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Ewa

Les heurts de personnes sur les voies, première cause d’accidents ferroviaires

accidents ferroviaires

Moins 8 %. C’est le recul du trafic ferroviaire mondial de voyageurs durant l’année 2020, selon l’Union internationale des chemins de fer qui a publié le 16 novembre son rapport annuel sur les accidents ferroviaires au niveau international. D’où également une diminution du nombre des accidents sur la majeure partie de l’année, avec une forte baisse en avril 2020 suivie d’une remontée progressive jusqu’à septembre, puis d’un rééquilibrage sur le dernier trimestre. « Le nombre d’accidents de personnes heurtées par un train a baissé de 34 % aux passages à niveau et de 12 % hors passages à niveau. Les autres types d’accidents sont demeurés au niveau de 2019 », écrit l’UIC, en précisant que « sur l’ensemble de l’année et sur le périmètre de 2019, la baisse globale du nombre d’accidents s’établit à -11 % (3 742 accidents en 2020 contre 4 187 accidents en 2019) ».

En tête des causes d’accidents, et malgré les campagnes de prévention lancées par les compagnies ferroviaires, les heurts de personnes par un train (hors passages à niveau, PN) représentent 76 % des accidents ferroviaires. Il faut ajouter 9 % de collisions intervenant sur des PN, et encore 4 % de heurts impliquant des véhicules routiers aux PN. 90% des accidents impliquent donc des tiers qui ne sont pas dans le système ferroviaire, souligne l’UIC, appelant les pouvoirs publics à sanctuariser les voies ferroviaires. Le nombre d’accidents de personnes heurtées par un train a toutefois baissé de 34 % aux passages à niveau et de 12 % hors passages à niveau. Les autres types d’accidents sont demeurés au niveau de 2019. Globalement, l’indice de sécurité mesuré annuellement par l’UIC continue de décroître « indiquant une amélioration pérenne du niveau de sécurité du transport ferroviaire », note l’organisation.

Ewa

156 milliards d’euros par an : le coût annuel du bruit

voitures rue de clichy

Selon une étude de l’Agence de la transition écologique (Ademe) et du Conseil national du bruit (CNB) dont les résultats ont été publiés le 22 juillet, le coût social du bruit en France s’élèverait à 157 milliards d’euros par an. Les deux tiers, 68,4 % précisément, soit 106,4 milliards d’euros par an, correspondent au bruit des transports : le bruit routier représente 51,8 % du coût total, le bruit aérien 9,4 %, et le bruit ferroviaire 7,2 %. L’étude réévalue de… 98,3 milliards d’euros le coût social du bruit évalué par l’Ademe en 2016. Entre les deux études, le périmètre a été élargi (prise en compte de nouveaux effets sur la santé, ou de nouvelles sources de bruit), les méthodes d’évaluation mises à jour, et le décompte des populations exposées au bruit des transports a été revu. Selon l’Ademe et le CNB « une partie importante des coûts sociaux du bruit peut être évitée en exploitant les co-bénéfices avec d’autres enjeux écologiques, comme la réduction de la pollution atmosphérique ». A commencer par la réduction des vitesses sur voie rapide, présentant un ratio bénéfices/coûts de 685 sur dix ans.

Lire « Le coût social du bruit en France »

Ewa

156  milliards d’euros par an : le coût annuel du bruit

voitures rue de clichy

Selon une étude de l’Agence de la transition écologique (Ademe) et du Conseil national du bruit (CNB) dont les résultats ont été publiés le 22 juillet, le coût social du bruit en France s’élèverait à 157 milliards d’euros par an. Les deux tiers, 68,4 % précisément, soit 106,4 milliards d’euros par an, correspondent au bruit des transports : le bruit routier représente 51,8 % du coût total, le bruit aérien 9,4 %, et le bruit ferroviaire 7,2 %. L’étude réévalue de… 98,3 milliards d’euros le coût social du bruit évalué par l’Ademe en 2016. Entre les deux études, le périmètre a été élargi (prise en compte de nouveaux effets sur la santé, ou de nouvelles sources de bruit), les méthodes d’évaluation mises à jour, et le décompte des populations exposées au bruit des transports a été revu. Selon l’Ademe et le CNB « une partie importante des coûts sociaux du bruit peut être évitée en exploitant les co-bénéfices avec d’autres enjeux écologiques, comme la réduction de la pollution atmosphérique ». A commencer par la réduction des vitesses sur voie rapide, présentant un ratio bénéfices/coûts de 685 sur dix ans.

Lire « Le coût social du bruit en France »

Ewa

40 ans de mise à l’épreuve du ferroviaire

Auray-Quiberon petite ligne

Il y a 30 ans l’Union européenne (UE) publiait la directive 1991-440. Elle marquait le point de départ de la déréglementation du transport ferroviaire. Fidèle à son analyse des entreprises en réseaux, l’UE voulait s’appuyer sur la concurrence pour dynamiser un mode de transport crucial et pourtant en perte de vitesse. Mais comment instaurer la concurrence alors que le ferroviaire européen n’était que la juxtaposition d’opérateurs historiques nationaux en position de monopole ? Pour répondre à ce défi, l’UE a établi une feuille de route assez bien appliquée pendant 20 ans. Mais depuis 2011 les opérateurs historiques ont lancé une contre-offensive qui a mis les décideurs publics à l’épreuve, tout comme le fera la crise sanitaire et ses impacts sur les trafics et les comptes des entreprises ferroviaires.

Par Yves Crozet

1991-2011 : les entreprises ferroviaires à l’épreuve

La directive 1991-440 s’inspirait de la réforme conduite dans les années 1980 en Suède sous la forme d’une séparation entre le gestionnaire d’infrastructure (GI) et les entreprises ferroviaires (EF). Progressivement, les paquets ferroviaires successifs vont concrétiser la stratégie de la Commission. La concurrence est désormais, ou va devenir, la règle dans l’UE, pour tous les segments du marché (marchandises et voyageurs). Pourtant, les résultats, parfois remarquables localement, sont restés globalement décevants.

Les principes de la déréglementation du ferroviaire en Europe

En première analyse, la déréglementation du transport ferroviaire en Europe ressemble à une « success story ». Des pratiques totalement étrangères au rail sont devenues courantes. Il en est ainsi de l’existence d’un GI, des péages d’infrastructure, de la concurrence « pour le marché » mais aussi de la concurrence « sur le marché ».

La force de la démarche européenne a été de fixer quelques grands principes mais de laisser aux Etats une grande liberté dans l’adaptation de ces innovations :

  • La séparation entre GI et EF était, initialement, une simple séparation comptable appelée à devenir une « muraille de Chine » entre ces entités. Certains pays (Suède, Pays-Bas, Royaume-Uni…) ont fait le choix d’un GI totalement indépendant. Mais, dans d’autres pays (Allemagne, Italie et France depuis 2015), le GI est resté une filiale de l’opérateur historique.
  • En matière de péage, certains pays (Suède, Espagne, Italie…) ont opté, grâce à des subventions au GI, pour des péages faibles. D’autres (Allemagne, France, Royaume-Uni) ont préféré viser une couverture maximale des coûts d’infrastructure par les péages, quitte à subventionner certaines EF.
  • L’UE a tenu compte du fait que le ferroviaire régional et urbain ne peut pas fonctionner sans aide publique. Une Obligation de Service Public (OSP) a donc été instaurée pour ces services. Les subventions sont possibles, mais l’attribution du service à une EF doit, à terme, se faire obligatoirement via un appel d’offres. C’est la concurrence « pour le marché » (off track).
  • Pour le fret et les voyageurs à longue distance, la règle est la concurrence « sur le marché » (on track). Les entreprises ferroviaires qui ont obtenu une licence, autorisation donnée par un établissement indépendant en charge de la sécurité ferroviaire, ont le droit de faire circuler des trains là où elles le souhaitent, sous réserve d’avoir obtenu les sillons ferroviaires attribués par le GI.

Au vu de ces éléments, on comprend que l’instauration de la concurrence dans le ferroviaire est un processus complexe. Il a fallu mettre en place dans chaque pays un établissement indépendant pour attribuer les licences, mais aussi un régulateur sectoriel vérifiant qu’il y a bien libre entrée sur le marché et pas de favoritisme au bénéfice, par exemple, de l’opérateur historique. Il a fallu également que les Etats se dotent de compétences visant à exercer une réelle tutelle sur les entreprises publiques, par exemple sous la forme d’un contrat de performance fixant au GI des objectifs précis en termes de coûts, de réalisations ou de productivité. Une opération délicate car elle suppose en contrepartie des engagements financiers de l’Etat, notamment pour l’entretien et le renouvellement du réseau. Le rôle des opérateurs historiques a donc été réduit, mais au prix d’une plus grande complexité institutionnelle. Cela a-t-il permis de dynamiser le rail européen ?

Des résultats en demi-teinte

La libéralisation du transport ferroviaire a donné des résultats significatifs, tant du côté des succès que des déceptions. Le principal succès est la progression des trafics. En 25 ans (1994-2019), les trafics voyageurs ont plus que doublé au Royaume-Uni et ont crû de 90 % en Suède, de 75 % en France mais seulement de 35 % en Allemagne. Cette progression, pourtant exprimée en passagers-km, provient en grande majorité de la hausse du trafic régional, y compris en France (+65 % pour la longue distance mais +85 % pour le régional y compris l’Ile-de-France).

Les trafics ont surtout progressé dans les pays qui n’ont pas donné la priorité à la grande vitesse ferroviaire

Sur la seule période 2005-2019, la hausse a atteint 50 % au Royaume-Uni et dépassé 40 % en Autriche, en Suède et en Suisse mais a été de 5 % seulement en Italie et d’environ 20 % en Espagne, en Allemagne et en France. Comme dans le même temps les autres modes de transport ont aussi progressé, la part modale du rail est restée faible à l’échelle de l’UE, 7 %, 10 fois moins que la voiture et moins que l’avion, 9,5 %. Le fret ferroviaire représente la principale déception. La somme des parts modales du ferroviaire et de la voie d’eau, deux modes considérés comme favorables à l’environnement, est au mieux restée stable (graphique ci-dessus). De 2005 à 2018, elle a même diminué en Allemagne, en France, en Suède et au Royaume-Uni.

Ces mauvais résultats du fret interpellent l’UE et l’importance qu’elle a donnée à l’ouverture à la concurrence. Le fret est en effet la première activité ferroviaire où la concurrence est devenue une réalité pour les trafics internationaux et domestiques. Mais tout s’est passé comme si le rail s’était heurté à un plafond de verre. En Allemagne où la croissance du fret ferroviaire (+40 % depuis 2000 contre – 40 % en France…) s’est faite au détriment de la seule voie d’eau, la part de marché de la route a même progressé.

graphique fret-navigation

Dans le domaine des voyageurs, la concurrence est restée limitée. La concurrence « sur le marché » pour la longue distance s’est limitée au cas italien (Trenitalia vs NTV) et à quelques lignes en Suède ou en Allemagne. Le Ouigo Madrid – Barcelone que vient d’ouvrir la SNCF ou les projets de la RENFE ou de Trenitalia en France risquent de rester des cas isolés. La concurrence « pour le marché » a été plus importante. Systématique au Royaume-Uni avec le système des franchises et la disparition de l’opérateur historique (British Railways), elle a été développée en Suède, en Allemagne ou aux Pays-Bas, principalement pour servir à aiguillonner l’opérateur historique qui a conservé une part de marché très importante.

De manière générale, il y a eu peu de nouveaux entrants dans le secteur, même si encore une fois l’Italie fait exception avec NTV. Regroupés dans l’association Allrail, ces nouveaux acteurs ont montré un réel dynamisme comme l’Autrichien ÖBB qui relance des trains de nuit internationaux. Mais ils restent marginaux. La concurrence reste largement oligopolistique, elle se fait entre les principaux opérateurs historiques via leurs filiales dédiées au fret ou aux voyageurs. Mais quand la concurrence existe, elle a parfois permis de réduire les subventions publiques pour les trains régionaux. Ainsi en Allemagne la subvention moyenne a baissé d’un tiers entre 1997 et 2014, de 15 à 10 € le train-km. En France, elle a augmenté de plus de 40 % entre 2002 et 2018. Au Royaume-Uni, après avoir beaucoup augmenté au début des années 2000 pour atteindre près de 18 £ par train-km, elle était redescendue à moins de 6 £ en 2015 (Nash et alii 2019).

2011-2031 : la Commission européenne et les effets d’annonce à l’épreuve

Ainsi, contrairement aux ambitions du Livre blanc européen de 2011, le ferroviaire est resté, sauf pour certains segments, un mode de transport peu attractif en Europe. Or, les années 2010 ont vu se développer un puissant lobbying de certains opérateurs historiques contre la séparation totale entre GI et EF. Ils ont eu en partie gain de cause dans le quatrième Paquet ferroviaire, mettant la Commission européenne à l’épreuve. Elle l’est plus encore aujourd’hui alors que le ferroviaire européen sort exsangue de la crise sanitaire, laissant craindre rien moins qu’une décennie perdue.

L’Allemagne et la France à l’assaut du 4e paquet ferroviaire

Le 15 septembre 2011 la ministre N. Kosciusko-Morizet et le secrétaire d’Etat T. Mariani lançaient les « Assises du ferroviaire », à la demande de la SNCF. Jusqu’à cette date, cette dernière s’inscrivait dans la logique européenne de la dé-intégration et s’opposait donc à la position allemande du maintien de l’EF et du GI au sein de la Deutsche Bahn (DB). Or, au début de 2011, la SNCF prenait conscience du fait que les exigences de l’UE allaient progressivement la priver de leviers stratégiques. Il en allait ainsi du transfert dans le giron de Réseau Ferré de France (RFF) de la direction des circulations ferroviaires (DCF), en charge de la construction du graphique et de la gestion quotidienne des flux. Il y avait aussi la perspective de transférer à RFF l’entité « Gares et connexions ». C’était suffisant pour déclencher un changement de stratégie. Jouant de sa capacité de lobbying, la SNCF obtint de la Droite l’organisation des Assises du ferroviaire, destinées à préparer le retour du GI dans le giron de la SNCF, que la Gauche réalisera avec la loi ferroviaire de 2014.

Au même moment, à l’échelle européenne, une initiative était lancée par la Communauté Européenne du Rail (CER), généralement présentée comme le lobby européen des opérateurs historiques, via la publication en 2012 d’une étude sur les impacts négatifs de la séparation entre EF et GI. Cette étude (EVES) notait l’existence de dysfonctionnement et de coûts de transaction liés aux défauts de coordination entre GI et EF. Il n’est donc pas surprenant que le 4e paquet ferroviaire (2015) ne soit pas arrivé à rendre obligatoire la séparation totale annoncée par le Commissaire européen Sim Kallas, incapable de résister aux pressions du couple franco-allemand et de la CER. Depuis, les marges de manœuvre de l’UE se sont encore réduites. D’abord avec le Brexit et la renationalisation du rail britannique (voir encadré pages suivantes), l’UE a perdu son meilleur élève pour défendre sa logique de dé-intégration totale entre GI et EF. Ensuite parce que durant la crise sanitaire, les Etats ont soutenu à coups de milliards les opérateurs historiques. Comme cela est appelé à durer, comme nous allons le voir, il se pourrait même que la concurrence elle-même soit moins intense dans les prochaines années du fait des difficultés que traverse le secteur.

Années 2020 : le rail et le risque d’une décennie perdue

Le ferroviaire fait l’objet depuis quelques mois de multiples surenchères. En écho à ses engagements climatiques, la Commission européenne affiche à nouveau, comme dans les Livres blancs de 2001 et 2011, des objectifs présomptueux pour les trafics de voyageurs et de marchandises. En France, le gouvernement multiplie les engagements (trains de nuit, petites lignes, LGV, fret…). Le président de la SNCF veut doubler en dix ans le nombre de voyageurs. Ces ambitions sont peu crédibles pour deux raisons principales.

EN FRANCE LE GOUVERNEMENT MULTIPLIE LES ENGAGEMENTS (TRAINS DE NUIT, PETITES LIGNES, LGV, FRET…). LE PRÉSIDENT DE LA SNCF VEUT DOUBLER EN DIX ANS LE NOMBRE DE VOYAGEURS. CES AMBITIONS SONT PEU CREDIBLES

La première est que les décideurs publics continuent à donner un rôle majeur au report modal alors qu’il n’existe que dans des conditions spécifiques.

  • Pour le fret, le rail est en concurrence avec la voie d’eau, mais très peu avec la route, la seule capable de répondre à tous les segments de la logistique.
  • Pour les voyageurs à longue distance, la grande vitesse reste une priorité pour l’UE. Or, comme l’a indiqué la Cour des comptes européenne en 2018, l’extension du réseau européen de LGV se fait depuis le début du siècle au prix de rendements décroissants. Après un maximum de 21,9 millions (M) de passagers-km (pkm) par km de réseau, atteint en 2001, l’intensité a baissé de 50 % en 2016 suite à l’ouverture de lignes dont le potentiel est inférieur au seuil de pertinence d’une LGV (9 M de pkm par an). L’idée que le TGV est un substitut à l’avion est une généralisation abusive de quelques cas d’école. Un exemple le montre. En 2017, la desserte TGV de Rennes s’est beaucoup améliorée (- 30 minutes depuis Paris). Pourtant, de 2016 à 2019, l’aéroport de Rennes a accueilli 30 % de passagers supplémentaires. Même constat pour les trains de nuit. Ils répondent à une demande spécifique mais leur potentiel est faible, ils ne modifieront pas les parts modales.
  • Pour la mobilité quotidienne, les petites lignes sont en France au cœur des discours alors qu’elles n’offrent qu’une modeste perspective de croissance des trafics au contraire des zones métropolitaines. Mais ces dernières supposent des investissements élevés dont les montages financiers restent dans les limbes (Cf Bordeaux, Lyon, Toulouse…).

La seconde raison qui incite à se défier des effets d’annonce est la situation financière et commerciale des entreprises ferroviaires. Avec la crise sanitaire, le trafic ferroviaire de voyageurs a chuté de 50 % en 2020 en Europe. Une reprise se manifeste en 2021 mais la fin de la pandémie ne provoquera pas un retour instantané à la situation antérieure. La contraction de la demande sera durable et il faudra plusieurs années pour retrouver les trafics de 2019. Les voyages d’affaires, en baisse depuis 2008, poursuivront leur décrue. Pour la mobilité quotidienne, la révolution digitale au domicile (travail, loisirs, achats…) incite à un desserrement urbain défavorable aux transports collectifs. Ce qui est certain dans les années à venir n’est pas la revanche du ferroviaire, mais un besoin croissant de fonds, privés mais surtout publics, pour maintenir à flot des opérateurs en grande difficulté.

Le rapport Spinetta (2018) indiquait que le ferroviaire en France nécessitait 14 mds de subventions par an. Contrairement aux espoirs de la loi « Pacte ferroviaire », ce chiffre va devoir augmenter, et plus que les trafics, comme nous l’avions annoncé dans cette revue en 2017 (lire VRT d’octobre 2017). Une hausse liée à la reprise de 35 mds de dette ferroviaire, mais aussi du fait de l’addition de mesures qui se révéleront indispensables et non transitoires : baisse des péages pour le fret ferroviaire, voire pour certains TGV, relance des trains de nuit, soutien accru aux TER et aux TET, maintien de certains services TGV, sans oublier les énormes besoins de renouvellement, de modernisation et d’extension du réseau. L’INSEE définit un service non marchand comme celui qui est gratuit ou vendu à un prix inférieur à 50 % du coût. Le risque est donc de placer le rail sous le régime d’une économie administrée, comme dans le traité de Rome !

• Cour des comptes européenne, Réseau ferroviaire à grande vitesse européen : fragmenté et inefficace, il est loin d’être une réalité, 2018 https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR18_19/SR_HIGH_SPEED_RAIL_FR.pdf
• EVES-Rail report, Economic effects of Vertical Separation In the railway sector, Report to Community Of European Railway And Infrastructure Companies, Full report, 2012
• Nash, C, Smith, A, Crozet, Y, Linke H, Nilsson JE, 2019, How to liberalise rail passenger services? Lessons from European experience. Transport Policy, 79. pp. 11-20. ISSN 0967-070X
• Schapps W., Great British Railways, the Williams-Schapps Plan for Rail, May 2021, 113 p

Monopole naturel, concurrence et coûts de transaction

Le transport ferroviaire relève de ce que les économistes appellent le monopole naturel, c’est-à-dire une activité dont les rendements sont croissants. Une fois construite, l’exploitation d’une voie ferrée est d’autant moins coûteuse que le trafic y est important. Sauf cas particulier, il est peu opportun de construire deux voies ferrées parallèles pour la simple raison que l’efficience des opérateurs serait stimulée par la concurrence. Sur cette base, à la différence des routes et des canaux où divers transporteurs utilisent la même infrastructure, le ferroviaire s’est construit au XIXe siècle sur le modèle du monopole intégré : infrastructure et exploitation des trains dans la même main.

Au départ il s’agissait de monopoles privés sur des segments spécifiques comme le Paris – Lyon – Marseille (PLM). L’extension des réseaux et les difficultés rencontrées par les entreprises privées, notamment après la Première Guerre mondiale, ont conduit dans tous les pays européens à la constitution d’un monopole public intégré à l’échelle nationale. Cette situation atypique était mentionnée explicitement dans le Traité de Rome (1957), le ferroviaire ne relevait pas de l’économie de marché. Cependant, au vu des médiocres résultats du ferroviaire par rapport au succès de la route, l’idée de concurrence a refait surface grâce aux travaux d’économistes qui ont proposé de circonscrire le monopole au domaine de l’infrastructure. Gérer une infrastructure est un monopole naturel. Faire circuler des trains n’en est pas un !

Pour cela il fallait dé-intégrer les entreprises ferroviaires avec d’une part un GI et d’autre part les EF qui utilisent les rails en payant un péage au GI. La tarification de l’infrastructure est aussi un moyen de traiter les risques de congestion sur le réseau, tout en fournissant au GI des recettes le rendant moins dépendant des subventions publiques. Entre le GI et les EF, s’est donc instaurée une relation contractuelle et marchande, au lieu et place d’une simple relation hiérarchique interne à l’entreprise intégrée. Cette révolution des pratiques n’a pas été sans poser la question des « coûts de transaction ».

Les économistes des organisations comme Ronald Coase et Oliver Williamson ont en effet souligné que l’intégration verticale a justement pour but d’éviter les coûts de transaction (information, données, contrôle…), plus ou moins cachés dans les mécanismes de marché. La réduction de ces coûts ne sera pas toujours au rendez-vous comme l’a montré le cas britannique.


Renationalisation : un nouveau big-bang ferroviaire outre-Manche

Le secrétaire d’Etat britannique aux transports William Schapp, a publié en mai 2021 un Livre blanc qui expose comment le système ferroviaire britannique sera entièrement repensé dans les années qui viennent. Une réorganisation indispensable car la pandémie a rendu obsolète le système des franchises. La baisse drastique de la fréquentation pendant des mois, elle reste encore faible à ce jour, a mis à genoux les opérateurs. Le Trésor britannique a dépensé en 2020 12 mds £ (14 mds €) pour sauver le système ferroviaire. La nationalisation concrétise aussi une promesse de Boris Johnson.

Une nouvelle entreprise publique intégrée va donc voir le jour : Great British Railways (GBR). Ce nom magnifie le souvenir de l’ancien opérateur historique démantelé en 1994. A l’heure du Brexit, il s’agit clairement d’un clin d’œil à la fois nationaliste et nostalgique. Mais ce n’est pas que cela. Le Livre blanc constitue en effet un bilan équilibré des 25 années de déréglementation ferroviaire.

Il pointe d’abord du doigt les nombreux dysfonctionnements : manque de lisibilité tarifaire, coûts élevés pour l’usager et les finances publiques, retards et faible qualité de service mais aussi la montée des coûts de transaction via la « culture du blâme » et la multiplication des contentieux entre les différents opérateurs ferroviaires et entre ces derniers et Network Rail, le GI. Face à ces errements, le Livre blanc regorge de promesses d’amélioration faites aux usagers du ferroviaire.

GBR SERA UN OPÉRATEUR INTÉGRÉ, GÉRANT LES VOIES ET LA SIGNALISATION, LA PROGRAMMATION DES TRAINS MAIS AUSSI L’ORGANISATION DES SERVICES ET LA VENTE DE BILLETS

Le Livre blanc insiste ensuite sur la nécessité de conserver les acquis du système des franchises et du partenariat avec les opérateurs privés. Il ne veut pas jeter le bébé du doublement des trafics ferroviaires avec l’eau du bain de la dé-intégration. Concrètement, GBR sera un opérateur intégré, gérant les voies et la signalisation, la programmation des trains mais aussi l’organisation des services et la vente de billets. Ce guichet unique pour les voyageurs, billettique et information, est une réponse à l’une des principales critiques faite au système des franchises. Mais cela ne signifie pas la disparition des opérateurs privés qui vont être transformés en purs tractionnaires, comme cela est pratiqué dans la capitale anglaise par Transport for London (TfL) pour les bus et les métros.

GBR va donc planifier tous les services ferroviaires de voyageurs (le fret restera ouvert à la concurrence entre EF). Après appels d’offre, GBR choisira des opérateurs qui devront faire circuler les trains et sans doute les entretenir dans les dépôts, en respectant un cahier des charges, mais sans contact commercial avec la clientèle. Ce choix vise à réduire les coûts de transaction apparus avec le système des franchises, mais ce ne sera pas une baguette magique. Il en est effet probable que GBR aura besoin d’un temps d’apprentissage relativement long pour trouver les compétences nécessaires à la réalisation conjointe de la planification, du contrôle et de la tarification des services. Les gagnants seront à court terme les employés des franchisés qui pourront intégrer GBR, provoquant de fait un appauvrissement des ressources humaines des opérateurs. Le principal défi de GBR, comme de tout opérateur intégré, sera donc d’éviter les inerties internes et la méfiance à l’égard de l’innovation, tout en la stimulant chez les tractionnaires. Un beau défi !

Ewa

Au Mexique, Alstom signe un important contrat pour le train Maya

Tren'Maya

C’est un projet majeur pour le développement du Mexique : le consortium composé d’Alstom Transport Mexico, Bombardier Transportation México, Gami Ingeniería e instalaciones et Construcciones Urales Procesos Industriales s’est vu attribuer, dans le cadre du projet de train Maya,  le contrat de conception, de fabrication et de mise en service de 42 trains X’trapolis, dont le design s’inspire de la culture Maya, ainsi que l’ensemble du système de signalisation. Il est également chargé de la construction des ateliers et garages de maintenance et du service après-vente des équipements du système.

Le contrat représente quelque 1,3 milliard d’euros. Au sein du consortium, la part d’Alstom-Bombardier s’élève à un milliard d’euros.

Dans le cadre de son Plan national de développement (2019-2024), le gouvernement mexicain a en effet lancé le projet de grande ampleur du Tren Maya, destiné à relier cinq États mexicains (Yucatán, Quintana Roo, Campeche, Tabasco et Chiapas). Cette ligne de plus de 1 500 kilomètres doit faciliter le transport des voyageurs et des marchandises et créer des liens entre les grands centres touristiques et les communautés rurales. Selon ses promoteurs, il doit permettre de favoriser le développement économique et social de cette région. Pour les touristes et les voyageurs, il permettra de découvrir les hauts lieux de la culture Maya.

 

Ewa

Le Digital Open Lab renaît sous le nom de Rail Open Lab avec de nouveaux partenaires

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S’assurer du bon fonctionnement des ventilateurs de désenfumage dans les tunnels à la RATP, installer un dispositif connecté anti-inondations à la SNCF, telles sont quelques-unes des expérimentations lancées par le Rail Open Lab, un laboratoire d’innovation et d’accélération technologique et numérique pour la maintenance et l’exploitation des réseaux ferrés.

Relancé le 18 juin, à l’occasion du salon Viva Technology, le Rail Open Lab – initialement créé en 2018 par la SNCF et la Fédération des industries ferroviaires (FIF) sous le nom de Digital Open Lab – s’ouvre à deux nouveaux membres : la RATP et le syndicat professionnel SERCE, regroupant une trentaine d’acteurs. Grâce à eux, le Lab va explorer de nouveaux thèmes de recherche comme l’économie circulaire et le développement durable. Ils s’ajoutent à ceux précédemment traités : la maintenance prédictive, le collaborateur connecté, et la connectivité.

acteurs railopenlab juin2021 copie

En s’appuyant sur les objets connectés (IoT) et l’intelligence artificielle, le Rail Open Lab cherche à développer des solutions économiquement viables pour les déployer ensuite à grande échelle dans les différents réseaux. Chaque mois, les partenaires (grands groupes, ETI, PME et start-up) partagent leurs besoins et les solutions technologiques adaptées afin de réaliser des tests pendant quatre mois en conditions réelles d’exploitation, directement sur les voies ferrées.

C’est le cas à la RATP, où un ventilateur a été équipé de capteurs afin de connaître, en temps réel, son état de fonctionnement, d’améliorer la connectivité dans les tunnels et d’assurer une maintenance préventive.

Côté SNCF Réseau, après une première vague de 16 expérimentations dont la conception de dispositifs anti-inondations connectés, une dizaine de nouveaux cas d’usages est programmée pour 2021.

A l’issue des tests, si l’étude est concluante, les solutions pourraient être industrialisées et déployées auprès des acteurs du secteur.

Yann Goubin

Ewa

Le Grand Est lance une société publique locale ferroviaire

AGC TER Grand Est

Le conseil régional du Grand Est a constitué le 23 avril sa société publique locale (SPL) « Grand Est Mobilités », dans l’objectif de « doter le territoire d’un outil de pilotage opérationnel dans le contexte de la mise en concurrence du TER ». Quatre collectivités partagent le projet, et ont décidé de prendre des parts au capital social. L’Eurométropole de Strasbourg, Metz Métropole, Mulhouse Alsace Agglomération et la Communauté urbaine de Reims détiennent chacune 2 % du capital, fixé à 50 000 euros. Le Conseil régional du Grand Est détient le solde, soit 92 % des actions.

Cette SPL, dont les missions devraient débuter fin 2021, appuiera techniquement la collectivité dans le pilotage de sa compétence ferroviaire. Elle réalisera des études de mobilité, mettra en œuvre une politique marketing et de communication, préparera des appels d’offres et le suivi des contrats. Elle mènera également une politique de gestion et de renouvellement du patrimoine, en particulier du matériel roulant.

Les actionnaires entendent tirer profit de la SPL pour « mettre en œuvre des complémentarités et des intermodalités entre les services et les offres de transport et de mobilité à échelle locale, dont la réalisation sera confiée aux entreprises ferroviaires, dans le cadre de multiples contrats ». Selon David Valence, le vice-président chargé des transports, « la Région n’entend pas devenir une société ferroviaire ». Mais, a-t-il précisé,  « nous allons prendre la main sur la construction de ce mode de transport en optimisant ce que la SNCF nous refacture très cher ».

L’Eurométropole de Strasbourg entend mettre en œuvre les moyens de la SPL pour élaborer avec la Région son schéma directeur de mobilités et concrétiser la promesse de son réseau express métropolitain, prévu à l’échelle de l’étoile ferroviaire de Strasbourg et des 13 gares de l’agglomération.

Olivier Mirguet

Ewa

Un ambitieux plan ferroviaire pour le Portugal

Après des décennies d’un -relatif- oubli du chemin de fer, les autorités portugaises ont récemment annoncé un ambitieux plan d’investissements de 12,6 milliards d’euros pour la modernisation du réseau ferroviaire, d’ici à 2030.

Parmi les projets prioritaires, la construction d’une ligne nouvelle entre Lisbonne et Porto doit permettre de faire le parcours en 1h15, c’est-à-dire en moitié moins de temps qu’actuellement. Ce ne sera pas une ligne à grande vitesse mais plutôt une “ligne à vitesse élevée”. Son coût est estimé en 4,5 milliards d’euros.

En complément, une nouvelle liaison entre Porto et la frontière espagnole est aussi prévue, permettant un parcours Porto-Vigo en une heure. Citons encore parmi d’autres projets, le “couloir international Sud”, déjà en construction, assurant une liaison plus directe des ports de Setúbal et Sines au réseau espagnol (frontière de Elvas/Badajoz).

D’autres investissements concernent l’électrification de lignes ou encore l’amélioration des accès par voie ferrée au port de Leixões, dans la banlieue de Porto.

Manuel Guedes-Vieira

Ewa

« Je crois dur comme fer à l’avenir du rail en France »

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Après avoir dirigé pendant 15 ans Infrabel, le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire belge, et réussi sa modernisation, Luc Lallemand avait le profil idéal pour prendre la direction de SNCF Réseau. Aux commandes depuis le 1er mars 2020, il a pour mission de poursuivre la modernisation d’un réseau de 30 000 km de ligne et de respecter une trajectoire financière permettant d’aboutir à l’équilibre financier dans trois ans.

Depuis un an à la tête de SNCF Réseau, Luc Lallemand peut désormais dresser un premier bilan, qu’il a détaillé lors de sa participation au Club VRT le 8 mars. Mais avant, il tient à saluer un « réseau ferroviaire français fabuleux », comme pour prendre le contre-pied de critiques si souvent entendues. « Les Français sont très critiques sur leur pays », s’étonne-t-il. Toutes les populations européennes ont un rapport affectif avec les chemins de fer, poursuit Luc Lallemand. Mais, selon lui, c’est en France qu’il y a « la plus grande aspiration au transport ferroviaire ».

“ MALGRÉ UN RÉSEAU VIEILLISSANT, ON PARVIENT TOUT DE MÊME À PRODUIRE EN FRANCE UNE QUALITÉ DE SERVICE COMPARABLE À CELLE D’AUTRES PAYS 

Venant de Belgique, le dirigeant du réseau ferré français (30 000 km de ligne, dont 2 600 km de LGV), se dit aussi stupéfait du niveau de critiques vis-à-vis du chemin de fer. Une sévérité injustifiée selon lui : malgré un réseau vieillissant, nécessitant des investissements colossaux pour la partie qui ne relève pas du TGV, on parvient tout de même à produire en France une qualité de service comparable à celle d’autres pays, assure-t-il.

« Si le réseau ferré français est surtout connu pour son TGV, il ne faut pas oublier que c’est un réseau de très haute performance, envié par toute l’Europe et même le monde entier » , souligne-t-il.

Toutefois, le réseau structurant classique, « a pâti durant plusieurs décennies du financement du TGV, qui s’est fait à ses dépens », rappelle-t-il.

SNCF Réseau travaille donc à la mise à niveau des lignes UIC 2 à 6, les plus parcourues, avec l’objectif de les remettre dans la moyenne européenne d’ici sept à neuf ans. « Une nécessité », affirme Luc Lallemand qui rappelle que l’âge moyen des composants des voies atteint parfois 29 ans.

Le pacte ferroviaire adopté en 2018 va y aider. Selon le dirigeant, « jamais un gouvernement en Europe n’avait fait autant pour ses chemins de fer. Que ce soit dans le domaine social, financier (avec la reprise de la dette), l’organisation du groupe ou la préparation à la concurrence ». C’est pourquoi, un an après sa prise de fonction, il se dit très enthousiaste et optimiste sur l’avenir du rail en France.

Quant aux lignes de dessertes fines du territoire, les UIC 7 à 9, les moins parcourues, elles peuvent faire l’objet d’un transfert de gestion, à la demande des exécutifs régionaux, comme le prévoit l’article 172 de la loi d’orientation des mobilités (LOM).

C’est le cas de la Région Grand Est qui souhaite prendre la main sur la ligne Nancy – Contrexéville et sur un ensemble de tronçons entre Strasbourg (Bas-Rhin) et Epinal (Vosges) formant la liaison Bruche – Piémont des Vosges, des liaisons fermées ou limitées en raison de leur vétusté.

L’équilibre financier attendu en 2024

Lorsqu’il est arrivé aux commandes du réseau français, le groupe SNCF venait de se transformer en un groupe public intégré, avec la constitution de SA : SNCF (société mère), SNCF Réseau, SNCF Gares & Connexions, Rail Logistics Europe et SNCF Voyageurs.

Passer d’un statut d’Epic à un statut de S.A. a donné au conseil d’administration de Réseau une responsabilité civile et pénale sur ses actes de gestion. « Plus question de laisser filer la dette », prévient Luc Lallemand, qui a comme priorité, de parvenir à un cash-flow à zéro en 2024. « Un sacré défi, sachant que l’on vient d’une situation structurellement déficitaire de deux milliards d’euros », commente-t-il.

Sa feuille de route lui confie aussi la mission de réaliser l’intégration de SNCF Réseau dans le groupe SNCF et d’améliorer sa performance et la qualité de service au client. « C’est-à-dire d’avoir le moins d’incidents techniques possible. Et lorsqu’il y en a, de minimiser le temps nécessaire pour remettre le réseau en état de fonctionner. » Ce qui n’est pas qu’une question d’argent. « Il faut du temps pour intervenir. Or sur certaines lignes très parcourues, nos équipes ne disposent parfois que de trois heures utiles pour faire la maintenance du réseau, voire l’améliorer. »

Un plan de relance de 4,1 milliards d’euros pour le rail

Quinze jours après son arrivée aux manettes, le premier confinement a été instauré. « La crise Covid a eu des conséquences sur le plan humain, opérationnel et financier », résume Luc Lallemand, avant de remercier les salariés du groupe qui ont assuré le service. « Il y a eu une mobilisation phénoménale dans le groupe pour parvenir à continuer à assurer nos missions malgré la crise. Et même pour réussir à lancer des opérations comme les TGV sanitaires. Notre moteur a été la solidarité avec tous les Français. »

Grâce à l’engagement des équipes, les trains ont pu continuer à circuler et les chantiers comme Eole, Charles-de-Gaulle Express, mais aussi ceux liés à la maintenance, se sont poursuivis. SNCF Réseau a dû s’adapter à des niveaux de charge changeants. « Nous avons enregistré une très forte baisse des circulations durant le confinement, puis la fréquentation est remontée durant l’été. En septembre le niveau habituel n’était pas au rendez-vous, en raison de l’absence de la clientèle business. En octobre, avec le reconfinement, le trafic est retombé », rappelle Luc Lallemand. D’où un important manque à gagner lié aux péages, qui expose le gestionnaire des infrastructures à des pertes de plusieurs centaines de millions d’euros.

Le PDG de Réseau se réjouit d’avoir pu bénéficier d’une enveloppe de 4,1 milliards sur les 100 milliards prévus dans le plan de relance de l’Etat. « Cela a permis à la société de poursuivre 100 % de son action de régénération du réseau. » Tous les pays d’Europe n’ont pas bénéficié d’un plan de relance aussi ambitieux, estime le gestionnaire. Si le gouvernement n’avait pas versé une première tranche de 1,6 milliard, avant de lui en attribuer une autre courant 2021 pour couvrir les besoins de l’année, il aurait été contraint de compenser le manque à gagner lié à la Covid avec l’enveloppe de régénération de 2,8 milliards, affirme-t-il.

Après le premier confinement, SNCF Réseau avait estimé le coût de la crise à 1,7 milliard d’euros jusqu’en juin 2022. Dont 50 % en coûts directs : pertes de productivité sur les chantiers, achat de gel hydroalcoolique et de masques et pertes liées aux péages. L’autre moitié s’expliquant par le fonds de concours, issus de dividendes versés par SNCF Voyages.

“ ON CRAINT QUE LES PERTES ADDITIONNELLES S’ÉLÈVENT JUSQU’À 800 MILLIONS D’EUROS, VOIRE DAVANTAGE, EN FONCTION DE LA SORTIE DE CRISE PANDÉMIQUE ET DE LA VITESSE À LAQUELLE LA CLIENTÈLE REVIENDRA 

Sans la crise, Réseau aurait dû recevoir près de 900 millions de ce fonds, versés par SNCF Voyages. Mais il risque de ne plus être alimenté, pendant au moins trois ans, en raison des difficultés de la filiale voyageurs. Et comme le deuxième confinement, survenu fin octobre, a entraîné une nouvelle chute du trafic, à un niveau plus élevé que Réseau ne l’avait envisagé, des pertes supplémentaires vont s’ajouter. « On craint que les pertes additionnelles s’élèvent jusqu’à 800 millions d’euros, voire davantage, en fonction de la date de la sortie de crise pandémique et de la vitesse à laquelle la clientèle reviendra. »

Des gains de productivité portés à 1,5  milliard d’ici 2026

Luc Lallemand s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur, Patrick Jeantet, tout en voulant aller encore plus loin dans l’industrialisation. « On partait d’un bon point de départ. L’équipe précédente avait lancé l’industrialisation du processus de régénération du réseau classique. » Il poursuit ce travail avec un plan stratégique baptisé : « Tous SNCF, ambition réseau », axé autour de quatre grandes orientations. La première est axée autour du client. Le PDG de Réseau souhaite proposer une offre de services élargie et un accompagnement renforcé des clients du réseau ferré, afin de leur faire préférer le train. « Cela passe par une relation de qualité avec les clients sur tous les territoires. »

La signature de contrats de performance ferroviaire avec la région Sud et la région Normandie va dans ce sens et représente le deuxième axe du plan pour proposer des sillons garantis. « L’objectif est d’atteindre dès 2023, 90 % de projets cofinancés qui respectent le triptyque coût-délai-qualité. Il s’agit de garantir les sillons et une exploitation robuste, permettant d’assurer 90 % de ponctualité au départ. Ce qui représente une baisse de 35 % des événements sécurité remarquable en exploitation dont la cause est due à SNCF Réseau. »

La troisième orientation stratégique concerne la sécurité au travail et la quatrième vise à revenir à l’équilibre financier dès 2024.

L’Autorité de régulation des Transports (ART) a déjà fait part, dans le passé, de son scepticisme sur la réalisation de cet objectif, en l’absence d’un contrat de performance clair signé avec l’Etat et définissant sa trajectoire économique. Luc Lallemand admet que ce ne sera pas facile mais assure « être sur la trajectoire pour y parvenir, sauf chute de péage supplémentaire d’ici la fin de la crise Covid. »

“ AVEC LA REPRISE DE DETTE DE 35 MILLIARDS D’EUROS, LES COMPTES DE L’ENTREPRISE SERONT SOULAGÉS D’UN MILLIARD D’EUROS D’INTÉRÊT 

Le patron de Réseau précise qu’un effort substantiel de productivité et de réduction des coûts est réalisé en interne. De plus, avec la reprise de dette de 35 milliards d’euros, les comptes de l’entreprise seront soulagés d’un milliard d’euros d’intérêt. D’où un bilan en ligne avec ce qui se fait dans d’autres sociétés comparables. « Il restera un passif de 25 milliards, soit une structure financière au passif acceptable », précise-t-il.

Luc Lallemand assure que des gains de productivité complémentaires pourraient être réalisés en s’attaquant à l’outil industriel. Notamment en réduisant le nombre de postes d’aiguillage de 2 200 à une vingtaine. Il en a fait l’expérience en Belgique, où il est parvenu à réduire le nombre de postes d’aiguillage du réseau ferroviaire de 365 à 11. « On a supprimé 97 % des postes d’aiguillage, afin de réaliser des gains de productivité. »

Reste toutefois une difficulté majeure depuis que l’Insee a décidé en 2017, en accord avec Eurostat, de reclasser SNCF Réseau en administration publique et d’intégrer sa dette aux comptes de l’Etat. Il est en effet nécessaire  d’avoir une autorisation de dépenses d’investissement, au sens d’Eurostat, pour moderniser l’outil de production. Il s’agit d’une dette « vertueuse » qui se rembourse d’elle-même en quelques années par création de valeur actualisée nette, explique Luc Lallemand. En clair, il est nécessaire d’avoir l’accord de l’Etat pour augmenter la dette. La probabilité de convaincre Bercy, toujours sourcilleux quand il s’agit d’alourdir la dette publique, paraît plus que mince alors que dépenser de l’argent pour réduire le nombre d’aiguillages pourrait être à l’origine d’économies quatre ou cinq ans plus tard.

En rationalisant le réseau, il serait même possible de doubler les gains de productivité, actuellement estimés à 1,6 milliard d’euros d’ici à 2026. Luc Lallemand compte bien l’expliquer…

Les effets positifs de la concurrence

La Covid a aussi remis en question les projets de conquête des opérateurs dans le cadre de l’ouverture à la concurrence. Difficile en effet d’entrer sur de nouveaux marchés ferroviaires qui nécessitent des investissements de l’ordre de dizaines de millions d’euros pour acheter des rames de TGV ou de TER quand la clientèle déserte les trains.

La compétition ne concerne pas que l’exploitation des trains. SNCF Réseau sera aussi mis en concurrence lorsqu’une région décidera de prendre une ligne pour en confier la gestion à un opérateur. Dans la région Grand Est, SNCF Réseau a choisi de ne pas répondre. Car, indique son PDG, « la stratégie de SNCF Réseau sur ce type de dossier est encore en cours d’élaboration».

Pour Luc Lallemand, être en situation de monopole n’est pas forcément un avantage. « Quand on n’a pas de concurrent, il est de bon ton de considérer qu’on en profite et que c’est sous optimal économiquement. Or, SNCF réseau accumule des pertes récurrentes depuis des années… ». La mise en concurrence permet aussi de se comparer et de vérifier si les efforts réalisés pour abaisser ses coûts et augmenter la qualité sont suffisants. Luc Lallemand aborde donc l’ouverture à la concurrence sans crainte, persuadé que Réseau sera gagnant dans tous les cas. « Si on remporte un marché, ou si on le conserve, nous saurons que nous sommes bons. Avec un monopole on ne le sait jamais. Si on perd, cela nous servira pour nous améliorer et pour gagner de prochains appels d’offres. »

ERTMS : pas une priorité en France

Considéré comme un spécialiste de l’ERTMS, suite à son passage chez Infrabel, Luc Lallemand justifie la frilosité de la SNCF à son égard. « Je m’y suis intéressé en 2004 parce que le réseau belge était le seul réseau d’Europe où il n’y avait pas de système de freinage d’urgence automatique en cas de dépassement d’un feu rouge. Quand je suis parti, 25 % du réseau était équipé en ERTMS. Soit la plus grande proportion en Europe. »

Dans l’hexagone, la situation est radicalement différente. Le réseau ferroviaire dispose déjà d’un excellent système de freinage d’urgence, KVB et en tant que coinventeur du TGV avec le Japon, la France a conçu un système de signalisation embarquée, le TVM 430, qui a des fonctionnalités au moins égales à l’ERTMS, mais qui présente l’inconvénient de ne pas répondre aux directives d’interopérabilité de l’Agence européenne du rail. « A l’horizon de 40 à 50 ans, tous les réseaux en Europe seront équipés de ERTMS, mais aujourd’hui sur le réseau français, les priorités sont ailleurs », conclut Luc Lallemand.

Le bon dimensionnement du réseau

Interrogé sur le bon dimensionnement du réseau français ferroviaire, Luc Lallemand répond qu’il dépendra des moyens que l’Etat, les Régions et l’Union européenne lui alloueront. Que ce sera un réseau sans faiblesse structurelle ou historique. Dont l’âge moyen des composants sera au minimum dans la moyenne européenne. Mais aussi un réseau qui n’aura pas de dette cachée.

Selon lui, il faudrait accélérer la modernisation des ateliers de Réseau. « En comparant un technicentre de SNCF Voyageurs avec un atelier de Réseau, on est dans deux siècles différents. »

Concluant son intervention, le chef d’entreprise a de nouveau voulu inviter les Français à avoir un regard plus positif et optimiste sur leur pays, sur son avenir et celui du rail. « Je crois dur comme fer à l’avenir du rail en France. La population n’a jamais été aussi demandeuse d’écologie, de vert et donc de chemin de fer. On a une époque en or devant nous. Nous avons tous les outils en main et une ingénierie parmi les meilleures au monde. Donc on y va et on se dit qu’on est vraiment bon. »

Valérie Chrzavzez

Ewa

« Nous comptons porter l’activité internationale de Captrain France de 5 % à 25 ou 30 % »

sortie atelier

Le 1er janvier dernier, VFLI est devenu Captrain France. La filiale de droit privé de la SNCF cherche à développer son activité en Europe dans une logique de coopération avec le réseau des entreprises ferroviaires constitué autour de Captrain en Europe. Explications avec Stéphane Derlincourt, le président de Captrain France.

Ville, Rail et Transports. Pourquoi avoir changé le nom de VFLI pour celui de Captrain ?

Stephane DerlincourtStephane Derlincourt. Depuis le 1er janvier VFLI est devenu Captrain France. Ce n’est pas pour une question d’image car VFLI enregistrait des taux de satisfaction élevés.

Mais nous souhaitons désormais évoluer sur un terrain de jeu plus large que notre seul marché domestique. En effet, le terrain de jeu du ferroviaire est la longue distance. Les flux sont plutôt européens que franco-français.

La marque Captrain est un réseau d’entreprises ferroviaires en Europe, constitué depuis une dizaine d’années par le groupe SNCF. Il y en a en Allemagne, en Italie, en Belgique… et dans l’est de l’Europe. Le but est de constituer, à terme, un réseau maillé à l’échelle européenne.

Captrain France se positionne comme la pièce manquante en France dans le réseau européen. Il s’agit de donner de la visibilité à notre entreprise. VFLI était bien connue en France mais manquait de visibilité en Europe.

Nous avons changé de nom, mais nous restons les mêmes, fortement engagés avec le souhait de faciliter l’accès au rail pour nos clients, dans une logique de report modal pour respecter la planète et aider l’économie française.

VRT. Qu’attendez-vous de ce réseau européen ?

S. D. Avec Captrain France, nous ne changeons pas notre ADN, qui est avant tout d’être proches de nos clients, mais nous souhaitons nous développer à l’international. Nous disposons de 70 chefs de sites aux petits soins pour nos clients. Avec un effectif de 1 000 salariés, nous restons une entreprise à taille humaine et nous allons sur le terrain. Pour résumer, nous sommes des entrepreneurs dans une logique de start-up.

Une coopération existait déjà entre VFLI et les différentes entreprises du réseau. Aujourd’hui, nous regardons quels sont les flux pour lesquels nous pouvons proposer une offre ferroviaire, dans le cadre d’un report modal de la route vers le fer.

Sur l’activité cargo nous avons réussi à développer quelques business, comme un train combiné avec Captrain Italie pour relier la région parisienne à l’agglomération de Milan. Nous envisageons des coopérations avec l’ensemble des Captrain en Europe dans les 12 mois qui viennent.

Notre objectif est d’offrir un service sans couture, dans une logique de coopération entre les différentes Captrain en Europe.

VRT. Avez-vous des objectifs chiffrés ?

S. D. Dans les trois années qui viennent, nous comptons réaliser de 25 à 30 % d’activité internationale alors qu’aujourd’hui celles-ci ne représentent que 5 % du total. Nous le ferons en coopération avec les autres entreprises du réseau Captrain.

Nous comptons aussi profiter des différents plans de relance pour nous développer. Nous ressentons de la part des clients mais aussi la société tout entière un besoin fort en faveur du ferroviaire. Il y a aussi de plus en plus d’incitations qui poussent les entreprises à se tourner vers le rail.

VRT. Quels résultats avez-vous enregistrés en 2020 ?

S. D. Le chiffre d’affaires en 2020 s’élève à 159 millions d’euros. En comparaison, en 2019, année atypique avec un mois de décembre quasi à l’arrêt, nous avions réalisé 152 millions d’euros d’activité.

2020 a été ponctuée par des épisodes difficiles : il y a d’abord la suite des grèves contre la réforme des retraites, puis, à partir de mars, la crise sanitaire. Le premier confinement a représenté la période la plus compliquée car complexe à appréhender et anxiogène. Mais nos équipes ont répondu présents jour après jour, et on peut dire avec courage, car on ne savait rien alors sur le virus.

Beaucoup d’activités se sont retrouvées à l’arrêt car elles sont liées à notre périmètre de marché qui est composé de trois activités : notre activité cargo (que l’on appelle Captrain Cargo et qui représente les trois quarts de notre chiffre d’affaires) a été fortement touchée : si les activités liées à l’automobile et à la chimie ont fortement reculé, celles de la grande consommation, ainsi que l’eau minérale et le combiné, se sont maintenues.

Le reste de notre chiffre d’affaires se partage entre une activité de desserte et de manutention dans les ITE (installations terminales embranchées) et une activité travaux avec la mise à disposition de ressources pour que des entreprises de travaux des voies puissent mener des chantiers. L’activité travaux a été quasiment à l’arrêt pendant deux mois et nous avons dû recourir au dispositif de chômage partiel.

Aujourd’hui, Captrain France est l’une des rares entreprises ferroviaires en France à offrir ces trois types d’activités. Rares sont celles qui savent offrir du cargo, de la proximité et des travaux. Nous souhaitons poursuivre sur ces trois axes.

VRT. A combien estimez-vous votre manque à gagner du fait de la crise ?

S. D. Au-delà du confinement, l’impact sur notre business continue de se faire sentir notamment dans l’automobile et dans le combiné maritime car les récoltes de céréales n’ont pas été de bonne qualité en France, ce qui a impacté notre client Cargill et ce qui nous a affectés. Entre les différents effets de la crise et les effets du marché, il va nous manquer 20 millions d’euros de chiffre d’affaires par rapport à nos prévisions.

Nos dernières estimations ne nous laissent pas penser qu’on ne va pas dégrader le capital de Captrain France. En 2020, au-delà de nos efforts, nous avons en effet également bénéficié d’un soutien de la part de l’Etat avec la gratuité des péages au second semestre.

Les mesures d’économies que nous avons mises en place et les aides de l’Etat vont nous permettre de terminer l’année et d’avoir la capacité d’investir dans les prochaines années pour nous développer.

VRT. Votre portefeuille d’activités a-t-il évolué ?

S. D. Notre portefeuille commercial a évolué : nous avons perdu des marchés, notamment le trafic Danone qui a réduit ses volumes ferroviaires ainsi que le trafic de Cargill.

Mais depuis la mi-décembre, nous avons réussi à gagner des volumes de fruits et légumes à températures dirigés à 140 km/h pour notre client Froid Combi.

Nous avons aussi récupéré depuis début janvier un nouveau trafic opéré par Via avec un premier train semi-remorque sur autoroute ferroviaire. Nous souhaitons en effet nous développer sur les autoroutes ferroviaires car elles offrent la possibilité de transporter des camions à des prix compétitifs et facilitent l’accès au rail.

Citons encore les trains que nous organisons entre le nord-est de la France et le sud-ouest, avec trois allers-retours par semaine, pour un trafic de bois de trituration en vue de leur transformation. Ce sont des volumes nouveaux que nous avons captés et qui sont passés au train. L’intérêt du mode ferroviaire est de permettre l’évacuation rapide de ce bois qui est attaqué par les insectes.

VRT. Quelles sont vos relations avec Fret SNCF ?

S. D. Avec Fret SNCF, nous sommes parfois en compétition, parfois en coopération. Parfois, nous nous retrouvons tous deux en final sur un marché. J’en suis fier car cela montre que le groupe SNCF dispose de belles entreprises.

Dans le cadre de la coalition avec 4F (une alliance regroupant les acteurs du fret ferroviaire pour le promouvoir, dont font partie Captrain France et Fret SNCF mais aussi des opérateurs privés, ndlr), des travaux ont été menés sous l’angle des investissements à réaliser dans les infrastructures et sous l’angle des aides à l’exploitation.

Nous avons obtenu une baisse de 50 % des péages en 2021 pour l’ensemble des entreprises ferroviaires, ainsi que des mesures de soutien au wagon isolé, accordées à celles qui en acheminent, donc Fret SNCF au premier chef. S’y ajoutent des aides au coup de pince, qui vont être pratiquement doublées. Et une réflexion est en cours pour soutenir les entreprises ferroviaires qui investissent dans du matériel. Ces dispositifs vont favoriser le développement du fret ferroviaire.

Il faut aussi obtenir des aides européennes, que ce soit pour les locomotives, pour les infrastructures ou pour mettre en place des solutions de contournement des grandes agglomérations. Il faut enfin travailler avec SNCF Réseau (ce que nous faisons) pour que les travaux sur les voies aient moins d’impact pour le fret ferroviaire.

VRT. Disposez-vous de suffisamment de conducteurs ?

S. D. Il va nous falloir des moyens pour nous développer. On investit beaucoup dans nos centres de formation et nous cherchons à nous faire connaître dans le monde du travail.

Nous recevons chaque année 35 000 CV. Mais cela reste difficile de recruter et la plupart des personnes embauchées ne connaissent rien au ferroviaire. Nous recrutons annuellement en CDI 150 personnes, que nous intégrons dans nos cursus de formation. Pour former un conducteur il faut quasiment un an. C’est donc un investissement important, un vrai engagement.

Nous essayons d’adapter nos formations et de travailler nos process pour être attractifs en proposant de plus en plus de stages sur le terrain et des entraînements sur des simulateurs. Et nous proposons le plus vite possible des affectations. La visibilité sur l’affectation est importante pour nos recrues car beaucoup sont attachés à leurs régions d’origine et souhaitent y être affectés.

Chacun de nos 70 sites a un responsable. 80 % de ces chefs de site sont issus de la promotion interne. Nous faisons en sorte d’offrir à nos salariés des perspectives d’évolution dans leur parcours.

VRT. Quelle est votre politique en matière de matériel roulant ?

S. D. Nous louons nos locomotives et essayons de nous tourner vers le mode électrique. Mais nous avons aussi été les premiers en France et même en Europe à acheter une locomotive hybride que nous exploitons. Nous avons prévu d’en acheter d’autres, mais comme c’est onéreux, nous devons le faire en fonction de nos capacités.

Nous cherchons à réduire notre empreinte carbone en utilisant des biocarburants et en formant nos personnels à l’écoconduite. Nous nous intéressons aussi à la solution hydrogène.

En attendant, il ne faut pas oublier que quand on assure un transport de fret en train, on consomme six fois moins d’énergie et on émet neuf fois moins de CO2 qu’un poids lourd. Sur 1 000 km, ce sont 1 000 kg de CO2 économisés.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt