Parmi les victimes de la crise sanitaire, les entreprises qui surfaient sur les nouvelles mobilités sont frappées de plein fouet. Les opérateurs de trottinettes en particulier ont vu la demande a baissé de 80 %, voire de 90 %. Si bien que la plupart d’entre eux ont cessé leur activité peu de temps après la demande du gouvernement de se confiner. Lime et Voi l’ont annoncé le 18 mars par un tweet.
De leur côté, Bird et Jump (la filiale d’Uber de location de vélos électriques et de trottinettes) ont aussi suspendu leur offre. Jump a expliqué que c’était pour limiter les déplacements de la population et la transmission du virus.
En revanche, Cityscoot – location de scooters en free floating, présent sur l’appli Uber depuis le partenariat signé en novembre 2019 – propose toujours ses 3 900 deux-roues dans Paris et dans une quinzaine de villes de la couronne, mais constate bien sûr une baisse d’activité très forte, qui entraîne la mise en chômage partiel de nombreux employés.
Parmi les opérateurs privés de trottinettes électriques en libre-service, Dott, est le seul à poursuivre son activité pendant le confinement. Mais la start-up franco-néerlandaise a divisé sa flotte par deux pour ne garder que 1 000 trottinettes à Paris et 500 à Lyon.
Les vélos toujours en service
Autres acteurs du secteur à proposer un service, les opérateurs publics de vélos en libre-service. C’est le cas de V3 à Bordeaux, de Bicloo à Nantes, de Vélov’ à Lyon, et de Vélib à Paris. « Le service est toujours en activité avec des forces réduites parce qu’on a de l’absentéisme dans nos rangs », disait, quelques jours après le début du confinement, la société Smovengo qui exploite les vélos parisiens. Les locations sont passées de 85 000 avant le Covid-19 à 15 000 actuellement L’entreprise constate que 20 % des locations effectuées sont à destination ou au départ des centres hospitaliers de l’Île-de-France.
Les VTC n’ont pas non plus arrêté les courses même si de nombreux chauffeurs ont préféré, dans les premiers jours du confinement, stopper leur travail par crainte d’être contaminés. Mais pour ces travailleurs indépendants qui ne perçoivent pas d’autres revenus, une reprise du volant n’est pas exclue, à mesure que le confinement se prolonge. Tous pointent bien sûr une « baisse d’activité » comme Uber et Kapten. Le fondateur et directeur général de Heetch, Teddy Pellerin, avance une chute de 80 %. Pour l’instant, le nombre de chauffeurs continuant à travailler se situe aux alentours de 25 %. Un chiffre qui leur permet de maintenir des courses.
Une chute d’activité de 90 %
Même constat dans le covoiturage que ce soit pour les trajets soit longue distance (Blablacar) ou limités au trajet domicile-travail (Karos ou Klaxit). « Aujourd’hui l’activité est entre 2 et 5 % de l’activité normale pour un mois de mars », affirme Nicolas Brusson, le directeur général et cofondateur et BlaBlaCar. Karos et Klaxit, quant à eux, assurent subir une chute d’activité de 90 %. « Le réseau de covoiturage s’est adapté assez naturellement », commente Nicolas Brusson. Le nombre d’annonces a baissé en même temps que le nombre de demandes. Les acteurs, en lien avec les autorités, ont aussi adapté leur fonctionnement en autorisant un conducteur à ne prendre qu’un seul passager. Si l’activité se poursuit chez BlaBlaCar, l’entreprise n’engrange plus de recettes puisqu’elle a supprimé sa commission sur les trajets réalisés.
Par ailleurs, des services d’autopartage, comme Free2Move (PSA) à Paris qui devait démarrer en mars, ont décalé leur lancement. Seul Share Now (fusion en novembre de Car2Go de Daimler et de Drive Now de BMW) poursuit son activité. « Aujourd’hui, on fait tout ce qu’on peut pour maintenir notre service », explique Mathieu Bernasconi, responsable France de Share Now. « Mais chaque jour est différent », laissant suggérer un possible changement en fonction de la situation.
La gratuité pour les soignants
Malgré la baisse de la demande et donc de revenus, toutes les entreprises de transport qui travaillent encore proposent des réductions, voire la gratuité de leur service, au personnel soignant sur présentation d’un justificatif (l’AP-HP, qui gère 39 hôpitaux principalement en Île-de-France, emploie 100 000 personnes dont 67 900 personnels soignants, médecins et internes). Citons Vélib’ qui offre aux soignants les trajets de moins d’une heure (remboursés depuis le 17 mars quel que soit l’abonnement). Ou Uber qui renonce à sa commission sur sa plateforme dédiée, Uber Medics avec des courses proposées à -25 % du prix d’UberX. Ou encore Dott qui met à disposition du personnel hospitalier un code promotionnel lui permettant d’utiliser le service gratuitement. JCDecaux qui exploitent les vélos en libre-service pour le compte de villes ou communautés d’agglomérations (Lyon, Marseille, Amiens, Cergy-Pontoise, Nantes, Nancy, Mulhouse, Créteil, Besançon, Rouen et Toulouse) a annoncé un abonnement gratuit d’un an. La plateforme de covoiturage Karos offre le trajet aux personnels des centres hospitaliers an tant que passager, et finance les 10 centimes par passager aux conducteurs, avec un minimum de 3 euros par trajet et par passager. Virtuo, qui a vu son activité baisser de 80 %, met à disposition des soignants une centaine de ses véhicules pour qu’ils puissent se rendre à leur hôpital plus rapidement lorsqu’ils travaillent en horaires décalés et que l’offre de transports public a fortement baissé. Quant à Free2Move, même si le service est suspendu, il a annoncé sur les réseaux sociaux qu’une partie de sa flotte de véhicules électriques serait gracieusement prêtée au personnel hospitalier.
Un atout : la mobilité sans le confinement
Reste la question de la survie de ces entreprises après le confinement. Celles qui sont adossées à un grand groupe, comme les entreprises d’autopartage (Free2Move, Zity avec Renault, Share Now), bénéficieront de leur assise financière. Mais prévoient de décaler certaines opérations. Zity, par exemple, a mis en suspend toutes ses dépenses de marketing, y compris les campagnes de publicité, les décalant à la sortie du confinement.
Les opérateurs de mobilité indépendants devraient avoir plus de difficultés. Déjà, au États-Unis, l’opérateur Bird a licencié, le 28 mars dernier, 406 collaborateurs par visioconférence. En France, beaucoup ont recours au chômage partiel pour leurs salariés, et prolongent les abonnements de leurs clients qui ont déjà payé, tout en bénéficiant de dispositions comme celles de la Ville de Paris qui a annoncé renoncé pour le moment à la redevance sur les trottinettes, les vélos et les scooters en free floating. Certains spécialistes imaginent qu’après le déconfinement, ces modes de transport à l’air libre devraient avoir plus de succès que les transports en communs fermés. Si leurs trésoreries tiennent jusque-là.
Yann Goubin