Lundi 21 octobre, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a autorisé la réouverture de la ligne Perpignan – Villefranche-de-Conflent (Pyrénées Orientales), deux ans après la collision entre un TER et un bus scolaire au passage à niveau de Millas qui avait coûté la vie à 6 collégiens. Depuis des semaines, des usagers réclamaient que les trains puissent rouler à nouveau, alors que la ligne était sous scellés pour les besoins de l’enquête. « Cette autorisation permet aujourd’hui d’envisager les travaux nécessaires à sa réouverture », a indiqué Carole Delga, président de la Région Occitanie qui a voté le 11 octobre une enveloppe d’un million d’euros pour cela. « Ce train est vital et incontournable, avait affirmé Enric Ballaguer, président de l’association Train en Têt lors de la marche du 22 septembre pour la réouverture de la ligne. Avec des rotations plus importantes et adaptées, il apporterait une alternative aux déplacements en voitures ou en bus, plus coûteux, plus polluants et beaucoup plus longs ». Carole Delga a demandé à SNCF Mobilités « de revoir et de retravailler les horaires de circulation des TER » sur cette ligne.
Catherine Stern
L’accident survenu le 16 octobre au passage à niveau de Saint-Pierre-sur-Vence (Ardennes), sur la ligne à double voie de Reims à Charleville-Mézières, risque fort d’éclairer d’un jour nouveau la problématique des aspects « sécurité circulation » en exploitation EAS (équipement agent seul, lire aussi ici ). En clair, ce sont les trains dans lesquels le conducteur est le seul agent à bord. En cas de problème, le conducteur dispose du signal d’alerte radio. Mais ce signal d’alerte ne saurait être stricto sensu considéré comme un élément »de sécurité », puisqu’une défaillance inopinée des équipements embarqués de radio sol-train sur des engins moteurs devant l’émettre ou ayant à le recevoir ne va pas automatiquement conduire à une situation plus sécuritaire, mais plutôt à une situation moins sécuritaire.
Un risque si le conducteur est blessé
Dans l’absolu, l’alerte radio ne constitue certes pas, fort heureusement, la seule façon d’arrêter et de retenir les trains lorsque cela est nécessaire. La protection classique des obstacles reste irremplaçable. C’est traditionnellement une procédure dont les agents de conduite et les ASCT (agents du service commercial train) partageaient la connaissance, et qu’ils pouvaient être indifféremment amenés à appliquer selon les circonstances.
Toutefois, sur les trains circulant en EAS, il n’y a pas, par définition, la présence à bord d’un ASCT. En cas de présence d’obstacle empêchant la circulation sur la voie contiguë (qui peut être le train lui-même pour partie déraillé), il devient indispensable d’empêcher que cet obstacle soit heurté par un train arrivant dans l’autre sens. Cette action relève alors du seul conducteur. Ce dernier doit partir à la protection à distance réglementaire, en emportant pétards et torche à flamme rouge, voire poser la barre de court-circuit (encore dite « coupe-circuit ») entre files de rail.
La question peut alors devenir plus délicate lorsqu’un train EAS, après le heurt d’un obstacle, n’est pas, ou bien n’est plus en mesure d’émettre l’alerte radio, et que son conducteur, à la suite du choc, se retrouve lui-même dans l’incapacité physique de partir à la protection. Certes, des progrès considérables ont été réalisés en matière de sécurité passive pour protéger le conducteur dans sa cabine. Ces progrès intéressent les structures de caisse, avec la mise en œuvre de zones à déformation programmée pour absorber l’énergie du choc et écrêter les accélérations, qui encadrent les espaces « de survie », difficilement déformables, dévolus au conducteur ou aux voyageurs. Mais, selon la nature de l’obstacle heurté, même pareils progrès ne sauraient totalement annihiler le risque que le conducteur ne soit blessé, et ne puisse alors prendre les mesures de sécurité active, à savoir, notamment, se saisir des agrès de sécurité, et se rendre à 1 500 m ou 2 000 m en amont de l’obstacle (pour la voie contiguë), afin de poser les trois pétards sur les files de rail à l’intention du premier train croiseur attendu.
Un modèle accepté à l’étranger
À l’étranger, la circulation d’automotrices ou d’automoteurs avec le seul conducteur est pourtant courante sur beaucoup de réseaux. Elle ne paraît pas poser de vraies difficultés. Et ne suscite pas de réserves quant à la sécurité. L’environnement technique, réglementaire et sociétal peut y être, toutefois, notoirement différent. Et le comportement des automobilistes est plus respectueux des règles du Code de la route concernant le franchissement des passages à niveau. Sans doute un benchmark technique approfondi sur les modalités ici et là adoptées ne serait-il pas sans intérêt. Cela dit, on voit mal aujourd’hui comment la société nationale pourrait renoncer à étendre l’EAS sur les TER, dans un contexte européen d’ouverture de ce marché à la concurrence, où le critère du « moins-disant » ne sera pas le moindre à devoir être pris en compte pour des régions en mal de trouver les financements correspondants.
Les développements actuels, par exemple sur les systèmes de contrôle-commande de type CBTC (Communication Based Technic Control) utilisés pour l’urbain, montrent qu’on est désormais armé pour gérer des liaisons bord-sol « en sécurité ». Ce n’est toutefois pas parce que la technique existe qu’elle est aisément transposable, et que son application dans le « ferroviaire lourd » peut être facile et immédiatement envisageable. Des réponses en matière d’évolution des procédures ou de modification des matériels pourraient sortir dans les temps à venir.
Tobi Maier
La start-up mâconnaise Ubitransport spécialisée dans les solutions de transport numériques prend la future Loi mobilités (LOM) au pied de la lettre : l’article 33 de la LOM recommande aux usagers de la route d’être équipés d’un système GPS signalant la présence d’un passage à niveau SNCF (il en existe plus de 15 000 en France). En lieu et place d’un système GPS, Ubitransport a développé une application mobile, « APN, Alerte Passage à niveau ».
A l’origine de cet article du projet de loi, Jean Sol, sénateur des Pyrénées-Orientales, département où s’était produit l’accident d’autocar scolaire au passage à niveau de Millas qui avait causé la mort de sept collégiens.
Gratuite et accessible sur Android et IOS, l’application s’adresse aux conducteurs de voitures, de poids lourds, mais aussi aux piétons, ces smombies (contraction de zombie et de smartphone), qui marchent les yeux rivés sur l’écran de leur téléphone portable. A l’approche d’un passage à niveau, l’application envoie un signal d’alerte visuelle et sonore sur les téléphones portables. Elle s’appuie sur la géolocalisation et les données en open data de la SNCF. La distance d’alerte est paramétrable par l’utilisateur.
N. A.
Une collision entre un TER et un véhicule à hauteur d’un passage à niveau sur la commune d’Avenay-Val-d’Or (Marne) a provoqué la mort de ses quatre occupants, une femme et trois enfants, lundi 15 juillet.
Quatre voyageurs du TER ont été légèrement blessés. Le conducteur du train qui reliait Reims à Epernay est sorti indemne de l’accident, mais est « extrêmement choqué », indique SNCF Grand Est. Selon le maire de la commune interrogé par l’AFP, « le véhicule aurait percuté la barrière fermée au moment où le TER passait ». Ce passage à niveau n’était pas considéré comme « sensible », assure SNCF Réseau. Situé à quelques mètres de la gare du village, il se trouve entre deux virages serrés qui obligent les voitures à ralentir avant de l’emprunter.
La barrière du passage est enfoncée, mais les circonstances de l’accident n’ont pas été communiquées par les autorités. D’importants moyens techniques, dont des experts qui ont modélisé la scène de l’accident en 3D, sont mobilisés pour éclairer les circonstances du drame.
« Un euro de la région pour un euro de l’Etat ». La région Auvergne-Rhônalpes est prête à investir 50 millions d’euros sur cinq ans dans la sécurisation des passages à niveau, à condition que l’Etat en mette autant, a annoncé le 18 décembre son président Laurent Wauquiez. « On propose au Gouvernement un Pacte Etat-Région de sécurisation pour inciter l’Etat à s’engager grâce à l’effet de levier de la région. Nous avons les marges de manœuvre suffisantes pour accélérer le rythme des travaux sur les passages à niveau » a indiqué Laurent Wauquiez.
Selon un diagnostic de SNCF Réseau demandé par la région et présenté il y a trois mois, Auvergne-Rhône-Alpes compte 109 passages à niveau (PN) « sensibles ou potentiellement dangereux » sur les 1590 PN du réseau exploité. Avec son Pacte et son plan de sécurisation, Laurent Wauquiez se fait fort « d’engager tout de suite » les travaux de 53 PN (suppression ou aménagement sécurisé) dans une région touchée en 2008 par le drame du PN d’Allinges (7 adolescents étaient morts). Il déplore le maigre bilan du Plan de Sécurisation national lancé depuis 2008 dans la région: de 5 à 8 millions d’euros de travaux par an pour 27 PN au total. « Je crains que passée l’émotion, rien ne change, ou pas assez vite » explique l’élu qui précise que les financements seront mis en œuvre par les maîtres d’ouvrage concernés, SNCF Réseau et départements. « J’ouvre une négociation avec l’Etat, la région est prête » dit-il en laissant à son partenaire un délai raisonnable pour évaluer… rapidement sa proposition.
Claude Ferrero