Sur un budget de 5,8 milliards d’euros, SNCF Réseau a prévu cette année d’investir plus de 2,8 milliards d’euros pour moderniser les infrastructures ferroviaires. Une enveloppe en légère augmentation puisque l’année dernière, sur un budget total de 5,6 milliards, il était prévu 2,7 milliards pour rajeunir le réseau. Explications par Luc Lallemand, le PDG de SNCF Réseau.
Ville, Rail & Transports. Depuis le 1er janvier 2020 la SNCF fonctionne sous le statut de société anonyme à capitaux publics avec une holding de tête qui chapeaute cinq sociétés anonymes, dont SNCF Réseau. En quoi ce modèle vous paraît-il adapté à l’infrastructure française ?
Luc Lallemand. Ce modèle intégré, à l’instar du modèle allemand, est particulièrement pertinent en France.
En matière de transport ferroviaire, le degré d’intimité technologique entre l’infrastructure et le train est élevé et complexe par rapport à d’autres modes de transport où ce degré d’intimité est moindre. En France, l’outil industriel ferroviaire est constitué d’une succession de strates, d’une multiplication d’outils différents qui ne sont pas rationalisés, ce qui rend ce patrimoine industriel très complexe à gérer. La nécessaire rationalisation de cet outil industriel consacre les choix opérés dans notre projet d’entreprise « Tous SNCF Ambition Réseau ».
VRT. Comment cette rationalisation de l’outil industriel va-t-elle s’inscrire dans la stratégie de l’entreprise ?
L. L. Avant la réforme, SNCF Réseau avait un projet stratégique intitulé Nouvel’R. Nous n’avons pas souhaité créer un big bang. Notre objectif est de rationaliser l’outil industriel et de nous concentrer sur la satisfaction clients, pas de créer une énième réforme liée au changement de gouvernance. Nous voulons poursuivre les acquis de Nouvel’R, intensifier des dimensions déjà présentes comme le focus client. Si le client est satisfait, l’utilisation du mode ferroviaire se développe, et c’est ce qui nous importe. Le projet d’entreprise « Tous SNCF Ambition Réseau » repose sur quatre piliers : le client et sa satisfaction, l’excellence et la performance opérationnelle, la sécurité de l’exploitation et du travail et l’équilibre financier.
VRT. Quelle est la priorité en matière de performance opérationnelle ?
L. L. Le réseau est, par endroits, vétuste. Le premier impératif est d’avoir le moins de pannes possible. Lorsqu’il y en a, car c’est inévitable, il s’agit de diminuer au maximum le mean time to repair (temps moyen de réparation) pour remettre l’installation en état. Le réseau ferroviaire français repose sur un patrimoine historico-industriel très varié, avec par exemple un réseau TGV au top, mais qui a complètement impacté le niveau d’investissement sur le réseau ferroviaire classique structurant. Et malgré les efforts de régénération réalisés depuis quelques années, notre retard est tel qu’il nous faudra entre huit et dix ans minimum pour être au niveau européen. Il faudra mener de front cet objectif ainsi que celui de la modernisation et de l’innovation.
VRT. Vous évoquez un autre pilier du projet d’entreprise, la sécurité de l’exploitation et du travail…
L. L. Ça doit être une préoccupation constante. En matière de sécurité nos chiffres ne sont pas mauvais même s’ils se sont légèrement dégradés en 2020. Nous sommes forts sur la technologie du système industriel et sur les process, mais nous devons faire des progrès sur la culture de la sécurité, tant sur la sécurité de l’exploitation que celle du personnel. Depuis le lancement du programme Prisme en 2016, SNCF Réseau travaille à un renforcement de cette culture. Le projet d’entreprise promeut une approche de la sécurité globale, qui traite avec le même niveau d’importance la sécurité et la santé des salariés et des prestataires, la sûreté, les risques d’incendie, la cybersécurité, les risques naturels et technologiques… En 2021, nous investirons près de 130 M€ pour améliorer le niveau de sécurité du réseau.
VRT. Et quels sont vos objectifs financiers ?
L. L. L’équilibre financier est le 4e pilier de notre projet d’entreprise. SNCF Réseau, né en 2015 de la fusion entre Réseau ferré de France (RFF), SNCF Infra et de la direction de la circulation ferroviaire (DCF), n’a pas encore totalement intégré cette dimension. Le secteur de l’infrastructure en France s’est habitué à un déficit colossal. En 2019, nous avons clôturé à moins de 2 Md€ ! C’est une habitude très ancrée et nous allons y mettre fin. C’est d’autant plus nécessaire que, dans le cadre de la réforme ferroviaire, le gouvernement a inscrit dans les statuts de SNCF Réseau qu’en 2024, nous devons être à l’équilibre. Bien évidemment, ça ne se fera pas en une année, même si l’Etat, avec la reprise de la dette, va nous apporter une aide massive de 1 milliard d’euros. A nous de gérer différemment pour trouver l’autre milliard, et de faire en sorte que les dépenses ne dépassent pas les revenus. C’est à la fois une question de bonne gestion et de devoir moral.
Propos recueillis par Véronique Pierre