Bruno Gazeau, le président de la Fnaut, tire les leçons de la grève. Selon lui, « il n’est pas acceptable que quelques aiguilleurs puissent tout bloquer ». Entretien.
Ville, Rail & Transports. Quels constats faites-vous suite à ce long conflit ?
Bruno Gazeau. Les souffrances des gens sont bien plus grandes que ce qu’on a dit et que ce qu’on a entendu dans les médias. Or, le droit à la mobilité existe aussi. Il est inscrit dans la constitution.
J’observe que la loi sur le service garanti a bien fonctionné à chaque fois qu’il y a eu un conflit modéré. Cela a été d’ailleurs le cas en Province, où il y a eu un service minimum dans les transports urbains.
En revanche, en Ile-de-France, et dans les TER et les Intercités, cela n’a pas été le cas. Avec cette grève qui a été si importante, on a découvert des problèmes nouveaux. Il faut en tenir compte à l’avenir.
Je ne demande pas de tout reconstruire mais de traiter les cas qui n’ont pas fonctionné.
S’il y a eu un service minimum sur les RER, avec une rame sur 2, la RATP et la SNCF se sont concentrées sur les zones denses et de ce fait, le maillage du réseau n’a pas été assuré. Certaines lignes à certaines heures et sur certains tronçons n’étaient pas du tout desservies. C’était assez illisible pour les usagers.
Il faut donc assurer un maillage en ajustant le service à chaque type de ligne.
VRT. Que proposez-vous plus précisément ?
B. G. On ne peut pas tout traiter de manière identique. Certaines lignes sont denses, d’autres moins. Sur les lignes denses, un train sur 3 n’est pas suffisant pour des problèmes évidents de sécurité.
En effet, avec l’afflux des voyageurs sur certaines lignes, des problèmes de sécurité très importants sont apparus sur les quais et dans les couloirs. Il faut donc organiser les transports en prenant aussi en compte cette dimension. Ce que nous avons pu observer, c’est que la RATP a fermé les stations en correspondance car il y avait trop de gens. Cela ne va pas.
Tout cela doit être négocié entre les opérateurs et les autorités organisatrices qui doivent déterminer les liaisons prioritaires
Nous proposons ce que nous appelons un service minimum librement consenti. Nous avions déjà proposé cette démarche aux organisations syndicales l’année dernière au moment de la grève perlée à la SNCF. J’observe qu’elles l’ont observée au moment du démarrage du conflit puisqu’elles avaient commencé le mouvement un matin et non pas comme d’habitude le soir, pour permettre aux gens de rentrer de vacances. Il est donc possible d’organiser les choses avec les syndicats.
Je leur ai proposé de les revoir sur ce sujet pour garantir un minimum de service aux usagers sans porter atteinte au droit de grève.
VRT. Mais si elles ne l’acceptent pas ?
B. G. Si cela ne marche pas, il faudra en passer par la loi pour certains métiers. Pour la gestion du réseau, quand il y a un monopole du service public (cela vaut donc pour la SNCF et la RATP), il faut s’aligner sur ce qui s’applique aux aiguilleurs du ciel qui n’ont pas le droit de faire grève. Il n’est pas acceptable que quelques aiguilleurs puissent tout bloquer.
C’est la contrepartie du monopole. Cela permettrait aux trains de fret de circuler ainsi qu’aux trains des nouveaux entrants. Je ne vois pas pourquoi une grève propre à la SNCF devrait empêcher des entreprises concurrentes de rouler.
En revanche, je ne crois pas à la réquisition du personnel pour disposer de conducteurs. Il faut trouver un compromis entre droit de grève et droit à la mobilité.
On peut accepter par exemple un jour de grève totale, le premier jour, qui permet de mesurer l’ampleur de l’opposition au sein de l’entreprise, puis le service minimum est organisé. Il faut un dialogue avec les organisations syndicales. Mais nous critiquons les dérives, comme le blocage des dépôts ou l’enfumage des gens dans les couloirs du métro.
La Fnaut demande aussi le dédommagement automatique sur le compte bancaire dans les 7 jours lorsque les transports ne fonctionnent pas. Nous avions déjà demandé cette mesure au moment des discussions sur la loi d’orientation des mobilités, la LOM, mais cette mesure n’avait pas été reprise.
Propos recueillis par M.-H. P.