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Ewa

Les nouveaux défis d’Alstom

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Un peu plus de 16 mois après l’acquisition de Bombardier Transports par Alstom, Henri Poupart-Lafarge a dressé le 15 juin, devant le Club VRT, un premier bilan de ce qui a déjà été réalisé en termes de synergies et d’homogénéisation de la gamme. Le PDG d’Alstom parie sur les atouts du ferroviaire pour aider à la transition énergétique, même s’il reste encore des défis à relever en termes d’approvisionnement, de recrutement ou de réussites industrielles.

 

Après l’acquisition de Bombardier Transport, c’est l’heure de l’accélération de la transformation pour Alstom. Et des nouveaux défis. L’acquisition de son concurrent, il y a plus de 16 mois, a fait doubler la taille du groupe. Avec 15,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, il se place sur le marché de la construction ferroviaire derrière le Chinois CCRC (20 milliards d’euros), mais loin devant l’Allemand Siemens, (9 milliards d’euros de chiffre d’affaires).

« Alstom compte 75 000 employés, dont 20 000 ingénieurs, répartis dans 70 pays », détaille son PDG, Henri Poupart-Lafarge. Avec 44 000 collaborateurs, l’Europe reste son principal marché et la France représente le coeur historique de son activité : dans l’Hexagone, Alstom emploie 12 500 salariés, dont 5 000 ingénieurs, répartis sur 17 sites.

« Alstom se développe sur l’ensemble des continents, au plus près de ses clients. Ce qui est unique. Aucun de nos concurrents n’a cette proximité », souligne son dirigeant qui poursuit : « La globalisation doit aller de pair avec une proximité des marchés. Notre concurrent CRRC l’a compris et essaie de s’implanter dans différents pays avec plus ou moins de succès. »

Cette proximité permet au constructeur français de répondre aux demandes des Etats qui imposent un quota de productions locales. Le groupe a ainsi pu vendre un métro conçu à 80 % en Inde, avec des fournisseurs locaux, tout comme il peut répondre aux exigences des Etats-Unis imposant que 95 % d’un train soit produit localement. « En France, nous recourons à des fournisseurs français et la grande majorité des pièces proviennent de fournisseurs produisant en France », précise encore Henri Poupart-Lafarge.

 

ALSTOM SE DÉVELOPPE SUR L’ENSEMBLE DES CONTINENTS, AU PLUS PRÈS DE SES CLIENTS. AUCUN DE NOS CONCURRENTS N’A CETTE PROXIMITÉ

 

Plus de 180 milliards d’opportunités commerciales

Alstom, qui a une base installée de plus de 150 000 véhicules et réalise la maintenance de 30 000 d’entre eux, a engrangé pour 81 milliards d’euros de commandes. Selon son patron, le marché du ferroviaire est tiré par la croissance économique, l’urbanisation et la nécessaire transformation écologique. Les politiques environnementales menées à travers le monde, poussent à aller vers une mobilité plus durable, contribuant à la relance du ferroviaire, mode de transport le plus respectueux de l’environnement, que ce soit en matière d’émissions de CO2, de consommation d’énergie ou d’occupation des sols.

Le PDG d’Alstom a identifié plus de 180 milliards d’euros d’opportunités commerciales.

 

Complémentarité géographique

En intégrant Bombardier, « ce qui s’est fait rapidement », Alstom a amélioré sa couverture géographique. « Notre stratégie est d’être présent sur tous les marchés. Or, il nous manquait des pièces au puzzle. Alstom n’était pas au Mexique, ce que l’intégration de Bombardier Transport a permis de corriger, tout comme cela nous a permis d’atteindre la taille critique en Amérique du Nord et de compléter notre présence en Europe », indique le PDG.

Grâce à Bombardier, Alstom s’est renforcé en Allemagne, où il compte désormais 11 000 collaborateurs. Ce qui le place en position de premier constructeur allemand. « L’acquisition de Bombardier nous a permis d’avoir une couverture géographique plus homogène et d’avoir accès à une technologie qu’on n’avait pas chez Alstom, notamment en ce qui concerne les locomotives de fret », se félicite Henri Poupart-Lafarge, en rappelant qu’Alstom n’avait pas vendu de locomotives de fret en Europe depuis des années.

La complémentarité de Bombardier est aussi notable sur le marché des tramways. Si Alstom est très présent en France, où le groupe va ouvrir une nouvelle ligne de production à La Rochelle, Bombardier l’était davantage sur la partie allemande, avec des gammes différentes qui seront conservées.

 

Convergence des produits

Le dirigeant assure qu’il n’y a pas de sites redondants, mais qu’une convergence des produits s’impose. « Pour le tramway, la plateforme d’Alstom va couvrir l’ensemble des besoins, aluminium et acier. On va continuer à servir l’ensemble du marché, avec tous les trains, mais avec une plateforme conçue différemment. Pour la signalisation, nous servirons l’ensemble du marché, en proposant prioritairement la solution technique d’Alstom. La convergence des produits va prendre trois à quatre ans. A terme, il y aura une homogénéité de la gamme proposée aux clients », explique-t-il.

Et de rappeler que certains contrats récupérés auprès de Bombardier étaient déficitaires, « en raison de difficultés opérationnelles solubles. Nous avions une vision claire de la situation, les problèmes étaient identifiés et nous allons travailler sur le fond à les résoudre ».

Si Henri Poupart-Lafarge admet que l’investissement nécessaire pour la remise à niveau de Bombardier a été plus important que prévu, le dirigeant préfère mettre en avant le fait que 90 % des clients de Bombardier sont satisfaits de la façon dont Alstom a intégré les projets du constructeur : « Nous avons un outil industriel que nous avons remis à niveau et nous regardons l’avenir. » Le groupe a par ailleurs saisi la Cour de Justice pour obtenir un arbitrage sur les conditions de rachat de Bombardier Transport, estimant que le vendeur s’était rendu coupable de manquement à certaines dispositions contractuelles de l’accord de vente. Mais Henri Poupart-Lafarge refuse de s’épancher : « Cela fait partie de la vie des affaires. »

Reste un mot d’ordre : l’excellence opérationnelle pour continuer à se développer. « Il nous faut à présent travailler pour que toutes les usines et tous les centres de développement fonctionnent de manière homogène, avec le même niveau d’exigence et de performance », poursuit le dirigeant. A propos des sites de Bombardier, il y a, ajoute-t-il, « énormément de travail de mise à niveau à réaliser. »

Pour autoriser la reprise de Bombardier, la Commission européenne a exigé la cession du site de production de Reichshoffen en Alsace, où sont construits les trains Régiolis. « Le site sera cédé, mais nous nous assurerons que la SNCF aura une continuité du service de Régiolis. »

 

LE SITE DE REICHSHOFFEN SERA CÉDÉ, MAIS NOUS NOUS ASSURERONS QUE LA SNCF AURA UNE CONTINUITÉ DU SERVICE RÉGIOLIS

 

Conflit ukrainien

L’invasion en Ukraine n’est pas sans conséquences pour Alstom, qui a cherché avant tout à « mettre en sécurité » ses salariés (une trentaine) avec leurs familles.

Le groupe voudrait aussi se défaire de sa participation de 20 % dans le constructeur russe TMH, qui dessert principalement le « marché local ». Mais pas facile dans le contexte actuel. En attendant, cela l’a obligé à déprécier dans ses comptes cette participation à hauteur de 441 millions d’euros.

Le conflit en Ukraine a aussi eu des effets en France, en particulier pour le site de Belfort. Alors que les salariés comptaient sur un contrat d’un montant de 880 millions d’euros, qui leur aurait permis de construire 130 locomotives à livrer en Ukraine, la guerre a suspendu le projet et brouillé la visibilité sur l’avenir. Henri Poupart-Lafarge explique : « Le site de Belfort est fragile, parce qu’il travaille à la fois sur le fret et le TGV. Or, si le TGV a une continuité de production assurée avec la nouvelle génération du TGV M, le fret est malade en France. Ce qui contraint Belfort à vivre avec des contrats exports. C’est moins confortable. »

 

Crise des approvisionnements et inflation

A ces difficultés s’ajoute la crise des approvisionnements. Un défi, qui « se concentre sur les composants électroniques, dont la pénurie existait déjà avant le début du conflit », précise Henri Poupart-Lafarge. « Bien que le ferroviaire n’utilise que 1 % de composants dans le monde, il est stratégique d’en avoir, car leur pénurie peut fragiliser de grands projets », même si « jusqu’à présent, nous avons peu d’impact ».

Et de poursuivre : « On pensait que la crise serait résolue en 2022. Désormais on table plutôt sur 2023, voire 2024. Nous nous battons quotidiennement pour trouver les composants dont nous avons besoin. »

Les conséquences de l’inflation représentent un autre défi à relever. « Au-delà de l’inflation, c’est son irruption rapide et brutale qui nous conduit à un changement de paradigme. Dans des pays comme l’Inde où l’inflation existait déjà, on vivait avec. En Europe personne n’avait prévu son retour et tous nos contrats n’étaient pas outillés pour y faire face. Nous vivons une période d’ajustement et devons instaurer des clauses d’indexation pour nous protéger », explique le patron d’Alstom, en précisant toutefois que « la plupart des pays sont couverts », dont la France.

7 500 postes à pourvoir

Le secteur reste un gros pourvoyeur d’emplois. Alstom a prévu 7 500 embauches en 2022, dont plus de 1 000 en France, « des ingénieurs, mais pas seulement », précise son PDG. Le groupe est à la recherche de talents, notamment dans le numérique.

Pour attirer les candidats, le groupe table sur la quête de sens des salariés. « Cela fait 25 ans que je suis chez Alstom et je vois de plus en plus d’ingénieurs choisir de nous rejoindre, plutôt que de s’orienter vers le secteur de l’automobile. Parce ce qu’ils veulent aider à relever l’enjeu environnemental en allant travailler dans une entreprise qui cherche à trouver des solutions. »

Le groupe s’efforce de faire connaître ses métiers.

Car dans ce secteur la concurrence est rude et des entreprises comme Google viennent parfois débaucher les salariés du digital. « C’est nouveau. Recruter et fidéliser est un défi, mais nous avons des atouts : une couverture mondiale offrant des opportunités de mobilité et un power branding », détaille Henri Poupart-Lafarge qui reconnaît que sur des marchés où il y a pénurie de main-d’oeuvre, comme en France, le groupe peine à trouver les effectifs nécessaires. Selon lui, cela fait partie des défis d’aujourd’hui.

 

Technologies plus vertes

Le train doit être un acteur de la décarbonation. Alstom y travaille. « Nous sommes persuadés que le rail est la solution aux problèmes environnementaux. Mais pour favoriser le transfert modal, il faut être attractif pour les passagers et il faut améliorer les performances des trains. Il faut aussi chercher à optimiser les infrastructures qui sont très coûteuses, en ayant recours au digital dans un but d’optimisation. »

Le groupe cherche aussi à améliorer l’efficacité énergétique de ses trains. « On s’assure que chaque nouvelle génération de nos produits permet des économies par rapport aux précédentes, en travaillant sur l’écoconception. »

Le constructeur travaille sur des solutions électriques, notamment dans le fret qu’Alstom veut contribuer à développer. Non seulement en Europe, mais aussi au-delà : l’Inde par exemple veut tripler son trafic fret et a un projet d’électrification des lignes. Ou l’Amérique du Nord, où Alstom veut accompagner la transition énergétique du fret ferroviaire. « Un défi, car 99 % du réseau n’est pas électrifié. Les trains sont tractés par des locomotives à diesel », rappelle le président d’Alstom.

En Europe, où 50 % du réseau ferré n’est pas électrifié, Alstom veut proposer des trains à batterie permettant d’assurer la partie du trajet non électrifié, avec une autonomie d’une centaine de kilomètres. Pour des trajets plus longs « il faudra recourir à l’hydrogène », ajoute le président d’Alstom qui précise que moins une ligne est dense, plus l’hydrogène fait sens, car cela ne nécessite pas d’investissements lourds.

 

Les promesses de l’hydrogène

Pour faciliter la migration du diesel vers des technologies plus vertes, Alstom, a mis au point un train à hydrogène, le Coradia iLint, et devrait faire circuler des trains à hydrogène en Allemagne cette année. Il a noué un partenariat avec Engie, prévoyant l’approvisionnement en hydrogène renouvelable d’un système de piles à combustible pour des locomotives destinées au fret ferroviaire en Europe.

Henri Poupart-Lafarge insiste sur la nécessité de réduire le prix de l’hydrogène vert, qui coûte encore trois fois plus cher que le diesel. « C’est le défi de la transition écologique. L’économie du futur sera à l’hydrogène ou ne sera pas. Il ne faut pas prendre de retard là-dessus », prévient-il, avant de pointer tout ce qui va dans le bon sens. « Il y a des milliards d’investissements réalisés dans la transformation écologique en hydrogène. Le monde se prépare à une économie à l’hydrogène. »

 

C’EST LE DÉFI DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE. L’ÉCONOMIE DU FUTUR SERA À L’HYDROGÈNE OU NE SERA PAS

 

Armé pour affronter l’avenir

« Avec la reprise de Bombardier, nous avons la fondation d’un groupe extrêmement solide, présent partout dans le monde. Ce qui lui permet de s’adapter à la géopolitique et d’équilibrer ses différents pôles en faisant preuve de résilience », assure avec confiance Henri Poupart-Lafarge, déterminé à faire de son groupe un acteur contribuant à rendre possible la suppression des voitures thermiques d’ici à 2035. « Si on remplace la flotte automobile actuelle par une flotte de véhicules électriques, on ne parviendra pas à atteindre l’objectif de zéro carbone. Pour y arriver, il faut un transfert modal et augmenter considérablement la part du ferroviaire », prévient-il. « Ce qui implique que l’industrie ferroviaire accélère l’innovation pour rendre le train plus attractif, en continuant à améliorer et développer les réseaux et les services pour répondre à l’enjeu de transition énergétique. Il y a un énorme chantier en jeu. » Et de conclure : « A nous d’être au rendez-vous ! »

 

 


Les révolutions technologiques, du TGV M aux métros

Deux catégories de produits fournis par Alstom sont à la veille d’un changement de génération : les trains à grande vitesse, avec les premières rames de TGV M, et les applications du CBTC (contrôle des trains basé sur la communication) aux métros automatiques, avec la solution Urbalis Fluence.

Pour Henri Poupart-Lafarge, le TGV M représente « une révolution technologique développée avec la SNCF, en partant d’une feuille blanche ». Et Fluence, que le groupe va déployer à Lille avant la ligne 18 du Grand Paris, est « une solution sans personne à bord, avec une révolution du système de signalisation, qui met de l’intelligence dans le train et lui permet de communiquer avec d’autres trains pour gagner en efficacité et faire passer davantage de trafic ».


L’aventure Aptis

Alstom qui avait contribué au design d’Aptis, un autobus 100 % électrique, a décidé de le retirer du marché. « Nous en étions très fier, mais il n’a pas trouvé son marché. On ne nous en achetait pas suffisamment. Le bus électrique n’a pas décollé aussi vite qu’on pensait. Notre véhicule était peut-être trop révolutionnaire. C’est un échec et une déception. On a perdu de l’argent, mais la page est tournée », explique Henri Poupart-Lafarge.


Des retards à relativiser

Initialement prévus pour la mi-2021, les RER NG pour les lignes D et E qu’Alstom devait livrer n’arriveront finalement pas avant mi-2023. Henri Poupart-Lafarge refuse de commenter : « C’est un terrain de discussion commercial avec les clients. » Il relativise : « Nous avons 800 projets, soit 80 milliards de carnets de commandes à travers le monde sur les trois à quatre ans. Notre but est de fournir le meilleur matériel en termes d’économie, d’énergie, le plus tôt possible, avec la qualité requise en prenant en compte la vie des affaires qui a ses complexités : le Covid, les problèmes d’approvisionnement… »

Ewa

Inclusivité : la dernière roue du MaaS ?

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L’essor du MaaS porte de nombreux espoirs d’une mobilité plus fluide et plus durable. Mais fluide et durable pour qui ? Cette tribune interroge les enjeux sociaux soulevés par le développement du MaaS, la digitalisation et la dématérialisation des services de transport. Par Nicolas Louvet, Léa Wester

 

Dans un contexte de multiplication des offres de services de mobilité, le MaaS a pour objectif de fournir à l’usager une solution multimodale fluide accompagnant l’usager, du stade de l’information à celui de la réalisation du trajet. En intégrant également l’achat et l’utilisation de services de mobilité (validation du titre ou déverrouillage des véhicules), les applications MaaS se présentent comme des supports numériques complets pour les déplacements. Les pionniers du développement de telles solutions sont des acteurs privés qui agrègent aujourd’hui plusieurs services de transport publics et privés dans des abonnements. Par exemple, l’application Whim, présente à Vienne, Anvers, Helsinki, Tuk, Tokyo et Birmingham, développée par MaaS Global, intègre à la fois les transports en commun, les modes en free-floating et les taxis.

En France, la plupart des MaaS sont développés dans le cadre de marchés publics, par l’opérateur de transport en commun ou un acteur tiers. Il s’agit d’une infrastructure supplémentaire dans le système de transport public, au même titre qu’un tramway ou une ligne de bus : le MaaS est une sorte d’infrastructure numérique.

Le déploiement de telles solutions dans le cadre du secteur public qu’est celui des transports urbains en France soulève un certain nombre de questions concernant l’inclusivité de ces services : les territoires sont-ils tous intégrés ? L’ensemble des habitants ont-ils accès au service quelles que soit leurs caractéristiques sociales ou économiques ? En effet, la construction du MaaS implique à la fois la digitalisation des transports et l’association dans un même système de transport de services publics et privés. Quels sont les impacts de ces deux processus sur l’inclusivité globale du MaaS ? Comment ses enjeux digitaux ?

 

Le MaaS ne crée pas le transport mais il peut en améliorer son usage en combinant offre publique et privée au service de l’inclusivité

La Loi d’Orientation des Mobilités1 prévoit un cadre pour éviter d’éventuelles conséquences négatives du développement du MaaS au niveau territorial. L’article 28 oblige les opérateurs de MaaS à référencer l’ensemble des services à l’échelle du bassin de mobilité. Il s’agit ici de limiter l’apparition de zones exclues du MaaS malgré la présence de services de mobilité.

Au-delà de cet article, peu d’obligations existent pour les opérateurs de MaaS en matière d’inclusion sociale et territoriale. Pourtant d’autres actions sont possibles. Les transports privés inclus dans le MaaS pourraient avoir des contraintes similaires à celles des transports publics, qui agissent pour l’inclusivité à la fois sociale (aménagements pour les personnes à mobilité réduite, tarification sociale…) et territoriale (création de lignes pour désenclaver certains territoires…). Les transports privés inclus dans le MaaS pourraient mettre en oeuvre des actions similaires. Par exemple, Transport for London a mis en place un programme d’évaluation d’impact sur l’égalité (equality impact assessment) qui incite les opérateurs privés à favoriser l’accès à leurs services grâce à des tarifications sociales. En Amérique du Nord, les services de micromobilité intègrent des mesures pour l’égalité à travers une communication ciblant les femmes (moins utilisatrices de ces services).

 

Digitalisation, dématérialisation et inclusivité

Un frein à l’inclusivité des MaaS actuels est qu’ils ne proposent que rarement un support physique. Les différentes étapes du déplacement (calcul d’itinéraire, choix des modes, achat de titres et validations pendant le trajet) sont toutes accompagnées via une application smartphone. Par ailleurs, si les services autour des transports publics inclus dans le MaaS conservent une version physique en dehors du MaaS (guichets, carte ou ticket de transport…), les opérateurs privés ont souvent des offres 100 % numériques. Dans ce contexte, les utilisateurs du MaaS doivent être capables d’utiliser ces services numériques ce qui implique un équipement adapté et un certain nombre de compétences.

Selon le baromètre numérique 2021, 35 % des Français ne sont pas à l’aise avec le numérique. Si on s’intéresse plus précisément au smartphone, 16 % de la population ne possède pas de smartphone et 27 % n’utilise pas de smartphone quotidiennement2. Une solution d’inclusion au MaaS en dehors du smartphone devrait donc être envisagée pour cette part non négligeable de la population. Par ailleurs, la possession d’un smartphone ne signifie pas la mobilisation de toutes ces potentialités. Il convient de dissocier dans l’analyse du rapport au numérique l’accès au matériel et les motivations et attitudes quant à son utilisation3. Dans ce contexte, associer un guichet physique au MaaS permet l’inclusion de tous les usagers à l’information, aux abonnements existants et à un soutien technique par du personnel formé. Par ailleurs, des solutions existent pour faciliter l’interopérabilité des supports de billettique cartes et smartphone et lever le frein constitué par la billettique dématérialisée : le MaaS viennois a fait une tentative de support sur une carte en 2015 qui n’a pas été concluante et en 2019, Citymapper a lancé une carte à Londres qui est toujours en circulation.

 

UN FREIN À L’INCLUSIVITÉ DES MAAS ACTUELS EST QU’ILS NE PROPOSENT QUE RAREMENT UN SUPPORT PHYSIQUE

 

16 % DE LA POPULATION NE POSSÈDE PAS DE SMARTPHONE ET 27 % N’UTILISE PAS DE SMARTPHONE QUOTIDIENNEMENT

 

L’amélioration des services de transport pour tous : la condition sine qua non du MaaS

L’un des objectifs du MaaS est de fluidifier l’accès aux services de mobilité et favoriser ainsi des pratiques alternatives à l’autosolime. Dans ce contexte, la digitalisation est à la fois un atout et une limite. L’avénement de la mobilité numérique peut être accompagné de nouveaux facteurs d’exclusion de la mobilité pour des populations précaires qui souffrent d’un déficit d’acculturation aux usages du numérique et de matériel disponible4. La vulnérabilité face à la digitalisation des services de transport combine les inégalités d’accès au numérique et aux services de transport. Plusieurs segments de population aux facteurs de vulnérabilité transverses sont identifiables5 : femmes, personnes âgées, personnes avec un faible niveau d’éducation ou de faibles revenus, habitants de quartiers populaires ou d’espaces ruraux….

Le développement du MaaS en France s’inscrit dans la construction de solutions de mobilité plus durable : il s’agit de ne pas creuser les inégalités d’accès à la mobilité et de veiller à construire des services de MaaS inclusifs. En ce sens, la prise en compte des populations vulnérables et de leurs caractéristiques est essentielle pour la construction du MaaS. Une réflexion qui mettrait l’inclusivité au centre peut faire du MaaS un levier pour l’amélioration de l’accès à la mobilité. Ainsi, le MaaS peut participer à l’amélioration des services de transport existants en mettant ses atouts en termes de fluidité et de lisibilité au service de l’inclusivité.

1 GART, 2020, LOM : décryptage du GART, 84p.
2 Arcep, 2021, Baromètre du numérique,
3 48p. 3 Lupač, P. (2018). Beyond the digital divide : Contextualizing the information society.
4 AdCF, France Urbaine et Trasndev, 2021, Quartiers populaires et politiques de mobilités : enjeux et retours d’expériences locales, 96p.
5 Anne Durand, Toon Zijlstra, Niels van Oort, Sascha Hoogendoorn-Lanser & Serge Hoogendoorn (2022) Access denied ? Digital inequality in transport services, Transport Reviews, 42 :1, 32-57

Ewa

Zones peu denses. Rendre compte de la pluralité des territoires

Route 80km/h campagne

Selon la LOM , l’ensemble du territoire doit désormais être couvert par des autorités organisatrices de mobilité. Un défi pour desservir des territoires peu denses, où l’automobile s’impose aujourd’hui. Ces territoires sont mal connus. Trop souvent on se contente de les définir comme ruraux, alors qu’il faudrait les appréhender plus finement afin d’apporter les réponses justes aux questions de mobilité. C’est ce qu’invitent à faire Jérôme Godement, consultant chercheur d’Artimon Transports et Josefina Gimenez, directrice de recherche d’Artimon Perspectives, l’institut de recherche d’Artimon, qui travaille précisément sur les problématiques liées au transport et au développement des territoires.

Par Josefina Gimenez et Jérôme Godement

Uber, Lime, Tier, CityScoot ou Vélib ne sont que quelques exemples d’acteurs privés ou publics qui opèrent dans la capitale et les autres grandes métropoles déjà pourvues de réseaux de transports collectifs denses. Ces nouveaux acteurs permettent dorénavant un accès à une multitude de modes de déplacement supplémentaires : VTC, vélos, trottinettes, voitures et scooters électriques partagés. Si l’utilisation du terme « mobilités » au pluriel convient alors, il est forcé de constater qu’il en est tout autre pour les 89 % restants du territoire français. Dans ces zones peu denses, rares sont les offres alternatives à l’automobile et adaptées aux besoins de ses habitants qui représentent plus de 33 % de la population française selon les chiffres Insee 2019 * (Voir les références à la fin de l’article. Toutes les références sont appelés par un astérisque).

Si faire disparaître la voiture du paysage ne semble pas une ambition réaliste dans un territoire qui s’est construit autour de son usage, en diminuer la dépendance et son empreinte est un objectif réaliste et nécessaire dans un contexte d’urgence climatique, mais pas seulement. La crise des gilets jaunes et les augmentations actuelles et futures du coût de l’énergie mettent en avant la vulnérabilité d’une part de la population vis-à-vis d’un poste de coût difficilement compressible lorsque la majorité des déplacements concernent des trajets domicile-travail.

Longtemps restés en dehors du champ des études de mobilité et du politique, ces territoires ont été noyés dans un ensemble monolithique parfois en simple opposition aux aires urbaines : les zones rurales. Ce terme réducteur est porteur d’un imaginaire collectif qui tend à abandonner ces territoires à la seule activité agricole, à des paysages bucoliques, et masque de réelles pluralités géographiques, d’activités et de peuplement.

Ainsi, pour compenser ces biais et accompagner l’échelon local qui s’empare de ces problématiques, comme le prévoit la loi d’orientation des mobilités, il est primordial de définir clairement la notion de zones peu denses au regard de la mobilité. L’objectif est à la fois d’identifier les critères communs à ces territoires sans masquer la pluralité des situations, ce qui permettra la réalisation des diagnostics nécessaires à l’élaboration d’une politique de mobilités adaptée.

Les caractéristiques partagées des zones peu denses

Le critère humain

En France, l’administration territoriale se compose de trois échelons appelés collectivités territoriales : la commune (34 965), le département (96 + 5 DOM), la région (13). Ces trois niveaux territoriaux se partagent des compétences qui vont de la gestion des écoles primaires, collèges et lycées, à l’urbanisme, aux actions sociales ou aux transports (urbain ou interurbain). La commune, maille la plus fine, sert aujourd’hui de référence à l’Insee lorsqu’il s’agit de calculer la densité d’un territoire et d’en construire sa typologie.

Or, l’utilisation d’un échelon territorial qui date de la Révolution se révèle peu adaptée à l’étude d’une mobilité transformée par l’usage de la voiture qui a eu pour conséquence un étalement des espaces de vie de chacun, et ce bien au-delà de nos communes de résidence (les métropoles font parfois exception).

 » L’ESPACE PEU DENSE EST DÉFICITAIRE EN EMPLOI ET LA VOITURE DEVIENT UNE VECTEUR IN DISPENSABLE DANS LES TRAJETS DOMICILE – TRAVAIL « 

Au problème d’échelle s’ajoute le choix de l’utilisation d’un critère unique. Ainsi, l’emploi de la seule densité de population pour catégoriser un territoire de zone peu dense dans le cadre d’étude de mobilité est source d’interrogation. Facilement exploitables et accessibles, les données de densité font l’objet de mesures précises et récurrentes de la part de l’Insee, mais ignorent les moteurs de la mobilité (ex. emploi, consommation, loisirs, etc.) et l’organisation du territoire dans lequel elle se réalise (ex. topographie, répartition de la population et des acteurs économiques, etc.). Enfin, comme l’indique Frédéric Fortin « la seule appréhension par la notion de densité «manque de finesse, ignorant le relief, le climat, les dynamiques économiques et résidentielles, etc. » *.

Cependant, il est intéressant d’observer que l’Insee a revu en 2021 sa définition du rural. Au critère de densité de population, il ajoute la notion de polarisation des territoires, ce qui va dans le sens d’une prise en compte de l’organisation des territoires qui influe sur les mobilités.

L’accessibilité et les habitudes de mobilité

illustration accessibilite

Des chercheurs tels que Jean-Paul Hubert proposent des définitions alternatives de la zone peu dense tournées sur l’accessibilité et les habitudes de mobilité.

En ajoutant l’accessibilité à la densité comme critère différenciant des territoires, Hubert, Madre et Pistre* mettent en contraste des zones à forte densité d’activité et de population, caractérisées par des trajets courts soutenus par un réseau de transport collectif urbain développé et relayé en périphérie par du transport dit lourd (ex. RER, Transilien). Un modèle qui s’oppose aux zones combinant faible densité d’activité et transport collectif peu développé : c’est « l’espace de dépendance à l’automobile ».

L’usage de l’automobile devient alors un élément discriminant dans la définition de ces espaces qui renferment un tiers de la population française et « où la voiture permet de se déplacer rapidement, c’est‑à‑dire jusqu’à la limite des espaces densément bâtis que nous assimilons aux agglomérations de 10 000 habitants et plus » (Hubert et al., 2016*). L’utilisation de l’automobile par les ménages détermine la définition des territoires peu denses en termes d’accessibilité et d’opportunités pour les populations. Ces éléments sont essentiellement liés à l’emploi : l’espace peu dense est déficitaire en emploi et la voiture devient un vecteur indispensable de la mobilité des populations dans ces trajets domicile – travail (selon l’Insee plus de 89% des salariés des communes des couronnes et hors attraction des villes se rendent sur leur lieu de travail en voiture).

Cependant on observe dans ces territoires un phénomène assez significatif : si l’équipement automobile des ménages y est proche de la saturation (en 2011, 90,3% des ménages disposaient d’au moins une voiture), le kilométrage est en diminution. L’accès à l’emploi explique également ce phénomène. Selon les auteurs, la légère croissance de la motorisation est portée par les ménages inactifs, mais cela ne compense pas la décroissance du kilométrage.

Si, dans ces territoires, les actifs sont captifs de la voiture pour aller travailler, parallèlement « les ménages (actifs ou inactifs) roulent moins : il doit s’ensuivre que la part des kilomètres non dévolus au domicile-travail diminue » (Hubert et al., 2016*). Ainsi, la part de kilométrage dédiée aux déplacements touristiques, aux achats ou aux visites diminue. « Les ménages continueraient donc à réduire leurs déplacements en voiture pour les motifs non obligés notamment les vacances et les sorties de week-end. »

La valeur de la mobilité tient aux possibilités qu’elle offre en termes d’accès aux opportunités professionnelles, mais également dans la création de liens sociaux et l’accès à un grand nombre de services qui participent à l’amélioration de la qualité de vie des populations : tourisme, culture, loisirs,  services de santé, etc.

Ainsi, au-delà de la seule caractérisation de la  population et de son lien à l’emploi, il est important d’inclure dans la qualification d’un territoire un ensemble de critères complémentaires, tels que :

  • La quantité d’opportunités et d’aménités disponibles sur le territoire : ils sont les éléments déclencheurs de l’acte de mobilité (ex. emplois, services, loisirs) ;
  • La quantité/qualité des infrastructures et services de mobilité : elles vont déterminer la nature du moyen utilisé pour effectuer la mobilité (ex. voiture particulière, vélo, transports collectifs, trajet multimodal).

Là où la ville réduit les espaces de vie de chacun, en densifiant les territoires en services, infrastructures et activités, la zone peu dense les étale, avec une faible densité de service, un éloignement des pôles d’emploi, des infrastructures de transport déficitaires ou inadaptées aux besoins de la population. Un étalement qui ne fut possible que par l’utilisation intensive de l’automobile.

Cependant, si la dépendance à la voiture est un trait commun à l’ensemble des territoires peu denses, l’intensité du phénomène n’est pas totalement homogène.

On s’aperçoit que les EPCI ruraux (considérés comme les moins denses) s’approchent des caractéristiques du périurbain de la région parisienne lorsque nous nous concentrons sur le seul usage de la voiture. On observe que l’absence de mode de locomotion est un autre critère bien plus discriminant dans l’identification des zones peu denses qui va de pair avec l’absence ou quasi-absence de solution de transport en commun.

Une taxonomie des zones peu denses basée sur une approche multidimensionnelle

S’extraire d’une définition de la zone peu dense trop régressive, car basée sur une échelle qui ne fait plus sens et sur un critère unique trop restrictif, participe à révéler le caractère pluriel de ces territoires longtemps laissés de côté par les grandes politiques publiques d’aménagement de la Ve République.

Les années 60 et 70 marquent la première tentative de revitalisation du territoire d’une France de tradition centralisatrice avec le concept de « métropoles d’équilibre » qui cherchent à combattre le « marginalisme économique ». 50 ans se sont ensuite écoulés avant que les agendas politiques (ex. mission ruralité, agenda rural européen) portent de nouveau leur attention sur ce pan entier du territoire, remis sous la lumière par les enjeux liés au dérèglement climatique, la situation sociale révélée par le mouvement des Gilets Jaunes et la crise sanitaire qui a marqué le début de cette nouvelle décennie.

 » LES GRANDS PERDANTS DE CETTE STRATÉGIE DE LA MOBILITÉ DES TRAJETS LONGS, SURCONSOMMATRICE DE RESSOURCES, SONT LES ZONES PEU DENSES, INVISIBILISÉES, QU’ON TRAVERSE SANS LES DESSERVIR « 

Un des marqueurs du manque d’intérêt généralisé pour le sujet est le faible nombre d’enquêtes portant sur les comportements et habitudes de mobilité des populations vivant hors des zones urbaines sur ces 30 dernières années : « Depuis l’enquête nationale Transports et déplacements de 2007‑08, il n’existe pas de source statistique donnant une vision globale des utilisations de l’automobile par les ménages vivant dans l’espace peu dense et de leur motorisation ; la dernière enquête aussi détaillée remonte à 1993‑94 » (Hubert et al. 2016*)

Ce constat se confirme dans les politiques de transport, marquées à l’époque par l’arrivée du TGV et le développement du réseau autoroutier, qui ont pour objectif de réduire les distances-temps entre quelques grands pôles, souvent urbains. Les grands perdants de cette stratégie de la mobilité des trajets longs sur-consommatrice de ressources (financières et matérielles) sont les zones peu denses, invisibilisées, qu’on traverse sans les desservir, ce que les géographes ont qualifié « d’effet tunnel ». Même bilan dans la loi Loti de 1982 dans laquelle la notion de ruralité est absente ou se limite au terme de « territoire interurbain ». Ainsi, selon la Gazette des Communes*, les zones peu denses se résument pour la loi Loti à des « interstices dans lesquels l’offre de transport est souvent limitée aux grands axes reliant les villes entre elles ».

Choisir l’échelle et catégoriser le territoire

Comme évoqué plus haut, l’utilisation de l’échelle communale pour l’étude des mobilités est un premier biais qui empêche d’appréhender les habitudes de mobilité dans leur entièreté et donc d’en révéler toute leur complexité. Il est donc nécessaire de redéfinir le cadre de l’objet d’étude avant de se pencher sur le contenant, ce que fait la LOM en encourageant les communautés de communes à s’approprier cette compétence en devenant autorités organisatrices de mobilité (AOM), que ce soit « par la création de syndicat mixte de transport, soit par un pôle d’équilibre territorial, soit en adhérant à un syndicat mixte de transport existant. » (Loi Mobilités, le mémo collectivités, ministère de la transition écologique et solidaire).

La typologie produite en 2021 par l’agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) se différencie en termes d’unité d’analyse territoriale par le choix d’un échelon intermédiaire : l’intercommunalité (EPCI) de type communauté de communes (ComCom) dans le cas des zones peu denses. Cette unité d’analyse permet de rendre compte des relations et transversalités entre différents territoires.

Ainsi, en dehors de la région parisienne et sa banlieue, 70% des actifs ont leur lieu de travail au sein de leur EPCI de résidence. Ce taux peut monter jusqu’à 85% pour les résidents des villes moyennes et des « EPCI ruraux ». Dans un contexte où la part du kilométrage domicile-travail augmente, au détriment des autres déplacements (touristiques, achats ou loisir), l’EPCI semble être désigné comme l’échelle sur laquelle les efforts devront se focaliser.

Il y a pourtant un mais, car comme le précise à juste titre la Gazette des Communes*, la constitution des EPCI « résulte souvent de jeux d’alliances politiques et ne constitue pas toujours une entité géographique cohérente du point de vue de la mobilité quotidienne ».

Typologie basée sur des critères multiples

illustration

 

Depuis sa publication au journal officiel en décembre 2019, la loi d’orientation des mobilités marque donc le grand retour de la problématique de la mobilité du quotidien dans les politiques publiques, et ce sur l’ensemble du territoire.

Sa mise en application prévoit notamment une généralisation des AOM, qui nécessite de se pencher sur les caractéristiques communes et différenciantes de ces territoires afin de dresser des diagnostics de mobilité et de fournir des clés de lecture pertinentes et adaptées à ces nouveaux acteurs d’une mobilité où tout reste à faire.

Ainsi, pour sortir de ce schéma trop englobant et des travers passés, il est primordial de travailler sur une analyse multidimensionnelle qui permettra une typologie plus fine.

Nous pouvons retenir trois premiers axes principaux qui sont géographiques, topologiques et socio-économiques qui permettent de faire une première sous-catégorisation.

A ces critères qui caractérisent les territoires, support de la mobilité, il faut y ajouter ses principaux acteurs : les populations.

Pour dresser des profils pertinents dans l’étude des pratiques, il semble opportun de se baser sur le rapport à la mobilité des individus et des ménages, comme le font Huyghe, Baptiste et Carrière* qui distinguent trois groupes majeurs :

  • Les « assignés territoriaux » : personnes en situation de « mobilité dépendante » dont les déplacements sont réalisés dans un environnement très proche ou avec l’aide d’autres personnes (ex. famille ou amis). Ces populations ont un risque d’isolement très important, si ce n’est une forme d’exclusion de la société ;
  • Les « vulnérables » devant restreindre leur budget dans d’autres domaines (énergie, alimentation, etc.) afin de pouvoir se déplacer. Une hausse des coûts de vie ou des taxes (notamment concernant le carburant) pourrait entraîner une remise en question de leur qualité et de leur mode de vie ;
  • Les « autres mobiles » parvenant à satisfaire eux-mêmes leurs besoins en mobilités.

Dans un environnement où la mobilité est synonyme d’usage de l’automobile et où les trajets domicile-travail représentent la majorité des déplacements, la composante économique est forcément prégnante dans le choix des ménages du fait des coûts élevés de cette forme de mobilité réalisés sur des trajets incompressibles :

  • Obtention du permis de conduire ;
  • Coûts à l’achat du véhicule : prix du véhicule et coût du prêt bancaire ;
  • Coûts à l’usage : carburant, maintenance et assurance.

Comme le montrent les travaux de M. Huyghe sur les comportements de mobilité*, le rapport à la mobilité et la construction des habitudes sont des phénomènes complexes qui nécessitent de s’intéresser à la structure sociodémographique du territoire à la fois pour adapter l’offre. Des exemples simples seraient :

  • La différence d’amplitude horaire du service nécessaire entre des territoires essentiellement peuplés de travailleurs du tertiaire, d’ouvriers travaillant en 3×8 ou de retraités ;
  • L’effet de la structure familiale : la présence ou non d’enfants au sein d’un foyer influera sur la flexibilité des personnes et leur capacité à accepter les changements et les contraintes du transport collectif.

La notion de « trajectoires mobilitaires » décrite dans Cailly et al., 2020* met en relief les pratiques de mobilité à la lumière des conditions et de ces changements individuels et familiaux qui impactent les pratiques de mobilité, ce qui rend compte de la dynamique et la pluralité des territoires et de leurs populations.

L’objectif est alors de comprendre non seulement les usages de la voiture, mais aussi les déplacements spatiaux et temporels, les changements de modes de déplacement, des pratiques et les ruptures individuelles qui les accompagnent.

Comprendre les territoires à la lumière de la LOM

En permettant la prise de compétence de mobilité par les EPCI de type communautés de communes (effective depuis le 1er juillet 2021), le législateur rapproche la politique de mobilité de son contexte territorial. Ce choix d’échelle laisse espérer des politiques de mobilités au plus proche de la diversité et des spécificités des besoins et territoires.

Cette prise de conscience de la diversité des territoires se traduit dans la LOM par une grande autonomie donnée à ces nouvelles AOM et un outil de planification plus souple : les plans de mobilité simplifiés (PMS). Le PMS se veut complémentaire du plan de mobilité (ancien plan de déplacement urbain) à destination des agglomérations de plus de 100 000 habitants. Comme le précise le Cerema dans sa note de synthèse*, le PMS en étant peu cadré par la loi permet une forte adaptation aux contextes et enjeux de chacun, tout en laissant sa place à l’innovation. Ainsi, malgré le fait que les AOM concernées par le PMS soient bien compétentes sur tout un ensemble de services de mobilité, le cadre législatif ne prévoit aucune obligation de déploiement et de gestion. Chaque AOM est libre de choisir les services les plus adaptés à ses besoins. Cependant, si la volonté d’offrir de la souplesse et de l’autonomie aux AOM semble aller dans le bon sens, l’absence de toute obligation et un PMS conditionné à la seule volonté des acteurs peut susciter des interrogations, d’autant plus que la LOM s’inscrit dans un contexte d’urgence climatique (ex. évaluation environnementale non obligatoire) et d’un équilibre social un peu plus fragilisé par le renchérissement durable de l’énergie.

Cette autonomie atteint ses limites lorsqu’il est question du financement de ces services. Ainsi, le versement mobilité (anciennement versement transport), qui forme la principale source de revenu des AOM, est conditionné par la présence d’un service de transport public régulier sur le territoire, service coûteux et pas toujours adapté à ce type de territoire. À titre indicatif, le financement des nouveaux services de mobilité est aujourd’hui assuré à plus de 40 % par le versement mobilité (VM) prélevé par les AOM sur toutes les entreprises de plus de 11 salariés (Loi Mobilités, Le mémo collectivités, ministère de la transition écologique et solidaire). « En incitant les intercommunalités à prendre la compétence mobilité sans garantir de financement durable associé, la nouvelle loi limite donc fortement leur marge d’action», note la Gazette des  Communes*. Outre la possibilité pour les AOM d’avoir accès à des financements dédiés (subventions, appels à projets, etc.) la prépondérance du VM basé sur la vitalité économique du territoire pose plusieurs questions :

  • Un risque de création ou de creusement des inégalités entre les territoires, favorisant les territoires les plus dynamiques économiquement ;
  • Une absence de VM comme élément d’attractivité des territoires à destination des entreprises au détriment des services de mobilité.

Parallèlement au cadre politique et de gouvernance, l’existence de nouveaux bassins de mobilité pose les questions :

  • Des modèles de mobilité à inventer qui ne pourront être une simple transposition du réseau urbain qui s’appuie sur un maillage de lignes régulières denses ;
  • Du changement du comportement des usagers, historiquement dépendants de la facilité et de la vitesse de déplacement offertes par la voiture particulière dans ce type de territoires.

Ainsi, si le transfert des compétences de mobilité rapproche la politique des mobilités de son territoire d’application, et encourage la prise en compte des spécificités et besoins des populations et de leurs territoires, le cadre d’opérationnalisation du dispositif n’est pas en l’état l’assurance d’une prise de compétence réussie pour cet échelon territorial encore relativement récent. Se posera également la question de l’accompagnement des territoires dans la définition de leurs besoins, l’application des stratégies et l’assurance d’une égalité de services entre les territoires.

Le transfert de compétences et la création d’AOM « locales » pour travailler les plans de mobilité de territoires jusqu’alors oubliés semblent aller dans le bon sens en termes de retour à la proximité et de prise en compte des spécificités locales. Toutefois, l’absence de financement pérenne, d’obligation de service et les difficultés en termes d’infrastructure risquent de faire ressortir ou d’alimenter des inégalités territoriales déjà existantes, notamment en termes d’intégration de nouvelles solutions, d’innovation ou de vitalité sociale et économique. Ainsi la volonté politique et les ambitions concernant le développement des territoires demeurent, somme toute, des facteurs déterminants de la redynamisation de ces zones.

La recherche permet de mettre en relief des éléments caractéristiques à prendre en compte dans l’élaboration d’un plan de mobilité pour ces territoires, mais aussi dans la compréhension des habitudes et besoins des populations. Prendre en compte ces spécificités signifie apporter une vision proche du terrain qui saisit les motifs des déplacements ou d’absence de déplacement, et leurs impacts (sociaux, économiques, psychologiques…) sur les usagers. Il s’agit également d’apporter une vision qui ne résume pas les territoires et leurs habitants à une typologie d’espace, ce qui permet d’envisager un champ plus large de solutions.

C’est ainsi que la politique de mobilité prend tout son sens, ouvrant les perspectives au travail coordonné avec d’autres politiques publiques (urbanisme, emploi, éducation, mais aussi services publics et services à la personne…), condition nécessaire pour répondre de manière systémique et durable aux enjeux nombreux des territoires.

Voir la version originale du texte avec ses illustrations sur le site d’Artimon : https://artimon.fr/.

Note : Artimon Perspectives, institut de recherche d’Artimon, rencontre différents acteurs dans l’objectif de mieux appréhender les difficultés rencontrées par les communautés de communes dans l’adoption des nouvelles responsabilités d’AOM. Nos lecteurs qui souhaitent partager leur expérience peuvent contacter Artimon Perspectives :
perspectives@artimon.fr


Références : 

  • Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (2021), La France en douze portraits.
  • Brutel C., Pages J., La voiture reste majoritaire pour les déplacements domicile – travail, même pour de courtes distances, INSEE Première n°1835, 19/01/2021.
  • Cailly L, Huyghe M, Oppenchaim N, (2020), Les trajectoires mobilitaires : une notion clef pour penser et accompagner les changements de modes de déplacements ?, Flux (2020) N° 121(3) 52-66.
  • Cerema (2018) Les zones blanches de mobilité : de quoi s’agit-il ?
  • Cerema (2019) Expériences d’accompagnement personnalisé pour faciliter les mobilités en milieu rural et périurbain, Rapport d’étude, 78 p.
  • Cerema (2020) Le plan de mobilité simplifié.
  • Cerema (2021) Loi Mobilités : Les communautés de communes et la compétence mobilité — mode d’emploi, 12 p.
  • Colard J. et al. (2021) Mobilité dans les espaces périphériques et peu denses: pour un territoire plus accessible ? France Stratégie Document de travail n° 2021-02, 56 p.
  • Fortin F. (2021) Mobilité dans les zones peu denses en 2040 : il faudra encore compter avec la voiture, Banque des territoires.
  • George P. (1967), Métropoles d’équilibre, Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest. Sud-Ouest Européen Année 1967 38-2 pp. 105-111
  • Hubert J, Madre J, Pistre P (2016), L’utilisation de l’automobile par les ménages dans les territoires peu denses : analyse croisée par les enquêtes sur la mobilité et le Recensement de la population, Economie et statistique (2016) 483(1) 179-203.
  • Huyghe M., Baptiste H., Carrière JP. (2013), Quelles organisations de la mobilité plus durable et moins dépendante de la voiture dans les espaces ruraux à faible densité ? L’exemple du Parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine, Développement durable et territoire, octobre 2013.
  • Huyghe M. (2015), « Habiter les territoires ruraux – Comprendre les dynamiques spatiales et sociales à l’œuvre, évaluer les perspectives d’évolution des pratiques de mobilité des ménages » thèse, Université de Tours. Ecole Doctorale « Sciences de l’Homme et de la Société », UMR 7324 CNRS-CITERES, 16/11/2015.
  • Insee, La France et ses territoires, INSEE.fr paru le 29/04/2021, https://cutt.ly/AHdfTgv.
  • Labaronne D. et al. (2019), Ruralités : une ambition à partager ANCT, 129p.
  • Observatoire des territoires (2021) La France en douze portraits : Rapport 2019-2020, ANCT, 34 p.
  • TechniCité, Loi d’orientation des mobilités : une réforme en trompe-l’œil pour les zones rurales, La Gazette des Communes, 07/05/2021, https://cutt.ly/yHdfsv8.

Ewa

Et si l’avion redécollait dans le monde d’après ?

bolloré avion cargo

La crise sanitaire a eu de lourdes répercussions immédiates pour le transport aérien. Répercussions que détaille une étude réalisée par le bureau de recherche 6-t pour l’Autorité de la qualité de service dans les transports. Mais elle ne semble pas avoir considérablement entamé la volonté de voyager loin en avion. Dur pour le futur bilan carbone…

Par Clarice Horn, Camille Krier, Nicolas Louvet – cabinet 6t

Crise sanitaire et voyages longue distance

La crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 a eu de multiples conséquences sur le quotidien des individus et a tout particulièrement affecté leurs déplacements, en termes de distances parcourues, de modes utilisés ou de motifs et conditions de voyage. En fonction de l’évolution locale de la situation sanitaire, les mesures mises en place par les pouvoirs publics à partir de mars 2020 ont plus ou moins étroitement circonscrit le périmètre de déplacement des citoyens. Le ralentissement de la pandémie combiné à l’accélération de la campagne de vaccination en France et à l’international ont permis la reprise des activités et des déplacements liés aux loisirs et au tourisme.

En parallèle, les conditions de voyage en modes collectifs longue distance ont fait l’objet d’adaptations, afin de pouvoir respecter les mesures sanitaires en vigueur, affectant ainsi l’expérience des voyageurs. De plus, ces modes ont durablement souffert d’une perception négative liée à l’image de promiscuité qui leur est associée, certains voyageurs pouvant craindre d’être contaminés1 . Tous ces éléments ont bouleversé le ressenti des voyageurs interurbains et internationaux utilisant le train, l’avion, mais aussi le car, le covoiturage longue distance ou encore le bateau.

6t-bureau de recherche a donc cherché à appréhender l’effet de la crise sanitaire sur l’expérience vécue des voyageurs en modes collectifs longue distance depuis mars 2020. Pour ce faire, 6t a réalisé une étude pour le compte de l’Autorité de la Qualité de Service dans les Transports (AQST), via une méthodologie qualitative, adaptée à l’analyse des perceptions et expériences vécues. Une série de 20 entretiens semi-directifs a pour cela été réalisée, permettant de comprendre comment la crise a pu bouleverser et remanier ou non les pratiques de voyage longue distance.

La crise sanitaire comme élément de rupture des habitudes de voyage

La crise sanitaire et les mesures de confinement instaurées pour tenter d’endiguer l’épidémie ont mis un coup d’arrêt brutal aux déplacements et, plus encore, aux voyages longue distance. Des projets de voyages ont ainsi été annulés ou reportés. Ces annulations ont souvent été contraintes (suppression de trajets par les compagnies et/ou mesures gouvernementales de restriction de circulation ou de fermeture des frontières), mais ont aussi pu être volontaires, certains voyageurs renonçant d’eux-mêmes face à une situation jugée trop incertaine (risque perçu de contamination durant le déplacement, notamment à bord d’une cabine fermé, mais aussi crainte d’une annulation au dernier moment, voire d’un isolement à l’arrivée).

 » LA PLUPART EXPRIMENT UNE VOLONTÉ DE RATTRAPER LE TEMPS PERDU « 

L’obtention de compensations sous la forme d’avoirs ou de remboursements s’est révélée plus ou moins complexe selon les cas, une multiplicité d’acteurs impliqués (notamment des intermédiaires tels que les comparateurs) étant associée à davantage de difficultés. Les mésaventures de certains voyageurs ont pu les inciter à adopter de nouvelles pratiques de réservation, telle la souscription d’une assurance. En cas de report de voyage, des destinations moins lointaines ont parfois été choisies, jugées plus sûres, tant en ce qui concerne les restrictions que le risque sanitaire. Face à l’incertitude, la réservation en dernière minute est également apparue comme une pratique nouvelle pour certains.

Voyager en période de crise : des mesures sanitaires à l’influence ambivalente

Les voyages longue distance réalisés en modes collectifs durant la crise sanitaire ont nécessité des précautions supplémentaires, en comparaison avec les pratiques de la période pré-crise. L’étape de préparation du voyage s’est révélée complexe et chronophage, notamment concernant la recherche d’informations sur les mesures en vigueur dans les différents pays. La variabilité de ces mesures, dans l’espace mais aussi dans le temps a rendu leur lecture particulièrement délicate. Combiné à la complexité des règles et parfois à la barrière de langue pour les voyages internationaux, cela soulève de forts enjeux d’accessibilité et de lisibilité de l’information. Ont pu en résulter des quiproquos affectant négativement l’expérience des voyageurs, tels que l’impossibilité de monter à bord ou l’obligation d’observer une période d’isolement non prévue à l’arrivée. Disposer d’informations claires, à jour et, idéalement, harmonisées entre territoires apparaît comme nécessaire aux yeux des voyageurs.

 » L’ÉTAPE DE PRÉPARATION DU VOYAGE S’EST RÉVÉLÉE COMPLEXE ET CHRONOPHAGE « 

Une fois dans les gares et les aéroports ou à bord des véhicules, les mesures sanitaires (distanciation, port du masque, etc.) influent de manière ambivalente sur les perceptions des voyageurs. Elles peuvent d’une part représenter une gêne et affecter négativement le ressenti du confort mais, d’autre part, apparaître comme rassurantes et renforcer leur sentiment de sécurité. Leur pénibilité étant relativisée aux bénéfices apportés par le voyage, elles sont en général acceptées comme une condition nécessaire. À noter que la flexibilité nouvelle apportée par la crise en termes d’échange ou de remboursement semble désormais considérée comme un acquis, auquel les voyageurs pourraient difficilement renoncer si cette politique n’était pas pérennisée par les compagnies.    

Voyager dans le monde d’après : un retour aux pratiques de mobilité longue distance du monde d’avant ?

Si la crise a bouleversé les habitudes de voyage et contraint les individus dans leurs projets, la plupart expriment une volonté de rattraper le temps perdu et de reprendre un rythme de voyage soutenu après la crise. Après une période de restrictions portant sur une pratique considérée pour certains comme un besoin (le voyage longue distance et la recherche de l’exotisme), nombreux sont ceux qui souhaitent voyager à nouveau, comme avant.

Alors que des modes comme le train ou des formes de tourisme plus locales (en France ou dans les pays limitrophes) ont pu être (re)découverts à la faveur de la crise, la pérennisation de ces pratiques se révèle bien incertaine. Bien qu’elle ait pu permettre une prise de conscience de l’impact environnemental de certains voyages, la crise ne semble pas avoir considérablement entamé la volonté de voyager loin en avion. Dans une optique de réduction des émissions associées à la mobilité, et notamment à la mobilité de loisirs longue distance, ce constat est peu rassurant pour la réalisation de scénarios bas carbone. En matière de mobilité longue distance, il s’agit donc de ne pas relâcher les efforts engagés (tels que la fin des liaisons aériennes internes à la France et d’une durée de moins de 2h30 pour lesquelles il existe une liaison ferroviaire, introduite par la loi Climat et Résilience2 ), afin d’éviter un retour au « monde d’avant », dommageable à l’environnement comme à la société.

1Voir par exemple : https://cutt.ly/5Ho8oxm ou https://cutt.ly/CHo8a3A.

2 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique er renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience.

Ewa

Les mobilités au rang des priorités

L’A1 de Roissy 
à la Seine-Saint-Denis 
en 2050, vue par SUN. L’autoroute est devenue une plateforme flexible qui abrite un grand nombre d’usages, de flux et de configurations différentes.

Désolés de nous répéter, mais l’urgence climatique est grande, et devrait être en tête de liste des préoccupations de la prochaine élection présidentielle. Pas la peine de se leurrer, ce n’est jusqu’à présent pas le cas, et ce n’est pas franchement parti pour le devenir. Pas une raison pour baisser les bras. Que la campagne s’en empare ou pas, l’urgence
est là et le ou la future locataire de l’Elysée n’y échappera pas.

Nous avons demandé à certains des spécialistes — universitaires, responsables, ONG, think tanks — les plus reconnus du monde des transports de nous dire quels sujets devraient être en tête des préoccupations de nos futurs dirigeants. Une première salve de contributions paraît dans ce numéro. Celles d’Aurélien Bigo, de Diane Strauss, de Jean-Pierre Orfeuil, de Jean Coldefy, de Christophe Gay et Sylvie Landriève et, dans le domaine des transports de marchandises qui mérite un chapitre à part, de Lætitia Dablanc. Un second ensemble paraîtra dans celui de février. Argumentées, charpentées, ces contributions n’ont rien d’un tract électoral… Mais elles nous permettront d’interpeller en connaissance de cause les candidats. De leur poser les questions les plus pertinentes. Et de voir si, derrière les mots d’ordre d’une campagne électorale, ils ont pris le temps de bien penser une question devenue vitale.

« Instaurer les 110 km/h sur les autoroutes »

Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports

VRT. La lutte contre le dérèglement climatique est une priorité absolue. Que faut-il attendre, dans le domaine de la mobilité, du prochain mandat présidentiel ? Quelles sont les trois (ou quatre, ou cinq) principales mesures à prendre ?

Aurélien Bigo. Les politiques publiques font actuellement la promotion de modes de transport ou de technologies bas-carbone. Mais dans le même temps, les mobilités intenses en énergie et en carbone ne sont pas découragées, voire même sont encouragées. La somme de ces tendances positives et négatives nous mène au total à des émissions relativement stables ces dernières années, loin des fortes baisses d’émissions nécessaires. Les mesures proposées ici visent à assumer la baisse des usages les plus carbonés actuellement en vigueur.

1. Abaisser les vitesses sur les routes, en particulier en instaurant les 110 km/h sur les autoroutes et 100 km/h sur les nationales, mesure permettant les plus fortes baisses d’émissions à très court terme, avec de faibles coûts de mise en œuvre et même des économies pour les automobilistes. Dans le même temps, instaurer les 30 km/h dans les zones urbaines dès qu’il n’y a qu’une seule voie par sens de circulation (comme cela a été fait en Espagne), aussi bien dans les villes que les villages, afin d’améliorer la sécurisation de la marche et du vélo.

2. Renforcer la fiscalité sur les modes les plus difficiles à décarboner et aujourd’hui au moins partiellement exonérés de fiscalité énergétique, à savoir l’aérien, le maritime et les poids lourds. Cela viserait simultanément à encourager la réduction de leur usage (en modérant la demande, en favorisant d’autres modes) et leur passage à des énergies décarbonées.

3. Réorienter le marché des voitures vers les véhicules légers et sobres, en sollicitant les normes (sur la vitesse maximale, le poids ou encore les émissions à ne pas dépasser) et en renforçant la fiscalité (sur le poids, les émissions…) afin de réinvestir le montant des malus sur les véhicules légers, allant du vélo au quadricycle en passant par le vélo à assistance électrique, le vélomobile ou encore les vélos cargos (les véhicules intermédiaires entre le vélo et la voiture), pour lesquels un grand plan de développement industriel et de relocalisation de ces véhicules serait lancé.

4. Instaurer un moratoire sur la construction et l’agrandissement des aéroports et de voies routières rapides. Sur l’aménagement du territoire et en lien avec les déplacements quotidiens, stopper la construction de routes communales liées à l’étalement du logement, de même que l’artificialisation liée à la construction de centres commerciaux et d’entrepôts logistiques en périphérie.

VRT. De ce point de vue, comment évaluez-vous la politique menée lors du quinquennat qui s’achève ?

A. B. Je juge ce mandat comme positif sur trois points : sur la mise en place de l’objectif de neutralité carbone et la dynamique que cela a pu instaurer à l’international ; sur la volonté d’accélérer certaines technologies pour la décarbonation, tels que l’électrification des voitures ; enfin, la mise en place de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), qui a pu montrer que des citoyens formés aux enjeux vont généralement bien plus loin que les politiques sur les évolutions de sobriété, ainsi la majorité des mesures citées dans la 1re question ont été proposées par la CCC, et des enquêtes montrent aussi une faveur importante des citoyens pour nombre de ces mesures.

En revanche, le constat est bien plus sévère sur le manque de sollicitation des leviers de sobriété de la transition, pourtant indispensables au respect de nos objectifs de décarbonation des transports. Cela s’est notamment reflété par une forte baisse d’ambition par rapport aux propositions de la CCC, par exemple sur l’aérien, le poids des véhicules ou les 110 km/h. Enfin, l’écart est toujours grandissant entre les objectifs et les trajectoires, sans vraiment chercher à corriger ce décalage et accepter que la technologie seule ne suffira pas.

VRT. Indépendamment du climat, y a-t-il, dans ce domaine, une mesure à inscrire à l’agenda présidentiel ?

A. B. De nombreuses nuisances sont liées à la voiture (consommation d’espace, sédentarité, bruit, pollution, etc.). Les traiter nécessite notamment un fort rééquilibrage de l’espace public en faveur des mobilités sobres en énergie, en ressources et en espace. Il faut assumer une hiérarchie entre les modes de transport afin de systématiquement favoriser la marche, devant le vélo, les transports en commun ferroviaires, routiers, puis la voiture (ainsi que l’avion pour la longue distance). Cela devrait aussi s’accompagner d’un vaste plan pour permettre à tous les élèves de primaire, collège et lycée d’aller à pied ou à vélo jusqu’à leur établissement en toute sécurité, véritable question de santé publique et de comportement des plus jeunes à habituer aux mobilités durables.

VRT. Question subsidiaire : De quelle fausse bonne idée faut-il se méfier ?

A. B. Se méfier de la solution magique de manière générale, notamment technologique, car elle n’existe pas. Elle est souvent invoquée comme un alibi pour ne rien changer, alors qu’il faudra combiner des changements importants sur les 5 leviers de transition (modération de la demande, report modal, amélioration du remplissage des véhicules, efficacité énergétique décarbonation de l’énergie) pour espérer rattraper le retard accumulé sur nos trajectoires d’émissions.


« Fin de vente des véhicules thermiques particuliers en 2035 »

Diane Strauss, directrice France de Transport & Environnement, organisation européenne regroupant une cinquantaine d’ONG

VRT. La lutte contre le dérèglement climatique est une priorité absolue. Que faut-il attendre, dans le domaine de la mobilité, du prochain mandat présidentiel ? Quelles sont les trois (ou quatre, ou cinq) principales mesures à prendre ?

Diane Strauss.

  • Fin de vente des véhicules thermiques particuliers en 2035*
  • Fin de vente des camions thermiques d’ici 2035/2040
  • Une trajectoire d’électrification ambitieuse entre 2022 et 2030, avec notamment l’électrification prioritaire des flottes d’entreprises (50 % des ventes de véhicules neufs) et la réduction des ventes d’hybrides rechargeables.
  • Un effort de réduction des kilomètres parcourus avec des voies cyclables et de l’autopartage (VTC, covoiturage) en milieu urbain.
* Mesure proposée le 14 juillet 2021 par la Commission européenne [ndlr].

VRT. De ce point de vue, comment évaluez-vous la politique menée lors du quinquennat qui s’achève ?

D. S. Timide effort mis sur les bornes de recharges. La France doit être plus ambitieuse au niveau européen (voir sa position sur la fin de vente des hybrides rechargeables en 2040) et au niveau français (loi Climat très décevante).

VRT. Indépendamment du climat, y a-t-il, dans ce domaine, une mesure à inscrire à l’agenda présidentiel ?

D. S. D’après le GIEC, l’avenir des enfants nés en 2021 est en jeu. Il n’existe pas de priorité plus grande que le climat.

Il faut donc anticiper l’effet de cette transition sur l’emploi en France, notamment dans la filière automobile et aviation et non retarder la transition même. Quels emplois pourraient être perdus, comment offrir une alternative viable à ces populations dans leur bassin d’emploi ? Ces discussions doivent avoir lieu avec l’Etat, les régions et les filières.

VRT. De quelle fausse bonne idée faut-il se méfier ?

D. S. Les biocarburants issus de cultures alimentaires ne sont pas une option viable, ni pour le climat, ni pour la biodiversité.


« On ne régulera pas la mobilité si persistent des sentiments d’injustice »

Jean-Pierre Orfeuil, professeur émérite, Université Gustave Eiffel, Conseil de l’Institut pour la ville en mouvement

La loi énergie climat de 2019 renforce les ambitions de la loi de transition énergétique de 2015 dont les objectifs intermédiaires n’ont pas été tenus. Elle vise la neutralité carbone en 2050, et une baisse de 40 % de l’usage des énergies fossiles en 2030. Le dossier technique qui l’accompagne prévoit une forte baisse des consommations des véhicules thermiques (-30 % en 2030), une forte pénétration de la voiture électrique (46 % des ventes en 2030), et un usage accru des transports publics et de la voiture en commun. Elle est peu connue des citoyens, malgré ses implications sur leurs modes de vie.

Les ébauches de programme sont silencieuses sur cette loi, et montrent une attention différenciée au sujet : la baisse des émissions n’apparaît pas dans les objectifs phare des Républicains, elle figure dans les 10 axes prioritaires de la primaire populaire. A droite, on est contre l’écologie punitive, pour le véhicule électrique, sans ambition pour le transport public, réservé sur les éoliennes, enthousiaste sur le nucléaire. A gauche, on veut des véhicules propres, plus de transport public, l’interdiction des SUV, des soutiens aux ménages modestes et aux énergies renouvelables, mais on ne dit rien sur ce qui pourrait fâcher : taxe carbone, péages, et même normes sur les véhicules.

Il y a donc tout à parier qu’on sortira de la prochaine mandature en 2027 avec un écart béant entre l’objectif affiché et la réalité des consommations. Pour éviter cette décrédibilisation récurrente de l’action publique, il faudrait renforcer les mécanismes pour que les gouvernants respectent les trajectoires fixées par la loi, et faire partager l’idée que ce qu’on qualifie d’écologie punitive peut être une politique vertueuse si on en redistribue les ressources efficacement.

Parce qu’on ne régulera pas la mobilité si persistent des sentiments d’injustice, la priorité pour le quinquennat devrait être d’amener l’offre de véhicules à plus de sobriété (40 % de SUV dans les ventes en France, 46 % à Paris !), ce qui a été récemment amorcé avec un timide malus lié au poids. Dans ce registre, on peut envisager :

  • Une plus forte taxation des véhicules de société, et notamment de l’avantage archaïque des véhicules de fonction. Ce n’est pas anecdotique, car un véhicule neuf sur deux n’est pas acheté par des particuliers, et que les véhicules de société, plus gros en moyenne, se retrouvent chez les particuliers au bout de trois ou quatre ans.
  • Une annualisation du système de malus, qui reviendrait à restaurer la vignette pour les véhicules « hors des clous ».

Ces mesures stimuleraient en outre la demande de véhicules électriques tout en réduisant les aides à l’achat dont bénéficient surtout les ménages aisés. Les ressources induites pourraient être affectées à l’aide à la transition, notamment pour les actifs modestes dépendant de leur voiture.

Le locataire de l’Elysée s’honorera enfin de préparer le terrain pour son successeur, car moins de la moitié du chemin vers la neutralité carbone aura été parcourue. En 2027, l’essentiel du parc (voitures et poids lourds) sera composé de véhicules connectés, ce qui facilitera les transactions de tous types. Il mettra donc à l’étude, et versera au débat public, toutes les possibilités d’orientation de la demande (voyageurs et fret) vers le bien commun rendues plus nécessaires par l’affaissement du rendement des taxes sur les carburants lié à l’électrification du parc et plus aisées par cette avancée majeure.


« L’offre de transports en commun n’a pas suivi la dynamique métropolitaine »

Jean Coldefy, directeur du programme mobilité 3.0 d’ATEC-ITS France

La voiture avec 16 % des émissions du pays est l’un des tout premiers postes d’émissions de GES. Le diagnostic établi en 2017 lors des assises de la mobilité est toujours d’actualité : nous avons un déficit considérable d’alternatives à la voiture pour accéder aux agglomérations qui concentrent le potentiel économique du pays. L’offre de transports en commun n’a pas suivi la dynamique métropolitaine. Conjugué avec un urbanisme d’éparpillement, du fait d’une gestion trop locale de l’urbanisme dans le périurbain, ceci a grandement favorisé l’usage de la voiture pour accéder aux emplois des agglomérations.

Les flux centres – périphéries représentent ainsi la moitié des émissions de la mobilité des aires urbaines, tandis que les déplacements dans les villes centres ne pèsent que 2 %, la part restante se situant au sein des 1re couronnes et du périurbain. 25 % des actifs des grandes métropoles n’y résident pas, les villes centres des métropoles ne représentent que 8 % de la population française et disposent des alternatives à l’inverse des couronnes qui pèsent près de la moitié de la population. Voilà pourquoi des centaines de milliers de voitures engorgent les grandes villes. C’est un manque d’offres et non un problème de demande. Les partisans de la gratuité font une erreur fondamentale de diagnostic pour les grandes aires urbaines. Ces distances domicile – travail sont par ailleurs hors de portée du vélo et pèsent 60 % des kilomètres de la mobilité quotidienne des Français.

Ce n’est pas la ville du quart d’heure qu’il faut inventer (elle existe déjà) mais la métropole de la demi-heure. Dans les grandes agglomérations, il faudrait ainsi tripler l’offre de transports en commun sur les liens centres-périphéries et au sein de la première couronne, permettant un report modal massif. La difficulté réside dans la nécessaire vitesse de déploiement compte tenu des engagements climatiques : comment réaliser en cinq ans ce que d’habitude nous mettons 30 ans à réaliser ? Le financement devra passer par une plus grande efficience de notre système de transport en commun et une participation accrue de l’usager, des transports en commun comme de la route.

Il faudra par ailleurs déployer un urbanisme de la proximité pour les déplacements résidentiels et donc implanter l’habitat à proximité des pôles de commerces afin de favoriser les modes actifs, et un urbanisme de la vitesse pour les trajets domicile – travail avec des zones économiques implantées à proximité des pôles de transports en commun. La mobilité se gère à l’échelle des bassins de vie, c’est-à-dire là où les Français vivent ET travaillent : les aires urbaines. La répartition des rôles Régions / EPCI / Métropoles doit être adaptée en conséquence.

Décarboner les mobilités et retrouver une cohésion territoriale et sociale à l’échelle des aires urbaines est possible, les solutions sont connues et décrites. Le prochain quinquennat devra s’attaquer au financement et à la nécessaire adaptation de la gouvernance territoriale des mobilités et de l’aménagement. On ne réussira pas la lutte contre le réchauffement climatique sans réussir la cohésion sociale et territoriale.

Ce défi peut ainsi être un facteur fort de cohésion sociale vers un futur désirable qui doit nous permettre de tourner la page des excès du « Vivre sans temps morts et jouir sans entrave » de mai 1968 afin de privilégier à nouveau l’investissement sur la consommation, le futur sur le bien-être immédiat, à l’image de l’effort collectif entrepris après 1945 pour redresser le pays.

Comme le disait François Perroux, économiste lyonnais cofondateur d’Economie et humanisme (1903 – 1987) : « On ne saurait augmenter l’investissement sans diminuer la consommation. Chaque économie ne peut élever le niveau de vie des générations ultérieures sinon en imposant un sacrifice aux consommations présentes ».


« Il faut poser dès maintenant les bases d’un système alternatif à la voiture individuelle »

Christophe Gay et Sylvie Landriève, codirecteurs du Forum Vies Mobiles

VRT. La lutte contre le dérèglement climatique est une priorité absolue. Que faut-il attendre, dans le domaine de la mobilité, du prochain mandat présidentiel ? Quelles sont les trois (ou quatre, ou cinq) principales mesures à prendre ?

Christophe Gay et Sylvie Landriève. On ne peut pas sortir du système de déplacement actuel basé sur la vitesse en un mandat : l’accès à toutes nos activités (travail, achats, loisirs, etc.) est déterminé par le fait que nous utilisons des modes de transport rapides, au premier chef la voiture qui émet à elle seule la moitié des émissions de CO2 du secteur des transports. Mais le prochain gouvernement a la responsabilité de mettre en urgence la France sur la trajectoire définie par la Stratégie Nationale Bas Carbone. Il doit donc poser dès maintenant les bases d’un système alternatif à la voiture individuelle qui soit efficace, réaliste et adapté aux territoires.

Il faut arrêter d’additionner et de mettre en concurrence les offres (voiture, train, bus, vélo, …) et lancer les bases d’un système où chaque mode serait vraiment connecté aux autres, tout en ayant sa zone de pertinence, pour permettre des déplacements porte à porte sur tous les territoires (ville, périurbain, campagne). On pourrait commencer par les 30 % des Français qui pratiquent l’ensemble de leurs activités à moins de neuf kilomètres de chez eux mais recourent encore trop largement à la voiture individuelle.

Pour ceux qui ne peuvent pas se passer facilement d’un véhicule (distances, santé, transports de charge, accompagnement, etc.), l’État doit encourager le développement d’une nouvelle filière industrielle low-tech de petits véhicules légers, réparables, électriques (dont du rétrofit), mécaniques, ou très peu consommateurs de carburant.

Enfin, le cœur du problème reste l’aménagement du territoire pour réduire les distances à parcourir au quotidien et limiter le recours aux modes motorisés. Le prochain gouvernement devra remettre en cause l’hyper concentration des services, des emplois et de la population dans la mégalopole de l’Ile-de-France mais également dans les centres des métropoles pour concevoir de nouveaux territoires de vie, grâce au redéploiement local de l’activité, des services et des équipements du quotidien autour des habitations : alimentation, santé, loisirs et bien sûr emplois, avec entre autres le télétravail.

VRT. De ce point de vue, comment évaluez-vous la politique menée lors du quinquennat qui s’achève ?

C. G. et S. L. Le quinquennat a incontestablement été marqué par le mouvement social des Gilets jaunes que nous interprétons au Forum Vies mobiles comme une nouvelle crise de mobilité. La taxe carbone, dénoncée alors comme inéquitable dans la mesure où elle pèse plus fortement sur le budget des ménages les plus modestes, est également inefficace parce qu’elle a peu d’effets sur les modes de vie des plus riches, pourtant les plus émetteurs de CO2. Nous avons étudié une alternative radicale : le rationnement des déplacements carbonés en France. Cela paraît possible, d’autant que la moitié des Français n’y serait pas opposée. Face à l’ampleur des changements à opérer, pourquoi ne pas lancer des expérimentations territoriales dès 2022 ?

VRT. Indépendamment du climat, y a-t-il dans ce domaine une mesure
à inscrire à l’agenda présidentiel ?

C. G. et S. L. La crise sanitaire a fait exploser la pratique du télétravail. Pour le meilleur et pour le pire. Pour éviter que les transporteurs ne courent désespérément derrières les nouvelles pratiques et pour éviter les effets rebonds potentiels (parcourir plus de kilomètres qu’avant pour aller au travail, même si on s’y rend moins souvent) ou réinvestir le temps gagné dans plus de déplacements autour de son domicile), il faut mettre en place une politique nationale d’organisation du télétravail en partenariat avec les collectivités locales et les entreprises. L’objectif ? répondre aux aspirations des citoyens à limiter le stress et la fatigue des déplacements domicile-travail, réguler les flux dans les villes, permettre à ceux qui le souhaitent de déménager sans pour autant aggraver la dépendance à la voiture.

VRT. De quelle fausse bonne idée faut-il se méfier ?

C. G. et S. L. Alors que le développement du véhicule autonome et le déploiement des infrastructures nécessaires à sa mise en circulation exigent des investissements considérables non seulement privés mais aussi, à l’avenir, publics (développement, adaptation des infrastructures, etc.) nous avons montré que sa contribution à la décarbonation de la mobilité ne peut être au mieux que marginale. Pire, selon les scénarios, sa diffusion risque, à l’inverse, d’augmenter fortement les émissions de CO2 liées au transport, celles découlant de la circulation de la nouvelle flotte (accentuation des distances parcourues, concurrence des transports en commun, voire des mobilités douces), mais aussi de la production massive de véhicules, de matériel électronique et d’infrastructures, ainsi que d’une génération de données colossale. Cette situation est symptomatique d’une forme de schizophrénie des pouvoirs publics qui articulent difficilement enjeux économiques, sociaux et écologiques.


Transport de marchandises : la France risque de se retrouver en retard

Laetitia Dablanc, urbaniste, est directrice de recherche à l’université Gustave Eiffel, où elle dirige la Chaire Logistics City

Rarement au centre des attentions, le transport de marchandises est responsable d’un tiers des émissions de CO2 du transport, et sa part est amenée à croître fortement. Nombre de mesures sont déjà prises pour assurer sa décarbonation, mais elles pêchent souvent par un côté franco-français dommageable pour un secteur d’activité largement mondialisé.

VRT. La lutte contre le dérèglement climatique est une priorité absolue. Que faut-il attendre, dans le domaine de la mobilité, du prochain mandat présidentiel ? Quelles sont les trois (ou quatre, ou cinq) principales mesures à prendre ?

Lætitia Dablanc. Le transport des marchandises est responsable d’un tiers des émissions de CO2 du transport, part qui est amenée à s’accroître fortement si l’on en croit les projections de l’OCDE/ITF1. Comment une politique sur le transport des marchandises peut-elle contribuer à la lutte contre le changement climatique ? D’abord, avant de lancer de nouvelles mesures, on peut faire aboutir de façon effective plusieurs réformes adoptées pendant les mandats précédents. Le transport intermodal rail-route doit être fortement privilégié dans la mise en place de la stratégie nationale de développement du fret ferroviaire (octobre 2021) car il combine l’ubiquité de la route et la massification des transports permise par le ferroviaire, qui présente des facteurs d’émissions de carbone très réduits. Parmi les actions prioritaires : amélioration de la gestion des sillons et circulations de nuit des trains de marchandises, autorisation des 46 tonnes (et pourquoi pas au-delà) pour les camions faisant du pré et post-acheminement, investissements dans la modernisation des terminaux, notamment portuaires. Autre dossier à pousser en priorité : les zones à faibles émissions, qui représentent un outil puissant de dépollution des flottes urbaines et de modernisation du transport routier de marchandises. La France est aujourd’hui l’un des pays les moins avancés en Europe en ce qui concerne le nombre et l’efficacité des ZFE2. La loi d’orientation des mobilités 2019 et la loi climat et résilience de 2021 accélèrent leur déploiement dans les agglomérations françaises. Il faut maintenant s’assurer que ces zones soient effectives c’est-à-dire contrôlées et respectées ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Elles devront aussi prendre en compte de façon spécifique l’enjeu des poids lourds, dont les versions zéro émission ne seront pas disponibles à court terme, pour ne pas perdre les importants bénéfices qu’ils permettent dans la massification des marchandises. Rien ne serait pire qu’une ville logistique propre mais congestionnée par des dizaines de milliers de petits véhicules utilitaires. Sur l’écotaxe poids lourds, la loi climat et résilience ouvre la possibilité aux régions volontaires de mettre en place à partir de 2024 des « contributions spécifiques » mais la réforme risque de se heurter à l’absence de volontarisme des régions (l’Ile-de-France a récemment renoncé par exemple). Il faudra promouvoir vigoureusement l’outil, tout en s’assurant de l’interopérabilité des systèmes.

 » LA FRANCE EST AUJOURD’HUI L’UN DES PAYS LES MOINS AVANCÉS EN EUROPE EN CE QUI CONCERNE LE NOMBRE ET L’EFFICACITÉ DES ZFE « 

De nouvelles mesures sont aussi à prendre afin d’aller bien plus loin dans la décarbonation du transport des marchandises. Elles sont bien sûr pour l’essentiel de niveau européen/international et le mandat présidentiel qui arrive devra d’abord s’ancrer dans le Règlement européen pour le climat, le Green Deal, la COP26, le paquet Climat… Ce n’est pas un simple rappel de routine, il s’agit d’un positionnement ayant des conséquences concrètes comme la mise en œuvre rapide et sincère des engagements3. En France, un dossier concret mais complexe concerne les poids lourds propres. La vente des poids lourds neufs sera interdite à partir de 2040 s’ils sont à énergies « majoritairement fossiles » (loi climat et résilience). Les poids lourds électriques à batterie font l’objet de développements technologiques rapides dans des régions en pointe comme la Californie. La France risque de se retrouver en retard si elle concentre l’innovation de long terme sur l’hydrogène propre (qui représente bien évidemment une voie prometteuse pour tous les véhicules lourds) et ses efforts de court terme surtout sur les véhicules GNV et bio GNV. Faudra-t-il que l’Etat donne une impulsion forte aux constructeurs pour aller plus vite sur les poids lourds à batterie (avec tout l’écosystème des stations de recharge rapide qui leur est associé) ? De l’autre côté du spectre des véhicules, les deux-roues électriques doivent être adoptés massivement alors que peu de villes ont compris que les scooters et motos, polluants et bruyants, sont de plus en plus utilisés par les livreurs. Les données, le big data et leur exploitation automatique par intelligence artificielle doivent soutenir les territoires, pour modéliser les flux et élaborer les bilans carbone de la logistique. Or on se heurte aujourd’hui à une extrême timidité du cadre réglementaire français. Par exemple, les données des futures caméras LAPI4 de contrôle des ZFE ne pourront pas être utilisées alors qu’elles le sont dans les pays européens voisins.

 » RIEN NE SERAIT PIRE QU’UNE VILLE LOGISTIQUE PROPRE MAIS CONGESTIONNÉE PAR DES DIZAINES DE MILLIERS DE PETITS VÉHICULES UTILITAIRES « 

VRT. De ce point de vue, comment évaluez-vous la politique menée lors du quinquennat qui s’achève ?

L. D. Du point de vue du changement climatique, la politique menée en termes de transport et mobilité des marchandises est au mieux très contrastée. D’abord, il faut regarder au niveau européen, où se prennent les décisions les plus importantes. Est-ce que l’action européenne de la France depuis cinq ans a été favorable à la décarbonation du transport de marchandises ? Le bilan sera surtout fait à l’issue de la Présidence française de l’UE qui vient de débuter. Au niveau franco-français, certaines initiatives sont très positives, notamment sur la cyclo-logistique (plan national pour la promotion de la cyclo-logistique) ou les aides à l’acquisition de véhicules utilitaires légers électriques (mais les aides en faveur des poids lourds propres ne sont pas à la hauteur des enjeux). Parallèlement, la dynamique de France Logistique est bien engagée et se consolide. Les comités interministériels de la logistique commencent à se succéder. Ceci fait partie d’un ensemble de démarches partenariales qui visent à développer les échanges d’expériences et d’outils pour des stratégies de réduction des impacts carbone dans le secteur (dispositif EVE).

 » LES POIDS LOURDS ÉLECTRIQUES À BATTERIE FONT L’OBJET DE DÉVELOPPEMENTS TECHNOLOGIQUES RAPIDES DANS DES RÉGIONS EN POINTE COMME LA CALIFORNIE « 

Beaucoup d’initiatives sont en revanche insuffisantes. Je pense notamment à la stratégie nationale pour le fret ferroviaire qui insiste sur les autoroutes ferroviaires (merveilleuses mais trop franco-françaises) au risque de ne pas miser suffisamment sur le transport combiné rail-route traditionnel. La stratégie représente un gros effort financier de l’Etat et de SNCF Réseau mais sans contrepartie réelle au niveau des opérateurs sur l’amélioration de leur productivité5. J’ai par ailleurs du mal à comprendre pourquoi on se donne un objectif de 80 % de la part du fret conteneurisé manutentionné dans les ports français à destination et en provenance de la France d’ici 2050 (stratégie nationale portuaire). Ce type de « nationalisme du conteneur », notamment pour Le Havre, me paraît superflu alors que plusieurs ports européens sont proches de la France et adaptés à l’approvisionnement du pays, surtout s’il est ferroviaire ou fluvial (par exemple dans la perspective du canal Seine-Nord Europe). Il vaudrait mieux se poser la question de l’efficacité des ports français, qui doivent eux aussi servir le reste de l’Europe et qui doivent pour cela être beaucoup mieux connectés au ferroviaire et au fluvial. Il faudrait aussi s’assurer qu’une vraie tarification d’usage par les poids lourds des infrastructures routières en France fasse évoluer l’attractivité relative des ports européens approvisionnant la France.

 » LES AUTOROUTES FERROVIAIRES, MERVEILLEUSES MAIS TROP FRANCO-FRANÇAISES « 

VRT. Indépendamment du climat, y a-t-il, dans ce domaine, une mesure à inscrire à l’agenda présidentiel ?

L. D. Le social est un point majeur à traiter pour le secteur logistique. L’action de la France au niveau européen a été plutôt favorable aux conditions de travail des chauffeurs-livreurs (un seul exemple, la proposition d’interdire aux employeurs de faire dormir les conducteurs de VUL dans leur véhicule pendant les jours de repos) mais il reste beaucoup à faire. L’attractivité du transport routier de marchandises sur longue distance se dégrade et les difficultés de recrutement s’accroissent. On manque de contrôleurs de transport terrestre, il est trop facile de ne pas respecter les lois sociales françaises. Dans le secteur des livraisons instantanées par plateformes numériques, la situation sociale est marquée par de graves et multiples dysfonctionnements (emploi croissant de précaires, non-respect des règles sur les véhicules, insécurité routière ; la problématique des partages de comptes n’est pas sérieusement abordée). Les élections professionnelles prévues par la LOM pour 2022 devront être activement préparées avec des moyens importants donnés à la mobilisation des acteurs (livreurs, syndicats, collectifs, plateformes). La formation professionnelle dans le transport et la logistique est sans doute mieux abordée que par le passé et là encore, les initiatives partenariales sont à souligner mais ces actions doivent être considérablement accélérées. Il faut aller chercher les futurs salariés du transport et de la logistique là où ils sont (peut-être sur un scooter Deliveroo aujourd’hui et ignorants des possibilités de qualification et de carrière dans la logistique). Enfin, les pollutions locales et le bruit des deux-roues sont minorés en France (la suspension du contrôle technique des deux-roues motorisés est très regrettable).

VRT. De quelles fausses bonnes idées faut-il se méfier ?

L. D. Un mot sur la ville du quart d’heure qui me paraît s’opposer par nature à ce qui fait une métropole vivante où la mobilité -pour trouver un travail ou se rendre dans un lieu de culture à l’autre bout du territoire- me paraît une valeur importante. Par ailleurs, l’intendance logistique de la ville du quart d’heure continuera pour grande partie à se baser sur des chaînes logistiques venant de loin.

1 https://www.itf-oecd.org/projections-and-scenarios-transport-sector
2 https://www.lvmt.fr/wp-content/uploads/2019/10/2021-Brief-Lucas-Belliard.pdf
3 Evitant à l’avenir au pays d’être renvoyé devant la Cour de Justice de l’UE comme récemment sur les émissions de NOx (https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_20_1880).
4 LAPI : lecture automatique des plaques d’immatriculation.
5 Résultat net de -230 millions d’euros en 2019 pour seulement 1 247 millions d’euros de chiffre d’affaires pour le fret ferroviaire français. Les coûts d’exploitation restent encore supérieurs à ceux de la moyenne européenne.

Ewa

Assurer la transition de l’industrie automobile

Nice voiture electrique

Dans un rapport publié fin juin, mis à jour fin juillet, le think tank de la fondation Nicolas Hulot et la CFDT Métallurgie se sont penchés sur l’avenir de l’automobile et précisément de la filière moteur dans le contexte de conversion à l’électricité. Le rapport, intitulé Comment relever le défi d’une transition juste étudie quatre scénarios de transition. La filière motrice, qui compte 57 000 salariés de France, a un effet d’entraînement sur 400 000 salariés. Or, la voiture électrique nécessite moins de main-d’œuvre que la voiture diesel. Mais, selon les deux partenaires qui s’appuient sur l’expertise de Syndex ; « en accélérant la transition écologique, on peut enrayer le déclin de l’industrie automobile ».

Le premier scénario, de poursuite des tendances actuelles, « pourrait tout simplement signifier la fin de l’industrie automobile en France ». En dix ans 100 000 emplois ont été supprimés dans la filière automobile. Et, à nouveau, selon l’Observatoire de la métallurgie, 100 000 emplois sont menacés d’ici 2035… Le scénario 2 étudie l’effet du maintien de la politique de relance commencée en 2020 : elle ne « permettra ni de mettre un terme à la désindustrialisation, ni de répondre au défi climatique » et se traduirait par une division par deux des effectifs d’ici 2050. Plus ambitieux, le scénario 3, de relance industrielle, explore un maintien des volumes de production de moteurs, sans toutefois anticiper les besoins de sobriété : réduction des consommations d’énergie et de matière, évolution des usages.

Le scénario 4, dit de transition juste, « mise sur une intégration locale renforcée de la filière et intègre les exigences de la sobriété ». Il « vise la restructuration de l’appareil productif autour d’une filière intégrée moteurs – batteries – véhicules – recyclage. » Selon la FNH et la CFDT, il est seul en mesure de « répondre à la fois aux enjeux sociaux et environnementaux ». Et permettait, à partir de 2035, de recréer de l’emploi, ce qui devrait se traduire en 2050 par un tiers d’emplois de mieux que le scénario 2, de poursuite de la relance. Le scénario repose sur les efforts de reconversion et de formation pour chaque salarié de la filière.

Première étape demandée par la Fondation Nicolas Hulot et la CFDT : la mise en place d’Etats généraux de l’automobile.

Lire « Comment relever le défi d’une transition juste ? »

Ewa

Assurer la transition de l’industrie automobile

Nice voiture electrique

Dans un rapport publié fin juin, mis à jour fin juillet, le think tank de la fondation Nicolas Hulot et la CFDT Métallurgie se sont penchés sur l’avenir de l’automobile et précisément de la filière moteur dans le contexte de conversion à l’électricité. Le rapport, intitulé Comment relever le défi d’une transition juste étudie quatre scénarios de transition. La filière motrice, qui compte 57 000 salariés de France, a un effet d’entraînement sur 400 000 salariés. Or, la voiture électrique nécessite moins de main-d’œuvre que la voiture diesel. Mais, selon les deux partenaires qui s’appuient sur l’expertise de Syndex ; « en accélérant la transition écologique, on peut enrayer le déclin de l’industrie automobile ».

Le premier scénario, de poursuite des tendances actuelles, « pourrait tout simplement signifier la fin de l’industrie automobile en France ». En dix ans 100 000 emplois ont été supprimés dans la filière automobile. Et, à nouveau, selon l’Observatoire de la métallurgie, 100 000 emplois sont menacés d’ici 2035… Le scénario 2 étudie l’effet du maintien de la politique de relance commencée en 2020 : elle ne « permettra ni de mettre un terme à la désindustrialisation, ni de répondre au défi climatique » et se traduirait par une division par deux des effectifs d’ici 2050. Plus ambitieux, le scénario 3, de relance industrielle, explore un maintien des volumes de production de moteurs, sans toutefois anticiper les besoins de sobriété : réduction des consommations d’énergie et de matière, évolution des usages.

Le scénario 4, dit de transition juste, « mise sur une intégration locale renforcée de la filière et intègre les exigences de la sobriété ». Il « vise la restructuration de l’appareil productif autour d’une filière intégrée moteurs – batteries – véhicules – recyclage. » Selon la FNH et la CFDT, il est seul en mesure de « répondre à la fois aux enjeux sociaux et environnementaux ». Et permettait, à partir de 2035, de recréer de l’emploi, ce qui devrait se traduire en 2050 par un tiers d’emplois de mieux que le scénario 2, de poursuite de la relance. Le scénario repose sur les efforts de reconversion et de formation pour chaque salarié de la filière.

Première étape demandée par la Fondation Nicolas Hulot et la CFDT : la mise en place d’Etats généraux de l’automobile.

Lire « Comment relever le défi d’une transition juste ? »

Ewa

Et si le futur du MaaS était déjà écrit ?

Livraison

On a vu dans le MaaS une sorte d’Eldorado technologique de la mobilité durable… Mais l’information aux voyageurs est devenue un nouveau standard pour tous les moyens de transport. Le  MaaS permet aux transports en commun, à la marche ou au vélo de rester dans la course face à l’automobile. Pas de faire la différence. Là où le MaaS pourrait se développer, c’est en permettant aux plate-formes privées d’offrir des services de mobilité de toute sorte, comme le fait dès maintenant Uber. Avec des effets environnementaux et sociaux très contestables.

Par Nicolas Louvet et François Adoue

Le MaaS, de l’anglais Mobility as a Service (en français : « la mobilité en tant que service »), est certainement aujourd’hui l’acronyme le plus en vogue dans le secteur de la mobilité. Il est consacré sous l’appellation « service numérique multimodal » par la loi d’orientation des mobilités (2019) qui le définit dans son article 28 comme « un service numérique qui permet la vente de services de mobilité, de stationnement ou de services fournis par une centrale de réservation », et qui entend en faciliter le développement aussi bien par des acteurs publics que par des acteurs privés. Le MaaS apparaît ainsi promis à un grand avenir. Mais, avant de parler de son futur, offrons-nous un précieux détour par le passé.

Le MaaS succède aux systèmes d’information multimodale en tant qu’Eldorado technologique de la mobilité durable. Ces systèmes d’information multimodale, accessibles depuis un ordinateur bien avant d’être développés en tant qu’application pour smartphone, étaient censés, comme le MaaS aujourd’hui, promouvoir l’usage des transports en commun, de la marche ou du vélo, au détriment de la voiture particulière. Comment ? En offrant à leurs usagers une information multimodale complète et actualisée en temps réel, autrement dit en offrant aux consommateurs une information pure et parfaite sur les différentes offres de transport : temps de parcours, coûts monétaires et même parfois coûts environnementaux ! L’enjeu était de réduire une supposée irrationalité des choix de déplacements conduisant à l’adoption de l’automobile, en plaçant l’individu face à son erreur d’appréciation. Or ces cas de choix sous-optimaux, s’ils existent et font l’objet de nombreux travaux de recherche, s’avèrent ne représenter qu’une part marginale de la mobilité quotidienne. On feint trop souvent d’oublier que les automobilistes, dans une large majorité de situations, ne disposent tout simplement pas d’alternatives avantageuses. De plus, bien peu de personnes sont en mesure de réviser constamment leurs choix de déplacement. On ne change généralement pas tous les jours son mode de transport pour aller au travail. Aussi l’information multimodale n’est utilisée que quand elle est utile, c’est-à-dire le plus souvent pour procéder à des choix dans des situations d’incertitudes (nouvelles destinations, perturbations sur le réseau).

C’EST EN PROPOSANT DES SERVICES ADAPTÉS AUX BESOINS DES UTILISATEURS QUE LES APPLICATIONS MaaS SE DÉVELOPPERONT. ET ÇA, LE SECTEUR PRIVÉ L’A DÉJÀ COMPRIS

C’est donc à la fois la portée (l’étendue des situations) et l’efficacité (le pouvoir d’influence dans les choix) de cette solution miracle qui ont été surestimées. Est-ce à dire que les politiques en faveur du développement de systèmes d’information multimodale ont été vaines ? Pas tout à fait. L’accès à une information de plus en plus fiable sur les trajets en transports en commun, marche ou vélo permet de donner le change face à une industrie automobile qui intègre de mieux en mieux l’information en temps réel sur les conditions de circulation, et de maintenir ainsi un équilibre dans la compétition modale. L’information aux voyageurs – quel qu’en soit le véhicule – s’est imposée comme un nouveau standard, répondant à une exigence aujourd’hui triviale des voyageurs, à l’instar de la mise à disposition de sièges confortables, ou de la climatisation dans nos voitures comme dans nos bus les plus récents.

Le MaaS entend compléter ces systèmes d’information multimodal en ajoutant au calculateur d’itinéraire la possibilité de payer son titre de transport et de le valider depuis son téléphone, de manière extrêmement simplifiée, et ce quel que soit le mode choisi pour le déplacement. Afin d’inciter à des choix de mobilité plus vertueux, les applications MaaS tendent à offrir un avantage pécuniaire à l’utilisation des modes alternatifs à la voiture. Elles peuvent proposer des abonnements croisés : l’abonnement aux transports en commun emporte par exemple le droit à une réduction sur l’abonnement aux vélos en libre-service ou encore à l’autopartage. Si ce type de politique tarifaire n’est pas nouveau, le MaaS pourrait en permettre la facilitation (inscription – et désinscription – en quelques minutes depuis son téléphone) et en soutenir la diffusion dans la population.

Par ailleurs, les applications MaaS peuvent proposer une formule de post-paiement : l’usager se déplace sur les différents réseaux, puis reçoit sa facture le mois suivant, tout en étant assuré de payer ce qui correspond à l’offre la plus avantageuse qu’il aurait pu anticiper. Il s’agit alors d’offrir une mobilité 100 % alternative à la voiture particulière à prix maîtrisé. Si ces différents avantages financiers peuvent séduire de nouveaux usagers, il convient néanmoins de rappeler que, de manière générale, les modes alternatifs sont déjà moins onéreux que la voiture particulière. L’argument financier ne suffira donc pas à séduire le plus grand nombre. C’est en proposant des services adaptés aux besoins des utilisateurs que les applications MaaS se diffuseront. Et ça, le secteur privé l’a déjà bien compris.

Les plateformes agrègent, au fil d’expérimentations et de partenariats à travers le monde, des services de mobilité de différentes natures. Uber, par exemple, ne propose plus uniquement un service de transports avec ou sans chauffeur (VTC, taxi, vélo à assistance électrique), mais propose tout à la fois de la livraison express de repas, de courses alimentaires, de fleurs, et même un service de messagerie pour les particuliers : à São Paulo (Brésil), l’individu peut remettre une lettre ou un petit colis à un chauffeur qui sera ensuite récupéré par un destinataire à l’arrivée, s’économisant ainsi l’aller-retour nécessaire à une remise en main propre. Ces MaaS en gestation dans le secteur privé ne se contentent pas d’offrir des services de transport de personnes, mais proposent de « sous-traiter » la mobilité auprès de travailleurs mobiles fortement précarisés. En s’attaquant frontalement aux activités et déplacements les plus contraignants et en ambitionnant de faire économiser du temps à leurs clients, les plateformes privées dessinent un futur bien différent de la « mobilité en tant que service », potentiellement moins écologiquement soutenable et certainement socialement moins équitable.

Ewa

Péages urbains, micromobilité, cars express… Décarboner, veulent-ils

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La décarbonation dans toutes ses dimensions de la mobilité, c’est ce qu’a envisagé le 31 mars le Lab recherche environnement (Vinci – Paris tech). Financement des infrastructures de mobilité, déploiement des systèmes de recharge électrique, réinvention de la logistique, essor des cars express… La réussite de la décarbonation dépend pour une bonne part de la fée électricité. Mais ses coups de baguette ne vont pas tout résoudre par magie.

Initiative conjointe du Lab recherche environnement (Vinci – Paris Tech), du Cerema et de Construction 21 (plate-forme d’informations collaborative regroupant un public d’opérationnels des projets urbains), la conférence du 31 mars sur la mobilité décarbonée a été organisée à l’occasion de la publication du dossier Mobilités décarbonées de Construction 21.

Camille Combe, chargé de mission à la Fabrique de la cité, souligne que le niveau d’émissions des transports a augmenté entre 1990 et 2014, et estime que les solutions technologiques ne suffiront pas à remplir les objectifs. Financement de la mobilité et décarbonation sont pour lui deux faces d’une même médaille. D’où un retour sur certaines des initiatives que la Fabrique de la Cité a déjà scrutées en mai dernier.

Et dont nous avons alors parlé : Singapour, avec le péage urbain dans un territoire contraint de 5,5 millions d’habitants, péage urbain devenu dynamique, permettant de s’ajuster en temps réel, la cité-état jouant aussi d’un système d’enchères et de quotas sur le nombre de véhicules autorisés. Objectif : doubler la part des transports collectifs.

New York, voulant remédier au sous-investissement chronique dans les transports publics (retard de financement très important, dernière ligne de métro ouverte en 1940, baisse de la fréquentation des transports collectifs avant la crise Covid), a adopté un grand plan de 51 milliards de dollars d’investissements dans les transports. Le plan prévoit des instruments de régulation comme le péage urbain, des taxes sur les livraisons via Internet, et, tout particulièrement, une taxe progressive sur les logements supérieurs à 1 million de dollars. Les logements bénéficient en effet de l’accessibilité sans y contribuer jusqu’à présent. L’idée est de retourner le mécanisme, en profitant de la plus value foncière qu’assure le transport pour financer celui-ci.

Enfin, certains des Etats-Unis, dont l’Oregon, essayent de se tirer (de nous tirer) une épine du pied : si l’entretien des infrastructures dépend de la taxe sur le fuel, la décarbonation de la mobilité aura pour effet de tarir les financements. D’où l’idée de remplacer la taxe sur le carburant par une taxe sur les miles parcourus… Donc, les véhicules électriques, qu’on a tendance aujourd’hui à ne pas taxer pour assurer leur essor, vont devoir un jour ou l’autre payer le juste coût de l’utilisation de l’infrastructure. Pour compliquer l’affaire, la taxe sur les miles pose une question de confidentialité, puisqu’elle est établie grâce à une connaissance fine des parcours de chacun.

Le débat est l’occasion donnée à Khadija Tighanimine, d’Omexom (Vinci Energie), entreprise qui s’intéresse à la structuration du marché de la mobilité électrique, de se pencher sur le déploiement des IRVE (Infrastructure de recharge de véhicule électrique). Dans le cadre du dernier plan de relance, 100 000 équipements de ce type sont prévus d’ici fin 2021. Objectif qui sera soit dit en passant difficilement tenu, selon une étude publiée en avril du bureau de conseils Mobileese. Ombre sur leur déploiement, selon Khadija Tighanimine, leur acceptabilité sociale. D’où la nécessité de mettre l’utilisateur au même plan que le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre en tant que maître d’usage. Intéressant même si le vocable parallèlement utilisé de consom’acteur sent un peu trop la com. Exemple est pris du Marché public global de performance (MPGP) passé par la région Bourgogne Franche Comté et remporté par un groupement où naturellement Omexom est présent. On peut espérer qu’émergent, grâce à ce type de marché, des solutions acceptables socialement, qui s’adaptent aux usages et soient plus simples que ce que proposent (parfois) des ingénieurs désireux de montrer l’étendue de leur savoir-faire.

Occasion donné aussi à Anne de Bortoli (Eurovia, Ecole des Ponts Paris Techs) d’exposer son analyse environnementale de la micromobilité à Paris. Une analyse mettant en relief trois facteurs comme le poids sur la biodiversité, la santé humaine ou encore sur les ressources dans lesquelles on doit puiser, à côté de ce qu’on scrute habituellement en priorité : consommation en énergie et conséquences sur le climat.

Les vélos personnels, vélos partagés, trottinettes partagées, trottinettes personnelles, scooters électriques partagés, deux roues personnels, forment un groupe occupant une place intermédiaire entre la marche d’un côté, l’automobile de l’autre. Groupe dans lequel chacun prend tour à tour la tête selon les critères retenus… à ceci près que le pur et simple vélo, celui que chacun possède, remporte sans coup férir la palme.

Pour ce qui est de la marche donnons-nous rendez-vous prochainement, à l’occasion de la publication annoncée à la fin de l’année par Jean-Paul Hubert (Université Gustave Eiffel) d’un dictionnaire de la marche.

On regrettera que le sujet si important de la logistique urbaine ait été abordé par un biais trop réglementaire. Les enjeux en ont été soulignés par Hélène de Solère, chef de projet urbain au Cerema : la logistique urbaine représente 20% des flux motorisés en ville. Elle répond à 50% aux besoins des particuliers, 40% à des besoins d’établissements économiques, et 10% aux besoins de gestion urbaine (chantiers, ordures). Si, elle n’est responsable que de 20% des GES, elle l’est pour un tiers de l’émission des NOX, pour 50% de celles des particules fines, et responsable aussi pour 50% de la congestion… Dommage donc, vu l’importance des enjeux, que l’exposé ait trop porté sur la méthodologie des bonnes pratiques et les étapes de déploiement d’un futur programme dit Interlud.

Des idées, ce n’est pas André Brotto qui en manque, et le lecteur de VRT le sait. Son idée phare, il ne manque aucune occasion de la développer, et nous avons eu souvent l’occasion d’en parler dans nos colonnes. Reste que l’idée est bonne et, pour la défendre, André Brotto a fait récemment équipe, dans le projet New Deal, avec l’architecte David Mangin pour la consultation internationale sur les routes du Grand Paris.

En exposant à nouveau les vertus de son système de cars express sur voies réservées, André Breton souligne que la solution qu’il propose pour le Grand Paris répond à la demande actuelle, peut même faire face à une demande supplémentaire et est susceptible d’évolution à mesure que les besoins changent et que le véhicule électrique autonome devient réel. Et fait apparaître, essentiel pour Vinci, un gestionnaire d’infrastructures comme partie prenante à part entière d’un système de transport. En soulignant les limites du localisme, Brotto invite à ne pas cèder aux vertiges de la ville du quart d’heure, et rappelle ce qu’impose un destin de capitale. F. D.

Références d’ensemble :
Replay de la conférence sur le site du Lab recherche environnement : https://cutt.ly/qc5EmrI
ou de Construction 21 : https://cutt.ly/Jc5EES2
Complété sur ce dernier site par le dossier sur les mobilités décarbonées : https://cutt.ly/4c5EYr0

Ewa

Recherches, débats, positions

La Défense

« Ça tue plus de gens que le Covid » -– A La Défense, on y va plus en auto, plus à vélo, moins en métro – Robots livreurs objets de thèse – Le Mobiliscope à jour –Retour sur les espaces peu denses – En marche avec l’hydrogène – Leonard s’y met aussi – Et l’Ademe aide au développement.

« Ça tue plus de gens que la Covid »

Transition ou effondrement ? C’est la question que posait l’Ecole des ingénieurs de la ville de Paris dans son université d’été, sur la question Urbanisme et santé publique… Une université d’été bien décalée dont, Covid oblige, la première séance s’est tenue en novembre 2020 et les trois suivantes en mars dernier. On ne donnera qu’un échantillon d’un ensemble riche : l’intervention de Frédéric Bonnet, Grand prix de l’urbanisme, qui veut « réinterroger la densité ». Connaissant bien les villes nordiques, se référant à Helsinki, ville polycentrique offrant des espaces de densité très riches, et de grands espaces de respiration, il invite à mieux se déplacer, moins se déplacer et à revoir pour cela la répartition des fonctions dans la ville. On en est très loin dit-il, regrettant une « tendance à faire encore de l’urbanisme du XXe siècle ». A mettre encore la circulation des voitures et les infrastructures routières au premier plan. Sauf exception comme à Paris, le vélo dans les villes françaises reste marginalisé. « Ça ne correspond pas aux mantras de la com, mais c’est ce qui se passe », regrette-t-il. Dernier signal d’alarme, l’étude d’une équipe de chercheurs des universités de Harvard, Birmingham, Leicester et Londres publiée le 9 février dans Environmental research. Elle évalue à 8,7 millions de morts en 2018 dans le monde les victimes de la pollution de l’air par les énergies fossiles, deux fois plus qu’on ne l’estimait jusqu’à présent. La nouvelle étude prenant en compte l’impact des particules fines : AVC, crises cardiaques et cancers.

En Europe, le nombre de victimes de la pollution atteignait alors 1,5 million. Or, constate Frédéric Bonnet, « ça tue beaucoup plus de gens que la Covid et on met moins de moyens en face ».

https://cutt.ly/bviosmB

A La Défense, on y va plus en auto, plus à vélo, moins en métro

12 % des personnes qui viennent travailler à La Défense ont récemment changé leur mode de déplacement et 13 % entendaient le faire prochainement. C’est ce qui ressort d’une enquête menée en décembre dernier par Paris La Défense avec l’Ieseg Conseil auprès de 5 500 personnes. 67 % de ceux qui avaient alors déjà changé leur mode de déplacement ont invoqué la crise sanitaire comme principale raison.

Les transports en commun restent le premier mode de déplacement. Et selon le communiqué, « 85 % des salariés interrogés se sentent en sécurité face au risque sanitaire dans les transports collectifs empruntés ». Reste que leur part baisse : 42 % des employés interrogés empruntent le RER, contre 47 % avant la crise, 40 % utilisent le métro contre 44 %. Les déplacements en bus sont stables, à 15 %. 23 % des salariés du quartier d’affaires empruntent désormais leur voiture, contre 16 % avant la crise sanitaire. Le vélo gagne aussi, mais moins : 13 % des travailleurs de Paris La Défense l’utilisent aujourd’hui contre 8 %. La marche affiche également une légère hausse, de 16 % à 18 %. 20 % des salariés interrogés souhaitent la mise en place de davantage d’infrastructures pour les modes de déplacement actifs tels que le vélo ou la trottinette.

https://cutt.ly/kvipAXR

Robots livreurs objets de thèse

La chaire Anthropolis, portée par l’IRT SystemX et Centrale Supélec, s’intéresse à l’utilisation de drones ou de robots pour les livraisons du dernier kilomètre : drones partant d’une base, drones partant d’un camion, ou robots pour le dernier kilomètre.

Une thèse de doctorat soutenue par Shoahua Yu a examiné différents cas d’usage entre un robot et son vaisseau mère. L’ensemble des travaux conduits « ont démontré que les livraisons basées sur des robots pourraient être rentables d’un point de vue opérationnel ».

Pour progresser, l’IRT SystemX ou la chaire Anthropolis pourront s’appuyer sur le projet européen Lead, lancé mi-2020, qui prévoit la création de jumeaux numériques de logistique urbaine à Madrid, La Haye, Budapest, Lyon, Oslo et Porto.

https://cutt.ly/nvipCG7

Le Mobiliscope à jour

Développé par une équipe du CNRS, en utilisant des données du Cerema, et avec le soutien de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’outil de géovisualisation Mobiliscope fait apparaître l’évolution de la composition sociale d’une ville ou d’un quartier heure par heure au cours de la journée, en se fondant — sauf pour l’Ile-de-France — sur les données d’enquêtes de déplacement. Sa nouvelle version intègre 49 agglomérations françaises et leur périphérie, soit 10 000 communes, couvrant les deux tiers de la population. Les enquêtes utilisées fournissent, non seulement des informations sociologiques (âge, sexe, CSP), mais aussi les motifs de déplacement et les modes de transport usités. Où il apparaît que la ségrégation sociale se reproduit au cours de la journée en dépit (ou justement à cause) des déplacements quotidiens…

Pourquoi quantifier et qualifier la population ? Cela peut aider à implanter un service ou un équipement au bon endroit et à l’ouvrir au bon moment. Ces questions, soulignent les concepteurs, « font écho aux politiques temporelles qu’un certain nombre de collectivités locales cherchent à mettre en place ». Cet instrument de mesure des inégalités qui pèsent sur la vie quotidienne, est en retour un instrument de suivi de l’efficacité des politiques publiques œuvrant pour une ville inclusive. Le Mobiliscope permet de connaître l’évolution sociospatiale d’une région (ou d’un secteur) et d’affiner au cours de la journée les diagnostics territoriaux, au-delà de seuls diagnostics basés sur la population résidente. A souligner : le Mobiliscope se veut « une alternative libre et gratuite aux services payants et propriétaires qui se développent actuellement autour de la quantification de la population présente au fil du temps ». Bien vu.

Retour sur les espaces peu denses

Olivier Jacquin, sénateur socialiste de Meurthe-et-Moselle, est revenu fin mars sur son récent rapport parlementaire Mobilités dans les espaces peu denses en 2040 : un défi à relever dès aujourd’hui. Comment se déplacer demain à la campagne et réparer la fracture territoriale ? La question a pris une tournure cruciale avec la crise des Gilets jaunes.

Or, la rupture d’égalité entre les territoires reste d’actualité : toutes les communautés de communes sont en train de délibérer pour la prise de la compétence mobilités mais nombreuses sont celles qui n’ont pas les moyens de la mise en œuvre de cette compétence…

Olivier Jacquin a pu de nouveau faire part de son constat et de ses convictions : « Le constat est clair : la voiture est utilisée dans plus de 80 % des transports du quotidien, c’est pourquoi il convient de socialiser pour partie sa pratique en partageant sous différents modes son usage, qu’il s’agisse de transports à la demande, d’autopartage ou de la promesse des nouvelles pratiques du covoiturage courte distance dynamisées par le numérique. Enfin, les modes doux ne sont pas exclus à la campagne car près de la moitié des trajets du quotidien font moins de trois kilomètres ».

En marche avec l’hydrogène

Michel Delpon (député LREM de Dordogne) publie Hydrogène renouvelable, l’énergie verte du monde d’après, (Nombre7 Editions). Michel Delpon voit en l’hydrogène la clé de voûte de la transition énergétique. Car les énergies vertes, qui vont s’imposer face au réchauffement climatique et à l’épuisement des ressources naturelles, sont produites de façon intermittente : pendant la journée pour l’énergie photovoltaïque, quand il y a du vent pour l’énergie éolienne. C’est ici qu’intervient l’hydrogène, excellent vecteur énergétique qui permet de stocker et transporter l’énergie qui sera utilisée plus tard. Pour Michel Delpon, l’hydrogène, longtemps cantonné à un usage industriel, s’apprête à transformer nos usages énergétiques.

Leonard s’y met aussi

Ce n’est pas Léonard qui dira le contraire. La plate-forme de prospective et d’innovation du groupe Vinci a entamé le 14 avril son nouveau cycle de conférences, La filière hydrogène, acteur-clé de la transition énergétique. Un cycle de six événements se proposant une fois par mois de « parcourir toute la chaîne de valeur de l’hydrogène, ses usages et ses dimensions technique et économique, en dressant l’état des lieux des applications existantes et de la recherche ».

Et l’Ademe aide au développement

S’agissant des applications, précisément, l’Ademe soutient la consolidation de la filière en accompagnant les déploiements d’écosystème hydrogène dans les territoires. L’Ademe le fait via un appel à projets, visant à faire émerger les infrastructures de production d’hydrogène bas carbone et renouvelable, avec des usages dans l’industrie et la mobilité. Une première clôture a eu lieu en décembre 2020 (présélection de sept dossiers), et une deuxième clôture le 16 mars. Celle-ci, selon l’Ademe, a « confirmé la dynamique très forte avec 32 projets candidats ». Les premiers appels à projets de l’Ademe sur la mobilité hydrogène, lancés en 2018, ont permis le déploiement de 19 écosystèmes.

https://cutt.ly/GvislEx

F. D.