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Ewa

Métro automatique. Un challenge technique, financier et organisationnel

conf metro 2021

Les projets de migration vers de nouvelles lignes de métro automatiques se multiplient. A Paris, la ligne 4 migre du pilotage automatique analogique, avec conducteur, à l’automatisation intégrale, sans personnel à bord. Et à Lyon, la ligne D connaît une migration inédite, entre deux générations successives d’automatisation intégrale. Ce développement exponentiel s’accompagne d’un triple challenge. Pour l’extension d’un réseau existant, la recherche de performance et d’économies dicte le recours aux plus récentes technologies, incompatibles avec les anciennes. Dans le même temps, la haute valeur patrimoniale d’une ligne nouvelle contraint l’opérateur à devoir en tirer au plus vite, pour le bénéfice de l’autorité organisatrice, tout le potentiel, alors que sa montée en puissance ne peut qu’être graduelle. Et pour l’automatisation d’une ligne existante, comme pour la migration d’une génération d’automatismes à la suivante, la nécessité de ne pas interrompre l’exploitation oblige désormais les constructeurs à des prouesses afin que, chaque matin, les rames puissent circuler, en toute sécurité, après les travaux de la nuit. C’est à ce triple challenge, technique, financier et organisationnel, que la conférence organisée par VRT s’est intéressée le 25 novembre, permettant aux ingénieuries, aux constructeurs et aux opérateurs de réagir.

emmanuel sologny vrtEpine dorsale du futur Grand Paris Express, la ligne 14 va connaître une profonde mutation en l’espace de quelques années, puisque, entre 2015 et 2024, sa longueur va être multipliée par trois et le nombre de voyageurs par deux. Elle atteindra alors la fréquentation du RER B. « C’est un changement complet de dimension : ce n’est plus une petite ligne qui faisait de la connexion entre les autres lignes dans Paris, c’est une nouvelle ère », commente Emmanuel Sologny, le directeur Métro Ligne 14 (Groupe RATP).

En tant qu’entreprise intégrée, la régie parisienne est présente sur la partie projet, la partie exploitation, mais également sur la maintenance, ce qui lui donne une vision d’ensemble pour moderniser une ligne. L’un des premiers défis a démarré avec les travaux d’extension et la gestion de cinq tunneliers entre 2016 et 2021, pour le creusement de 15 km de tunnels, à 30 m de profondeur, dans des sols « pas forcément très cléments ». En tout, la ligne 14 recense 300 lots de travaux de 2014 à 2025, soit des centaines de personnes en maîtrise d’œuvre ou maîtrise d’ouvrage, sous pilotage du groupe RATP.

« La RATP a réussi à tenir ses engagements, y compris sur l’année 2020 pour la mise en service malgré la crise Covid », se félicite Emmanuel Sologny. L’un des défis les plus importants concerne l’accroissement du nombre de voyageurs, ce qui a nécessité de moderniser le matériel roulant, avec des nouveaux trains plus capacitaires : des MP14 fournis par Alstom ont été mis en service avec le prolongement jusqu’à Mairie de Saint-Ouen. « Avec 120 m, c’est le plus long métro de France, on pourra l’exploiter à 85 secondes d’intervalle grâce au nouveau CBTC qui sera déployé sur la ligne », précise-t-il.

 » AVEC 120M, LE METRO DE LA LIGNE 14 EST LE PLUS LONG DE FRANCE, ON POURRA L’EXPLOITER À 85 SECONDES D’INTERVALLES GRÂCE AU NOUVEAU CBTC  » Emmanuel Sologny

La RATP en profite pour renouveler l’ensemble du matériel pneus sur ses lignes dans un grand jeu de chaises musicales. Les anciens trains à six voitures de la ligne 14 iront ainsi sur la ligne 4 pour son automatisation, les trains de cette ligne seront à leur tour transférés sur la ligne 6, et les vieux trains de cette dernière iront « à la benne » après 60 ans de service.

Dans le même temps, tous les systèmes d’exploitation sont ou vont être renouvelés en l’espace de 10 ans, y compris celui de la ligne 14 «qui aurait eu 25 ans au moment du lancement de la ligne, ce qui est âgé pour des systèmes de lignes automatiques ». Le PCC a, pour sa part, été changé en 2016, avec une modernisation du système de supervision des espaces et des moyens audiovisuels pour dialoguer avec les voyageurs. Enfin, le CBTC historique de Meteor sera changé avant l’arrivée de la ligne à Orly, « une première car c’est une migration de GoA4 à GoA4 ».

Basculement

Côté RATP, le défi du quotidien consiste à gérer les interfaces entre le chantier et la ligne exploitée, avec 1 000 chantiers par an pour changer tous les équipements, qui ont lieu entre 1 h 30 à 4 h 30 du matin. « C’est un vrai défi de relancer l’exploitation tout en maintenant la qualité de service, on a mis en place une vraie organisation interne pour être très réactif. En métro automatique le moindre grain de sable ne pardonne pas, on n’a pas de conducteur qui peut s’affranchir des règles pour travailler en mode dégradé. »

La RATP a ainsi travaillé avec Siemens pour gérer les basculements d’un système à l’autre avec un gros stock en surplus de cartes électroniques. « Quand on charge des cartes électroniques avec des nouvelles versions logicielles, parfois des composants claquent. Nous avons donc des stocks et tous les matins à 4 heures, des équipes courent dans tous les sens pour les changer. »

Enfin, la régie prépare depuis des années ses équipes à monter en puissance, avec le lancement d’un grand plan de transformation piloté par les équipes d’exploitation, « avec un questionnement des pratiques et de notre organisation pour maintenir notre qualité de service, avec une ligne qui va passer de 9 à 21 km, et passer de 21 trains en heure de pointe à 60. C’est un grand défi sur 15 ans, on travaille sur la gestion des flux, sans oublier la formation en compétence technique de notre personnel. »

edouarddumas vrtPour Edouard Dumas, responsable des comptes SNCF Réseau chez Siemens Mobility, la ligne 14 représente également un défi majeur. « Ce sera sûrement la ligne la plus dense d’Europe. L’ouverture est prévue pour 2023-2024, avec les Jeux Olympiques en ligne de mire. »

L’un des gros défis sera de réaliser une migration de l’ancien système Meteor vers le nouveau système CBTC de Siemens. « Ce sera une grande première pour nous. Nous espérons que ce qui a déjà été réalisé sur la Ligne 1, et ce qu’on est en train de réaliser sur la ligne 4, nous servira. Ce sera le concept du big bang : arrêter de faire circuler les trains avec le système Meteor la veille du week-end, pour tout remettre en marche, le lundi matin, avec le nouveau système. »

Pour s’y préparer, Siemens Mobility compte accroître les tests en usines, puisque les intervalles de tests sur site sont très courts la nuit. Le fait de passer d’un métro sans conducteur GoA4 à un autre système GoA4 (tous les deux sans conducteurs) n’a rien d’évident. « Il était prévu de récupérer l’ensemble des paramètres de la ligne pour éviter de devoir tout refaire, c’est une bonne idée mais il faut s’assurer de l’exhaustivité de l’ensemble de ces paramètres et s’assurer que la base de données n’est pas corrompue. Il ne faudrait pas que certaines données non utilisées, car déclarées comme inutiles avec le système Meteor, se retrouvent à être utilisées en étant basculées sur le nouveau système, et que ces paramètres soient erronés et posent un problème de sécurité », détaille Edouard Dumas.

 » L’UN DES GROS DÉFIS DE SIEMENS SERA DE RÉALISER UNE MIGRATION DE LA LIGNE 14 DE L’ANCIEN SYSTÈME METEOR VERS LE NOUVEAU SYSTÈME CBTC EN UN WEEK-END «  Edouard Dumas

Patrick VioletA Lille, les lignes vont également basculer d’un système de conduite automatique GoA4 à un autre GoA4. Là encore, il n’y aura pas d’autres moyens que de procéder par big-bang. « L’enjeu sera similaire à celui de la ligne 14, car les deux systèmes ne savent pas communiquer entre eux et ne s’acceptent pas l’un l’autre. Nous n’avons pas le droit de nous tromper le jour où on basculera, car un retour en arrière prendrait du temps et serait compliqué », indique Patrick Violet, responsable du département Ingénierie Système d’Egis. Il s’agit donc d’un risque supplémentaire par rapport à une migration où les deux systèmes connaissent l’occupation des voies sur l’ensemble de la ligne, quels que soient les trains.

Un autre enjeu porte sur la définition des spécifications du système de transport, avec un système ancien qui a 10 ans de plus que celui de la ligne 14. « Cela passe par l’identification des besoins des différents acteurs : exploitants, maîtres d’ouvrage, passagers et mainteneurs. Il faut distinguer ce qui ressort du besoin de fonctionnement et ce qui relève des habitudes prises au fil des années, car les processus, les équipes et l’organisation s’adaptent au système exploité. Cela nécessite un travail de retro-engineering pour revenir à un système de spécifications afin de lancer les appels d’offres constructeurs. » Un travail complexe -et passionnant- pour les équipes, lié à projet de rupture technologique.

Echanges

Christophe SanguinaChristophe Sanguina, directeur du centre d’excellence Metro-Tram chez Keolis complète : « sur ce type de migration, la collaboration reste primordiale. C’est bien d’avoir tout le monde autour de la table pour donner des informations avec tous les points de vue, qu’il s’agisse de l’AOM, des opérateurs et des mainteneurs, car beaucoup de choix ont un fort impact financier ».

Keolis gère l’exploitation des lignes B et D de Lyon. La migration de la ligne B, de GoA2 (avec conducteur) à GoA4, doit entrer en service commercial en 2023. « Cela s’est avéré un énorme challenge », souligne Christophe Sanguina. « Il ne faut pas oublier les travaux en tunnels, l’extension des dépôts et la gestion de l’arrivée d’une nouvelle flotte sur une ligne. Il y a une spécificité lyonnaise car il n’y a pas de porte palière, ce qui rajoute de la technicité. »

Ces opérations ont eu « peu d’impact pour les passagers », avec la mise en place « de nuits longues », autrement dit des interruptions de service certains soirs dès 21 h 30.

Pour s’assurer une remise en service sans soucis, Keolis a mis en place une grosse opération de formation des agents de conduite – car il y a un transit et un retour au dépôt avec un conducteur -, en comptant sept semaines de formation pour prendre en main un nouveau système. « Le retour d’expérience va être très bon pour toutes les lignes de métro qui voudront faire cette évolution, on essaiera de le partager dès que l’essai sera transformé. Cela devrait aider de nombreux réseaux à franchir le pas. »

Pierre CherkiPour la migration de la ligne D, de GoA4 à GoA4, Systra a également défini une stratégie de migration big bang. « Pour ces projets, il faut beaucoup de méthodologie. On a développé depuis plusieurs années une méthode qualifiée de TOP (Target, Origin, Path), qui structure la façon dont on doit procéder : on doit identifier les objectifs de la migration, le système actuel et les chemins pour y aller, jalonnées par les différentes mises en services qui vont structurer la relation avec les constructeurs et l’exploitant. Nous avons d’abord développé cette méthode en Amérique du Sud. Nous la proposons maintenant partout dans le monde. C’est un point clé pour bien maîtriser tous les éléments de la migration d’une ligne », souligne Pierre Cherki, directeur du département Ingénierie des Systèmes chez Systra.

 » NOUS N’AVONS PAS LE DROIT DE NOUS TROMPER LE JOUR OÙ ON BASCULERA, CAR UN RETOUR EN ARRIÈRE PRENDRAIT DU TEMPS ET SERAIT COMPLIQUÉ  » Patrick Violet

Frederic BernaudinFrédéric Bernaudin, vice-président French Innovative Project chez Hitachi, note un autre point susceptible d’ouvrir des perspectives intéressantes pour l’automatisme de conduite et le GoA4, avec l’approche de standard liée à la norme dite GS1. « Cette norme permet d’identifier chaque élément d’un système de manière unique, pour ne plus avoir d’identifiant de pièces détachées par entreprise. Ainsi, la gestion devient globale. A terme, on peut remonter les informations de manière directe. Libre à l’opérateur de mettre à disposition ces informations à chaque fournisseur. »

Son expérience, à cheval sur l’Europe et l’Asie, lui permet de noter certaines différences culturelles, avec un mode de pensée qui amène à choisir un système de contrôle de commande centralisé, comme en Europe, et un mode distribué, comme en Asie. Ce dernier mode permet de réaliser une migration de métro automatique étape par étape – et non pas en une nuit. « En Chine, nous avons utilisé une approche ERTMS pour faire un basculement en métro automatique avec des couvertures radios complètes en gare et des communications par balises intermittentes entre les gares, ce qui a permis de déployer le système de manière plus douce et plus maîtrisable pour le client. »

Porosité

La mise en place de lignes de métros automatiques de plus en plus étendues conduit fatalement à un rapprochement avec le monde ferroviaire. « On s’aperçoit que les solutions déployées dans le monde CBTC urbain sont assez proches de celles du système ferroviaire traditionnel, avec les mêmes plateformes matérielles, les mêmes architectures au niveau sol, des enclenchements et du dialogue avec le mobile. Il y a une très forte porosité : les innovations et les essais poussés dans un secteur vont bénéficier à l’autre », observe Frédéric Bernaudin.

Cette porosité se retrouve également dans l’utilisation de la téléconduite, lors d’essais réalisés dans le monde du métro pour commander avec un pupitre à distance un train, afin de le rapprocher d’un autre qui se trouve en détresse. « On voit la même chose dans le monde ferroviaire. Les échanges peuvent donc s’avérer très fructueux. Les industriels européens et la SNCF ont la chance d’être présents sur ces deux mondes et de pouvoir échanger. »

Profitant de l’expertise de Systra sur les modes urbain et ferroviaire, Pierre Cherki constate également une tendance à faire converger deux systèmes, avec « des systèmes plutôt ferroviaires suburbains et des matériels divers, qui peuvent atteindre une performance de type métro, avec des intervalles très courts et une vitesse assez importante, comme Zhengzhou où nous sommes intervenus ».

C’est aussi le cas avec NExTEO en région parisienne (avec une partie RATP et une autre SNCF), qui va permettre à des trains d’avoir une performance de type CBTC sur une zone centrale, à commencer par le RER E, et avec un équipement de type ERTMS sur les branches. « Pour l’instant, cela va être du KVB. Les nouveaux trains vont être équipés d’un EVC pour faire la traduction des deux systèmes et seront prédisposés pour pouvoir traiter le ERTMS dans une phase ultérieure. On touche du doigt cette convergence avec un besoin de gros débits et un besoin de gérer des matériels très divers. Sur Eole, des trains transiliens et des RER circulent et, sur les réseaux environnants, on trouve des trains suburbains, des Intercités et des trains de fret. »

Systra mène également ce type de projet à Mumbai, où il y a un besoin de très forte performance en zone dense et un coût moindre sur les branches. « On ne peut pas mettre du CBTC partout, car cela coûte cher, c’est compliqué et ce n’est pas forcément nécessaire sur des branches moins fréquentées. »

Sur Paris, Systra développe une solution de gestion du trafic capable de gérer les mondes ferroviaires et métro appelée ATS+ , qui sera installée sur le RER E, puis sur les RER B et D. « Nous aidons notre client à définir des concepts et les bases de calcul de ces nouveaux systèmes de gestion de trafic, où il y aura mixité des trains entre RER, Intercités et fret. Nous avons développé des nouveaux systèmes qui représentent une algorithmie extrêmement complexe, à la fois robuste, et en temps réel, capables de s’adapter et d’anticiper pour mieux maîtriser les situations qui dérivent (par exemple une porte retenue ou un train en retard). Il s’agit de savoir comment prioriser les sillons entre différents trafics. »

 » LE RETOUR D’EXPÉRIENCE DES AGENTS DE CONDUITE DES LIGNES LYONNAISES DEVRAIT AIDER LES RÉSEAUX QUI SOUHAITENT UNE MIGRATION DE GOA2 VERS GOA4  » Christophe Sanguina

Siemens fournit les CBTC pour la ligne 14 et celles des lignes 15, 16 et 17 du Grand Paris Express, ainsi que le système pour le RER E avec NExTEO. « On a pris le parti de conserver le même produit, qui a démarré à New York en 2006, puis on a développé une version V2 pour l’adapter aux exigences de la RATP sur la ligne 1 et elle est en train d’être mise en service sur la ligne 4. Nous développons également une V3 avec une indépendance des sous-systèmes. Les systèmes à bord communiqueront avec les systèmes au sol grâce à une radio au milieu qui ne sera plus propriété de Siemens mais qui sera une radio Wifi. On s’est aperçu en effet que la radio était drivée par le monde des telecoms. Ces derniers n’ont pas dans leurs gènes comme nous la gestion de durée de vie longue, qui est de l’ordre de 30 ans : ils ont des normes qui changent plutôt tous les 5 ans comme avec le passage de la 4G à la 5G », détaille Edouard Dumas.

Concernant le « défi technique » que représente NExTEO, il indique que ce projet devra gérer la coexistence de trains qui seront équipés de ce système avec d’autres (des trains de grandes lignes, des Transilien) qui n’en seront pas équipés. « Le projet ATS+, petit frère de NExTEO, permettra que le CBTC serve, dans le tunnel du milieu, à éviter d’insérer les trains un à un. » Ce projet, soutenu par SNCF Réseau, sera aussi déployé sur le RER D. « La RATP aura aussi son propre projet qui s’appelle SAE plus, ce sera une autre paire de manches de faire coexister les deux systèmes sur le RER B et D dans le tunnel du tronçon central pour la mise en service prévue en 2023. »

Relation clientèle

Qui dit extension de la ligne dit également nouvelle clientèle. Pour sa ligne 14 étendue, la RATP compte profiter des aménagements pour améliorer sa relation avec les usagers. « Notre clientèle va évoluer. Au démarrage de la ligne, nous avions surtout des voyageurs en transition entre deux correspondances. Avec l’extension vers le nord, nous avons gagné beaucoup plus de voyageurs pendulaires. L’extension vers Orly se traduira par une augmentation du nombre de touristes et l’arrivée d’une clientèle d’affaires », souligne Emmanuel Sologny.

Les moyens audiovisuels vont être renouvelés sur les nouveaux trains MP14 avec de l’information circonstancielle en cas d’incident. Jusqu’à présent l’information était centralisée, avec un message unique diffusé sur toute la ligne. La RATP essaye désormais de générer des messages au cas par cas, en ne diffusant l’information que dans les trains concernés. Des écrans dynamiques seront aussi installés à bord des trains pour diffuser cette information dédiée.

Poursuivant dans cette voie, la RATP compte rendre les voyageurs « acteurs » de leur voyage, notamment ceux qui sont amenés à monter à bord de la ligne à la gare de Lyon. Cette station de la ligne 14, aménagée avec un quai central, compte beaucoup de croisements de flux. Les voyageurs arrivent et repartent par les deux extrémités du quai. Le quai peut alors se retrouver fortement congestionnée en heure de pointe, ce qui peut ralentir l’ensemble du trafic en multipliant par trois le temps en station. « Avec l’extension de la ligne vers Orly, il y aura 40 000 personnes sur le quai en heure de pointe, avec un train toutes les 85 voire les 80 secondes. Nous comptons utiliser les caméras installées sur les quais pour comptabiliser la densité en temps réel et donner en amont l’information aux voyageurs. Nous commençons à faire des expérimentations, de manière qu’ils se répartissent mieux sur toute la longueur du quai, voire qu’ils empruntent une correspondance en cas de trop forte saturation. »

 » SYSTRA A DÉVELOPPÉ UNE MÉTHODE DE MIGRATION QUI STRUCTURE LES PROCESS ET QUE L’ON PROPOSE PARTOUT DANS LE MONDE  » Pierre Cherki

La régie teste également, sur les lignes 1 et 14, un système d’intelligence artificiel pour traduire automatiquement en anglais et en allemand les messages diffusés par les agents. Le périmètre des missions du personnel à quai va également évoluer, via un grand plan de formation. « Les agents en station interviennent déjà en moins de trois minutes lors d’un incident sur une porte palière. Demain, ils verront leurs compétences accrues pour intervenir aussi sur des défaillances portant sur les trains eux-mêmes, comme une porte, afin d’éviter l’engorgement de la ligne. » Fatalement, avec une clientèle et une longueur de ligne en forte augmentation, la RATP s’attend à une multiplication des incidents sur son matériel. « C’est mathématique. On a travaillé avec Siemens sur les modes de défaillance, pour essayer de sécuriser au maximum. Par exemple les alimentations électriques des systèmes SAET ont été doublement voire quadruplement redondées. »

Data

De plus en plus de projets vont chercher à exploiter les datas existantes, sans avoir forcément besoin de tout réinventer. Frédéric Bernaudin constate que, du point de vue de l’exploitation, les systèmes mis en service disposent déjà d’équipements vidéo disponibles, à bord des métros et en stations. « La plupart des métros intègrent des caméras au niveau des portes, mais on peut s’en servir pour autre chose. La question est de savoir comment faire pour arriver à ces données vidéos, comment les réutiliser pour d’autres services que les fonctions primaires de sécurité. Ces datas peuvent ainsi servir au comptage de passagers, mais aussi à comprendre la densité dans le métro. Quand on sait que le poids d’un métro peut varier de 40 % en fonction du nombre de passagers, on peut voir des intérêts sur des optimisations de conduite autrement que par les données remontées par les capteurs de poids. »

A Copenhague, Hitachi a réutilisé le système de vidéo surveillance existant pour faire du calcul de densité de passagers sur plateforme et dans la station. « Le niveau de fiabilité est moindre que celui que pourrait apporter un système dédié, mais il permet de proposer un premier niveau de service. » De fait, ces informations n’ont pas été utilisées pour autoriser ou non l’accès en station mais elles ont été compilées pour tracer des modèles d’exploitation en fonction de la densité de passagers.

D’une manière plus générale, Frédéric Bernaudin pointe l’importance du partage des données quand les lignes sont exploitées par différents acteurs, pour des trains mais aussi des bus et des tramways. « On n’est plus au niveau du CBTC seul mais des données globales de mobilité. Cela permet de proposer des itinéraires alternatifs via des applications mobiles en cas d’engorgement. »

 » LA NORME DITE GS1 PERMET D’IDENTIFIER CHAQUE ÉLÉMENT D’UN SYSTÈME DE MANIÈRE UNIQUE. AINSI , LA GESTION DES INFORMATIONS DEVIENT GLOBALE «  Frédéric Bernaudin

Edouard Dumas indique que Siemens Mobility a créé un centre en Allemagne où sont centralisées toutes les datas qui viennent de plusieurs opérateurs dans le monde. « Nous pouvons ainsi mutualiser les différents cas d’usages et détecter des « patterns », des cas d’usages où on s’aperçoit qu’un système commence à se dégrader après tel usage chez la plupart des opérateurs, grâce à des algorithmes. Par exemple, pour des portes de trains, en fonction de toutes les données recueillies sur les mesures de courant ou de freinage intempestifs, on est capable de prédire à partir de quel moment cette porte va rentrer dans un pattern où elle risque de tomber en panne d’ici deux à trois ans, ce qui permet de faire de la maintenance prédictive et de cibler le changement de porte au moment où le risque sera le plus élevé. » Toutefois, tous les opérateurs ne souhaitent pas partager leurs données. « Certains opérateurs, notamment en France, ont une culture plus forte de protection des données, mais nous disposons heureusement de suffisamment de données de par le monde pour proposer ce type de service », sourit-il.

Cybersécurité

Un hacker pourrait-il s’introduire dans le système informatique et faire percuter deux trains ? S’il apparaît peu probable, le risque n’est pas pris à la légère. Pierre Cherki rappelle que, dans le domaine ferroviaire, notamment dans les automatismes, on a longtemps pensé que c’était un domaine fermé avec des systèmes propriétaires. « On se rend compte qu’au-delà de détourner un métro et de le faire aller à un mauvais endroit ou de provoquer une collision, d’autres aspects sont plus simples à mettre en œuvre, de la destruction d’équipements jusqu’au brouillage d’information. Toutes les ingénieries développent des expertises, c’est une préoccupation qui croît. Il faut être conscient que le risque existe, analyser les failles et développer les outils qui permettent de les identifier, comme des attaques qui peuvent être informatiques ou physiques. »

Pour Patrick Violet (Egis), il est encore aujourd’hui très compliqué de tromper le système pour envoyer une fausse commande, qui enverrait un train sur un autre, car cela nécessiterait des connaissances précises sur le codage du système. La menace est ailleurs. « On s’aperçoit que les attaques de cybersécurité sont surtout du déni de service : le hacker va essayer de se faire rémunérer sur cet aspect, c’est le principal risque sur lequel il faut se protéger. »

Autre risque : la diffusion de fausses informations, via le hacking de panneaux voyageurs qui disposent d’un niveau moindre de sécurité, ce qui pourrait créer des mouvements de panique. Christophe Sanguina ajoute qu’il ne faut pas oublier de protéger les trains eux-mêmes. « Il faut penser à protéger nos systèmes embarqués. L’endroit le plus accessible c’est de se connecter avec un petit tableau et une clé ferroviaire dans un train, il y a donc aussi des actions à mener sur ce point. »

Conf métro 2021

Emmanuel Sologny indique que les équipes projets d’ingénierie de la RATP travaillent à la déclinaison de la loi de programmation militaire sur l’automatisation de la ligne 4, ainsi que sur le produit CBTC de Siemens pour la ligne 14. « Le vrai sujet, en tant qu’opérateur, c’est de protéger nos équipements, les locaux techniques, les trains. C’est la base. Nous devons nous assurer que personne ne peut accéder à ces équipements. Au-delà de l’attaque cyber, le vrai sujet c’est la continuité de service. Si quelqu’un pénètre et met le feu dans un local technique, on peut se retrouver avec un arrêt du service pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avec des trains sous tunnel pendant l’incident et des évacuations à gérer. » La régie indique travailler avec Siemens sur scénarios qui prennent en compte des incidents de ce type sur la ligne 14, avec une capacité du système pour le traiter.

Selon Frédéric Bernaudin, « il faut savoir rester humble sur ce point et travailler de manière étroite avec l’ANSSI (autorité nationale en matière de sécurité et de défense des systèmes d’information). Nous nous appuyons aussi sur l’expertise d’autres secteurs comme l’aérien et le militaire qui interviennent sur des projets ferroviaires ». L’étude du comportement anormal de personnes en stations ne doit pas non plus être négligée, notamment via l’analyse d’image, « mais on rentre sur le sujet sensible de droit à l’image, qui existe en France mais moins dans d’autres pays », conclut-il.

Grégoire Hamon