L’épisode estival du feuilleton de la ligne des Causses et de l’Aubrac devrait bien se terminer, comme le laissaient entendre plusieurs spoilers dès le mois de juin. Il y avait eu l’annonce, par le ministre Clément Beaune, que l’Etat devrait débloquer quelque 40 millions d’euros pour la réfection de 25 km de la ligne de Béziers à Neussargues, puis sa confirmation par Jean-Luc Gibelin, vice-président Transport d’Occitanie. Mais sur le montant nécessaire (41 millions d’euros, selon SNCF Réseau), seuls 13,7 millions d’euros sont effectivement financés pour engager un renouvellement des rails, vue « l’urgence avérée », selon les termes de la réponse apportée fin août par le même ministre à Pierre Morel-À-l’Huissier, député de Lozère. De quoi engager une réfection qui, si elle n’était pas entreprise, mettrait en péril la continuité de la liaison ferroviaire entre Clermont-Ferrand et la Méditerranée par Neussargues, indispensable à la desserte du site ArcelorMittal de Saint-Chély-d’Apcher.
Une liaison hautement symbolique, car la section de 25 km à renouveler, encore équipée de rail double champignon remontant à l’époque de la Compagnie du Midi, emprunte le célèbre viaduc de Garabit, réalisé par Gustave Eiffel. Et son éventuelle fermeture aurait entraîné de fait la coupure de la ligne de l’Aubrac sur 55 km entre Neussargues et Saint-Chély-d’Apcher, c’est-à-dire sa section la plus au nord, dès le mois de décembre prochain pour les voyageurs et fin 2024 pour le fret.
Pour garantir l’avenir de la ligne, les financements étaient ces dernières années répartis en trois tiers, entre l’Etat et les deux régions concernées, Auvergne-Rhône-Alpes (où se situent les 25 km à renouveler) et Occitanie (en général plutôt volontaire pour assurer la réfection des infrastructures ferroviaires). Sauf que cette fois, les deux régions ont, d’un commun accord, refusé de financer l’opération nécessaire sur une section faisant partie du réseau TET. En effet, malgré les apparences, le train de voyageurs au sud de Neussargues, qui est techniquement assuré par des rames du parc TER d’Occitanie, est un Intercités ! Quant au fret, pour lequel la ligne est indispensable, il n’est pas du ressort des régions. Restait donc comme solution à l’Etat, par ailleurs propriétaire de l’infrastructure, d’en financer seul la réfection. Pour ce qui est du tiers à sa charge, soit 13,7 millions d’euros, c’est chose faite. Pour les deux autres tiers, le financement reste à confirmer.
Alors, sauvée, la ligne des Causses et de l’Aubrac ? Oui quand même, mais dans l’urgence et « jusqu’à la prochaine fois ». Même lorsque l’on aura vu la couleur des 41 millions demandés par SNCF Réseau, il restera à s’attaquer rapidement à la réfection d’autres sections de cet itinéraire, sans oublier d’apporter tous les soins nécessaires au maintien en exploitation du viaduc de Garabit, qui va sur ses 140 ans d’existence… C’est dans cette perspective, alors que le volet Mobilités du CPER 2023-2027 est en cours de discussion, que Carole Delga, présidente de la région Occitanie, et son homologue Laurent Wauquiez, pour Auvergne-Rhône-Alpes, ont appelé ensemble le gouvernement à revoir son investissement pour les lignes de l’Aubrac et des Cévennes (Nîmes – Clermont-Ferrand), estimant que « le financement de 100 millions d’euros prévu aujourd’hui par l’Etat, très loin des travaux estimés à 600 millions d’euros par SNCF Réseau, sera clairement insuffisant pour sauvegarder les deux lignes ».
P. L.