Durant le conflit social, à la SNCF, les établissements de maintenance ont dû s’adapter quotidiennement pour mettre à disposition le matériel, en faisant face à de multiples difficultés. A l’exemple de l’Établissement de maintenance de Noisy-le-Sec, dans l’est de Paris.
« Tous les dysfonctionnements liés à la grève sont maintenant résorbés », affirme Benoît Casagrande le directeur de l’Établissement de maintenance de Noisy-le-Sec qui assure l’entretien des automotrices, et du matériel remorqué, qui circulent sur les lignes E (Paris – Tournan) et P (Paris – Meaux puis Château-Thierry ou La Ferté-Milon) de l’Est parisien.
Une organisation chamboulée
« Hormis quelques petits soucis sur certaines MI2N, tout est rentré dans l’ordre ». Ce matériel semble en effet plus sensible à l’immobilisation prolongée que les autres rames dont s’occupe l’EMM de Noisy. « C’est comme pour les voitures un peu âgées », sourit le directeur, « parfois, elles s’abîment plus à ne pas servir qu’à rouler ! Mais c’est vraiment mineur ».
Des visites ont été organisées, au moins une fois par semaine, pour chaque rame garée en différents points des lignes. « Nous devions nous assurer de leur bon état de fonctionnement », poursuit Benoît Casagrande. Il fallait notamment être sûr que les batteries étaient chargées sur les trains de banlieue type RIB.
« Elles tiennent de quelques heures à deux jours selon les rames ou les modèles. Et sans ses accumulateurs, pas de démarrage possible », détaille Jean-Marc Bot, chef d’atelier à Noisy-le- Sec. Garer du matériel en ligne est une pratique habituelle en service normal, entre les pointes. Celui-ci doit être prépositionné pour assurer les missions de la pointe suivante. Il est en effet inutile de prévoir un retour à l’atelier, si aucune maintenance importante n’est programmée, car cela pèserait sur le plan de transport. De plus, les 19 voies du faisceau de l’atelier ne suffirait pas à stocker les 147 rames circulant sur les lignes E et P.
Mais au moment de la grève toute l’organisation a été chamboulée. « On a commencé par faire le tri entre les rames qui devaient absolument entrer en maintenance et celles qui ne nécessitaient pas de maintenance immédiate, et offraient encore du potentiel avant une prochaine maintenance programmée », poursuit le responsable. C’est en effet la majeure partie de la charge de travail de Noisy-le-Sec : 60 % de maintenance préventive et 40 % de maintenance corrective. Mais en décembre, il a fallu s’adapter. « Chaque jour, on travaillait en collaboration avec le Centre des opérations Transilien à Paris-Est pour connaître les ressources disponibles, en agents de conduite, en agents circulation, et bien sûr en maintenance, données que nous fournissions, et on bâtissait un plan de transports en fonction de ces éléments, et des souhaits de l’autorité organisatrice. » En résumé, il s’agissait, chaque jour, de mettre en adéquation le nombre de rames avec le nombre d’agents de conduite disponibles.
Une coordination avec les différents services
Ainsi, il est arrivé pendant la grève que des rames circulent avec des défauts, mais aucun de nature à remettre en cause la sécurité. « Nous avons laissé circuler des rames avec des tags. Mais avec des limites : pas d’énormes tags qui auraient couvert les fenêtres des voyageurs ou ne serait-ce qu’une partie de la cabine de conduite », explique Jean-Marc Bot. Pour les éléments dits de sécurité, comme les portes – l’élément des rames qui souffre le plus pendant les grèves –, il a fallu arbitrer. S’il est possible d’en condamner en cas de dysfonctionnement, « pendant la grève, on a évité d’utiliser des rames avec une porte condamnée, et a fortiori plusieurs sur une même rame étant donné les difficultés qu’avaient déjà les voyageurs à monter à bord».
Outre ces difficultés, l’Établissement a dû composer avec la filière Transport/Mouvement. À Noisy, le poste F commande l’accès à l’atelier et au faisceau. « Nous avons essayé de savoir, au jour le jour, à quel moment de la journée, les agents du poste n’étaient pas en grève. Et profiter ainsi de quelques heures pour faire entrer et sortir les rames en maintenance ». L’activité de tout l’Établissement en dépendait.
Depuis le 20 janvier, l’atelier a retrouvé son rythme et presque tous ses agents sont au travail. « Il ne reste que 4 grévistes », précise Benoît Casagrande. « Il y avait 50 % des salariés de l’Établissement aux premiers jours de la grève et 20 % les derniers jours ».
Yann Goubin
Cinq matériels différents
La principale originalité – mais aussi complexité – de l’Établissement de Noisy, c’est le grand nombre de matériel qui y est entretenu. Pas moins de cinq types de matériel s’y côtoient : des MI2N (53 rames), des NAT (3 rames), des Z2N (19 rames) pour la ligne P, des RIB (6 rames) et des AGC (26 rames) bicourant.
À la maintenance de niveau 2 qui peut s’effectuer sur le faisceau de l’atelier, et même en ligne si elle ne nécessite pas d’intervention sur les coffres électriques, s’ajoute celle de niveau 3, plus lourde, qui demande l’immobilisation du matériel pendant plusieurs jours, ou nuits puisque l’atelier fonctionne en 2X8. Quant à la maintenance des organes de roulement par exemple, plus lourde encore (niveau 4), elle est confiée à des ateliers industriels de la SNCF, comme Saint-Pierre-des-Corps ou Nevers.