ceux de Talgo sur un aménagement intérieur complètement différent de celui qu’on connaît en France et en Espagne », précise le dirigeant. Une antenne R&D sera basée sur le Ferrocampus à Saintes en Charente-Maritime.

 » LANCER UNE COMPAGNIE FERROVIAIRE AVEC SEULEMENT DIX RAMES N’AURAIT AUCUN SENS  » Alain Getraud

Le partenariat signé avec Talgo comprend la maintenance de la flotte pour 30 ans. « Nous visons une pénétration du marché ferroviaire du Grand Ouest en 2025 », ajoute Alain Getraud, qui espère toujours conclure les négociations engagées avec la SNCF sur la cession de dix rames qui pourraient ensuite être rétrofitées. Des discussions ont aussi  lieu avec d’autres opérateurs.

« Pourquoi construire du neuf quand on peut réutiliser du matériel ? », interroge d son côté Stéphane Coppey. Le projet de Railcoop s’appuie sur l’acquisition de matériels d’occasion. « Sur des trajets d’une à deux heures maximum, le confort de véhicules d’occasion réaménagés sera suffisant », assure le porte-parole de Railcoop. D’autant, constate-t-il, qu’il n’y en pas énormément de disponible sur le marché. « Nous n’avons pas eu la partie facile avec la SNCF, mais la région Auvergne-Rhône-Alpes a joué le jeu en nous donnant accès à ses rames » , ajoute-t-il. Les rames X 72500, récupérées par la société coopérative, n’ont pas bonne presse, en raison des problèmes de fiabilité qu’elles ont accumulés. Des travaux de remise à niveau ont été effectués avec succès, affirme Railcoop.

Trouver des trains de nuit s’avère peut-être encore plus compliqué. Ou plus exactement trouver un industriel qui en construit encore. « Nous avions d’abord envisagé d’acquérir du matériel d’occasion, mais avons finalement décidé de l’acheter neuf », raconte de son côté Adrien Aumont. Un investissement conséquent mais qui permet une exploitation pendant 40 ans. 

Après avoir fait le tour des constructeurs en Europe, l’entrepreneur affirme avoir trouvé la perle rare. Mais refuse d’en dévoiler le nom pour le moment. Les actifs seront portés par une rosco qui louera les trains à la compagnie. La prochaine étape sera une levée de fonds pour un lancement, espèrent ses fondateurs, d’ici 2025. « On communiquera lorsqu’on aura réussi, probablement avant l’été ».

La start up cherche aussi le partenaire adéquat sur la maintenance. « Le mieux, c’est que le constructeur en prenne la responsabilité, mais cela peut aussi être dans la main dune Rosco, ou être confiée à des experts », poursuit Adrien Aumont. Selon lui, le vrai problème pour un opérateur qui prévoit de partir de Paris, c’est le foncier. « Nous voulons opérer depuis la gare de Lyon et cherchons un dépôt de maintenance à proximité de cette gare. Pour les trains de nuit nous avons besoin de maintenance de jour, là ou des trains roulant de jour sont entretenus la nuit », souligne-t-il.

Frilosité des investisseurs

Pour aller plus loin, Railcoop a besoin de 43 millions d’euros. Mais, si les sociétaires sont enthousiastes, les investisseurs sont frileux. Pour avancer, la coopérative travaille sur fonds propres. Elle a abondé à hauteur de 5,7 millions d’euros son capital social, via des titres participatifs. Elle a aussi obtenu des garanties d’emprunt venant de régions. L’Occitanie lui a donné son feu vert, à hauteur de 4,5 millions d’euros et la coopérative attend la réponse de quatre autres régions. En guise d’assurance, Railcoop souhaiterait obtenir des engagements de long terme sur les sillons. « Nous avons besoin d’engagements dans le temps pour pouvoir construire un business plan à l’abri des incertitudes », indique Stéphane Coppey.

 » NOUS SOMMES EN DISCUSSION AVEC SNCF RÉSEAU POUR SIGNER UN ACCORD-CADRE DE LONGUE DURÉE  » Laurent Fourtune

Pour acquérir les trains dont elle a besoin, la société Kevin Speed est en discussion avec des fonds d’investissement. Elle souhaite un train équipé de nombreuses portes latérales, pour pouvoir circuler rapidement, et étant capable de rouler à 300 km/h, tout en résistant à des accélérations et freinages rapides pour être omnibus. Laurent Fourtune affirme avoir signé un protocole d’exclusivité avec un constructeur français. « Le train est prêt, mais il faut des rails pour le faire circuler et nous sommes en discussions avec SNCF réseau pour signer un accord-cadre de longue durée », ajoute-t-il.

Recrutements sur fond de pénurie

Pour attirer des candidats dans un marché en tension, Alain Getraud veut jouer la carte de la séduction. « Il faut être sexy, car nous ne sommes pas la SNCF. Nous n’avons pas sa capacité à offrir un statut ou un parcours professionnel. Heureusement nous arrivons à embaucher car le ferroviaire a du sens : nous sommes vus comme une entreprise engagée éthiquement ».

Comme il ne compte pas déshabiller son voisin pour trouver le personnel dont il aura besoin, « cela ne serait pas sain », Alain Getraud a mis en place des formations avec Getlink. « Nous avons adapté les modules pour former sur simulateur dans un premier temps, et demain sur le rail » Le DG du train assure être capable de former à la conduite en 9 à 12 mois. Il souhaite aussi féminiser les métiers du rail, y compris les métiers techniques. « Nous avons l’ambition de parvenir à la parité, à terme. Pour cela, nous travaillons sur la reconversion de personnel venant, notamment, de la santé »

 » IL FAUT ODNNER EN VIE AUX MEILLEURS DE VENIR CONDUIRE DES TRAINS, PARCE QUE C’EST UN MÉTIER DE DINGUE «  Adrien Aumont

« Au démarrage nous n’aurons pas besoin de beaucoup de conducteurs », assure Adrien Aumont. Pour les attirer, le salaire peut être une réponse. L’attractivité de l’entreprise en est une autre. « Des talents, des rock-stars du métier viennent vers nous et acceptent nos grilles salariales », constate le créateur de Midnight Trains qui souhaite contribuer à transformer l’image du conducteur, pour créer des vocations. « Il faut donner envie aux meilleurs de venir conduire des trains, parce que c’est un métier de dingue. Nos formations sont importantes, mais nous devons aussi rendre ce métier cool, générer de la passion pour les jeunes générations » Midnight Trains veut mettre en place une culture d’entreprise qui lui permette de recruter des collaborateurs experts et passionnés à tous les niveaux, à l’instar de Nicolas Bargelès (ex de RFF, de Thello et d’Eurostar) qui a rejoint l’entreprise en tant que directeur des Opérations.

Pour lancer son offre, Kevin Speed aura besoin de recruter 500 cheminots d’ici à 2027. « Nos conducteurs seront actionnaires et nous mettrons en place un plan de participation. Car même si on a affaire à des passionnées, ils exercent des métiers exigeants avec des contraintes. Il faut le compenser et que cela paye », souligne Laurent Fourtune.

Création de valeurs

« L’Europe doit aussi jouer un rôle, aider le développement du rail en garantissant les emprunts et en facilitant l’accès au marché d’entreprises comme les nôtres », plaide Stéphane Coppey qui en attend aussi une harmonisation des réseaux, tant du point de vue technique, que de l’organisation. « Les douanes restent un handicap majeur au développement du rail. On parvient à passer les frontières facilement en avion et en camion, c’est encore compliqué en train », déplore-t-il. « On n’a jamais eu autant besoin de trains, les gens en réclament, mais on n’arrive pas à en acheter. C’est pour cela que les entrepreneurs du rail sont importants », affirme Laurent Fourtune. « Il y a de la demande de la part des clients, de la place sur le rail, c’est l’occasion de re développer le chemin de fer. Ce qu’a fait la SNCF en France est remarquable, mais on a besoin de faire encore mieux et différemment. Chacun dans notre domaine, nous sommes des aiguillons qui serviront à faire progresser le système, même si nous resterons petits. »

 » L’EUROPE DOIT JOUER UN RÔLE, AIDER LE DÉVELOPPEMENT DU RAIL EN GARANTISSANT LES EMPRUNTS ET EN FACILITANT L’ACCÈS AU MARCHÉ D’ENTREPRISES COMME LES NÔTRES  »  Stéphane Coppey

Il faut faire comprendre que les nouveaux entrants ont un rôle à jouer dans le développement du rail, ajoute Adrien Aumont. Il se souvient que, lorsqu’il a commencé à annoncer ses intentions de lancer une entreprise ferroviaire, personne n’y croyait. « Il faut  accélérer le mouvement et comprendre qu’il n’y aura pas que des gros opérateurs. Il y aura aussi des petites entreprises créatrices de valeur. On sait que ce ne sera pas facile, mais ne nous plaignons pas trop et continuons ».

Valérie CHRZAVZEZ


Le Train vise le Grand ouest

L’ouverture à la concurrence doit être l’occasion de créer un choc d‘offres, de manière à engendrer un report modal et augmenter la part du fer, explique Alain Getraud, directeur général de la société Le Train. « Partout où il y a eu ouverture à la concurrence, il y a eu un effet d’induction bénéfique à l’opérateur historique », rappelle-t-il. Les nouveaux entrants arrivent en effet avec des services et des positionnements différents de ceux de l’entreprise historique.

Relevant des besoins de dessertes insatisfaits dans le Grand Ouest, l’entreprise née en Charente en 2020, veut lancer des liaisons à grande vitesse entre Bordeaux-Angoulême, Bordeaux-Nantes ou encore Bordeaux-Rennes. Alain Getraud prévoit de faciliter les réservations et les échanges de billets et de travailler sur les connexions, afin de rendre le voyage le plus simple possible. Le Train n’aura pas de classe à bord, mais des ambiances différentes et promet une qualité de service équivalente à Inouï. S’il n’est pas question de jouer la carte du low cost, Le Train assure que ses tarifs seront moindres que ceux de l’opérateur public. Après une période de montée en puissance de 3 à 5 ans, Le Train vise un marché de 3 à 5 millions de passagers, avec une dizaine de lignes.


Railcoop veut faire revivre les lignes abandonnées

Née il y a trois ans, Railcoop est une coopérative qui a obtenu sa licence d’opérateur et son certificat de sécurité, et compte aujourd’hui 13 700 sociétaires. Mais elle peine à convaincre les investisseurs à la suivre : elle dispose d’environ 8 millions d’euros. Il lui en faudrait près de 43 millions.

En attendant de pouvoir se positionner sur le marché des voyageurs (entre Bordeaux et Lyon pour commencer, avant d’enchainer avec un Lyon-Nancy ou Thionville, puis un Toulouse-Rennes), Railcoop a lancé une première ligne de fret palettisé entre Capdenac et St Jory,.

« Une ligne qui n’a pas décollé et qu’on a réorientée sur du transport de bois pour la société Fibre Excellence », reconnaît Stéphane Coppey, l’un des sociétaires de la coopérative.

 « Le choix des lignes tient compte de critères écologiques, économiques et d’aménagement du territoire, mais vise aussi à faciliter le report modal, par rapport à l’avion et la voiture. Une dizaine de lignes ont été déclarées à l’ART », précise encore Stéphane Coppey.


Kevin Speed travaille sur la grande vitesse low cost

La toute jeune société Speed Kevin veut être l’easy.Jet du ferroviaire et proposer une vingtaine de trains omnibus pour les déplacements domicile-travail en les rendant accessible à tous. « Notre objectif est de prendre des parts de marché à la voiture en s’adressant à ceux qui se déplacent quotidiennement pour aller travailler. La plupart le font en voiture, car pour être « commuters » en TGV aujourd’hui, il faut pouvoir consacrer 6 000 à 7 000 euros à ses déplacements. Seuls les plus riches et les cheminots qui ne payent pas le train peuvent se le permettre », constate le concepteur de Speed Kevin, Laurent Fourtune. Cet ancien directeur des Opérations d’Eurotunnel (qui est aussi passé par IDFM et la RATP) veut jouer sur les prix en s’inspirant de l’expérience italienne. « En baissant les tarifs de commuting de 30 %, il a été possible d’y doubler le trafic des commuters », rappelle-t-il.  

Avec cette offre, Laurent Fourtune entend apporter sa pierre à l’édifice et contribuer au doublement de la part du ferroviaire comme le souhaite Jean-Pierre Farandou. « Comme les autres nouveaux entrants, nous allons aiguillonner SNCF voyageurs et la pousser à faire mieux », dit il, persuadé que la demande est là. « Malgré le prix élevé des trains, ils sont complets. Il faut en ajouter. Et comme l’argent public manque, il y a un vrai enjeu à trouver de l’argent privé »,  conclutt le patron de Kevin Speed.


Midnight Trains rêve d’hôtels sur rail

Après avoir vendu sa société KissKissBankBank, Adrien Aumont souhaitait lancer un projet compliqué. Il ne pouvait pas mieux trouver que le secteur ferroviaire, affirme-t-il aujourd’hui. A cela s’ajoute sa volonté de faciliter ses voyages en Europe (son amie a peur de l’avion) tout en ayant le moins possible d’impact environnemental. D’où l’idée de relancer des trains de nuit, plus exactement de les réinventer avec des couchages privatifs, une literie confortable, une bonne sonorisation et des lieux de vie à bord : restaurant, bar…, le tout avec une fréquence quotidienne, permettant de connecter les grandes villes d’Europe situées entre 800 et 1 500 km de Paris.

Adrien Aumont mise aussi sur le digital pour la distribution… et tout le reste. « En cas de retard, nous voulons pouvoir rembourser les voyageurs avant même qu’ils n’arrivent à destination, sans formalités à réaliser » Ces « hôtels ferroviaires » seront proposés à un prix compétitif. « Un tarif équivalent à ce qu’un voyageur dépense en avion, en prenant en compte les options (bagages en soute et réservation des sièges) et le prix du taxi pour se rendre à l’aéroport. Le train de nuit étant cher à produire, nous ne pouvons pas le vendre à bas prix, mais voyager avec nous ne coûtera pas plus cher qu’en avion », promet le fondateur de Midnight Trains.

La future compagnie table aussi sur la clientèle d’affaires qui pourrait représenter 30 % des voyageurs. « Voire davantage. Car si le choix d’un voyage bas carbone est un choix moral pour le particulier, pour les sociétés, c’est une obligation. Nous avons la sensation que le voyage professionnel sera un marché important et allons proposer un produit de qualité pour y répondre »

Ewa

Les nouveaux projets de Wabtec Transit

CLUB LEROUX

C’est l’une des deux activités du groupe américain Wabtec : Wabtec Transit est le deuxième acteur industriel ferroviaire français, derrière Alstom. Invité du Club VRT, son président, Lilian Leroux a levé le voile sur cette entreprise innovante mais qui reste souvent dans l’ombre. Et a présenté les grands axes de sa présidence et les innovations à venir.

Le groupe américain Wabtec, (Westinghouse Air Brake Technology), est né de la fusion de trois grandes entreprises ferroviaires : Westinghouse Air Brake Technology qui est devenu Wabtec au fil des années et a repris Faiveley transport en 2016, puis Général Electric transportation, en 2019.

Aujourd’hui, le groupe est un des leaders de l’industrie ferroviaire avec plus de 27 000 salariés dans 50 pays et un chiffre d’affaires de 7,8 Md€. « Wabtec s’est construit par acquisitions et entend poursuivre sa croissance en ciblant des entreprises qui lui permettraient d’internaliser des compétences nouvelles ou de compléter son portefeuille clients », précise Lilian Leroux, le président de Wabtec Transit.

Wabtec assure vouloir créer un futur plus durable, en proposant des innovations pour contribuer à réduire les 25 % de gaz à effets de serre dont le secteur du transport est responsable. « Des émissions majoritairement causées par la route et l’avion. Le fer n’en produit qu’à la marge », précise Lilian Leroux qui entend faciliter le transfert modal, en rendant l’industrie ferroviaire plus attractive, plus compétitive et plus efficace aussi bien pour les passagers que pour le fret. En interne Wabtec Transit s’est engagé à réduire les émissions de ses usines de plus de 50 % d’ici 2030 et à utiliser des matériaux recyclables.

Le siège de Wabtec est aux Etats-Unis, tandis que celui de Wabtec Transit est installé en France, où Faiveley avait démarré ses activités, il y a plus de cent ans. L’entreprise compte 1 850 salariés répartis sur 81 sites industriels, dont 5 en France où des équipes d’ingénierie conçoivent de nouvelles gammes de produits pour le monde. C’est dans l’hexagone également que sont assurées les fonctions de support et d’aide à la maintenance pour les opérateurs.

 » WABTEC S’EST CONSTRUIT PAR ACQUISITIONS ET ENTEND POURSUIVRE SA CROISSANCE EN CIBLANT DES ENTREPRISES QUI LUI PERMETTRAIENT D’INTERNALISER DES COMPÉTENCES NOUVELLES OU DE COMPLÉTER SON PORTEFEUILLE CLIENTS « 

Sur les 2,4 Md€ de CA réalisés par Wabtec Transit, 400 M€ d’euros proviennent de France, où l’entreprise dispose d’un important réseau de fournisseurs et de partenaires. Wabtec Transit a aussi une très forte implantation en Europe, en Amérique du Nord et en Inde. « Faire partie d’un groupe permet de trouver des synergies en matière de recherche & développement et d’utiliser ses compétences pour nous aider à innover », se félicite le président de Wabtec Transit.

Des innovations prometteuses

La liste des innovations est longue. « Nous avons travaillé avec la RATP pour améliorer la qualité de l’air du métro », cite par exemple le dirigeant. Cette collaboration a permis de développer une semelle de freinage permettant de réduire de 90 % les émissions fines des véhicules au freinage. En service depuis un an, cette innovation permet également de réduire l’usure des pneumatiques, d’où un gain économique pour l’opérateur. « Sur ce dossier, la RATP est en avance sur le reste du monde et nous sommes fiers d’y avoir contribué », annonce Lilian Leroux.

Wabtec Transit a également investi plus de 2 M€ dans la création d’un site d’impression en 3d de pièces pour la maintenance des trains, au sein de son usine de Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire). Wabtec en avait déjà un en Inde et un autre aux Etats-Unis. Le site français permettra de fabriquer des pièces dès 2023, en réduisant leur temps d’acquisition pour les opérateurs européens, tout en étant économiquement plus intéressant pour des besoins en faibles quantités.

Lilian Leroux évoque aussi le projet Distance Master. « Partant du principe que peu de lignes seront désormais construites dans les pays « matures » et qu’il faut optimiser l’utilisation du réseau existant en faisant passer plus de trains, nous travaillons à un système de freinage qui sera significativement inférieur à celui d’aujourd’hui. Nous allons démontrer qu’on peut proposer une solution permettant de réduire l’élongation des freinages de 90 %, de manière sécuritaire », promet Lilian Leroux.

Toujours dans l’idée de faciliter l’innovation, Wabtec Transit est membre fondateur du groupe Europe’s Rail qui, avec un budget de 1,2 Md€, va contribuer au financement R&D de plusieurs projets du secteur. Wabtec Transit prévoit d’y jouer un rôle actif pour participer à la modernisation du fret ferroviaire européen en travaillant à sa digitalisation.

Rendre le fret ferroviaire européen plus compétitif par rapport au camion est un enjeu majeur, insiste Lilian Leroux. Dans ce cadre, Wabtec Transit travaille avec trois autres industriels à un attelage automatique. « Il faut automatiser la constitution des trains de fret dans les triages, de manière à mieux les exploiter », justifie le dirigeant.

 » NOUS SOMMES CONVAINCUS QUE L’AMÉRIQUE DU NORD VA INVESTIR DAVANTAGE DANS LE TRANSPORT FERROVIAIRE ET EN EUROPE, LA PRISE DE CONSCIENCE SUR L’ENVIRONNEMENT DEVRAIT FAVORISER SA CROISSANCE, TANDIS QUE L’INDE VA CONTINUER À SE MODERNISER À GRANDE VITESSE « 

Et de souligner la complexité à laquelle font face les ingénieurs pour parvenir à automatiser les triages pour 400 000 wagons et 17 000 locomotives de fret qui circulent en Europe et ont souvent une typologie très diverse. L’attelage automatique permettra de réaliser un gain de productivité, mais il reviendra plus cher que l’attelage au crochet, ce qui pose la question du financement du projet. Pour trouver les fonds nécessaires et le mener à bien, Lilian Leroux table sur l’Europe. « Elle a su financer un projet qui visait à réduire l’empreinte acoustique des wagons », rappelle-t-il, confiant sur le fait qu’elle aura la volonté d’accompagner cette innovation. Se posera ensuite la question de son acceptation, poursuit Lilian Leroux qui plaide pour l’accélération de l’adoption des innovations.

Des difficultés conjoncturelles…

Bien que la période soit pleine d’incertitudes économiques, la nouvelle étude mondiale de l’Unife, l’Union des industries ferroviaires européennes, parie sur une croissance de 2,6 à 3 % du marché, suivant les segments. « L’industrie ferroviaire est immune à toutes les crises économiques », constate Lilian Leroux, confiant.

« Après avoir été le moteur de l’industrie ferroviaire mondiale, la Chine est en train de ralentir sa croissance. Nous sommes convaincus que l’Amérique du Nord va investir davantage dans le transport ferroviaire et en Europe, la prise de conscience sur l’environnement devrait favoriser sa croissance, tandis que l’Inde va continuer à se moderniser à grande vitesse », souligne-t-il. Mais il s’interroge : quel sera l’impact de la crise actuelle sur la capacité des Etats à réaliser des investissements ?

De plus, la crise des approvisionnements percute l’industrie ferroviaire. « On a vu arriver cette crise d’une extrême brutalité, dès juin 2021. On est en plein dedans », commente le chef d’entreprise. Le groupe était parvenu à anticiper le manque de composants électroniques, mais la crise se prolongeant, il fait face à des pénuries qui touchent aussi d’autres secteurs. « A un moment nous ne trouvions plus d’aluminium dans le monde et avons dû changer la conception de nos produits en urgence », raconte Lilian Leroux. Les délais de livraison augmentent et sont la cause de pénalités de retard.

La filière subit également le choc de l’inflation : ayant été préservée depuis 1973, elle n’a pas mis en place les outils pour y faire face, estime Wabtec Transit qui reçoit régulièrement des fournisseurs ne pouvant plus suivre les contrats. « On s’inquiète pour la pérennité des petits acteurs de la filière, on s’efforce de rendre la situation la plus viable possible et nous devons, nous aussi, aller revoir nos clients car nos contrats ne nous permettent pas de retranscrire l’inflation », constate Lilian Leroux.

Les grands opérateurs souffrent d’autant plus qu’ils sortaient à peine de la crise Covid et se retrouvent face à la flambée des coûts énergétiques. La SNCF a ainsi évalué à 1,6 ou 1,7 Md€ le surcoût de sa facture énergétique en 2023. « Il faut trouver des solutions innovantes pour réduire l’ impact, sinon cela se répercutera de manière très forte sur le prix du billet », prévient-il, en reconnaissant qu’il y a une volonté politique d’aider les entreprises à surmonter la hausse de l’énergie en France.

 » ON A DE LA CHANCE EN  FRANCE D’AVOIR DE GRANDS ACTEURS QUI SONT DES CHAMPIONS INTERNATIONAUX, ENTRAÎNANT TOUTE LA FILIÈRE ET TIRANT SA CROISSANCE « 

Pour parer à d’éventuels problèmes d’approvisionnement d’énergie cet hiver, Wabtec a cartographié les besoins de ses usines, travaille à des plans de ballastage et accélère son plan visant à réduire sa consommation en mettant en place des panneaux électriques et en isolant ses usines, tout en transformant ses modes de production.

…mais aussi structurelles

A ces difficultés conjoncturelles, s’ajoutent des problèmes structurels. « L’industrie ferroviaire qui emploie beaucoup de monde, réalise de nombreuses innovations et requiert un savoir-faire en ingénierie et recherche, mais aussi dans les métiers plus traditionnels comme l’électrique ou la chaudronnerie. Ces secteurs connaissent des difficultés de recrutement. L’attractivité de la filière est un sujet », commente Jean-Pierre Cresci, spécialiste des transports, invité à intervenir dans le débat. Lilian Leroux confirme que Wabtec fait face, depuis des années, à des difficultés de recrutements au niveau mondial, en raison notamment des compétences très pointues demandées. Pas facile de recruter des ingénieurs très sollicités, des chaudronniers ou même des peintres spécialisés. Les besoins liés aux nouveaux métiers de l’industrie compliquent la donne car le secteur ferroviaire n’est pas celui qui attire au premier abord. « Le secteur pâtit d’une image veillotte qui ne correspond plus à la réalité. Il faut faire savoir à quel point la filière est importante pour l’environnement. Un argument auquel la jeune génération est sensible », estime l’industriel.

Autre obstacle à surmonter : le manque de standardisation. « Chaque train est spécifique, c’est une difficulté, car pour chaque nouveau produit, il faut démarrer une ligne de production spécifique », souligne également Jean-Pierre Cresci. Lilian Leroux confirme ce problème structurel de fragmentation des besoins exprimés et plaide pour une forme de standardisation. « Quand des plateformes appliquent une forme de standardisation comme c’est le cas dans les trams, le temps de mise sur le marché et les coûts sont réduits », rappelle-t-il.

La filière elle-même peine à travailler dans la même direction, estime de son côté Jean-Pierre Audoux, ancien délégué général de la FIF (Fédération des industries ferroviaires) qui a lancé Care, une association cherchant à renforcer la compétitivité des fournisseurs en leur proposant l’aide d’experts (lire aussi ci-dessous). « L’industrie ferroviaire française est reconnue dans le monde, mais, engagée dans un processus de mondialisation, elle doit devenir plus performante », rappelle Jean-Pierre Audoux.

Partagé entre optimisme et pessimisme pour l’avenir de la filière, le président de Care relève quelques-uns de ses atouts : le retour du made in France, les exigences en matière de RSE, le savoir-faire et le soutien de l’Etat et des régions, mais répertorie aussi ses faiblesses, notamment ses coûts face à la concurrence chinoise et indienne.

D’où sa démarche visant à permettre des échanges de bonnes pratiques et à rendre les relations plus fluides entre les donneurs d’ordre du secteur ferroviaire et leurs fournisseurs. Cette méthode doit permettre de renforcer leurs performances, leur compétitivité et leur maturité pour contribuer pleinement au renforcement de la chaîne d’approvisionnement ferroviaire, ajoute-t-il.

Lilian Leroux approuve : « C’est essentiel car quand on arrive à développer ensemble des produits, on peut gagner des appels d’offres ». Et de plaider pour un système plus vertueux permettant aussi de prendre en compte l’impact carbone des produits sur toute leur durée de vie. Il vise en particulier les équipements fabriqués en Chine, dont le coût d’acquisition est moindre mais l’impact carbone souvent plus important. D’où l’appel à l’intervention du législateur pour prendre en compte tous les coûts lors de la passation de marchés. « Il faut se poser la question : est-ce que fabriquer des pièces détachées en Chine est la meilleure solution ? »

Reste une force : l’innovation et la digitalisation sont des éléments fondamentaux de la compétitivité de la filière, reconnaissent les intervenants. Or, « on a la chance en France d’avoir de grands acteurs qui sont des champions internationaux, entraînant toute la filière et tirant sa croissance », conclut Lilian Leroux.

Valérie Chrzavzez


Les résultats encourageants de Care

La démarche Care a été expérimentée dans les Hauts-de-France, où 6 PME-PMI fournisseurs, formant ensemble une « grappe », financée par la Région, ont pu bénéficier de conseils d’experts, avec des résultats encourageants. Les entreprises sont parvenues à améliorer la ponctualité des délais de livraison de 22 %, à réduire les retards de 60 %, la non-conformité a été diminuée d’un tiers, tandis que la relation client-fournisseur était améliorée de 10 à 20 %.

Des résultats prometteurs qui devraient inciter à étendre cette démarche au niveau national « car l’avenir de la filière française n’est pas garanti », prévient Jean-Pierre Audoux. Le président de Care souhaite embarquer une centaine d’entreprises et former huit à dix grappes d’ici 2025, de manière à avoir une colonne vertébrale pour la filière.

Il espère aussi renforcer la gouvernance de CARE avec l’arrivée de nouveaux donneurs d’ordres. « Nous avons déjà SNCF voyageurs, CAF, Alstom, Knorr Bresme et le ministère de l’industrie. Il nous manque un grand équipementier, la RATP et Siemens et nous pourrions mettre en œuvre la même démarche pour l’infrastructure », explique le président, persuadé que l’avenir de la filière dépend de sa capacité à se structurer.

Reste qu’il faudrait commencer par assurer le financement des grappes souhaitées par Care. « L’avenir de Care tient à quelques dizaines de milliers d’euros, par rapport à des enjeux de centaines de millions d’euros », se désole Jean-Pierre Audoux. Selon lui, « ce qui manque pour que Care soit un succès, c’est un grand projet fédérateur. Le succès dans l’aéronautique de Space, qui a inspiré la démarche de Care, s’explique par le projet A320. Ce projet avait convaincu tous les acteurs de l’aéronautique à travailler ensemble ».

Ewa

« J’espère qu’on aura un ministre des Transports à la hauteur des enjeux »

CLUB KARIMA DELLI

Sur le volet transport, que retiendra-t-on de la présidence française du Conseil de l’Union européenne qui s’achève le 30 juin ? Pour répondre, Karima Delli était l’invitée du Club VRT le 10 mai. La présidente écologiste de la commission transports et tourisme du Parlement européen estime que l’élection présidentielle d’avril en France et la guerre en Ukraine ont ralenti le calendrier des textes clés du paquet de directives Shift for 55.

A un mois et demi de la fin de la présidence française du Conseil des ministres des Vingt-sept, Karima Delli, première femme présidente et écolo de la commission transports et tourisme (Tran) du Parlement européen, s’interrogeait : « Comment porter des textes à Bruxelles et Strasbourg sans ministre des Transports à Paris ? ». Il ne reste plus à la France que quelques semaines avant de remettre les clés du Conseil de l’UE à la République tchèque, le 1er juillet.

Mauvais tempo

« La présidence française n’aurait pas dû avoir lieu en année électorale, en plus, il y a la guerre en Ukraine. Le contexte ne nous a pas été favorable, aucun texte du paquet Shift for 55 ne sera négocié avant le 30 juin », se désole Karima Delli. Le paquet Shift for 55 (« Ajustement à l’objectif 55 » en français) a pour objectif de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2035. Il a été présenté au Conseil de l’UE en juillet 2021 et fait actuellement l’objet de discussions dans plusieurs domaines d’action : l’environnement, l’énergie, les transports et les affaires économiques et financières.

« Réduire de moitié les GES en huit ans, c’est court comme fenêtre ! J’aurais aimé mener un trilogue avec ma commission pendant la présidence française, mais les textes n’arriveront pas en négociation avant juillet ou septembre », reprend l’eurodéputée. Notamment l’optimisation de la gestion du ciel européen pour réduire l’empreinte carbone du trafic aérien, les réseaux transeuropéens de transport, ou la norme Euro 7 qui vise à interdire la vente de véhicules thermiques d’ici à 2025.

Euro 7, sujet explosif

La France a toutefois eu quatre mois pour tenir le rôle de colégislateur et tenter de faire avancer ces textes clés pour décarboner le secteur des transports, responsables de 35 % des GES. Lesquels ont avancé depuis le 1er janvier ?

« La directive Euro 7 », répond Karima Delli qui aurait aimé pouvoir s’appuyer sur la présidence française de l’UE pour mettre le sujet sur la table des négociations avant le 30 juin Raté.

Et la route sera longue car le sujet est explosif.

« J’ai rencontré les Tchèques (qui succéderont à la France le 1er juillet prochain) à deux reprises, ils sont prêts pour la sortie des véhicules thermiques, mais être prêts ne veut pas dire gagner les votes ! », note Karima Delli en se remémorant l’épopée du paquet routier qui a mis trois ans avant d’être adopté, avec neuf allers-retours entre les instances législatives de l’UE.

Le secteur automobile est vent debout contre le projet de directive, l’une des 13 du Shift for 55. Les lobbystes sont en embuscades. La norme Euro 6 en vigueur depuis 2014 doit céder la place à l’Euro 7 à partir de 2025 et durcir les objectifs en matière d’émissions de CO2 des véhicules neufs. Euro 7 est tellement stricte qu’elle sonnerait le glas des voitures particulières, utilitaires et poids lourds à moteur thermique. Karima Delli a hérité du texte porté par le parlementaire néerlandais Jan Huitema qui « n’a pas voulu l’assumer. Or, il faut accompagner la filière automobile car le tout électrique, ça n’est pas gagné ! », juge la présidente de la commission Tran.

Lors du Club VRT, elle a annoncé le lancement d’Assises de la transformation automobile pour accompagner cette transition énergétique et revoir la chaîne industrielle automobile. « Sinon ça va faire mal. S’ils ne prennent pas le virage maintenant, les constructeurs automobiles seront largués. La Chine qui a le monopole des batteries ne les attendra pas, les Etats-Unis qui maîtrise le contrôle des données non plus », insiste Karima Delli.

La bataille de l’électromobilité entre Européens

Autre gros sujet, la directive infrastructures. « Il n’y aura pas de véhicules électriques sans infrastructures de recharge. La Commission européenne veut des autoroutes de bornes électriques : tous les combien de kilomètres ? A l’hydrogène vert ?, interroge l’eurodéputée. Il va falloir s’armer d’intelligence car il ne s’agit pas changer de stratégie et de technologie dans cinq ans. Ce qu’il faut, c’est mailler le territoire », poursuit-elle. La position du Parlement est attendue d’ici juin, avant celle du Conseil, pour être ensuite négociée en trilogue en vue d’un texte commun.

 » RÉDUIRE DE MOITIÉ LES GES EN HUIT ANS, C’EST COURT COMME FENÊTRE ! J’AURAIS AIMÉ MENER UN TRILOGUE AVEC MA COMMISSION PENDANT LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE, MAIS LES TEXTES N’ARRIVERONT PAS EN NÉGOCIATION AVANT JUILLET OU SEPTEMBRE « 

Quel est le montant des investissements ? « La transition va coûter cher mais plus on tardera, plus ça coûtera cher. Dans la directive, il y a un fonds social pour le climat mais on ne sait pas à ce stade comment il sera financé, ni à quoi il servira. Il faut un fonds de formation dédié aux nouveaux métiers de l’automobile car si l’on veut développer une filière de l’économie circulaire dans le secteur, le rétrofit, il faut former maintenant. Demain tout le monde ne roulera pas en électrique, il va falloir innover et former. Les régions ont la compétence sur les filières professionnelles, qu’est-ce qu’elles attendent ?, interroge Karima Delli. L’Europe, ce sont des financements et des leviers d’actions incroyables, mais qui le sait ? Personne », selon l’eurodéputée. « La bataille de l’électromobilité entre Européens, c’est maintenant qu’elle se joue, et les Allemands veulent en devenir les leaders, prévient-elle. Quand la France expérimente un train à hydrogène, l’Allemagne en a déjà des dizaines… »

Quid des autres carburants alternatifs ? « On est dans un paradoxe extraordinaire : à la COP 26 de Glasgow fin 2021, tous les chefs d’Etat ont promis, juré, que leur pays n’investirait plus dans le fossile. On en est loin… Il y a beaucoup d’expérimentations sur les carburants alternatifs, on se donne le temps ». Trop ?  « Soit on se donne les moyens de la transition, soit on arrête les beaux discours », prône l’écologiste qui a appris le jeu des alliances entre États au sein de sa commission parlementaire.

« Sur l’Euroredevance, j’ai perdu »

La réforme controversée de l’Eurovignette qui fixe les nouvelles règles de l’UE relatives aux péages routiers, pour les rendre plus cohérentes et plus respectueuses de l’environnement, a fini par être adoptée par le Parlement européen en février. Rebaptisée Euroredevance à cette occasion, elle est devenue l’un des instruments du Pacte vert européen. Elle instaure un système de tarification basée sur la distance et non plus sur la durée, pour mieux inscrire le principe de pollueur-payeur dans la législation européenne. Avec des redevances applicables aux émissions de CO2 des poids lourds.

« Après une période de transition de quatre ans, la tarification des coûts externes de la pollution atmosphérique deviendra obligatoire pour les poids lourds, sauf si elle entraîne une déviation involontaire de circulation », dit la Commission européenne, réputée conservatrice. Bien que le texte final comprenne une disposition relative à l’affectation de l’Euroredevance aux transports alternatifs à la route (fret ferroviaire notamment), elle ne s’applique qu’aux taxes sur les embouteillages. Et n’est pas obligatoire pour les États membres…

« J’ai perdu sur l’Euroredevance, le Conseil n’a pas voulu de fléchage. Une partie des recettes devait aller vers le ferroviaire, la sécurisation des routes et vers les entreprises de transport routier car ce sont des PME, et qu’il faut les aider à changer leur flotte ou faire du transport combiné », regrette Karima Delli. En clair, le fléchage n’est pas contraignant, chaque Etat membre peut faire ce qu’il veut avec les recettes. « Les taxes ne vont jamais dans le secteur des transports propres », déplore l’eurodéputée Verte.

« L’Europe, c’est comme une copropriété »

Interrogée sur le boom du vélo en France et en Europe, et sur le retard de la filière industrielle du cycle, elle indique qu’une nouvelle résolution est en préparation dans sa commission et qu’elle veut « y inscrire une vraie politique industrielle européenne du vélo » : assemblage en Europe, ateliers de réparation, parkings vélo obligatoires, places de vélo dans les trains, pistes cyclables sécurisées, etc. « Les entreprises, les start-up sont prêtes, il faut enclencher la vitesse supérieure, rien de telle que l’Europe pour y arriver !, croit l’eurodéputée. Je vais tout faire dans ma commission pour avoir un texte de loi, et on le poussera ».

Si la question train + vélo se pose, « qu’en est-il des autotrains ? », a demandé un participant du Club VRT. En France, la SNCF les a supprimés en 2017, jugeant le service peu rentable.

 » LES MÉTROPOLES ASPIRENT TOUT. ATTENTION À LA FRACTURE TERRITORIALE SINON ON AURA DES TERRITOIRES OUBLIÉS ET PERDUS « 

« Ma commission reçoit beaucoup de demandes à ce sujet, l’idée est de nouveau dans l’air du temps. Les autotrains, c’est un peu comme les grandes lignes de trains de nuit fermées en 2016 par manque de rentabilité et d’investissement, à une époque (pas si lointaine) où les enjeux du dérèglement climatique n’étaient pas aussi flagrants. Il faut un fonds de rénovation permanent. Mon but c’est de mailler puis de multiplier les liaisons de nuit, on est train de redessiner le réseau européen des trains de nuit !, s’enthousiasme Karima Delli. C’est un peu long car l‘Europe, c’est comme une copropriété tant que tout le monde n‘est pas d’accord pour faire les travaux, ça ne démarre pas. Mais quand c’est lancé, ça va vite ».

Le train plus cher que l’avion

Autre cheval de bataille, l’interdiction des vols intérieurs en avion quand il y a une alternative en train en moins de 2 h 30. Ce principe est fixé par la loi française Climat et résilience d’août 2021 et il suscite des interrogations à Bruxelles. Saisie le 17 septembre par l’Union des aéroports français et la branche européenne du Conseil international des aéroports, la Commission européenne a ouvert une enquête.

Interdire ces vols, « est plus que nécessaire, vous posez la question à une écolo ! Il faut encourager le train à tout prix, mais le train, c’est plus cher que l’avion », constate l’eurodéputée.

L’industrie aéronautique n’a pas les fonds d’innovation et de recherche qu’elle mérite pour sortir du kérosène. Une partie de la taxe kérosène devrait aller dans un fonds innovation. Comme pour l’automobile, « si on n’investit pas maintenant pour la transition énergétique, l’industrie aéronautique européenne sera à la traîne ».

Pas trop pour les RER métropolitains

Défenseur invétéré des RER métropolitains qui dans l’Hexagone, tardent à franchir les frontières de l’Ile-de-France, Jean-Claude Degand a interpellé Karima Delli : « L’Europe ne pourrait-elle pas financer ces projets ? », lui a demandé l’ancien directeur des projets périurbains à la SNCF, qui dirige aujourd’hui la société de conseil Itinéraires & Territoires, et préside le think-tank Mobilités 2050. « Les métropoles aspirent tout, attention à la fracture territoriale, sinon, on aura des territoires oubliés et perdus, lui a répondu la candidate de l’union de la gauche dans les Hauts-de-France aux dernières élections régionales. La mobilité devrait réconcilier les territoires. Les RER… moi, je ne suis pas pour. La carte des mobilités ne doit oublier personne, et surtout pas accélérer la précarité », insiste Karima Delli en espérant que le paquet Shift for 55 sera bouclé avant la fin de la mandature du Parlement européen en 2024. « J’espère surtout qu’on aura un ministre des Transports à la hauteur des enjeux. Et présent à Bruxelles ! », a conclu Karima Delli.

Nathalie Arensonas

Ewa

Frédéric Delorme réclame un « plan Marshall » pour le réseau ferroviaire

Portrait de Frederic Delorme, Président-directeur général du pôle Transport Ferroviaire Multimodal de Marchandises - SNCF Fret

Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe, est un ardent défenseur du transport ferroviaire de marchandises. Invité du Club Ville Rail & Transports le 17 février, il a plaidé pour des investissements massifs en faveur du rail pour réussir la transition énergétique. Il a aussi annoncé les premiers résultats positifs pour Fret SNCF, porté par une reprise d’activité, dans un contexte où la décarbonation des transports commence à être prise en compte très sérieusement par les clients.

« Les planètes n’ont jamais été aussi alignées pour une relance du transport ferroviaire de marchandises », assure avec optimisme Frédéric Delorme, le président de Rail Logistics Europe, invité du Club VRT le 17 février. Il estime que, face à l’enjeu environnemental, la route, qui reste le principal mode de transport de marchandises, a encore beaucoup à faire pour réaliser sa transition énergétique et réduire ses émissions, tandis que le fret ferroviaire est un moyen efficace pour répondre immédiatement aux besoins de l’industrie de notre pays, tout en réduisant les externalités des transports.

Nouveau nom, nouvelles ambitions

Il y a deux ans, TFMM (Transport ferroviaire et multimodal de marchandises) devenait Rail Logistics Europe. « Plus qu’un changement de nom, il s’agissait de clarifier notre offre, d’affirmer notre ambition d’être reconnu comme un partenaire de fret ferroviaire et de logistique, et de faire savoir que nous proposons tous les services de fret dans 10 pays européens », explique Frédéric Delorme. Rail Logistics Europe regroupe Fret SNCF, VIIA, Captrain, Naviland Cargo et Forwardis, le tout assurant 1,6 milliard d’euros de CA, dont la moitié réalisée par Fret SNCF. « Nous sommes la première entreprise ferroviaire en France, et VIIA est un opérateur de transport combiné exploitant des autoroutes ferroviaires. En Europe, nous sommes troisième en commission avec Forwardis et cinquième pour le combiné avec Naviland. Nous sommes un acteur clé de la décarbonisation en Europe », détaille Frédéric Delorme, en rappelant qu’une tonne de marchandises transportée par le train, c’est six fois moins d’énergie consommée, huit fois moins d’émissions de particules nocives et 14 fois moins d’émissions de CO2 que par la route.

En 2021, Fret SNCF a renoué avec les bénéfices pour la première fois depuis longtemps. En 2020, l’entreprise avait enregistré 105 millions d’euros de pertes. « Tous les résultats de nos filiales sont dans le vert, y compris pour nos filiales étrangères », précise-t-il.

Cette amélioration des comptes de Fret SNCF s’explique par la hausse de l’activité, mais aussi par des efforts de productivité (avec notamment l’augmentation du nombre des rotations) liés à la réduction des frais de structures. Le secteur a également bénéficié de l’aide financière des pouvoirs publics pour les péages et les wagons isolés. « Le wagon isolé est structurellement déficitaire. Sans coup de pouce de l’Etat, cette activité serait amenée à disparaître », rappelle-t-il.

Politique de reconquête

« Nous sommes dans une politique de reconquête », souligne Frédéric Delorme. Fret SNCF a déjà augmenté son trafic de 10 % en 2021, davantage que la moyenne européenne (le volume devrait revenir cette année au niveau d’avant-crise), Naviland a vu son activité progresser de 25 % l’an passé, tandis que VIIA enregistrait une progression de 38 % par rapport à 2020. Parmi les autres nouvelles positives, l’entreprise a gagné le marché pour lancer une cinquième autoroute ferroviaire entre Sète et Calais en 2023, comme le rappelle le dirigeant , qui ajoute : « Cette nouvelle liaison permettra d’éviter 43 000 camions sur les routes et de réduire de 40 000 tonnes le CO2 rejeté dans l’atmosphère chaque année. »

Frédéric Delorme se félicite d’avoir repris des trafics à la route. Et donne quelques exemples comme le transport de containers entre Grand Est et Gennevilliers pour les ciments Vicat. Ou encore le gain par Novatrans de nouveaux trafics entre la France et l’Italie, qui permettront de supprimer 12 000 camions sur les routes. La société de combiné a également lancé une relation hebdomadaire entre la France et l’Espagne pour la société Cristalco, qui a choisi le report modal afin d’éviter de mettre 3 600 camions aller/retour sur la route, ce qui permet de réduire de 5 000 tonnes ses émissions de CO2. Captrain a rouvert des lignes en Allemagne pour transporter des déchets… « De nouveaux clients reviennent de la route vers le fer, poussés par la volonté d’être plus verts », constate le président de Rail Logistics Europe, qui se souvient : « Il y a 15 ans, lorsque j’étais à Fret SNCF, on parlait prix et qualité. Désormais, nos clients font passer leur bilan carbone au rang de leurs principales priorités. » Frédéric Delorme poursuit : « Des entreprises soucieuses de leur image s’intéressent à l’autoroute ferroviaire ou achètent des trains complets », et cite Amazon, groupe ô combien symbolique.

Ecolabels

Même si le coût du transport routier va augmenter, en raison notamment de la pénurie de routiers, permettant à l’écart de compétitivité de se réduire progressivement, il faut continuer à soutenir le fret ferroviaire pour lui permettre d’être dans le marché. Frédéric Delorme se dit favorable à une politique incitative plutôt que punitive.

Il préfère ainsi des mécanismes de défiscalisation ou de sur-amortissement qui pourraient être mis en place par exemple au bénéfice d’investissements qui ne nuisent pas à la santé.

Si Fret SNCF utilise encore quelques locomotives diesel, 90 % des tonnes-km transportées par Fret SNCF le sont sous caténaires, avec une énergie nucléaire décarbonée, alors que pour le transport routier, 95 % de la transition énergétique reste à faire. « Notre solution de transport, qui émet 14 fois moins de CO2 que par la route, est disponible immédiatement », souligne Frédéric Delorme qui propose une autre idée : la mise en place de certificats verts et blancs, vertueux pour la planète et la santé, ou encore la création d’écolabels pour que les consommateurs puissent faire leurs choix en toute connaissance de cause.

« 1 000 km réalisés sur autoroute ferroviaire, c’est 800 euros de valeur sociétale, si on prend en compte la moindre accidentologie, la décarbonisation et la dépollution, par rapport à un transport par camion », précise Frédéric Delorme.

Partie prenante de l’alliance 4F

Pour aller plus loin, la SNCF participe à l’alliance 4F (Fret Ferroviaire Français du Futur), mise en place en 2020 par les acteurs de la filière pour proposer une série d’investissements. Evalués à plus de 10 milliards d’euros, ils doivent permettre de doubler en dix ans la part modale du ferroviaire en la faisant passer à 18 %. C’était le niveau du fret ferroviaire il y a 30 ans.

Cette régression du fret ferroviaire au fil du temps s’explique, selon Frédéric Delorme, par la désindustrialisation de notre pays, la moindre compétitivité des ports français face à ses grands concurrents européens, et par le fait que les trains de fret passent toujours après ceux transportant des voyageurs.

De plus, ces dernières années, la part des subventions dédiée au fret en France a été la moins forte d’Europe, à égalité avec l’Espagne. Le président de Rail Logistics Europe y voit une corrélation avec cette part modale qui ne dépasse pas 9 % en France, contre 14 % en Italie, 18 % en Allemagne, 32 % en Autriche ou 35 % en Suisse. La France ne consacre que 49 euros par an et par habitant au réseau, soit neuf fois moins que la Suisse, cinq fois moins que l’Autriche et deux fois moins que l’Allemagne ou l’Italie.

Pour que le fret ferroviaire regagne des parts de marché, le dirigeant insiste sur la nécessité de subventions publiques afin de compenser l’inégalité avec la route qui ne paye pas ses infrastructures, ni ses émissions. D’où un déséquilibre de compétitivité et l’idée d’instaurer le principe du pollueur-payeur. « Mais on a vu ce que cela donnait avec les bonnets rouges… », rappelle-t-il.

De son côté, l’alliance 4F a transmis une liste de 72 mesures au gouvernement. Celui-ci a déjà lancé un plan de relance de plus de quatre milliards d’euros en faveur du ferroviaire (principalement ciblés sur les infrastructures), auquel s’ajoute le soutien au fret ferroviaire via une aide annuelle de 170 millions d’euros jusqu’en 2024. « S’il est satisfaisant d’avoir une vision pluriannuelle avec cet engagement, il faudra aller au-delà, car cela ne suffira pas. Il faudra continuer à investir au-delà de cette date », prévient Frédéric Delorme qui, avec 4F, appelle le prochain président de la République à poursuivre les efforts au cours des dix prochaines années et à « oser une mutation écologique et technologique, porteuse de sens ».

Et de rappeler que, grâce à son activité, Rail Logistics Europe a permis d’éviter 1,4 milliard d’euros d’externalités : émissions de CO2 et de particules. « Presque l’équivalent de notre CA, ce qui, en ces temps d’urgence climatique, où la pollution cause 50 000 morts prématurées par an, doit être pris en compte. »

Plan de relance

« La relance ferroviaire ne sera efficace que si on raisonne globalement », insiste le président de Rail Logistics Europe. Pour tenir les objectifs de doublement du fret ferroviaire, il faudra tripler le transport combiné. Ce qui nécessite de pouvoir bénéficier de sillons de qualité, permettant d’assurer la ponctualité. « Il faut un plan Marshall pour le réseau ferroviaire », martèle Frédéric Delorme. Plan qui profitera non seulement au fret mais aussi à l’acheminement des voyageurs.

Il estime en effet que le principal frein du ferroviaire est de ne pas disposer de sillons pour répondre aux besoins du marché, et met en garde : « Si on ne lance pas un plan Marshall en investissant 10 milliards comme le préconise 4F, nous aurons de plus en plus de difficultés. »

Selon Frédéric Delorme il faut gérer différemment les plannings de chantiers, afin de ne plus pénaliser le fret qui circule souvent de nuit, moment choisi pour réaliser les travaux. C’est dans ce but que 200 millions ont été engagés jusqu’à 2024 pour permettre à SNCF Réseau de réorganiser différemment des travaux en vue d’assurer de bons sillons au fret. « Sur le long terme, il y a un énorme enjeu pour le réseau », insiste-t-il, car si, globalement, la réponse actuelle en sillons est satisfaisante en qualité et en quantité pour le trafic conventionnel qui sert notamment l’industrie sidérurgique, le papier et la chimie, le transport combiné souffre d’un manque de qualité : 70 % des sillons proposés pour les autoroutes ferroviaires ne répondent pas aux besoins du marché. « Il faut du cadencement, avec des horaires précis et de la fréquence pour faire venir les transporteurs routiers. D’où la nécessité de continuer à investir de manière massive pour régénérer le réseau entre 2024 et 2030 ».

Les décisions qui seront prises au cours du prochain quinquennat présidentiel seront donc déterminantes. Après les premières décisions de ce gouvernement en faveur du fret ferroviaire, Frédéric Delorme attend un « acte II ». A court terme, il exprime le souhait que le fret ne soit plus pénalisé face au transport de voyageurs et que des sillons soient sacralisés. « On a besoin de capacités réservées permettant d’assurer des temps de transport dans le marché, afin de répondre à des commandes de dernière minute », plaide-t-il.

Dans l’attente du rapport du COI

« Nous attendons la remise du rapport du conseil d’orientation des infrastructures (COI) sur la stratégie de développement du fret ferroviaire, mais il va falloir être créatif et aller vite. Nous avons besoin d’une loi de programmation pour doubler le fret ferroviaire, comme c’est écrit dans la loi Climat », continue le dirigeant. « Ce qui sera décidé sur la saturation des nœuds ferroviaires et sur les lignes capillaires, qui acheminent 50 % des trafics de fret, sera déterminant. Si on le rate, nous risquons d’être largués par le reste de l’Europe. Notre industrie patinera, et les objectifs de réduction de CO2 ne seront pas atteints », prévient-il, avant d’ajouter que « le cap fixé est réalisable, à condition de sacrément se remuer ».

Tous bords politiques confondus, tout le monde veut du fret ferroviaire, et une pression citoyenne s’exerce. Or, au rythme actuel, on prend déjà du retard, poursuit-il. Les 10 milliards d’euros d’investissements préconisés par l’Alliance 4F apporteront à terme des économies bien supérieures, puisqu’ils pourraient générer de 25 à 30 milliards de bénéfices en valeur sociétale. « Il faut que les politiques les intègrent », insiste Frédéric Delorme.

Valérie Chrzavzez

Ewa

Frédéric Delorme réclame un « plan Marshall » pour le réseau ferroviaire

frederic Delorme

Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe, est un ardent défenseur du transport ferroviaire de marchandises. Invité du Club Ville Rail & Transports le 17 février, il a plaidé pour des investissements massifs en faveur du rail pour réussir la transition énergétique. Il a aussi annoncé les premiers résultats positifs pour Fret SNCF, porté par une reprise d’activité, dans un contexte où la décarbonation des transports commence à être prise en compte très sérieusement par les clients.

« Les planètes n’ont jamais été aussi alignées pour une relance du transport ferroviaire de marchandises », assure avec optimisme Frédéric Delorme, le président de Rail Logistics Europe, invité du Club VRT le 17 février. Il estime que, face à l’enjeu environnemental, la route, qui reste le principal mode de transport de marchandises, a encore beaucoup à faire pour réaliser sa transition énergétique et réduire ses émissions, tandis que le fret ferroviaire est un moyen efficace pour répondre immédiatement aux besoins de l’industrie de notre pays, tout en réduisant les externalités des transports.

Nouveau nom, nouvelles ambitions

Il y a deux ans, TFMM (Transport ferroviaire et multimodal de marchandises) devenait Rail Logistics Europe. « Plus qu’un changement de nom, il s’agissait de clarifier notre offre, d’affirmer notre ambition d’être reconnu comme un partenaire de fret ferroviaire et de logistique, et de faire savoir que nous proposons tous les services de fret dans 10 pays européens », explique Frédéric Delorme. Rail Logistics Europe regroupe Fret SNCF, VIIA, Captrain, Naviland Cargo et Forwardis, le tout assurant 1,6 milliard d’euros de CA, dont la moitié réalisée par Fret SNCF. « Nous sommes la première entreprise ferroviaire en France, et VIIA est un opérateur de transport combiné exploitant des autoroutes ferroviaires. En Europe, nous sommes troisième en commission avec Forwardis et cinquième pour le combiné avec Naviland. Nous sommes un acteur clé de la décarbonisation en Europe », détaille Frédéric Delorme, en rappelant qu’une tonne de marchandises transportée par le train, c’est six fois moins d’énergie consommée, huit fois moins d’émissions de particules nocives et 14 fois moins d’émissions de CO2 que par la route.

En 2021, Fret SNCF a renoué avec les bénéfices pour la première fois depuis longtemps. En 2020, l’entreprise avait enregistré 105 millions d’euros de pertes. « Tous les résultats de nos filiales sont dans le vert, y compris pour nos filiales étrangères », précise-t-il.

Cette amélioration des comptes de Fret SNCF s’explique par la hausse de l’activité, mais aussi par des efforts de productivité (avec notamment l’augmentation du nombre des rotations) liés à la réduction des frais de structures. Le secteur a également bénéficié de l’aide financière des pouvoirs publics pour les péages et les wagons isolés. « Le wagon isolé est structurellement déficitaire. Sans coup de pouce de l’Etat, cette activité serait amenée à disparaître », rappelle-t-il.

 » LE WAGON ISOLÉ EST STRUCTURELLEMENT DÉFICITAIRE. SANS COUP DE POUCE DE L’ETAT, CETTE ACTIVITÉ SERAIT AMENÉE À DISPARAÎTRE « 

Politique de reconquête

« Nous sommes dans une politique de reconquête », souligne Frédéric Delorme. Fret SNCF a déjà augmenté son trafic de 10 % en 2021, davantage que la moyenne européenne (le volume devrait revenir cette année au niveau d’avant-crise), Naviland a vu son activité progresser de 25 % l’an passé, tandis que VIIA enregistrait une progression de 38 % par rapport à 2020. Parmi les autres nouvelles positives, l’entreprise a gagné le marché pour lancer une cinquième autoroute ferroviaire entre Sète et Calais en 2023, comme le rappelle le dirigeant , qui ajoute : « Cette nouvelle liaison permettra d’éviter 43 000 camions sur les routes et de réduire de 40 000 tonnes le CO2 rejeté dans l’atmosphère chaque année. »

Frédéric Delorme se félicite d’avoir repris des trafics à la route. Et donne quelques exemples comme le transport de containers entre Grand Est et Gennevilliers pour les ciments Vicat. Ou encore le gain par Novatrans de nouveaux trafics entre la France et l’Italie, qui permettront de supprimer 12 000 camions sur les routes. La société de combiné a également lancé une relation hebdomadaire entre la France et l’Espagne pour la société Cristalco, qui a choisi le report modal afin d’éviter de mettre 3 600 camions aller/retour sur la route, ce qui permet de réduire de 5 000 tonnes ses émissions de CO2. Captrain a rouvert des lignes en Allemagne pour transporter des déchets… « De nouveaux clients reviennent de la route vers le fer, poussés par la volonté d’être plus verts », constate le président de Rail Logistics Europe, qui se souvient : « Il y a 15 ans, lorsque j’étais à Fret SNCF, on parlait prix et qualité. Désormais, nos clients font passer leur bilan carbone au rang de leurs principales priorités. » Frédéric Delorme poursuit : « Des entreprises soucieuses de leur image s’intéressent à l’autoroute ferroviaire ou achètent des trains complets », et cite Amazon, groupe ô combien symbolique.

Ecolabels

Même si le coût du transport routier va augmenter, en raison notamment de la pénurie de routiers, permettant à l’écart de compétitivité de se réduire progressivement, il faut continuer à soutenir le fret ferroviaire pour lui permettre d’être dans le marché. Frédéric Delorme se dit favorable à une politique incitative plutôt que punitive.

Il préfère ainsi des mécanismes de défiscalisation ou de sur-amortissement qui pourraient être mis en place par exemple au bénéfice d’investissements qui ne nuisent pas à la santé.

Si Fret SNCF utilise encore quelques locomotives diesel, 90 % des tonnes-km transportées par Fret SNCF le sont sous caténaires, avec une énergie nucléaire décarbonée, alors que pour le transport routier, 95 % de la transition énergétique reste à faire. « Notre solution de transport, qui émet 14 fois moins de CO2 que par la route, est disponible immédiatement », souligne Frédéric Delorme qui propose une autre idée : la mise en place de certificats verts et blancs, vertueux pour la planète et la santé, ou encore la création d’écolabels pour que les consommateurs puissent faire leurs choix en toute connaissance de cause.

« 1 000 km réalisés sur autoroute ferroviaire, c’est 800 euros de valeur sociétale, si on prend en compte la moindre accidentologie, la décarbonisation et la dépollution, par rapport à un transport par camion », précise Frédéric Delorme.

Partie prenante de l’alliance 4F

Pour aller plus loin, la SNCF participe à l’alliance 4F (Fret Ferroviaire Français du Futur), mise en place en 2020 par les acteurs de la filière pour proposer une série d’investissements. Evalués à plus de 10 milliards d’euros, ils doivent permettre de doubler en dix ans la part modale du ferroviaire en la faisant passer à 18 %. C’était le niveau du fret ferroviaire il y a 30 ans.

Cette régression du fret ferroviaire au fil du temps s’explique, selon Frédéric Delorme, par la désindustrialisation de notre pays, la moindre compétitivité des ports français face à ses grands concurrents européens, et par le fait que les trains de fret passent toujours après ceux transportant des voyageurs.

De plus, ces dernières années, la part des subventions dédiée au fret en France a été la moins forte d’Europe, à égalité avec l’Espagne. Le président de Rail Logistics Europe y voit une corrélation avec cette part modale qui ne dépasse pas 9 % en France, contre 14 % en Italie, 18 % en Allemagne, 32 % en Autriche ou 35 % en Suisse. La France ne consacre que 49 euros par an et par habitant au réseau, soit neuf fois moins que la Suisse, cinq fois moins que l’Autriche et deux fois moins que l’Allemagne ou l’Italie.

Pour que le fret ferroviaire regagne des parts de marché, le dirigeant insiste sur la nécessité de subventions publiques afin de compenser l’inégalité avec la route qui ne paye pas ses infrastructures, ni ses émissions. D’où un déséquilibre de compétitivité et l’idée d’instaurer le principe du pollueur-payeur. « Mais on a vu ce que cela donnait avec les bonnets rouges… », rappelle-t-il.

De son côté, l’alliance 4F a transmis une liste de 72 mesures au gouvernement. Celui-ci a déjà lancé un plan de relance de plus de quatre milliards d’euros en faveur du ferroviaire (principalement ciblés sur les infrastructures), auquel s’ajoute le soutien au fret ferroviaire via une aide annuelle de 170 millions d’euros jusqu’en 2024. « S’il est satisfaisant d’avoir une vision pluriannuelle avec cet engagement, il faudra aller au-delà, car cela ne suffira pas. Il faudra continuer à investir au-delà de cette date », prévient Frédéric Delorme qui, avec 4F, appelle le prochain président de la République à poursuivre les efforts au cours des dix prochaines années et à « oser une mutation écologique et technologique, porteuse de sens ».

Et de rappeler que, grâce à son activité, Rail Logistics Europe a permis d’éviter 1,4 milliard d’euros d’externalités : émissions de CO2 et de particules. « Presque l’équivalent de notre CA, ce qui, en ces temps d’urgence climatique, où la pollution cause 50 000 morts prématurées par an, doit être pris en compte. »

Plan de relance

« La relance ferroviaire ne sera efficace que si on raisonne globalement », insiste le président de Rail Logistics Europe. Pour tenir les objectifs de doublement du fret ferroviaire, il faudra tripler le transport combiné. Ce qui nécessite de pouvoir bénéficier de sillons de qualité, permettant d’assurer la ponctualité. « Il faut un plan Marshall pour le réseau ferroviaire », martèle Frédéric Delorme. Plan qui profitera non seulement au fret mais aussi à l’acheminement des voyageurs.

Il estime en effet que le principal frein du ferroviaire est de ne pas disposer de sillons pour répondre aux besoins du marché, et met en garde : « Si on ne lance pas un plan Marshall en investissant 10 milliards comme le préconise 4F, nous aurons de plus en plus de difficultés. »

 » SI ON NE LANCE PAS UN PLAN MARSHALL EN INVESTISSANT 10 MILLAIRDS, NOUS AURONS DE PLUS EN PLUS DE DIFFICULTÉS « 

Selon Frédéric Delorme il faut gérer différemment les plannings de chantiers, afin de ne plus pénaliser le fret qui circule souvent de nuit, moment choisi pour réaliser les travaux. C’est dans ce but que 200 millions ont été engagés jusqu’à 2024 pour permettre à SNCF Réseau de réorganiser différemment des travaux en vue d’assurer de bons sillons au fret. « Sur le long terme, il y a un énorme enjeu pour le réseau », insiste-t-il, car si, globalement, la réponse actuelle en sillons est satisfaisante en qualité et en quantité pour le trafic conventionnel qui sert notamment l’industrie sidérurgique, le papier et la chimie, le transport combiné souffre d’un manque de qualité : 70 % des sillons proposés pour les autoroutes ferroviaires ne répondent pas aux besoins du marché. « Il faut du cadencement, avec des horaires précis et de la fréquence pour faire venir les transporteurs routiers. D’où la nécessité de continuer à investir de manière massive pour régénérer le réseau entre 2024 et 2030 ».

Les décisions qui seront prises au cours du prochain quinquennat présidentiel seront donc déterminantes. Après les premières décisions de ce gouvernement en faveur du fret ferroviaire, Frédéric Delorme attend un « acte II ». A court terme, il exprime le souhait que le fret ne soit plus pénalisé face au transport de voyageurs et que des sillons soient sacralisés. « On a besoin de capacités réservées permettant d’assurer des temps de transport dans le marché, afin de répondre à des commandes de dernière minute », plaide-t-il.

Dans l’attente du rapport du conseil d’orientation des infrastructures

« Nous attendons la remise du rapport du conseil d’orientation des infrastructures (COI) sur la stratégie de développement du fret ferroviaire, mais il va falloir être créatif et aller vite. Nous avons besoin d’une loi de programmation pour doubler le fret ferroviaire, comme c’est écrit dans la loi Climat », continue le dirigeant. « Ce qui sera décidé sur la saturation des nœuds ferroviaires et sur les lignes capillaires, qui acheminent 50 % des trafics de fret, sera déterminant. Si on le rate, nous risquons d’être largués par le reste de l’Europe. Notre industrie patinera, et les objectifs de réduction de CO2 ne seront pas atteints », prévient-il, avant d’ajouter que « le cap fixé est réalisable, à condition de sacrément se remuer ».

Tous bords politiques confondus, tout le monde veut du fret ferroviaire, et une pression citoyenne s’exerce. Or, au rythme actuel, on prend déjà du retard, poursuit-il. Les 10 milliards d’euros d’investissements préconisés par l’Alliance 4F apporteront à terme des économies bien supérieures, puisqu’ils pourraient générer de 25 à 30 milliards de bénéfices en valeur sociétale. « Il faut que les politiques les intègrent », insiste Frédéric Delorme.

Valérie Chrzavzez

Ewa

« Je souhaite une croissance sélective pour Keolis »

Marie Ange Debon-LC

Marie-Ange Debon a pris les commandes de Keolis à l’été 2020, trois mois après le départ précipité de Patrick Jeantet, dans un contexte de crise sanitaire et de chute de la fréquentation des transports publics. Invitée du Club VRT le 13 janvier dernier, la dirigeante de la filiale transport public de la SNCF a développé les axes stratégiques de sa politique de « croissance sélective ».

Deux semaines après l’annonce du retrait de Keolis en Allemagne, et à deux mois de la présentation des résultats 2021 qui seront forcément marqués par « une année difficile », la dirigeante de la filiale transport public de la SNCF et de la Caisse des dépôts du Québec, qui exploite des réseaux de bus, métros, tramways, trains et vélos en France et à l’internantional, s’est prêtée au jeu des questions-réponses du Club VRT. Crise sanitaire oblige, une petite trentaine de membres ont assisté en présentiel au premier Club de l’année, dans les locaux du groupe La Vie du Rail, à Paris.

Nommée à la tête de Keolis mi-2020, en pleine tempête économique provoquée par la crise du Covid-19, doublée d’une crise de gouvernance de l’entreprise après le limogeage de Patrick Jeantet qui avait succédé à Jean-Pierre Farandou (parti présider aux destinées du groupe SNCF), Marie-Ange Debon a pris, en juin 2021, les rênes de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) qui vient de signer de nouveaux accords avec les syndicats pour bâtir la convention collective de la branche ferroviaire. Une année menée à un rythme soutenu, au cours de laquelle l’ancienne directrice générale adjointe de Suez a commencé à mettre en œuvre la feuille de route stratégique définie avec le conseil de surveillance qui a lui aussi changé de tête (Jérôme Tolot a succédé au long règne de Joël Lebreton).

Une équipe renouvelée et stabilisée, un refinancement bancaire basé sur des indicateurs sociaux et environnementaux, et la touche Debon pour déployer une nouvelle dynamique, à condition que la situation sanitaire cesse de mettre des bâtons dans les roues des transports collectifs.

Positionnement multimodal

Premier acte : le renforcement du positionnement international et multimodal de Keolis présent dans 15 pays où le groupe réalise la moitié de son chiffre d’affaires. « Mais pas tous azimuts », prévient Marie-Ange Debon qui vient de mettre fin à l’aventure allemande, gros foyer de pertes pour Keolis qui y exécutait, depuis les années 2000, quatre contrats ferroviaires, sur 15 lignes et 1 000 km de voies.

Avec les conséquences de la crise sanitaire sur le trafic passagers, la nouvelle dirigeante soutient une ligne claire. « Je souhaite renforcer une croissance sélective, nous n’irons pas dans des pays où les fondamentaux ne permettent pas à l’entreprise d’apporter des lignes de savoir-faire fortes, ou d’avoir un modèle économique soutenable », insiste-t-elle.

Opérateur du tramway de Melbourne en Australie (le plus long au monde avec 250 km de lignes), des métros automatiques de Dubaï (l’un des plus modernes au monde), d’Hyderabad (Inde), des trains de banlieue de Boston (USA), Keolis exploite aussi les réseaux de transport urbain de Lyon, Bordeaux dont le contrat est en appel d’offres, Lille, Rennes, Dijon, Agen, Caen, Nancy etc. Avec des métros, des tramways, des bus, trolleybus, des vélos en libre-service, des navettes autonomes et des services de covoiturage, entre autres. « C’est sur ce savoir-faire multimodal que je souhaite capitaliser, c’est l’un des marqueurs forts de Keolis, un avantage concurrentiel à l’international où nos compétiteurs sont positionnés sur un seul mode de transport », observe la patronne de Keolis.

Marie Ange Debon
Le Club VRT, avec Marie-Ange Debon, a eu lieu le 13 janvierdans nos salons, rue de Clichy dans le 9e arrondissement de Paris.

Entreprise citoyenne

Choisir les pays, mais aussi réaffirmer le positionnement RSE (responsabilité sociétale et environnementale) de Keolis. C’est le deuxième mantra de la dirigeante qui a introduit des indicateurs extra-financiers dans la rémunération des dirigeants, fondés sur des critères de parité, de diversité et environnementaux. « Nous sommes une entreprise de services, nous devons nous mettre dans les chaussures de nos passagers, avoir une approche inclusive, protéger les publics fragiles, lutter contre le harcèlement dans les transports, déployer des solutions numériques – moyens de paiement, outil de navigation, informations voyageurs – simples et attractives, dit-elle. Même si la crise sanitaire a impacté de plein fouet notre secteur, nous avons un rôle majeur à jouer pour réaffirmer que les transports publics sont le moyen le plus efficace pour une croissance économique inclusive et durable. Il faut continuer à travailler sur la confiance des passagers pour faire disparaître ce fond d’inquiétude », poursuit Marie-Ange Debon.

Pour l’ex-DGA de Suez en France, le principe d’une entreprise citoyenne passe aujourd’hui par la transition énergétique, à commencer par le renouvellement de sa flotte et l’accompagnement des collectivités locales vers un mix énergétique. « Ne rêvons pas, la flotte française d’autobus est encore à 85 % au diesel, impossible de basculer d’un coup, la sortie du diesel sera progressive, y compris avec des solutions de rétrofit (transformation d’un moteur diesel en moteur électrique ou à hydrogène, ndlr). Présent en France et à l’étranger, Keolis maîtrise toutes les énergies alternatives », estime Marie-Ange Debon, citant un partenariat avec la métropole de Dijon pour produire de l‘hydrogène vert grâce à l‘incinération des déchets ménagers et le photovoltaïque. Le projet consiste à faire rouler à l‘hydrogène 210 bus, 45 camions-bennes et plusieurs centaines de voitures.

Résilience

Interrogée sur les tendances qui devraient marquer les résultats de Keolis pour 2021 (présentation en mars prochain), année au cours de laquelle les taux de fréquentation dans les transports publics ont été en dents de scie au gré des confinements, couvre-feux et du télétravail, Marie-Ange Debon confie qu’il « a fallu beaucoup d’efforts de dialogue, de gestion des coûts et de maîtrise des investissements » pour convaincre les voyageurs de ne pas fuir les transports collectifs par peur de la contamination. Il en a fallu aussi vis-à-vis des collectivités locales qui sont sous pression financière avec la chute des recettes commerciales et des ressources du versement mobilité acquitté par les entreprises. Fin 2021, juste avant la vague Omicron, le taux de fréquentation dans les transports urbains était revenu à 85 % de leur niveau de 2019. « Les mesures de télétravail début 2022 ne sont pas néfastes, elles estompent les problèmes d’affluence aux heures de pointe, tempère Marie-Ange Debon. J’espère que l’on finira renforcés de cette crise. L’opération de refinancement du groupe en décembre dernier qui a été sursouscrit montre la confiance des banques, et notre capacité de résilience. » (lire article ci-desous).

Club VRT Debon

Concurrence en Ile-de-France

Marie-Ange Debon se félicite des premiers lots de bus gagnés par son entreprise en grande et moyenne couronne (bus Optile). Après la longue grève en Seine-et-Marne de conducteurs de Transdev qui dénonçaient des conditions de travail dégradées dans le cadre de l’ouverture à la concurrence initiée par Ile-de-France Mobilités, l’autorité organisatrice des transports a décidé de revoir ses critères sociaux dans les futurs appels d’offres. Et Transdev est parvenu à un accord avant Noël.

« La concurrence ne se résume pas à mettre plus de pression sociale sur les collaborateurs (surtout dans un contexte de pénurie de conducteurs) et plus de pression financière sur les opérateurs », commente la patronne de Keolis.

Son entreprise a également connu à la fin de l’année dernière un conflit social, via Transkéo, sa filiale de droit privé qui exploite la ligne de tram-train T11 entre Epinay-sur-Seine et Le Bourget. Les revendications portaient sur des revalorisations salariales, dans un contexte d‘inflation plus élevée que par le passé, rappelle Marie-Ange Debon. « On peut concilier ouverture à la concurrence, organisation du travail et critères sociaux, mais l’ouverture à la concurrence reste une source d’inquiétude pour les collaborateurs », résume Marie-Ange Debon.

A trois mois de l’élection présidentielle, la dirigeante de Keolis regrette que « les transports du quotidien soient si peu audibles dans la campagne électorale. Le ferroviaire et le fret ont leur place (référence aux annonces d’Emmanuel Macron en octobre pour les 40 ans du TGV, ndlr), pas le reste alors que c’est ce qui fait le quotidien de millions de citoyens », observe-t-elle.

Présidente de l’UTP, qui a adressé en novembre dernier son manifeste aux candidats à la présidentielle d’avril 2022, Marie-Ange Debon demande une aide financière pour le secteur du transport urbain, au-delà des 900 millions d’investissements consentis par le gouvernement dans le dernier appel à projets de transports collectifs et de pôles multimodaux. Et souhaite que la mobilité devienne enfin un thème fort de la campagne.

Nathalie Arensonas


Un crédit de 600 M€ indexé sur des indicateurs de développement durable

Pour refinancer des lignes de crédit existantes et allonger de cinq ans la maturité de sa dette, Keolis a signé fin 2021 avec un groupe de 14 banques partenaires, un financement « largement sursouscrit » d’un montant de 600 M€, indique Marie-Ange Debon.

L’opération intègre un mécanisme d’ajustement de la marge lié à l’atteinte d’objectifs annuels extra-financiers : environnement, mixité, santé et sécurité.

Ewa

« Il faut sortir d’une vision malthusienne pour le ferroviaire »

roman

Bernard Roman a pris en 2016 les rênes de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), rebaptisée depuis Autorité de régulation des transports (ART). Sous l’impulsion de son prédécesseur Pierre Cardo, puis sous son influence, l’Autorité de régulation a vu ses compétences s’élargir considérablement. Celles-ci vont désormais du contrôle du secteur aéroportuaire à celui de la mise à disposition des données, en passant par le transport terrestre. A l’avenir, le gendarme des transports sera chargé de la régulation du futur réseau du Grand Paris. Fin observateur de la vie économique des grandes entreprises du secteur, l’ART est donc devenu un régulateur de transport multimodal.  « Une absolue nécessité, permettant de considérer la mobilité dans sa globalité », a expliqué l’ancien député socialiste lors de son intervention le 7 juillet dernier au Club VRT.

L’ouverture à la concurrence est un long apprentissage pour le secteur public. Pour Bernard Roman, le président de l’Autorité de régulation des transports (ART), c’est aussi clairement une voie d’amélioration du service rendu aux clients.

Pour appuyer ses propos, l’ancien député socialiste rappelle les grandes étapes qui, dans les années quatre-vingt, ont mis fin à de grands monopoles publics en France, comme EDF ou France Telecom.

Le ferroviaire a entamé sa mue plus tardivement et il a fallu attendre 2009 pour que soit créée l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF). Avec l’objectif d’assurer un accès transparent, équitable et non discriminatoire à l’infrastructure ferroviaire.

Le fret était alors ouvert à la concurrence depuis 2006 en France. Il a été suivi, en 2010, par le transport international de voyageurs. Depuis décembre 2020, la concurrence est possible sur les liaisons commerciales domestiques, et depuis décembre 2019 sur les TER.

Bernard Roman Club
Le Club VRT, avec Bernard Roman, a eu lieu le 7 juillet dans nos salons, rue de Clichy dans le 9e arrondissement de Paris.

Pourtant, jusqu’à présent, nul n’a vraiment osé venir affronter la SNCF sur ses grandes lignes, regrette Bernard Roman, tout en reconnaissant que la crise sanitaire a retardé les projets des uns et des autres. Le président de l’ART évoque toutefois l’expérience de la compagnie italienne Thello qui a exploité des trains de voyageurs entre la France et l’Italie de 2011 à 2021, avant de suspendre son service. Mais qui prépare son retour sur le marché français.

Bernard Roman en est convaincu : la concurrence permet d’améliorer le service offert aux clients, comme cela a été le cas pour les télécommunications ou l’énergie. En 2018, le gendarme des transports a réalisé une enquête démontrant les bénéfices de la concurrence en Europe : la concurrence a permis une progression de l’offre et de la demande, liée à une diminution du coût du transport ferroviaire, observe cette étude.

« L’ouverture à la concurrence a boosté le transport ferroviaire dans tous les pays où elle a été réalisée », affirme Bernard Roman.

Guillaume Pepy, l’ancien président de la SNCF, le reconnaissait aussi. Il lui avait confié, raconte Bernard Roman, que l’ouverture à la concurrence est un bienfait, car elle oblige l’entreprise à se remettre en cause pour être plus performante et plus productive. « La SNCF qui réalise 50 % de son chiffre d’affaires à l’étranger, sait qu’on peut être plus productif ailleurs qu’en France. Tout simplement parce qu’un monopole ne pousse pas à se remettre en cause », souligne Bernard Roman.

Un marché français très convoité

Avec 28 000 km de voies, 49 000 km de lignes dont 70 % électrifiées, le réseau ferré français est le deuxième réseau en Europe après le réseau allemand, et le deuxième, après le réseau espagnol pour les lignes à grande vitesse.

Selon Bernard Roman, tous les grands opérateurs ont des vues sur ce marché attrayant. Toutefois, tempère-t-il, « acheter du matériel pour se lancer dans notre pays où, pour le moment, il n’existe pas de Rosco pour en louer, est un frein à l’entrée. Quand on investit des millions dans du matériel, il faut être sûr de son modèle économique ».

Selon le patron de l’Autorité, des concurrents pourraient arriver très vite en France sur des lignes comme Paris – Lyon ou Paris – Strasbourg. La Renfe, qui a déjà annoncé son intention de faire rouler des trains en France, a reporté son arrivée, en raison d’un problème de compatibilité du matériel pour la transmission d’information, explique-t-il.

« ACHETER DU MATÉRIEL POUR SE LANCER EN FRANCE, OÙ IL N’Y A PAS DE ROSCO POUR EN LOUER, EST UN FREIN À L’ENTRÉE DES GRANDS OPÉRATEURS FERROVIAIRE « 

En France, les systèmes de communication sont une barrière technique à l’entrée et l’agrément des matériels une procédure compliquée. La Renfe a décidé de commencer à s’attaquer à un autre marché en Europe, avant de s’intéresser au marché français. Ce pourrait être en 2023 ou en 2024.

En plus de nouveaux opérateurs, on devrait aussi voir apparaître de nouveaux services très innovants dans les trains.

Ainsi, dévoile Bernard Roman, un opérateur, dont il tait le nom, devrait proposer des trains offrant quatre classes : une classe « super luxe », une première, une seconde et une classe à bas coûts sur le modèle de Ouigo.

Du côté des TER, les grands opérateurs nationaux, Transdev, RATP Dev et autres Keolis, se montrent intéressés. Quelques Européens le sont aussi ou s’informent.

L’ART veille aussi à ce que les cars Macron ne menacent pas l’équilibre économique des TER financés par les régions. Le rôle de l’ART, explique Bernard Roman, est de s’assurer que les autorités organisatrices des mobilités (AOM) ont les informations pour élaborer des appels d’offres bien dimensionnés et attractifs, d’engager un processus d’amélioration continue des services conventionnés et de prévoir des conditions tarifaires d’accès adaptées à la phase de montée en puissance des nouveaux entrants.

Efficacité et économies

L’ancien député socialiste ne veut pas que l’ART soit considérée comme le « grand méchant loup des transports ». Il assure avoir essayé, depuis sa prise de fonction, d’insuffler le dialogue. « Pour ne plus être uniquement vus comme ceux qui sanctionnent, il faut discuter et être pragmatique. Savoir faire des compromis pour avancer et coconstruire. »

Lorsque l’Europe a ouvert les marchés, elle a introduit une notion de gestionnaire d’infrastructure efficace.

« On demande aux régulateurs de veiller à ce que les modes de production des réseaux soient efficaces avec des réductions de coûts. Cela a été le cas pour l’énergie et la communication, mais cela n’a pas été spécifié clairement pour le transport. Comme les directives sont le résultat d’un compromis entre chefs d’Etat européens, des concessions ont été faites sur cette notion d’efficacité. C’est pourquoi, depuis cinq ans, nous ne cessons de nous battre pour faire avancer cette idée au niveau européen, mais aussi français. »

Un exemple : la SNCF qui a 2000 postes d’aiguillages pourrait abaisser le nombre à 20. « On pourrait lui intimer l’ordre de réduire ces postes en quelques années parce que cela coûterait moins cher. Mais pour le moment cette notion d’efficacité n’existe pas », regrette le président de l’ART.

Extension du domaine de compétences

Au fil du temps, les missions de l’Autorité de régulation ont été élargies. Le 5 octobre 2015, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, plus connue sous le nom de loi Macron, a transformé l’Araf en Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) avec pour mission de réguler également le nouveau marché des transports réguliers interurbains en autocars, de suivre l’économie des concessions autoroutières et de contrôler les contrats de concession et les conditions de passation des marchés.

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Depuis 2016, l’Arafer corégule aussi les conditions d’accès au tunnel sous la Manche, avec son homologue britannique. La loi d’orientation des mobilités (LOM) lui a ensuite confié toute une panoplie de nouvelles missions : la régulation des activités de gestionnaire des infrastructures de la RATP sur le réseau historique, celle de la gestion du réseau du Grand Paris Express ainsi que des prestations de sûreté du groupe de protection et de sécurisation du réseau (GPSR). S’y ajoute le rôle de veiller au respect des règles de l’ouverture des données (open data), une mission délicate, tant du point de vue juridique, économique que technique, impliquant de savoir démêler stratégies de politique publique, d’opérateurs de transports et de géants du Net. Du coup, l’Arafer a été rebaptisée, en devenant l’Autorité de régulation des transports (ART).

Une restriction toutefois : Bernard Roman a indiqué qu’il ne souhaitait pas assurer la mission de contrôle sur le transfert de personnel des bus en cas de changement d’opérateur après mise en concurrence. « Nous n’avons aucune compétence sur le transport urbain. Nous disposons de cette compétence pour le ferroviaire, ce qui nous a déjà pris neuf mois d’instruction. C’est une charge considérable. C’est pourquoi nous ne souhaitions pas cette nouvelle mission. »

Malgré cet élargissement de ses compétences, la régulation du secteur ferroviaire mobilise toujours 50 % du travail et des décisions de l’ART.

Le président de l’ART se félicite de cette évolution législative donnant au régulateur le pouvoir de collecter des données et d’exiger de tous les opérateurs de transport la transmission d’informations. Ce qui lui permet de dresser un tableau de l’économie du transport autoroutier, ferroviaire ou par car. Toutefois, Bernard Roman ne comprend pas pourquoi le gouvernement a récemment refusé de lui permettre de collecter des données sur les aéroports accueillant plus de cinq millions de passagers annuels. Le gendarme des transports dispose déjà d’un droit de collecte ponctuelle pour l’instruction de la tarification des aéroports. Il réclame un droit de collecte régulière. Bernard Roman rappelle que la collecte régulière de données permet de publier des rapports « qui éclairent les pouvoirs publics ».

Arme nucléaire

L’Autorité rend des avis conformes, juridiquement contraignants pour les tarifs d’accès au réseau et les installations de service, ou encore la nomination des dirigeants de SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions.

Ses avis simples, juridiquement non contraignants, concernent les conditions d’accès technique au réseau et aux gares, contrat de performance Etat/SNCF Réseau.

 » C’EST UNE ARME NUCLÉAIRE, SUFFISAMMENT DISSUASIVE. LORSQU’ON MET UNE ENTREPRISE EN DEMEURE DE SE CONFORMER À UN TEXTE RÉGLEMENTAIRE LÉGISLATIF OU EUROPÉEN, ELLE SAIT LE RISQUE Q’UELLE ENCOURT « 

Pour régler les différends pouvant naître entre les acteurs du secteur ferroviaire, le régulateur dispose d’agents assermentés, qui ont le pouvoir d’enquêtes, de perquisitions, de contrôles et de saisies et ses décisions s’imposent. Mais il est possible de faire appel auprès de la Cour d’appel. En cas de manquement aux règles, l’ART peut déclencher une procédure de sanction, menée par une commission comprenant un juge de la Cour de cassation, un juge de la Cour des comptes et un juge du Conseil d’Etat, tous nommés par le gouvernement. Ils peuvent, en fonction de la nature et de la gravité du manquement, prononcer une interdiction temporaire d’accès à tout ou partie du réseau ferroviaire pour une durée n’excédant pas un an, mais aussi une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à 3 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, porté à 5 % en cas de récidive. « C’est une arme nucléaire, suffisamment dissuasive pour que je n’aie jamais eu à la saisir. Lorsqu’on met une entreprise en demeure de se conformer à un texte réglementaire législatif ou européen, elle sait le risque qu’elle encourt », constate Bernard Roman.

Totale indépendance

Les présidents de l’ART sont nommés par le Président, leur mandat de six ans est irrévocable. « Nous n’avons pas à recevoir d’ordre d’un ministre ou d’un président. » D’où la posture très claire de Bernard Roman : le mandat de président de l’ART ne doit pas être renouvelable. C’est une condition fondamentale pour pouvoir être totalement indépendant, explique-t-il. L’ancien élu quittera donc son poste en août 2022. « Accepter un renouvellement peut conduire à subir des pressions. L’indépendance est une force de l’ART et cela lui a permis d’imposer ses analyses et ses conclusions », justifie-t-il.

Pour maintenir cette indépendance, l’ART doit aussi en avoir les moyens. Jusqu’alors, ses moyens dépendaient de subventions et de taxes. Ils ont été transformés en dotations budgétaires. Il s’agit de couvrir principalement de la « matière grise », puisque 80 % des coûts de fonctionnement sont représentés par des salaires, l’ART ayant besoin d’un personnel très qualifié.

Avec l’extension de ses compétences, le gendarme des transports a doublé ses effectifs en cinq ans pour atteindre 101 salariés, « tous des experts, à part trois assistantes », précise Bernard Roman. Selon lui, les différents ministres du Budget ont toujours répondu à ses demandes de hausse de moyens humains. Mais la question des moyens financiers se pose désormais. « Depuis 2015, notre dotation n’a pas évolué. Elle est de 11 millions d’euros. » Cette stagnation s’explique par le fait que lors des premières années d’exercice, le régulateur dépensait moins que ce que les taxes lui rapportaient. « On nous a demandé de puiser dans notre cagnotte avant d’augmenter la dotation. Mais nous avons désormais besoin de 18 millions de budget pour fonctionner », assure Bernard Roman.

Plaidoyer pour une tarification à l’emport

« Nous avons en France les péages les plus élevés d’Europe au train/km, mais nous sommes dans la moyenne pour la taxe au passager/km », indique l’ancien élu. « Le nombre de passagers par train y est supérieur à la moyenne européenne. Les TGV ont des taux de remplissage de l’ordre de 62 %, mais la moyenne d’emport par train conventionné est de 25 %, y compris pour les Transilien. Si nous sommes le pays où les trains sont les plus remplis d’Europe, c’est parce que nous sommes aussi celui qui en a le moins qui circulent, avec 40 trains par jour au km de voie, soit quatre fois moins qu’aux Pays-Bas, deux fois moins qu’en Allemagne », poursuit-il.

Et il rappelle d’autres caractéristiques très parlantes : en France, 1 000 milliards de km sont effectués chaque année, dont 10 % réalisés en train et 80 % en voiture. La part du ferroviaire y est la meilleure d’Europe, mais elle stagne depuis des années, tandis qu’elle a progressé de 5 à 9 % ailleurs, rappelle Bernard Roman. Selon lui, l’enjeu de la mise en concurrence est donc de faire progresser la part du ferroviaire. Et pour cela, affirme-t-il, « il faut sortir de la politique malthusienne ».

 » SI NOUS SOMMES LE PAYS OÙ LES TRAINS SONT LES PLUS REMPLIS D’EUROPE, C’EST PARCE QUE NOUS SOMMES AUSSI CELUI QUI EN A LE MOINS QUI CIRCULENT, AVEC 40 TRAINS AU KM DE VOIE « 

Pour faciliter l’arrivée de nouveaux entrants dont le manque de notoriété peut être un handicap, l’ART souhaite mettre en place une tarification à l’emport, c’est-à-dire payée en fonction du remplissage. « C’est un signal économique. Cela permettrait à un nouvel entrant de prendre le risque d’investir en ayant la possibilité d’amortir son matériel, parce qu’il payera moins cher les péages quand ses trains seront peu remplis, au début. » SNCF Réseau y gagnera à terme, assure le président de l’ART qui en veut pour preuve ce qui s’est passé en Italie. « Quand la concurrence a été ouverte, les péages ont baissé de 30 % pour tous, et malgré cela, le gestionnaire du réseau a aujourd’hui, plus de ressources qu’avant parce qu’il y a davantage de trains et de demande. »

Eclairer le débat

Le président de l’ART s’interroge sur l’intérêt de poursuivre l’électrification des lignes en France, sachant qu’il existe des trains bimodes et que l’hydrogène va arriver. « Poursuivre l’électrification nécessite des travaux coûteux avec parfois des aberrations que nous avons dénoncées. » C’est le cas d’une région, qu’il ne nomme pas, mais qui a électrifié 25 km de lignes pour un montant de 30 millions d’euros pour seulement sept passagers par semaine.

S’agissant des gares et de leur fréquentation (la Cour des comptes a révélé que plusieurs centaines des 2 820 petites gares, accueillaient moins de cinq passagers par jour), Bernard Roman estime leur maintien, avec la présence d’un cheminot, relève de la démagogie. « Même si remettre un guichet pourrait permettre d’augmenter un peu le trafic, cela nécessiterait quatre équivalents temps plein, payés par de l’argent public. » Il rappelle qu’en moyenne seulement 25 % du coût des petites lignes est payé par l’usager.

« Dans notre pays, la poule aux œufs d’or pour la SNCF, ce sont les TGV qui ont un remplissage de 60 % et des prix des billets assez élevés. Sur le TER et les Transilien, les usagers ne payent que 25 % du prix du billet. Et les régions payent le reste, soit quatre milliards d’euros par an. » Il ajoute que les abonnés du TER, ne payent que 6 % du coût du transport. Un record en Europe ! Il souligne qu’il n’y a pas de réseau ferroviaire en Europe qui ne soit pas financé par des fonds publics.

Le Japon a fait un choix différent. Les entreprises ferroviaires sont propriétaires du réseau et gagnent beaucoup d’argent, mais les billets y sont quatre fois plus chers qu’en France.

Interrogé sur ce qu’il convient de faire des petites lignes, le président de l’ART botte en touche. « Ce sont des décisions politiques. » Tout est envisageable. Travailler à les améliorer, s’il y a un potentiel, ou s’orienter vers du matériel plus léger, de type tram-train, ou en faire des voies routières, par navettes électriques ou autobus…

Bernard Roman se souvient que, lorsqu’il était vice-président de la communauté urbaine de Lille, Pierre Mauroy avait remplacé certaines lignes rurales peu fréquentées, par des taxis. Ce qui avait permis à la région de réaliser de substantielles économies, tout en rendant un service apprécié des usagers. « Pour certaines petites lignes de train, cela coûterait moins cher de faire de même », plaide-t-il, avant de répéter : « ce n’est pas à l’ART de choisir, ce sont les prérogatives des régions. »

L’ART est là pour s’assurer qu’on leur fournit des informations pour décider de manière éclairée. « Cela permet de constater des choses étonnantes, comme le fait qu’il y a dans certaines régions, deux fois plus de personnel pour faire rouler deux fois moins de trains. Pourquoi ? Cela n’est pas à nous d’y répondre, mais c’est à nous de le dire. Cela peut parfois s’expliquer, mais il faut avoir les données pour le comprendre. »

Souvent accusé d’être sévère avec le ferroviaire et inquiet pour l’avenir de SNCF Réseau, Bernard Roman corrige : « Je ne suis pas sévère et je crois au train. La SNCF est une belle maison qui a inventé le train le plus moderne du monde, et qui est citée en exemple dans de nombreux pays. Mais il y a des lacunes et une culture du monopole qui concerne bien d’autres secteurs. J’essaye d’être lucide sur les défis à relever afin que le ferroviaire ait sa juste place dans notre pays. Je suis quelquefois plus sévère avec le gouvernement ou avec d’autres décideurs, qu’avec la SNCF, même si je pense qu’il faut qu’on l’accompagne ainsi que SNCF Réseau pour être le plus performant possible. Mon objectif n’est pas de dire à Réseau qu’il lui faut moins de ressources, mais de lui faire comprendre qu’avec des péages moins chers, il pourrait y avoir plus de ressources. »

Son objectif, conclut-il, c’est qu’il y ait « plus de trains et une meilleure qualité de service pour donner envie de prendre le train », et une hausse du fret ferroviaire, qui devrait passer de 10 à 17 % de part modale. « Je porte une ambition pour le ferroviaire. Le fait que l’Etat ait annoncé il y a quatre ans qu’il allait reprendre la dette de la SNCF à hauteur de 35 milliards pour offrir une perspective de rééquilibrage du budget réseau et un cash-flow négatif en 2024, rend les choses possibles. Ce gouvernement est au diapason de l’ambition pour le ferroviaire. Malgré la crise passée, il a lancé un plan de relance en réaffectant plus de quatre milliards à Réseau. Bien sûr, on pourrait faire plus, mais 35 milliards de reprises de dette, dont 25 déjà effectivement repris, ce n’est pas rien. J’ai appartenu à des majorités qui estimaient qu’il valait mieux que ce soit Réseau qui paye les intérêts de la dette. Le gouvernement actuel est à l’écoute des besoins du ferroviaire. Le seul bémol que je mettrais à ce satisfecit, c’est que si ce gouvernement était cohérent sur la nécessité d’alimenter en permanence le débat public sur la collecte de données, ce serait beaucoup mieux. »

Valérie Chrzavez

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Les cars Macron se sont imposés

La libéralisation des transports routiers de voyageurs par car a été un succès aux yeux de Bernard Roman. Ainsi, en 2019, avant la crise Covid, les cars Macron transportaient 10 millions de passagers, assuraient 2 381 liaisons, permettaient de relier 320 villes difficiles à rejoindre en train et avaient créé près de 3 000 emplois. « L’Autorité a pour mission de réguler ces cars, de veiller au respect de conditions d’accès transparentes, objectives et équitables aux gares routières et de prendre garde à ce que les lignes ne soient pas en concurrence avec des lignes financées par les collectivités », précise Bernard Roman.


Mise au point

Bernard Roman profite de son passage au club VRT pour corriger une déclaration du président de la SNCF. Jean-Pierre Farandou, qui a récemment affirmé à la presse que « l’ART a déjà enlevé à la SNCF des créneaux horaires sur Paris – Lyon », raconte le régulateur. « Ce n’est absolument pas comme cela que cela va se passer. Il appartient à SNCF Réseau d’attribuer des créneaux horaires aux candidats. Il est probable que tous voudront des créneaux aux heures de pointe, pour pouvoir remplir leurs trains. Ce sera à Réseau de les attribuer. Si les entreprises jugent que la procédure n’a pas été transparente ou équitable, les entreprises pourront saisir l’ART. Ce n’est pas l’ART qui enlève ou attribue des réseaux. Nous n’intervenons que s’il y a des différends. »

Ewa

« Nous devons relever le défi de la crise financière et de la transition énergétique »

Jeans Sebastien Barrault Club VRT

Les autocaristes sont confrontés à de multiples défis. Ils ont été très impactés par la crise sanitaire, dont les effets continuent de peser sur leurs activités. Dans le même temps, ils doivent se préparer à n’utiliser que des véhicules « propres » alors que l’industrie n’a pas grand-chose à leur proposer, a expliqué Jean-Sébastien Barrault, le président de la FNTV, lors de son intervention au Club VRT le 10 juin. L’occasion de faire le point sur un secteur très exposé à un moment-clé pour son avenir.

La crise sanitaire a été extrêmement violente pour le secteur du transport de voyageurs, qui l’a subie bien avant le premier confinement. Dès février 2020, de nombreux voyages étaient annulés par précaution. En mars, la chute d’activité du transport non conventionné était de 88 %.

Le transport conventionné a été aussi fortement touché. « Le transport scolaire a été totalement mis à l’arrêt au début du premier confinement et l’interurbain a dû revoir ses offres, ce qui a impacté les comptes de résultats », explique Jean-Sébastien Barrault, le président de la Fédération nationale des transports de voyageurs.

jsb e1542986183531Pour aider les entreprises à s’y retrouver dans le maquis des aides mises en place par le gouvernement, la FNTV a mis sur pied une cellule de crise. Elle a organisé des discussions avec les pouvoirs publics pour obtenir des indemnisations en faveur des transports scolaires. Côté régional, Jean-Sébastien Barrault pointe les difficultés auxquelles il a fallu faire face pour obtenir la prise en charge du coût des mesures sanitaires mises en place pour protéger les voyageurs.

Au niveau national, la FNTV a joué son rôle de lobbying pour obtenir des aides gouvernementales. Selon son président, qui est aussi président du groupe de transport Bardhum, dès le début de la crise, le ministère des Transports et Bercy ont été à l’écoute de la profession et de ses difficultés. Si la Fédération n’a pas obtenu tout ce qu’elle demandait, elle se félicite d’avoir réussi à faire intégrer le secteur dans la liste S1 des entreprises les plus impactées par la crise, au même titre que les cafés et les restaurants. Ce qui lui a permis de bénéficier de mesures de soutien renforcées en matière d’activité partielle, de fonds de solidarité, de décalage de remboursement des emprunts et crédits baux et d’exonération de charges.

Aujourd’hui les discussions se poursuivent. Car si de nombreux autres secteurs ont pu reprendre leurs activités, c’est encore loin d’être le cas pour les autocaristes. « Les carnets de commandes ne sont pas revenus au niveau d’avant la crise et il faudra du temps pour faire revenir les clients ». C’est pourquoi la profession va avoir besoin d’un accompagnement économique à plus long terme.

Les autocaristes, ayant des charges fixes importantes liées au remboursement de leurs matériels, ont bénéficié de la suspension de leurs échéances durant un an. Mais depuis mars 2021, on leur demande d’en reprendre le paiement, alors que leur activité n’a pas encore repris. Ce qui les met dans une situation insurmontable.

Pour leur éviter de sombrer, la Fédération a plaidé leur cause auprès du ministre de l’Economie et obtenu de Bercy un dispositif de concertation et de conciliation pour étaler ou annuler partiellement des dettes de ces entreprises, au cas par cas. Il s’agit de proposer une solution sur-mesure à toutes celles qui se retrouvent face à un « mur de la dette », selon l’expression employée par Jean-Sébastien Barrault, faute d’avoir retrouvé l’activité nécessaire.

La Fédération négocie avec le gouvernement un dispositif d’accompagnement des TPE, jusque-là exclues du dispositif d’aide des coûts fixes. Comme elle le fait aussi pour trouver une solution aux difficultés des sociétés les plus importantes, pénalisées par le plafonnement total du montant des aides à 1,8 million d’euros par entreprise.

Interminable crise

Jusqu’ici les entreprises du secteur ont su faire preuve de résilience. Grâce aux mesures de sauvegarde prises par l’Etat, il n’y a pas eu de dépôts de bilan en cascade. Mais les inquiétudes restent fortes, les deux tiers des adhérents de la FNTV ne prévoyant pas de retour à une situation au niveau d’avant crise avant 2022.

« Les carnets de commandes de la profession ne sont pleins qu’à hauteur de 25 % de ce qu’ils étaient en 2019. On sent un frémissement et les activités reprennent, mais avec des disparités selon les secteurs. Tout l’enjeu est de faire revenir les clients dans les autocars », poursuit le président de la FNTV.

C’est pourquoi l’un des grands objectifs de la profession consiste à rassurer les voyageurs en mettant en avant les mesures sanitaires prises. La Fédération va ainsi lancer une grande campagne de communication dans les médias et les réseaux sociaux, pour mieux faire connaître le secteur et relancer l’activité.

La FNTV a aussi choisi un thème très fédérateur, pour son prochain congrès qui se tiendra en octobre : « Ré-enchanter l’expérience voyageur ». Tout un programme !

Autre axe de travail, la FNTV planche avec le ministère de l’Education Nationale pour faciliter la reprise de l’activité des transports scolaires. Il s’agit notamment de faciliter les procédures très contraignantes quand un enseignant souhaite organiser un voyage scolaire. « Nous souhaitons que les inspections d’académie labellisent des produits, afin que les enseignants aient la possibilité de lancer des voyages scolaires dès la rentrée, en raccourcissant les délais », précise Jean-Sébastien Barrault.

Quasi-absence de cars propres sur le marché

Sur les 69 000 autocars immatriculés en France, seuls 250 circulent au GNV et 70 à l’électrique. 99 % du parc roule au diesel et 38 % des autocars en circulation ne sont pas aux normes Euro 5 ou 6. « En matière de transition écologique, tout reste à faire », reconnaît Jean-Sébastien Barrault qui assure que ce n’est pas faute, pour la profession, d’avoir conscience de la nécessité de s’inscrire dans cette transition écologique. « Je ne connais pas d’opérateur qui la refuse, dès lors qu’il a le matériel et qu’il est accompagné par l’autorité organisatrice. Par conviction personnelle, ou sous la pression des pouvoirs publics et de l’opinion, les chefs d’entreprise souhaiteraient pouvoir agir, mais ils se trouvent limités par une quasi-absence d’offre industrielle. »

En effet, sur la cinquantaine de modèles de cars proposés par les constructeurs, seuls quatre sont au gaz et l’offre électrique se limite à deux véhicules de marque chinoise. « Il faudrait imposer la production d’autocars propres », estime le responsable de la FNTV qui regrette l’absence de contraintes sur les constructeurs, y compris au niveau européen. « En matière de transition énergétique, l’offre est nulle pour le transport touristique et quasi nulle pour le transport scolaire. Les rares offres disponibles ne concernent que l’interurbain et nous avons le sentiment d’être coincés entre le marteau et l’enclume, entre la pression pour verdir notre flotte et l’absence d’offre industrielle. »

De plus, ces véhicules sont plus chers à l’achat et leur réseau d’avitaillement (les stations d’approvisionnement en gaz ou en électricité) est très peu développé. Pour prendre en compte le surcoût, le gouvernement a reconduit son système de sur-amortissement (40 % de déduction fiscale) sur l’achat de matériel neuf au gaz jusqu’au 31 décembre 2024.

 » LES CARNETS DE COMMANDES NE SONT PAS REVENUS AU NIVEAU D’AVANT LA CRISE ET IL FAUDRA DU TEMPS POUR FAIRE REVENIR LES CLIENTS. « 

Et dans le cadre du plan de relance de l’économie, il a annoncé la mise en place d’un bonus pour l’achat de véhicules lourds fonctionnant à l’électricité ou à l’hydrogène. « Il s’agit d’une prime de 30 000 euros pour l’achat d’autocars électriques et hydrogènes, des véhicules rares ou qui n’existent pas », ironise Jean-Sébastien Barrault. Un montant d’autant plus étonnant que les transporteurs routiers qui achèteront des camions au gaz bénéficieront, eux, d’une prime de 50 000 euros, alors que ces véhicules coûtent deux fois moins que des cars propres. Le président de la FNTV plaide donc pour un renforcement des aides à la conversion des véhicules. Selon lui, les autorités organisatrices des mobilités ont aussi une part de responsabilité : la durée des marchés est trop courte pour laisser le temps aux entreprises d’amortir des véhicules plus chers à l’achat. De plus, ajoute-t-il, si les appels d’offres demandent de plus en plus souvent de chiffrer une option portant sur l’utilisation de véhicules « propres », force est de constater que cette option n’est quasiment jamais retenue.

Carburants alternatifs et rétrofit

Pour pouvoir s’engager efficacement et rapidement dans la transition énergétique, la FNTV souhaiterait que deux pistes soient étudiées. La première passe par une meilleure reconnaissance des carburants alternatifs. « Utiliser du carburant B100, par exemple, pourrait permettre d’accélérer la transition énergétique en France, mais les textes ne le prévoient pas. Ils s’attachent uniquement à la motorisation », regrette le président de la Fédération qui suggère aussi de travailler la piste du rétrofit des matériels. « Les conversions des véhicules diesel au gaz ou à l’électrique restent encore artisanales en France, alors que d’autres pays sont plus avancés sur ce sujet. » Il précise que cela n’aurait de sens que si on augmentait la durée de vie des autocars, dont la moyenne est aujourd’hui de 14 ans. La FNTV planche sur cette question avec le ministre des Transports, Jean Baptiste Djebarri, qui a mis en place une task force de la transition énergétique, réunissant les transporteurs, les constructeurs de véhicules et les énergéticiens afin d’établir une convention entre l’ensemble de ces acteurs et l’Etat. Trois groupes de travail ont été constitués : usages et mix énergétique ; offre des constructeurs et avitaillement et aspects économiques et TCO (total cost of ownership).

Calendrier à revoir

Dans la mesure où les autocaristes ne sont pas concernés par la réduction de la ristourne de la TICPE ou par l’écotaxe, la FNTV se dit favorable au projet de loi Climat et Résilience et pas opposé à l’amendement qui vise à interdire la vente des autocars thermiques en 2040. « C’est une interdiction de vente, pas d’usage et c’est un bon moyen de mettre la pression sur les industriels », explique Jean-Sébastien Barrault. Face à l’extension des Zones à Faibles Emissions (ZFE) dans les grandes métropoles, qui conduisent à y interdire les autocars thermiques, la FNTV espère que les négociations menées dans le cadre de la convention sur la transition énergétique, lui permettront de se mettre d’accord avec l’Etat sur un calendrier réaliste. La Fédération a déjà fait savoir à la mairie de Paris que la profession ne serait pas prête pour l’échéance de 2024. « Pour lutter contre la pollution routière, nous comprenons que l’on ne puisse pas attendre 14 ans, le temps nécessaire pour renouveler l’intégralité de notre parc. Mais nous voudrions un calendrier raisonnable pour sortir du diesel, qui prenne en compte les disponibilités des constructeurs. »

Multiplication des achats et des fusions

Les lois Notre et LOM ont étendu le champ de compétences des régions, faisant craindre un éloignement du centre de décisions. D’où aussi une tendance au lancement d’appels d’offres sur des lots de taille plus importante. « Les cahiers des charges ont tendance à devenir plus complexes », indique le président de la FNTV. Un mouvement de concentration dans le secteur a déjà commencé pour constituer des groupes plus importants et donc censés être plus puissants pour répondre aux appels d’offres. En dix ans le nombre d’entreprises du transport routier de voyageurs est ainsi passé de 3000 à 2000, alors que dans le même temps le trafic augmentait.

 » NOUS AVONS LE SENTIMENT D’ÊTRE COINCÉS ENTRE LE MARTEAU ET L’ENCLUME, ENTRE LA PRESSION POUR VERDIR NOTRE FLOTTE ET L’ABSENCE D’OFFRE INDUSTRIELLE. « 

Certes, les créations de TPE se poursuivent, mais les fusions et rachats se multiplient. Les PME représentent encore 55 % des cartes grises, mais une tendance se dessine avec des entreprises plus importantes et présentes sur plusieurs territoires. Le président de la FNTV constate aussi que les autorités organisatrices sont tentées d’acheter elles-mêmes le matériel, comme cherche à le faire actuellement Ile-de-France Mobilités. « Les chefs d’entreprise n’y sont pas favorables, car ils redoutent qu’en étant dépossédés de leur matériel, leur rôle se limite à gérer les problèmes de personnel », prévient-il. Il estime que d’ici une dizaine d’années, le transport interurbain devrait connaître la même organisation que le transport urbain, avec des collectivités devenues propriétaires du matériel et demandant de plus en plus de services.

L’ouverture à la concurrence en Ile-de-France n’inquiète pas la FNTV puisque ses membres y sont déjà confrontés ailleurs. « Aujourd’hui, le mouvement est lancé. Ce n’est plus un sujet », résume son président. Mais, ajoute-t-il, « la FNTV a joué son rôle pour que les appels d’offres se passent bien ».

L’organisation professionnelle a ainsi conclu un accord avec les partenaires sociaux sur le transfert automatique du personnel attaché à un lot, lorsque celui-ci est perdu par une entreprise. Cette possibilité n’était pas prévue par le Code du travail qui n’envisageait que le transfert automatique d’une entité économique et sociale, c’est-à-dire au niveau d’une entreprise. Or, l’ouverture à la concurrence du transport interurbain en Ile-de-France a pour particularité de porter sur des lots qui ne concernent qu’une partie de l’activité de l’entreprise. Il fallait donc régler ce problème.

Le sujet social est d’ailleurs au cœur des actions de la FNTV, qui se préoccupe de longue date des difficultés de recrutements du secteur. Or, ses besoins sont croissants en raison d’une pyramide des âges vieillissante. La profession doit travailler sur son manque d’attractivité du fait des niveaux de rémunération pratiqués et parce que 40 % des postes proposés sont à temps partiel. Pour les rendre plus attractifs, la FNTV et le ministère du Travail ont travaillé à la mise place d’un pacte gagnant-gagnant. La Fédération discute du sujet avec les partenaires sociaux pour voir comment jouer sur la complémentarité avec d’autres secteurs d’activité.

S’agissant des revalorisations salariales, le gouvernement a demandé au CNR de créer un indice qui servira de références auprès des autorités organisatrices de la mobilité. « Nos entreprises qui ont de nombreux contrats pluriannuels, doivent pouvoir répercuter l’évolution de leurs coûts de revient de façon objective et fiable. Cet indice a vocation à être utilisé dans les clauses de revalorisation des marchés », explique Jean-Sébastien Barrault.

Pour faciliter les recrutements des jeunes, le gouvernement a aussi accepté de baisser l’âge minimal pour l’obtention du permis D à 18 ans. « Le permis à 21 ans était un obstacle. Nous ne recrutions que des gens pour qui c’était un 2e emploi, ou une reconversion ». Une réforme bienvenue et saluée par le secteur qui pourra ainsi attirer plus facilement de nouveaux profils de candidats aux postes de conducteurs.

Valérie Chrzavzez


Une fédération au service des autocaristes et de leur écosystème

Jean-Sébastien Barrault, président du groupe Bardhum est, depuis 2017, président de la Fédération Nationale des Transports de Voyageurs (FNTV). Créée en 1992, après une scission avec la FNTR, la FNTV regroupe 1 500 autocaristes, dont une majorité de TPE. Parmi les nouveautés, depuis trois ans, FNTV Nouvelles Mobilités, a été créée pour représenter les nouvelles activités, des sociétés de covoiturage aux plateformes de mobilités.

La FNTV a pour mission d’aider ses adhérents en les informant, de promouvoir les entreprises du transport routier de voyageurs en menant des opérations de lobbying auprès des pouvoirs publics, de négocier avec les partenaires sociaux l’évolution de la convention collective et d’assurer la promotion des métiers du secteur.


Cars Macron : des pistes pour un nouveau modèle économique

Le 7 août 2015, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, autorisait l’ouverture à la concurrence du transport par autocar. Dès 2016, leur taux de remplissage atteignait 38 %. Ces cars ont permis de créer près de 3 000 emplois, permettant de démocratiser les transports, 60 % de leurs utilisateurs rapportent qu’ils n’auraient pas voyagé sans cette solution, affirme la FNTV. Depuis leur création, les cars Macron ont transporté plus de 40 millions de voyageurs, avec une tendance à la hausse jusqu’en 2020.

Mais la crise sanitaire a fait retomber leur niveau d’activité au niveau de 2016.

Reste qu’ils n’ont jamais été rentables. Leur pérennité dépendra de leur capacité à le devenir, souligne Jean-Sébastien Barrault, pour qui les marges de manœuvre sont limitées. Augmenter leurs prix, leur ferait perdre des voyageurs, c’est pourquoi la FNTV estime que la seule piste envisageable serait de faire baisser leurs charges, en diminuant les droits de toucher et de péage. Deux postes qui représentent 25 % de leurs coûts de revient.

Ewa

Les projets de David Belliard pour « apaiser » Paris

Vlub David Belliard

Invité le 11 mai au Club VRT, David Belliard défend une vision apaisée de la ville. Son programme ? Avant tout, réduire encore plus la place de la voiture au profit des piétons, des cyclistes et des utilisateurs des transports publics. L’adjoint EELV à la maire de Paris, détaille les grands axes
de son action et ses ambitions – elles sont nombreuses !

Comme dans beaucoup de villes, la crise sanitaire a eu un effet majeur à Paris : l’envolée du vélo. Cela tombe bien, c’est une des priorités affichées par David Belliard. « L’épisode sanitaire a cristallisé des tendances déjà observées depuis des années en boostant l’usage du vélo. Nous avons enregistré une augmentation de plus de 70 % de l’utilisation des pistes cyclables », commente l’ex-candidat EELV à la mairie de Paris, devenu l’adjoint aux Transports dans l’équipe d’Anne Hidalgo.

En revanche, la pandémie a suscité une désaffection pour les transports en commun. Le bus, et plus encore le métro, ont perdu 50 % de fréquentation et peinent à retrouver des voyageurs. La question est de savoir si la situation va perdurer, car elle remet en cause leurs modèles économiques. Ile-de-France-Mobilités (IDFM) a affiché plus de 2,2 milliards d’euros de pertes en 2020 et s’attendait à une perte d’un milliard cette année.

Pour réussir le premier déconfinement, Paris s’est lancé dans la réalisation de pistes cyclables provisoires, des réalisations qualifiées « d’urbanisme tactique » par David Belliard. « Nous avons mené des expérimentations en mettant en place des coronapistes avec succès. Mais nous avons aussi commis des erreurs que nous avons corrigées. Nous avons démontré que nous savions faire preuve de pragmatisme », souligne l’élu.

Pérennisation des 60 km de coronapistes

Les 60 km de coronapistes à Paris seront toutes pérennisées d’ici à 2024, annonce l’adjoint d’Anne Hidalgo. « Et j’espère bien que nous en aurons alors construit d’autres », ajoute-t-il.

Le coût de pérennisation de ces pistes est estimé à quelque 70 millions d’euros. « Petit à petit, les lignes jaunes tracées dans l’urgence vont disparaître. Nous allons mettre en place un urbanisme tactique plus qualitatif qui s’intégrera mieux à l’esthétique parisienne. Nous le ferons dans le cadre de la concertation car ces réaménagements réinterrogent l’espace public », souligne l’élu EELV.

La première piste cyclable concernée compte 1,6 km sur l’avenue de la République, entre Parmentier et Père-Lachaise avec une réorganisation de l’espace de livraison. Les travaux commenceront cet été. « Nous allons rendre public le planning des réalisations », précise David Belliard.

S’il entend beaucoup les opposants aux pistes cyclables, il précise que 86 % des cyclistes se disent, eux, satisfaits. C’est pourquoi la mairie va continuer à les développer en les sécurisant. « Si nous souhaitons que davantage de déplacements se fassent à vélo, nous devons avoir un objectif avant tout qualitatif. Nous voulons qu’en 2026, un enfant puisse circuler à bicyclette sans que ses parents aient peur. »

Autre axe de développement pour le vélo : le stationnement. « Nous avons créé une vélo-station à la gare Montparnasse, une autre est prévue gare de Lyon. Nous allons continuer à créer des stations sécurisées, de manière massive, sur l‘ensemble des gares. Pour les nouvelles gares d’Ile-de-France, nous prévoyons 100 000 places de stationnement, parce que si nous voulons augmenter l’usage du vélo, il faut des infrastructures à la hauteur de nos ambitions. » La ville travaille avec la région pour proposer une offre de stationnement à proximité des nœuds multimodaux. La mairie a prévu d’installer des arceaux, pour attacher les bicyclettes, et aide les copropriétés à financer des dispositifs pour attacher les vélos. Elle incite aussi les entreprises à développer des stationnements vélo sécurisés.

 » NOUS ALLONS CONTINUER À CRÉER DES VÉLOS-STATIONS SÉCURISÉES, DE MANIÈRE MASSIVE, SUR L’ENSEMBLE DES GARES « 

Moins de place pour la voiture

L’ambition de David Belliard est claire : diminuer la place de l’automobile pour transformer la capitale. Un engagement justifié par l’urgence écologique. « L’accélération du dérèglement climatique va multiplier les épisodes de canicule et impacter les habitants des villes très minéralisées. » Et de rappeler que, lors du dernier pic de chaleur, les températures enregistrées au petit matin dans Paris étaient de sept degrés supérieures à celles mesurées 35 km plus loin, dans des zones moins urbanisées, parce que le béton amplifie les îlots de chaleur et qu’en l’absence de végétation, il n’y a pas de rafraîchissement durant la nuit.

Réduire la place de la voiture est aussi un enjeu de santé publique. A Paris, la moitié de la pollution aux microparticules ou au dioxyde d’azote est liée à l’automobile. Ces émissions causent 2 000 décès prématurés par an, sans parler des maladies respiratoires ou cardiovasculaires qu’elles engendrent. C’est pourquoi Paris s’est engagé dans un plan de décarbonisation, avec la sortie du diesel en 2024 et la sortie du thermique en 2030.

Il faut aussi évoquer les nuisances sonores, souvent oubliées, générées par la circulation routière. « Pour ceux qui habitent à proximité du périphérique ou de grands axes routiers, Bruitparif estime que c’est trois ans d’espérance de vie sacrifiés », rappelle David Belliard.

Libération des places de stationnement

D’où de nouvelles aspirations formulées par des citadins en quête d’un environnement plus sain. « Des citadins quittent les centres urbains, pour aller vers des espaces plus apaisés, plus calmes, plus verts, où l’on vit mieux. Les classes moyennes, quittent la capitale pour aller vers des espaces moins urbanisés et moins cher, car Paris est devenu hors de prix. » Ces phénomènes ont été amplifiés par la crise sanitaire et le télétravail.  « L’avenir nous dira si c’est un phénomène conjoncturel, qui va s’amplifier, ou structurel, lié à la crise. Mais les temps ont changé. Les Français, et plus particulièrement les Parisiens, ont envie de davantage d’humanité, d’où la nécessité de transformer la ville », poursuit-il. Ce qui nécessite du foncier. Pour en récupérer dans une ville où les parcelles publiques sont rares, la municipalité veut supprimer la moitié des 130 000 places de stationnement de la ville pour les réaffecter à d’autres usages. « L’objectif est de libérer plus de 60 hectares, l’équivalent de près de trois fois la surface des Buttes-Chaumont. »

La disparition de la moitié des places de stationnement va-t-elle priver la ville de recettes ? « Il y a toujours une ambiguïté. Si on augmente le prix du stationnement on nous accuse de prendre les automobilistes pour des vaches à lait. Et quand on diminue les places de parking, on nous reproche d’être de mauvais gestionnaires », s’amuse David Belliard qui précise que la reconquête de l’espace public a été amorcée dès la fin des années 90, sous la mandature de Jean Tiberi. Il ajoute que les propriétaires d’automobiles disposent de 130 000 places de stationnement en surface mais de cinq fois plus en sous-sol. « Le parking résidentiel des 30 % de Parisiens qui ont une voiture, qu’ils n’utilisent qu’une ou deux fois par mois, a toute sa place en sous-sol, sans dégradation du quotidien de leur propriétaire », assure l’élu qui prévoit de réserver en priorité les places en surface pour les personnes à mobilité réduite et les livraisons.

Sur l’espace public libéré (10 m2 environ, la taille moyenne d’une place de stationnement), la mairie pourra agrandir les trottoirs et faciliter la vie des piétons, végétaliser, et réaliser des pistes cyclables. Le modèle de David Belliard, ce sont des villes comme Amsterdam ou Copenhague qui ont mis en place des politiques très volontaristes pour favoriser le développement de la petite reine.

Les Parisiens ont aussi leur mot à dire : ils ont été invités à s’exprimer lors d’états généraux du stationnement organisés au printemps. « Il y a une multiplicité de choses envisageables, comme les terrasses éphémères qui s’y trouvent actuellement, mais aussi l’ajout de bancs, de toilettes publiques, de jeux pour les enfants… nous faisons confiance à leur créativité », commente l’élu.

David Belliard n’est pas anti-voiture, se défend-il. Même si l’automobiliste modèle n’est pas représentatif de la population parisienne : « A Paris, les voitures sont essentiellement utilisées par des hommes plutôt aisés. Et ces véhicules n’assurent que 10 à 13 % des déplacements… », note-t-il.

L’objectif est avant tout de se « battre contre le trafic de transit et l’autosolisme ». D’où l’intention affichée de favoriser les taxis, l’autopartage et d’accompagner la transition de la motorisation pour aller vers des énergies plus vertes, électrique ou au gaz.

Consensus pour transformer le périphérique parisien

Répondant à ceux qui l’accusent de vouloir faire de Paris une forteresse excluant les banlieusards obligés de prendre leur voiture faute de transports publics suffisamment attractifs, l’élu écologiste rappelle d’abord que, contrairement aux idées reçues, la capitale n’est pas une citadelle réservée aux riches. « Il y a beaucoup de personnes en vulnérabilité économique. Dans le 19e arrondissement le taux de pauvreté est de 20 % et il est de 16 % dans le 11e. Il y a dans cette ville, une cohabitation de gens extrêmement riches et d’autres extrêmement pauvres. »

Pour faciliter les liaisons entre Paris et la banlieue, David Belliard travaille à la mise en place de lignes de Vélopolitain, comme celle déjà inaugurée entre Vincennes et La Défense, qui permettront de réaliser à bicyclette les trajets entre la banlieue et Paris. « Avec la région et l’Etat, nous voulons créer des pistes cyclables parallèles aux RER, sur lesquelles il sera possible de circuler dans des conditions optimales de sécurité. »

Autre projet important : la transformation du périphérique pour que ce boulevard ne soit plus une frontière entre la capitale et la banlieue. Cet objectif ferait l’objet d’un large consensus, toutes tendances politiques confondues, affirme-t-il, même si les sensibilités ne sont pas forcément les mêmes. Du côté de l’Hôtel de Ville, l’idée est d’abaisser la vitesse autorisée à 50 km/h et de réserver une voie à l’autopartage.

 » LA TRANSFORMATION DU PÉRIPHÉRIQUE FAIT L’OBJET D’UN LARGE CONSENSUS, TOUTES TENDANCES POLITIQUES CONFONDUES « 

A un participant qui lui faisait remarquer que beaucoup d’automobilistes ont lâché leur voiture pour se tourner vers un deux-roues motorisé, engendrant des problèmes de sécurité et de pollution, David Belliard répond qu’il n’a pas quantifié ce phénomène, mais qu’il prévoit de faire rentrer les deux-roues motorisés dans le droit commun. « Actuellement ces véhicules bénéficient d’une politique d’exception, parce qu’ils n’ont besoin que d’un tiers de l’espace d’une voiture. Mais dans une ville où le foncier est précieux, cette politique d’exemption doit prendre fin. » La mairie veut donc leur imposer le respect des espaces de stationnement et les pousser à changer de motorisation, en les aidant à aller vers l’électrique. L’élu a aussi prévu de faire payer le stationnement aux deux-roues motorisés. Il devrait présenter son projet au Conseil de Paris en juillet et s’attend à ce que cela fasse débat. Mais il rappelle que des villes comme Charenton ou Vincennes, l’ont déjà fait. « La mairie de Charenton a proposé un tarif résidentiel de sept euros mensuels, qui a eu pour effet d’inciter de nombreux propriétaires à trouver des solutions pour garer leurs scooters ailleurs que dans la rue. » L’adjoint au maire espère que cela les poussera à basculer vers le vélo électrique.

L’organisation des livraisons fait aussi partie des priorités municipales. L’adjoint au maire pointe l’explosion de l’e-commerce, qui nécessite d’incessantes livraisons de colis avec son lot de nuisances. David Belliard planche sur de nouveaux schémas logistiques. Il souhaite s’affranchir d’un système basé sur un grand entrepôt livrant les centres-villes avec des camions. « On veut utiliser des modes de livraison plus propres, la cyclo-logistique pour le dernier kilomètre, travailler à la reconquête du fluvial pour acheminer des marchandises via les ports… »

Une réflexion est lancée sur la localisation de points de stockage en centre-ville, où les consommateurs pourraient venir chercher leurs commandes à pied ou à vélo. « On peut imaginer des micros hubs, livrés de 18 heures à 20 heures, où les gens viendraient chercher leur colis sur des places dédiées. Dans le 4e arrondissement, on teste de la livraison intelligente avec un système permettant d’indiquer aux livreurs que des places sont disponibles et quand elles ne sont pas utilisées à bon escient. Nous cherchons à nous adapter aux nouveaux usages. Nous envisageons aussi de mettre en place des points de stationnement pour les vélos cargos. Il y a 9 600 places de livraison à Paris. » Reste à en faire bon usage.

Valérie Chrzavzez


Une zone à trafic limitée dans le centre

Le lendemain de son intervention devant le Club VRT, David Belliard a lancé le 12 mai une concertation sur la « zone apaisée de Paris Centre et Saint-Germain ». Cette zone concernera les quatre premiers arrondissements de Paris et la partie de la rive gauche située au nord du boulevard Saint-Germain, dans les 5e, 6e et 7e arrondissements. Cette « zone à trafic limité » (ZTL) a « pour ambition de réduire drastiquement le trafic de transit pour faire la part belle aux piétons, aux vélos et aux transports en commun », a expliqué l’adjoint de la maire également chargé de la Transformation de l’espace public. Ce dispositif est déjà en vigueur dans plusieurs villes de France (Nantes depuis 2012, Grenoble depuis 2017) ou d’Europe, notamment à Milan depuis longtemps. Il permettra de « protéger la santé des parisiens en diminuant la pollution atmosphérique, de réduire l’ambiance sonore de plus de deux décibels », explique un communiqué de la Ville. La concertation devrait s’achever en octobre et la ZTL mise en place dès le premier semestre 2022.


Après les coronapistes, les coronabus !

Paris n’a pas seulement aménagé des coronapistes, ces pistes cyclables provisoires lancées en urgence lors du premier déconfinement. L’Hôtel de Ville a aussi réalisé des « coronabus », a rappelé David Belliard. C’est le cas rue d’Alésia dans le 14e arrondissement où un sens unique a été installé afin de faciliter le passage des bus, a expliqué l’adjoint à la maire chargé des Transports. Ou de la rue de la Chapelle où les automobilistes ne peuvent plus utiliser une partie de la voirie depuis qu’une voie centrale est réservée aux bus, aux vélos et aux seuls véhicules des résidents. Ou encore à Opéra. « L’itinéraire des bus n’est pas modifié mais quand les bus roulent en pleine circulation ou circulent dans des voies un peu étriquées, on aménage une voie dédiée pour fluidifier le trafic. Cela permet d’augmenter de façon très significative la vitesse commerciale et la régularité », indique l’élu EELV. Comme les coronapistes, « ces aménagements ont vocation à être pérennisés », ajoute-t-il.


Bientôt des appels d’offres à Paris pour réguler les scooters électriques en libre-service

David Belliard, l’adjoint à la maire de Paris chargé des transports, a annoncé son intention de lancer des appels d’offres pour réguler le marché des scooters électriques en libre-service.

« Nous souhaitons le même type de délégation que celui que nous avons mis en place pour les opérateurs de trottinettes électriques en libre-service (depuis l’été dernier, trois opérateurs sont autorisés à déployer des trottinettes électriques dans la capitale, dans le cadre de contrats, ndlr) », a-t-il indiqué. Interrogé sur la situation actuelle du marché des scooters électriques, il a estimé qu’actuellement, « il n’y a pas trop de scooters » mais que demain, avec l’arrivée de nouveaux opérateurs (Lime notamment veut déployer un millier de véhicules), « il va y en avoir beaucoup trop ».

Selon lui,  « on reproche souvent aux politiques de ne pas anticiper. On ne pourra pas le faire cette fois-ci. Ce que nous voulons organiser, c’est le stationnement pour que les scooters en libre-service soient garés à des places précises. Nous allons regarder où installer ces places de stationnement ».


Pour un modèle économique sobre

Interrogé sur la transformation des gares, David Belliard constate que la SNCF est dans une logique de péréquation basée sur la rentabilisation des gares parisiennes, lui permettant d’investir dans les petites gares. Mais il critique les projets de transformation des gares en centres commerciaux. « Personnellement, ma position diverge avec celle de la majorité. Le projet de modernisation de la gare du Nord a connu des améliorations que je salue. Mais celui d’Austerlitz présente une densité commerciale extrêmement forte, ramenée au nombre de visiteurs. Je suis de ceux qui soutiennent un modèle économique plus sobre. Construire des grands centres commerciaux en pleine ville je n’y suis pas favorable. »

Ewa

« Je crois dur comme fer à l’avenir du rail en France »

luclallemand clubvrt08 03 2021 07

Après avoir dirigé pendant 15 ans Infrabel, le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire belge, et réussi sa modernisation, Luc Lallemand avait le profil idéal pour prendre la direction de SNCF Réseau. Aux commandes depuis le 1er mars 2020, il a pour mission de poursuivre la modernisation d’un réseau de 30 000 km de ligne et de respecter une trajectoire financière permettant d’aboutir à l’équilibre financier dans trois ans.

Depuis un an à la tête de SNCF Réseau, Luc Lallemand peut désormais dresser un premier bilan, qu’il a détaillé lors de sa participation au Club VRT le 8 mars. Mais avant, il tient à saluer un « réseau ferroviaire français fabuleux », comme pour prendre le contre-pied de critiques si souvent entendues. « Les Français sont très critiques sur leur pays », s’étonne-t-il. Toutes les populations européennes ont un rapport affectif avec les chemins de fer, poursuit Luc Lallemand. Mais, selon lui, c’est en France qu’il y a « la plus grande aspiration au transport ferroviaire ».

“ MALGRÉ UN RÉSEAU VIEILLISSANT, ON PARVIENT TOUT DE MÊME À PRODUIRE EN FRANCE UNE QUALITÉ DE SERVICE COMPARABLE À CELLE D’AUTRES PAYS 

Venant de Belgique, le dirigeant du réseau ferré français (30 000 km de ligne, dont 2 600 km de LGV), se dit aussi stupéfait du niveau de critiques vis-à-vis du chemin de fer. Une sévérité injustifiée selon lui : malgré un réseau vieillissant, nécessitant des investissements colossaux pour la partie qui ne relève pas du TGV, on parvient tout de même à produire en France une qualité de service comparable à celle d’autres pays, assure-t-il.

« Si le réseau ferré français est surtout connu pour son TGV, il ne faut pas oublier que c’est un réseau de très haute performance, envié par toute l’Europe et même le monde entier » , souligne-t-il.

Toutefois, le réseau structurant classique, « a pâti durant plusieurs décennies du financement du TGV, qui s’est fait à ses dépens », rappelle-t-il.

SNCF Réseau travaille donc à la mise à niveau des lignes UIC 2 à 6, les plus parcourues, avec l’objectif de les remettre dans la moyenne européenne d’ici sept à neuf ans. « Une nécessité », affirme Luc Lallemand qui rappelle que l’âge moyen des composants des voies atteint parfois 29 ans.

Le pacte ferroviaire adopté en 2018 va y aider. Selon le dirigeant, « jamais un gouvernement en Europe n’avait fait autant pour ses chemins de fer. Que ce soit dans le domaine social, financier (avec la reprise de la dette), l’organisation du groupe ou la préparation à la concurrence ». C’est pourquoi, un an après sa prise de fonction, il se dit très enthousiaste et optimiste sur l’avenir du rail en France.

Quant aux lignes de dessertes fines du territoire, les UIC 7 à 9, les moins parcourues, elles peuvent faire l’objet d’un transfert de gestion, à la demande des exécutifs régionaux, comme le prévoit l’article 172 de la loi d’orientation des mobilités (LOM).

C’est le cas de la Région Grand Est qui souhaite prendre la main sur la ligne Nancy – Contrexéville et sur un ensemble de tronçons entre Strasbourg (Bas-Rhin) et Epinal (Vosges) formant la liaison Bruche – Piémont des Vosges, des liaisons fermées ou limitées en raison de leur vétusté.

L’équilibre financier attendu en 2024

Lorsqu’il est arrivé aux commandes du réseau français, le groupe SNCF venait de se transformer en un groupe public intégré, avec la constitution de SA : SNCF (société mère), SNCF Réseau, SNCF Gares & Connexions, Rail Logistics Europe et SNCF Voyageurs.

Passer d’un statut d’Epic à un statut de S.A. a donné au conseil d’administration de Réseau une responsabilité civile et pénale sur ses actes de gestion. « Plus question de laisser filer la dette », prévient Luc Lallemand, qui a comme priorité, de parvenir à un cash-flow à zéro en 2024. « Un sacré défi, sachant que l’on vient d’une situation structurellement déficitaire de deux milliards d’euros », commente-t-il.

Sa feuille de route lui confie aussi la mission de réaliser l’intégration de SNCF Réseau dans le groupe SNCF et d’améliorer sa performance et la qualité de service au client. « C’est-à-dire d’avoir le moins d’incidents techniques possible. Et lorsqu’il y en a, de minimiser le temps nécessaire pour remettre le réseau en état de fonctionner. » Ce qui n’est pas qu’une question d’argent. « Il faut du temps pour intervenir. Or sur certaines lignes très parcourues, nos équipes ne disposent parfois que de trois heures utiles pour faire la maintenance du réseau, voire l’améliorer. »

Un plan de relance de 4,1 milliards d’euros pour le rail

Quinze jours après son arrivée aux manettes, le premier confinement a été instauré. « La crise Covid a eu des conséquences sur le plan humain, opérationnel et financier », résume Luc Lallemand, avant de remercier les salariés du groupe qui ont assuré le service. « Il y a eu une mobilisation phénoménale dans le groupe pour parvenir à continuer à assurer nos missions malgré la crise. Et même pour réussir à lancer des opérations comme les TGV sanitaires. Notre moteur a été la solidarité avec tous les Français. »

Grâce à l’engagement des équipes, les trains ont pu continuer à circuler et les chantiers comme Eole, Charles-de-Gaulle Express, mais aussi ceux liés à la maintenance, se sont poursuivis. SNCF Réseau a dû s’adapter à des niveaux de charge changeants. « Nous avons enregistré une très forte baisse des circulations durant le confinement, puis la fréquentation est remontée durant l’été. En septembre le niveau habituel n’était pas au rendez-vous, en raison de l’absence de la clientèle business. En octobre, avec le reconfinement, le trafic est retombé », rappelle Luc Lallemand. D’où un important manque à gagner lié aux péages, qui expose le gestionnaire des infrastructures à des pertes de plusieurs centaines de millions d’euros.

Le PDG de Réseau se réjouit d’avoir pu bénéficier d’une enveloppe de 4,1 milliards sur les 100 milliards prévus dans le plan de relance de l’Etat. « Cela a permis à la société de poursuivre 100 % de son action de régénération du réseau. » Tous les pays d’Europe n’ont pas bénéficié d’un plan de relance aussi ambitieux, estime le gestionnaire. Si le gouvernement n’avait pas versé une première tranche de 1,6 milliard, avant de lui en attribuer une autre courant 2021 pour couvrir les besoins de l’année, il aurait été contraint de compenser le manque à gagner lié à la Covid avec l’enveloppe de régénération de 2,8 milliards, affirme-t-il.

Après le premier confinement, SNCF Réseau avait estimé le coût de la crise à 1,7 milliard d’euros jusqu’en juin 2022. Dont 50 % en coûts directs : pertes de productivité sur les chantiers, achat de gel hydroalcoolique et de masques et pertes liées aux péages. L’autre moitié s’expliquant par le fonds de concours, issus de dividendes versés par SNCF Voyages.

“ ON CRAINT QUE LES PERTES ADDITIONNELLES S’ÉLÈVENT JUSQU’À 800 MILLIONS D’EUROS, VOIRE DAVANTAGE, EN FONCTION DE LA SORTIE DE CRISE PANDÉMIQUE ET DE LA VITESSE À LAQUELLE LA CLIENTÈLE REVIENDRA 

Sans la crise, Réseau aurait dû recevoir près de 900 millions de ce fonds, versés par SNCF Voyages. Mais il risque de ne plus être alimenté, pendant au moins trois ans, en raison des difficultés de la filiale voyageurs. Et comme le deuxième confinement, survenu fin octobre, a entraîné une nouvelle chute du trafic, à un niveau plus élevé que Réseau ne l’avait envisagé, des pertes supplémentaires vont s’ajouter. « On craint que les pertes additionnelles s’élèvent jusqu’à 800 millions d’euros, voire davantage, en fonction de la date de la sortie de crise pandémique et de la vitesse à laquelle la clientèle reviendra. »

Des gains de productivité portés à 1,5  milliard d’ici 2026

Luc Lallemand s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur, Patrick Jeantet, tout en voulant aller encore plus loin dans l’industrialisation. « On partait d’un bon point de départ. L’équipe précédente avait lancé l’industrialisation du processus de régénération du réseau classique. » Il poursuit ce travail avec un plan stratégique baptisé : « Tous SNCF, ambition réseau », axé autour de quatre grandes orientations. La première est axée autour du client. Le PDG de Réseau souhaite proposer une offre de services élargie et un accompagnement renforcé des clients du réseau ferré, afin de leur faire préférer le train. « Cela passe par une relation de qualité avec les clients sur tous les territoires. »

La signature de contrats de performance ferroviaire avec la région Sud et la région Normandie va dans ce sens et représente le deuxième axe du plan pour proposer des sillons garantis. « L’objectif est d’atteindre dès 2023, 90 % de projets cofinancés qui respectent le triptyque coût-délai-qualité. Il s’agit de garantir les sillons et une exploitation robuste, permettant d’assurer 90 % de ponctualité au départ. Ce qui représente une baisse de 35 % des événements sécurité remarquable en exploitation dont la cause est due à SNCF Réseau. »

La troisième orientation stratégique concerne la sécurité au travail et la quatrième vise à revenir à l’équilibre financier dès 2024.

L’Autorité de régulation des Transports (ART) a déjà fait part, dans le passé, de son scepticisme sur la réalisation de cet objectif, en l’absence d’un contrat de performance clair signé avec l’Etat et définissant sa trajectoire économique. Luc Lallemand admet que ce ne sera pas facile mais assure « être sur la trajectoire pour y parvenir, sauf chute de péage supplémentaire d’ici la fin de la crise Covid. »

“ AVEC LA REPRISE DE DETTE DE 35 MILLIARDS D’EUROS, LES COMPTES DE L’ENTREPRISE SERONT SOULAGÉS D’UN MILLIARD D’EUROS D’INTÉRÊT 

Le patron de Réseau précise qu’un effort substantiel de productivité et de réduction des coûts est réalisé en interne. De plus, avec la reprise de dette de 35 milliards d’euros, les comptes de l’entreprise seront soulagés d’un milliard d’euros d’intérêt. D’où un bilan en ligne avec ce qui se fait dans d’autres sociétés comparables. « Il restera un passif de 25 milliards, soit une structure financière au passif acceptable », précise-t-il.

Luc Lallemand assure que des gains de productivité complémentaires pourraient être réalisés en s’attaquant à l’outil industriel. Notamment en réduisant le nombre de postes d’aiguillage de 2 200 à une vingtaine. Il en a fait l’expérience en Belgique, où il est parvenu à réduire le nombre de postes d’aiguillage du réseau ferroviaire de 365 à 11. « On a supprimé 97 % des postes d’aiguillage, afin de réaliser des gains de productivité. »

Reste toutefois une difficulté majeure depuis que l’Insee a décidé en 2017, en accord avec Eurostat, de reclasser SNCF Réseau en administration publique et d’intégrer sa dette aux comptes de l’Etat. Il est en effet nécessaire  d’avoir une autorisation de dépenses d’investissement, au sens d’Eurostat, pour moderniser l’outil de production. Il s’agit d’une dette « vertueuse » qui se rembourse d’elle-même en quelques années par création de valeur actualisée nette, explique Luc Lallemand. En clair, il est nécessaire d’avoir l’accord de l’Etat pour augmenter la dette. La probabilité de convaincre Bercy, toujours sourcilleux quand il s’agit d’alourdir la dette publique, paraît plus que mince alors que dépenser de l’argent pour réduire le nombre d’aiguillages pourrait être à l’origine d’économies quatre ou cinq ans plus tard.

En rationalisant le réseau, il serait même possible de doubler les gains de productivité, actuellement estimés à 1,6 milliard d’euros d’ici à 2026. Luc Lallemand compte bien l’expliquer…

Les effets positifs de la concurrence

La Covid a aussi remis en question les projets de conquête des opérateurs dans le cadre de l’ouverture à la concurrence. Difficile en effet d’entrer sur de nouveaux marchés ferroviaires qui nécessitent des investissements de l’ordre de dizaines de millions d’euros pour acheter des rames de TGV ou de TER quand la clientèle déserte les trains.

La compétition ne concerne pas que l’exploitation des trains. SNCF Réseau sera aussi mis en concurrence lorsqu’une région décidera de prendre une ligne pour en confier la gestion à un opérateur. Dans la région Grand Est, SNCF Réseau a choisi de ne pas répondre. Car, indique son PDG, « la stratégie de SNCF Réseau sur ce type de dossier est encore en cours d’élaboration».

Pour Luc Lallemand, être en situation de monopole n’est pas forcément un avantage. « Quand on n’a pas de concurrent, il est de bon ton de considérer qu’on en profite et que c’est sous optimal économiquement. Or, SNCF réseau accumule des pertes récurrentes depuis des années… ». La mise en concurrence permet aussi de se comparer et de vérifier si les efforts réalisés pour abaisser ses coûts et augmenter la qualité sont suffisants. Luc Lallemand aborde donc l’ouverture à la concurrence sans crainte, persuadé que Réseau sera gagnant dans tous les cas. « Si on remporte un marché, ou si on le conserve, nous saurons que nous sommes bons. Avec un monopole on ne le sait jamais. Si on perd, cela nous servira pour nous améliorer et pour gagner de prochains appels d’offres. »

ERTMS : pas une priorité en France

Considéré comme un spécialiste de l’ERTMS, suite à son passage chez Infrabel, Luc Lallemand justifie la frilosité de la SNCF à son égard. « Je m’y suis intéressé en 2004 parce que le réseau belge était le seul réseau d’Europe où il n’y avait pas de système de freinage d’urgence automatique en cas de dépassement d’un feu rouge. Quand je suis parti, 25 % du réseau était équipé en ERTMS. Soit la plus grande proportion en Europe. »

Dans l’hexagone, la situation est radicalement différente. Le réseau ferroviaire dispose déjà d’un excellent système de freinage d’urgence, KVB et en tant que coinventeur du TGV avec le Japon, la France a conçu un système de signalisation embarquée, le TVM 430, qui a des fonctionnalités au moins égales à l’ERTMS, mais qui présente l’inconvénient de ne pas répondre aux directives d’interopérabilité de l’Agence européenne du rail. « A l’horizon de 40 à 50 ans, tous les réseaux en Europe seront équipés de ERTMS, mais aujourd’hui sur le réseau français, les priorités sont ailleurs », conclut Luc Lallemand.

Le bon dimensionnement du réseau

Interrogé sur le bon dimensionnement du réseau français ferroviaire, Luc Lallemand répond qu’il dépendra des moyens que l’Etat, les Régions et l’Union européenne lui alloueront. Que ce sera un réseau sans faiblesse structurelle ou historique. Dont l’âge moyen des composants sera au minimum dans la moyenne européenne. Mais aussi un réseau qui n’aura pas de dette cachée.

Selon lui, il faudrait accélérer la modernisation des ateliers de Réseau. « En comparant un technicentre de SNCF Voyageurs avec un atelier de Réseau, on est dans deux siècles différents. »

Concluant son intervention, le chef d’entreprise a de nouveau voulu inviter les Français à avoir un regard plus positif et optimiste sur leur pays, sur son avenir et celui du rail. « Je crois dur comme fer à l’avenir du rail en France. La population n’a jamais été aussi demandeuse d’écologie, de vert et donc de chemin de fer. On a une époque en or devant nous. Nous avons tous les outils en main et une ingénierie parmi les meilleures au monde. Donc on y va et on se dit qu’on est vraiment bon. »

Valérie Chrzavzez