L’annonce a pris tout le monde par surprise : le président de la Renfe, Raül Blanco, a démissionné, le 14 janvier, moins de deux ans après son arrivée à la tête de l’entreprise ferroviaire publique. Son mandat s’est déroulé dans des conditions difficiles, alors que l’opérateur espagnol perd de l’argent et souffre face à l’arrivée de la concurrence. Les derniers mois ont été particulièrement mouvementés, en raison de pannes à répétition des nouveaux trains à grande vitesse qui ont provoqué de nombreux incidents sur le réseau. Le président démissionnaire est remplacé par Álvaro Fernandez Heredia, un proche de l’actuel ministre des Transports, Oscar Puente (lire aussi ci-dessous).
Raül Blanco a annoncé son départ pour “des motifs personnels”, a révélé le 7 janvier le quotidien La Vanguardia. Il quitte l’entreprise publique pour “le secteur privé”. La décision aurait été prise “d’un commun accord” avec le ministère des Transports.
Comptes déficitaires
Economiste de formation, Raül Blanco était arrivé à la tête de la Renfe après la démission en février 2023 d’Isaías Táboas, poussé vers la sortie à la suite du scandale des trains “trop larges” pour les tunnels des réseaux régionaux de Cantabrie et des Asturies. Lié au parti socialiste, Raül Blanco était secrétaire général à l’Industrie et aux PME pour le ministère de l’Industrie depuis l’arrivée du socialiste Pedro Sáchez au pouvoir, en 2018.
Il est arrivé aux commandes de la compagnie en déficit depuis 2020. Des comptes d’autant plus difficiles à redresser avec l’arrivée sur le marché de nouveaux opérateurs. D’abord Ouigo en 2021, puis Iryo en 2022. Tous deux ont cassé les prix sur les lignes à grande vitesse les plus fréquentées.
Dans le même temps, la société ferroviaire espagnole peinait à s’installer sur le marché français, en raison de sa difficulté à faire homologuer les trains sur lesquels il compte pour arriver jusqu’à Paris (les AVE de la série 106, du constructeur Talgo, plus connus sous le nom de “Talgo Avril”). Selon le ministre des Transports, les autorités compétentes en France entravent ce processus sur la ligne Barcelone-Paris.
Multiples pannes
Autre difficulté, depuis la mise en service en mai 2024, sur les lignes espagnoles, des Talgo Avril, les incidents se sont enchaînés. Plus de 500. Le dernier en date, le 1er janvier, a laissé un goût amer : une panne informatique affectant le système des AVE S106 a provoqué l’immobilisation des 28 trains de la série, entraînant de fortes perturbations sur l’ensemble du réseau le premier jour de 2025. Oscar Puente a déjà dû comparaître plusieurs fois devant le Parlement pour s’expliquer sur ces ratés, sources de tensions entre lui et Raül Blanco. L’affaire a coûté son poste au directeur de l’ADIF, autorité du rail espagnole, en septembre 2024. Mais le ministre avait assuré que celui qui était alors directeur de la Renfe n’était pas responsable…
L’international en ligne de mire
D’ailleurs, Raül Blanco laisse l’entreprise en meilleur état qu’il ne l’a trouvée. Le déficit est passé de 123 millions d’euros pour 2023 à 80 millions en 2024. Il a également cherché à accélérer le développement international en créant notamment “Renfe projets internationaux”, filiale dédiée à sa croissance hors d’Espagne.
Alban Elkaïm
Un ingénieur spécialiste des transports à la tête de la Renfe
Le gouvernement a approuvé le 14 janvier la nomination à la présidence de la Renfe d’Álvaro Fernández Heredia. Ingénieur spécialisé dans les infrastructures de transports et titulaire d’un doctorat en la matière, il a été gérant de l’entreprise municipale de transports de Madrid, puis de celle de la ville Valladolid, avant d’être nommé secrétaire général du la Mobilité durable au ministère des Transports.
Lié à la gauche depuis son entrée dans les administrations publiques, c’est un proche de l’actuel ministre, Oscar Puente. Outre les défis laissés par son prédécesseur, il devra superviser le dépôt d’une plainte de la Renfe, devant la Commission européenne, contre la SNCF pour des pratiques jugées déloyales dans sa stratégie d’entrée en Espagne (avec Ouigo), et contraires à la libre concurrence en France, avec les supposées entraves à l’arrivée de l’Espagnol sur la ligne Barcelone-Paris.