Limiter l’empreinte carbone des spectacles vivants présentés au sein du Festival d’Avignon et du Festival Off Avignon, c’est l’ambition des organisateurs qui tentent d’organiser le transport des décors en les reportant de la route vers le rail. Un rapport de 2022 de The Shift project, (« Décarbonons la culture« ) estimait que le transport des décors de spectacles – il y en aura 2550 cette année entre le 5 et le 26 juillet – représentait 11 256 tonnes d’équivalent CO2, soit près de 40 % des émissions de gaz à effet de serre du seul Festival Off d’Avignon (2500 spectacles).
Mutualisation des transports
Jusqu’en 2024, les compagnies recouraient au mode routier. Cette année-là, Avignon Festival & Compagnies (AF&C) la structure qui programme les spectacles du Off, a proposé une mutualisation du transport des décors et des costumes par le rail pour les compagnies qui le souhaitent, afin de promouvoir le report modal.
Antoine Radal, chargé de projets RSE et fret, a contacté plusieurs transporteurs et l’offre de Lomak a été retenue. Le logisticien met à disposition des conteneurs à Limeil-Brévannes, dans le sud-est de la capitale, près de Créteil. Un espace de 6 à 8 m3 (l’équivalent d’une camionnette) est alloué à chaque compagnie, qui dispose d’un créneau horaire précis (une heure de chargement) pour venir, avec ses propres moyens, déposer ses décors et matériels. Une fois pleins, les conteneurs sont acheminés par le rail jusqu’à Avignon. Le déchargement est prévu trois jours plus tard, même si le trajet est effectué en un jour pour 80 % des trains, et en deux jours dans 99,9 % des cas.
Le transport ferroviaire est plus long que par la route qui prend en général une journée. « C’est plus contraignant pour les compagnies de théâtre qui doivent s’adapter aux horaires d’accès aux salles de spectacles, uniquement de 6 h à 9 h et pas le 14 juillet, comme l’impose l’agglomération d’Avignon pendant le Festival », explique Antoine Radal.
20 compagnies du Off ont joué le jeu
De plus, chaque jour compte pour les répétitions. Plus de la moitié des spectacles du Off sont créés spécialement pour cet événement et n’ont pas été répétés ni joués auparavant.
Malgré ces contraintes, vingt compagnies du Off ont opté l’année dernière pour le transport par le rail. « Et cette année, nous en avons convaincu cinq fois plus », souligne Antoine Radal. La machine semble rodée.
Restait aussi à convaincre les compagnies du In, le surnom du Festival Officiel d’Avignon. S’appuyant sur les bons résultats du Off, Claire Moulin-Tyrode, directrice de production adjointe au sein du Festival d’Avignon, a tenté de faire changer les habitudes du tout routier au profit du transport ferroviaire. « C’est difficile, parce que de nombreux spectacles du Festival d’Avignon sont l’œuvre de compagnies étrangères, qui tournent beaucoup dans le monde. Il n’y a souvent pas d’alternative à l’avion, un mode auquel les compagnies sont habituées. Et même en Europe, le train n’est pas une évidence ».
La Comédie-Française s’y met cette année
Clara Moulin-Tyrode a toutefois convaincu deux compagnies cette année. Et pas des moindres. La Comédie-Française, qui présentera Le Soulier de satin dans la Cour d’honneur du Palais des papes, du 19 au 25 juillet, transportera ainsi costumes et accessoires, l’équivalent de 90 m3, par la voie ferrée. Le trajet sera long, sept jours porte-à-porte. Le ou les deux conteneurs, – le logisticien a prévu une marge –, seront chargés le mardi 8 juillet dans les ateliers de la Comédie française en région parisienne et déchargé le mardi suivant, 15 juillet, dans Cour d’honneur à 6 h du matin.
Pour le démontage, le Festival fera appel à des techniciens pour remplir les conteneurs de Lomak, qui ne pouvait assurer cette partie de la prestation du transport.
L’autre compagnie a avoir choisi le rail, c’est l’Opéra national de Lorraine à Nancy. Les Incrédules, un opéra présenté du 22 ou 25 juillet à l’Opéra du Grand Avignon, nécessite le transport de 90 m3 de décors et matériels entre Nancy et Avignon. Mais certains éléments notamment les instruments des 52 musiciens, échapperont aux conteneurs. Jugés trop fragiles, ils seront transportés par camion.