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Ewa

Réussir l’intermodalité

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Les régions, chefs d’orchestre de la mobilité, doivent jouer sur la multimodalité des transports pour optimiser l’offre, faciliter les déplacements de leurs administrés et permettre d’irriguer tous leurs territoires, mêmes les plus lointains. D’où la nécessité d’intégrer au mieux les mobilités actives ou émergentes (covoiturage, cars express, autopartage, vélo, sans oublier la marche). Les participants à la conférence intitulée « Réussir l’intermodalité », qui s’est tenue juste avant la remise des Grand Prix des Régions organisée par VRT, ont débattu sur ce thème.

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Michaël Quernez

Favoriser l’intermodalité des transports publics permet d’améliorer leur attractivité en facilitant les déplacements. Ce postulat ne fait plus débat. Les régions à qui la LOM a donné un rôle de chef de file des mobilités se montrent convaincues. Elles en tiennent compte dans l’organisation et le financement du TER, des lignes de cars interurbains, des transports scolaires et même de la desserte maritime des îles, a expliqué Michaël Quernez, vice-président Climat et mobilités au conseil régional de Bretagne. Complexité de cette région, il existe 54 autorités organisatrices pour 60 intercommunalités. « Il ne s’agit pas de remettre en cause leurs compétences, mais de faire en sorte que toutes ces AOM travaillent ensemble sur le serviciel, la billettique, la tarification et la grille tarifaire, de manière à proposer un transport sans couture, facile pour l’usager », souligne l’élu.

Ce travail en commun a démarré avec la mise en place d’un système de billettique utilisable sur une douzaine de réseaux en Bretagne, dont celui des TER et des cars BreizhGo. La Région et six intercommunalités se sont aussi associées pour financer le projet BreizhGo Express Sud qui vise à augmenter l’offre de TER en proposant un train toutes les 30 minutes aux heures de pointe d’ici à 2025-2026. Cet accord sur le TER sera suivi par la création d’un syndicat mixte réunissant les intercommunalités bretonnes chargées des mobilités, annonce Michaël Quernez. Il portera le nom de Bretagne Mobilités. « Ce syndicat travaillera sur la tarification. Il permettra de calibrer les offres et services utiles aux territoires et permettra d’avoir collectivement les moyens de proposer un renfort d’offres en travaillant à un projet de Serm régional », détaille l’élu socialiste, également maire de Quimperlé (Finistère).

Or, pour le ministère des Transports, les Serm doivent cibler un périmètre métropolitain pour obtenir leur labellisation et des aides de l’Etat. Qu’importe pour l’élu breton ! « En Bretagne nous n’imaginons pas un Serm dans une relation exclusive entre région et métropole. Ce serait oublier la plupart des Bretons et leurs besoins de mobilité du quotidien et de proximité », justifie-t-il en rappelant le succès des TER bretons très fréquentés.

Le portrait-robot du voyageur

Ce succès concerne l’ensemble du territoire national. En deux ans la fréquentation des TER a progressé de 21 %, rappelle Jean‑Aimé Mougenot, le directeur TER SNCF Voyageurs. Soit 200.000 voyageurs de plus par jour et 1,3 million de trajets quotidiens repartis dans les 8300 TER exploités en France. Pour mieux connaitre les attentes de ces voyageurs, la SNCF a interrogé 41.000 passagers dans les trains et 17.000 personnes en ligne. « Cela nous a appris que 60 % des utilisateurs des TER ont moins de 35 ans et que les voyages en train sont plébiscités pour leur rapidité, leur praticité et leurs prix jugés peu chers », poursuit le patron des TER.

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Jean-Aimé Mougenot

Selon cette étude, la majorité des voyageurs prend le TER par choix. Car si 32 % d’entre eux n’ont pas d’autre moyen de transport, 68 % sont motorisés. Les voyageurs mettent en moyenne 15 minutes à se rendre en gare et sont 35  % à y aller en mode doux : marche ou vélo. La voiture ne représente plus que 34 % de ces trajets, alors que sa part s’élevait à 41 % en 2009. Les autres voyageurs empruntent les transports en commun pour rejoindre leur gare.

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La SNCF a aussi cherché à comprendre ce qui pouvait faire renoncer à un trajet en TER. La première raison est liée à des horaires jugés inadaptés, montre l’enquête. Or, les habitudes de travail ont évolué. Un Français sur deux a des horaires variables ou flexibles avec le télétravail. Les voyageurs veulent avoir la garantie de pouvoir arriver et repartir à toute heure, dans les mêmes conditions qu’aux heures de pointe. La difficulté d’accès au train est un autre motif de renoncement. Il faut appliquer, explique Jean-Aimé Mougenot, une approche systémique pour faire du train un mode facile et ne plus avoir à se poser la question de savoir si on pourra revenir quand on part. « Il faut aussi que les voyageurs puissent disposer de parkings, y compris pour leurs vélos et trottinettes ».

Autre enseignement, les voyageurs attendent un titre unique et une tarification simple. Et une alternative efficace à leurs besoins de mobilité dans les territoires ruraux, que ce soit en transport à la demande, en train plus vélos ou en autopartage. D’où l’importance, selon le dirigeant de recourir à la data et aux traces mobiles pour fournir une offre de transport adaptée à ces territoires. Y compris en relançant certaines petites lignes « s’il y a un potentiel de déplacements suffisants ». Le directeur des TER affirme « travailler pour proposer des solutions d’exploitation moins coûteuses ajustées au nombre voyageurs, à terme de manière automatique ».

L’atout des cars express

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Edouard Hénaut

Il faut répondre aux besoins de transport en faisant en sorte que, quel soit le lieu, une solution de mobilité soit toujours possible, renchérit Edouard Henaut. C’est ce qui permettra de favoriser le report modal de la route vers les transports collectifs, poursuit le directeur général de Transdev France. Un exemple : « les élus de 143 collectivités du Grand Reims nous ont demandé que 100 % des habitants de la communauté urbaine, même en secteur rural, aient une solution de transport à moins d’un kilomètre. ». La solution passe par l’intermodalité qui combine l’offre ferroviaire, les lignes de cars express, le co-voiturage, mais aussi du transport à la demande (TAD) pour offrir des solutions de rabattement. « On peut créer des lignes de cars avec des niveaux de fréquence élevés pour transporter jusqu’à 3000 voyageurs par jour en six mois, tout en maitrisant les budgets, alors qu’il faudrait compter des années pour disposer d’une solution ferroviaire », commente Edouard Henaut. La région Ile-de-France pousse aussi le sujet des cars express. Elle prévoit de proposer aux Franciliens, qui n’ont pas de RER à côté de chez eux, plus de 100 lignes de cars express pour accéder aux grandes agglomérations à l’horizon 2030. Ces lignes pourront être complétées par du TAD dans les zones moins denses, rappelle Edouard Hénaut. Selon lui, de plus en plus de régions sont prêtes à envisager de telles solutions. Y compris à la place de liaisons ferroviaires qui n’auraient pas trouvé leur public.

Il faut analyser les données pour comprendre où sont les flux de voitures, avant d’imaginer les remplacer par des solutions de cars express, indique toutefois le dirigeant de Transdev France. Pour être efficace, le car express doit être proposé sur des flux majeurs et rester un moyen rapide d’aller d’un point A à B, en évitant de multiplier les arrêts. Autre exemple de report modal réussi, Transdev a travaillé sur une nouvelle offre de transport collectif pour accompagner la réindustrialisation du Creusot, où le site de Framatome connait une expansion massive de ses activités et recourt donc à un nombre croissant de salariés.

En Hauts-de-France, l’installation de deux gigafactories va créer 30.000 emplois et la région a décidé de ne pas créer de parking sur ces sites. La mission de Transdev sera de les intégrer dans son offre de transport collectif, en mixant BHNS, lignes urbaines, transport scolaire et interurbain, mobilité en zones peu denses, services occasionnels. Objectif : permettre au personnel travaillant sur ces sites d’y aller sans utiliser de véhicule personnel.

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L’importance des combinaisons….

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Didier Cazelles

Didier Cazelles, directeur général adjoint de Keolis, confirme l’intérêt des BHNS pour relier des zones d’activités à fort potentiel, à condition de proposer du cadencement. Le Conseil d’orientation des infrastructures recommande, pour la labellisation des Serm, un cadencement toutes les 20 minutes en heure de pointe. Didier Cazelles va plus loin et prône un départ toutes les cinq minutes en période de pointe. Seule une fréquence régulière, gage d’une attente réduite, incitera les usagers à privilégier les transports en commun, rappelle-t-il. Les enquêtes menées régulièrement par Keolis mettent aussi en évidence un attrait pour les liaisons directes et une stratégie d’évitement des correspondances. « Un voyageur sur trois affirme raccourcir son voyage en transport public en marchant, et sept sur dix préfèrent marcher pour avoir une liaison directe ou plus fréquente, plutôt que d’avoir à faire un changement même si le trajet est plus court », souligne Didier Cazelles.

Cette préférence s’accentue avec l’âge. De même, 80 % de ceux qui n’utilisent pas les transports collectifs, disent qu’ils seraient prêts à changer leurs habitudes si on leur proposait une liaison directe. Reste que la pluralité de l’offre et l’intermodalité permettent de maximiser l’usage des transports collectifs, ajoute Didier Cazelles. Le dirigeant cite l’exemple du réseau de transport public grenoblois qui, grâce à la richesse de son offre combinant tramways, TER, lignes de bus, transports scolaires et transport à la demande, parvient à friser les 50 % de parts modales.

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… et des pôles d’échanges multimodaux

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Eliane Barbosa

Comment convaincre les 60 % de Français qui prennent le volant pour leurs déplacements domicile-travail de moins de 5 km, de passer au transport collectif ? Il faut leur proposer des alternatives : trains, bus, vélos, inciter à la marche et faire en sorte qu’il soit facile de passer d’un mode à l’autre. « L’intermodalité est dans notre ADN et nos missions », rappelle Eliane Barbosa, directrice exécutive des gares parisiennes et régionales de SNCF Gares & Connexions. La filiale de SNCF Réseau a pour ambition de connecter tous les modes de transports à partir des gares, qu’elle veut transformer en pôles d’échanges multimodaux, avec des cheminements spécifiques pour les piétons et des espaces pour les mobilités actives. Elle projette de déployer 65 000 places de vélos sur ses 1100 gares les plus importantes et d’y proposer des services de proximité. Pour redynamiser les quartiers à proximité des gares, Gares & Connexions a signé un accord avec Action cœur de ville et a investi un million d’euros par an pour la modernisation, la sécurisation et l’accessibilité de ses gares. « Nous voulons que partout sur le territoire, nos gares aient le même niveau de service, de confort et de sécurité », insiste Eliane Barbosa.

Gares & Connexions affiche 150 projets de pôles multimodaux en développement. Celui de Libourne pourrait servir de vitrine : pour transformer cette gare terminus du Serm bordelais, où la région prévoit une hausse de fréquentation de 25 % d’ici 2030, Gares & Connexions met son expérience à la disposition des élus et assure la maitrise d’ouvrage. Le projet prévoit l’aménagement de 500 places de stationnement aux alentours de la gare, dont une centaine avec des bornes électriques, 150 places sécurisées pour les vélos, la création de 26 quais de bus avec un espace attente pour les scolaires, l’installation de 2 400 m² de panneaux photovoltaïques… Il faudra aussi désimperméabiliser et végétaliser 4 000 m² et planter 104 nouveaux arbres. Le maire a même demandé à Gares & Connexions de réfléchir à intégrer les drones dans ce futur pôle d’échanges multimodal qui devrait voir le jour d’ici 2030.

Bonnes et mauvaises expériences

gpr 2024 71 copie« En tant qu’usager j’ai eu de bonnes et de mauvaises expériences », rapporte Patricia Perennes, consultante senior chez Trans-Missions. Lorsqu’elle était directrice adjointe Transports de la région Centre-Val de Loire, une visite de terrain lui avait permis de réaliser qu’entre la gare et l’arrêt des cars, il fallait parcourir huit minutes à pied, sans trottoir. « Physiquement ce n’était pas possible. Et lorsqu’on y arrivait, les horaires n’étaient pas coordonnés. » A titre personnel, elle a aussi été confrontée à des difficultés et une intermodalité mal pensée pour rejoindre la gare de Quimper. La gare dispose d’un très beau pôle d’échange, avec une gare routière parfaitement située. Mais les horaires des cars ne sont pas adaptés à ceux des TGV… D’où la nécessité de prendre la voiture pour rejoindre la gare.

Elle en tire plusieurs conclusions : la clé du succès, selon elle, est de faire en sorte que l’intermodalité soit physiquement possible, coordonnée et connue du voyageur. En commençant par réaliser un trottoir pour permettre le cheminement du piéton. Un préalable. Après, il est temps de réfléchir à une billettique et à une tarification unique. Elle conseille aussi de s’inspirer du modèle suisse cadencé pour les trains. « Là-bas, on arrive en gare sans se soucier des correspondances. Si on en rate une, un autre train passe peu de temps après. Grâce au cadencement, faire une correspondance n’est pas un problème. »

Partager les informations

Mettre en place le cadencement est une question de volonté, juge Edouard Hénaut. Encore faut-il avoir accès aux données des autres opérateurs. Ce qui n’est pas le cas partout, alors qu’on devrait être dans une logique de simplification, poursuit-il. Pour concurrencer l’application Citymapper qui fournit des informations plus précises que les opérateurs, il invite les acteurs de la mobilité à délivrer leurs informations de manière accessible et simple, au bénéficie du voyageur.

Eliane Barbosa souhaite afficher l’intégralité de l’offre multimodale en gare. Mais reconnait que le chemin pour disposer de toutes les données des différents modes de transport et apporter les informations aux clients sera encore long.

gpr 2024 81 copieMichaël Quernez ajoute : « Il faut être attentif à la bonne coordination des horaires, les améliorer et apporter une information lisible. Mais on ne peut pas continuer à avoir jusqu’à cinq applications dans une seule région. Il faudra parvenir à un outil d’information unique pour avoir un réseau sans couture, facile à comprendre et à utiliser par l’usager des transports. C’est le défi des années à venir. »L’offre de transport s’est sédimentée en s’empilant au fil du temps. « Quand on part d’une feuille blanche, c’est plus facile », rappelle Jean-Aimé Mougenot en mettant en avant le succès de la liaison Genève-Auvergne-Rhône-Alpes, connue sous le nom de Leman Express, qui a été complétement reconfigurée pour connecter 45 gares. Parvenir à des résultats semblables, en prenant en compte l’historique des transports, est un challenge pour les opérateurs qui doivent composer avec les différents modes mis à disposition par les différentes AOM. « C’est un challenge et c’est plus long et plus complexe que lorsqu’on part de zéro. Mais il faut l’accepter et relever ce défi tous ensemble en ayant recours au digital », estime Jean-Aimé Mougenot.

Matawan, la plateforme numérique qui facilite le voyage intermodal

Pour Jérome Trédan, CEO de la startup Matawan, ex Ubitransport, spécialisée dans la gestion et la simplification de la mobilité, la technologie a un rôle à jouer pour faciliter l’intermodalité en apportant à l’usager fluidité et simplicité alors que l’offre de mobilité s’est développée de manière parfois désordonnée. Il recense 260 systèmes sur le territoire. Pour qu’ils puissent se connecter entre eux, Matawan table sur la technologie, le cloud et l’IA. Plutôt que créer un titre unique, Matawan propose d’aller vers un titre unifié universel qui permette la coexistence de ces systèmes. C’est ce que fait par exemple son entreprise à la La Rochelle : Matawan y simplifie les déplacements multimodaux du quotidien en connectant tous les types de mobilité via sa plateforme cloud. « Notre offre repose sur quatre fonctionnalités numériques : la billettique, la monétique, le reporting des opérations et la mobilité intelligente, qui permet d’informer les voyageurs en temps réel, à partir de la géolocalisation des moyens de transport », résume Jérôme Trédan.

C’est aussi l’avis de Didier Cazelles, qui insiste sur le « parcours client » et la nécessité d’un système « fluide ». Il faut avoir, explique-t-il, « une approche globale intégrant l’achat du billet, l’information voyageurs, mais aussi une vision intégrant les déplacements urbains et ferroviaires. Il y a donc un sujet de coordination avec le routier car il y a des axes où il n’y a pas de ferroviaire et les élus nous demandent d’y réfléchir ». C’est le cas de la région Grand Est dont l’appel d’offres pour exploiter le réseau de l’Etoile de Reims comprend une part routière importante (30  %), nécessitant une réponse multimodale robuste.

Michaël Quernez reconnaît qu’il faudra du temps pour parvenir à une culture commune entre transports par trains, cars, bateaux, tram dans notre pays, où les compétences ont été peu à peu transmises aux collectivités. « Le grand big bang des transports passera par une organisation commune. Mais aujourd’hui il faut faire avec ce qu’on a pour tenter d’en faire un jardin à la française », poursuit l’élu.

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Patricia Perennes

Pour Gares & Connexions, l’arrivée de la concurrence doit être vue positivement. « L’arrivée de nouveaux opérateurs nous incite à revisiter nos gares en termes de fonctionnalité. Cela contribuera à faire venir de nouveaux clients dans les transports publics », commente Eliane Barbosa. « Il ne faut pas confondre concurrence et désorganisation, car le chef de fil c’est la région. On peut donc s’attendre à ce que l’émulation liée à la concurrence permette d’apporter plus de trains, plus de cars, plus de transports. Et in fine, on peut en espérer plus de mobilité et de facilités pour les voyageurs », conclut Patricia Perennes. Ce qui permet aussi d’espérer plus de cohésion sociale et d’attractivité des territoires. Et d’aller dans le sens du développement durable.

Valérie Chrzavzez

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« Nous répondrons à tous les appels d’offres en étant comptable de l’argent public »

Alain Ribat

Entré chez SNCF Transilien comme directeur adjoint en 2020, Alain Ribat en a pris la direction suite au départ de Sylvie Charles, en juillet 2023. Responsable du transport de 3,4 millions de Franciliens quotidiens, il fait face à d’autres défis majeurs : réussir les JO et mettre toutes les chances du coté de l’opérateur historique pour remporter les appels d’offres des lignes de trains de banlieue progressivement ouvertes à la concurrence. Il était l’invité du Club VRT, le 13 juin.

Le réseau ferroviaire francilien est singulier par sa taille, sa densité et sa complexité. SNCF Transilien assure le transport quotidien de 3,4 millions de voyageurs. Soit 70 % du trafic de la SNCF, sur 10 % du réseau. Fortement sollicité avec une infrastructure vieillissante, le réseau se prépare à recevoir les spectateurs des Jeux olympiques et paralympiques. « Nous serons prêts », assure Alain Ribat, directeur de SNCF Transilien. L’entreprise s’y attelle depuis quatre ans et souhaite profiter de l’événement pour démontrer son savoir-faire. La Coupe du monde de rugby était un premier entraînement réussi (certes de moins grande ampleur) et elle a l’habitude des grandes rencontres ou concerts organisés au Stade de France. Mais pendant les Jeux, Transilien devra gérer l’équivalent de deux Stades de France pleins à craquer par jour… Pour faire face à cet afflux de voyageurs, le transporteur a prévu de renforcer son offre avec 4 500 trains supplémentaires par rapport à un été classique.

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Le Club VRT avec Alain Ribat s’est tenu le 13 juin dans nos locaux de la rue de Clichy, à Paris.

Mobilisation maximale pour les JO

Pour disposer des moyens humains nécessaires, 13 000 salariés seront mobilisés. Des renforts de prestataires externes et des CDD, mais le personnel du siège ira aussi prêter main forte aux équipes sur le terrain pour que les Jeux de Paris 2024 soient « une belle fête ». Pour que les collaborateurs acceptent de différer leurs congés d’été, Transilien a mis en place des mesures sociales incitatives et distribuera des primes, pouvant aller jusqu’à 1 900 euros, un montant analogue à celui décidé pour les forces de l’ordre.

Un gros travail de formation a été engagé pour préparer les équipes. Un millier de collaborateurs a été entrainé à gérer le surplus de voyageurs. Un algorithme les aidera à comptabiliser les entrées et sorties dans les trains et les gares afin de ne pas dépasser les capacités d’accueil et à prévoir, le cas échéant, un délestage vers d’autres moyens de transport afin d’éviter les mouvements de foule. Transilien a prévu un dispositif pour gérer les flux de voyageurs jour par jour, heure par heure dans les 50 gares qui desserviront les 22 sites olympiques. « Rien n’a été laissé au hasard », assure son directeur.

Malgré tous les préparatifs, l’entreprise devra faire face à des aléas, comme c’est le cas au quotidien. Elle s’y prépare avec Ile-de-France Mobilités (IDFM), Paris 2024 et les préfectures de Police et de région. « Avec SNCF Réseau et la RATP, nous avons mis en place des scénarios, établi des plans B, travaillé à proposer davantage de trains sur des lignes de substitution, le plus vite possible, en cas de problème. Nous ne pouvons pas empêcher les aléas, mais nous avons des scénarios de retournement et faisons en sorte que les équipes soient formées et rôdées », détaille le directeur. Les collaborateurs de Transilien sont entraînés, « comme des athlètes » afin que chacun sache comment gérer les situations auxquelles ils pourraient faire face.

Peter Hendy qui dirigeait Transport for London (l’équivalent d’IDFM) durant les Jeux olympiques de Londres en 2012 a voulu rassurer Alain Ribat : « Il m’a dit, vous êtes opérateur de mass transit, vous saurez faire. » Le Britannique lui a aussi assuré que les voyageurs qui viendront pour les Jeux auront des exigences moindres que ceux que des voyageurs du quotidien. « Ne vous inquiétez pas, s’ils doivent attendre, ils l’accepteront plus facilement, car ils viennent à Paris pour faire la fête m’a-t-il convaincu, fort de son expérience » raconte Alain Ribat. Les spectateurs seront majoritairement français (franciliens mais aussi provinciaux), autour de 60 %. Pour aider les étrangers qui viendront assister aux Jeux, l’information dans les trains sera délivrée en trois langues. Et une appli, TradSNCF, permettra de leur parler en 130 langues ! Merci l’intelligence artificielle. Les équipes ont aussi été sensibilisées aux besoins des personnes à mobilité réduite (PMR) et une application pour aider les malvoyants à s’orienter a été mise au point.

Le mass transit au quotidien

Autant d’outils qui continueront à être utilisés après les JO pour améliorer le service aux voyageurs du quotidien sur les 18 lignes de train, RER et tram-train en Ile-de-France. « Des lignes de Transilien dont on parle davantage pour souligner ce qui ne fonctionne pas bien, alors que la grande majorité d’entre elles ne connaissent pas de problème, regrette Alain Ribat. Lorsqu’on assure le transport de volumes massifs de voyageurs, il est impossible d’éviter les aléas, mais Transilien sait les gérer », insiste-t-il. Pour améliorer les process, Transilien organise régulièrement des « learning expeditions ». « Nous allons voir nos confrères à l’étranger pour nous enrichir de leurs bonnes pratiques. Cela nous a permis de vérifier que nous nous en sortions plutôt pas mal, même si les Japonais sont vraiment au-dessus du lot », poursuit le patron des trains franciliens.

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Tram-train Citadis Dualis sur la ligne T4, à Aulnay-sous-Bois.

Les RER B et C arrivent en tête des lignes compliquées à exploiter en raison de la vétusté des infrastructures ferroviaires, à l’origine de problèmes récurrents sur le réseau. Pour y remédier, des travaux d’entretien et de rénovation sont nécessaires, même si, pour les voyageurs, ils se concrétisent d’abord par des désagréments, avant qu’ils n’en voient les bénéfices. Ces lignes devraient bénéficier de l’arrivée de nouveaux matériels. Des MI20 équiperont la ligne B en 2027, mais il faudra au préalable revoir l’aménagement des infrastructures de la ligne pour y faire circuler les nouvelles rames. Les efforts réalisés par Transilien se concrétisent par une amélioration de la ponctualité des trains sur ces lignes : 91,7 % en moyenne et 90 % sur le RER C. « C’est mieux qu’en 2023, mais cela reste fragile », reconnait Alain Ribat, comptant aussi sur les travaux massifs de modernisation sur l’ensemble du réseau, pour poursuivre l’amélioration de la performance des lignes B, C, L et J. « J’ai conscience que c’est compliqué pour les voyageurs. Mais ça l’est également pour nous, car cela implique des changements de plans de transport incessants. »

Pour en limiter l’impact et gêner le moins possible les voyageurs, le dirigeant de Transilien affirme tout faire pour anticiper, informer, travailler avec les associations d’usagers et les élus, et mettre en place des bus de substitution. « Opérer des bus en sous-traitance est devenu un nouveau métier. Mais nous avons conscience qu’un bus ne remplace pas la qualité de service d’un train », souligne-t-il. Il attend beaucoup du travail réalisé en coordination avec les parties prenantes, opérateurs et préfecture de Police en particulier. Les bagages abandonnés étant une cause importante des dysfonctionnements, l’opérateur ferroviaire fait preuve de discernement pour minimiser leur impact. « Nous avons 20 minutes pour faire passer les chiens afin de lever le doute, avant que la police intervienne pour éventuellement évacuer la gare. Grâce au dispositif mis en place, ces incidents n’entrainent qu’exceptionnellement des évacuations de gare », constate Alain Ribat.

Autre exemple du bénéfice de la coopération : le centre de commandement unique du RER A vient d’être modernisé à Vincennes (94) mais le principe d’un commandement unique a été mis en œuvre dès 2019 pour ce RER, le plus fréquenté d’Europe avec 1,3 million de passagers par jour. Il permet de rassembler dans un même lieu les responsables de la SNCF gérant les branches de Cergy-le-Haut et Poissy, et de la RATP pour le reste de la ligne, afin qu’ils se coordonnent mieux. Le RER A, qui était considéré comme une ligne malade il y a une dizaine d’années, ne l’est plus et son taux de ponctualité a repassé la barre fatidique des 90 %. Le dirigeant attend maintenant avec impatience le même type d’organisation qui devrait voir le jour dans quelques années à Saint-Denis au bénéfice de deux lignes compliquées, les RER B et D.

La concurrence a commencé

Autre défi à venir : l’ouverture progressive à la concurrence des trains de banlieue d’ici à 2039.  Le directeur de Transilien prévoit de répondre à tous les appels d’offres, et d’en gagner le plus possible. SNCF Voyageurs et Keolis ont déjà remporté le premier lot ouvert : les lignes de tram-train T4 et T11 et la branche Esbly-Crécy de la ligne P. En revanche, c’est RATP Cap Ile-de-France qui a gagné l’exploitation des trams trains T12 et T13 à partir de l’année prochaine. Une déception pour Alain Ribat qui rappelle que la ligne T13 reliant Saint-Germain-en-Laye à Saint-Cyr, inaugurée à l’été 2022, fonctionne très bien aujourd’hui, même si elle a connu de grosses difficultés avec le matériel roulant et l’infrastructure au moment de sa mise en service. Transilien est parvenu à régler les problèmes de matériel en quelques mois.

La ligne T12, mise service en décembre 2023, connaît davantage de difficultés et fait l’objet de critiques en raison de sa performance jugée insatisfaisante. « Avec une ponctualité de l’ordre de 80 %, nous sommes en-dessous de l’objectif contractuel de 92 % pour le premier semestre », admet Alain Ribat. Selon lui, un opérateur essuie toujours les plâtres au moment de la mise en service d’une ligne nouvelle et du matériel. « Il y a un temps de déverminage », commente-t-il. Auquel s’ajoutent des problèmes liés à l’ancienneté du réseau ferré emprunté par cette ligne. « Il fallait s’attendre à des problèmes de signalisation, de voies, qui se sont ajoutées aux problèmes de matériel roulant neuf, sans compter que nous avons rencontré quelques soucis pour recruter des conducteurs sur cette ligne, détaille le directeur de Transilien. Notre expérience montre qu’il faut un an pour que la performance soit aux objectifs contractuels », poursuit-il. Peut-être aurait-t-il fallu mieux expliquer la complexité des circulations sur un réseau ferroviaire dense. « Nous aurions dû prévenir qu’il faudrait du temps pour roder la ligne et tester le matériel. Mais je comprends l’impatience des voyageurs… »

Le service sur la ligne T12 s’améliore de semaine en semaine, même s’il n’a pas encore atteint les objectifs fixés, assure Alain Ribat. La prochaine ligne en appel d’offre, la L, fera vraiment entrer le mouvement d’ouverture à la concurrence dans le dur tant son exploitation est imbriquée dans le reste des circulations ferroviaires : autres trains de banlieue, Intercités, fret… Une perspective qui inquiète les usagers.

Transilien a déjà répondu à l’appel d’offres initial en janvier 2023 et s’apprête à remettre une nouvelle offre en octobre, tenant compte des premiers échanges. L’attribution devrait être décidée fin 2024, et l’exploitation démarrer 18 mois plus tard. « On veut la gagner et on s’en donne les moyens », assure le directeur de Transilien qui travaille déjà sur les prochains marchés : la ligne J en 2025, le RER E, les lignes N et U en 2026, la ligne R en 2026/2027… Viendront ensuite les lignes P et E en 2027, les lignes H et K en 2028. Puis les autres lignes de RER d’ici à 2039. « Un appel d’offres, c’est quatre ans de préparation pour des équipes dédiées qui ont pour mission de remettre les offres les plus performantes à IDFM », explique Alain Ribat. Il faut envisager, poursuit-il des transformations prenant en compte à la fois la performance économique et l’aspect social. « Nous n’avons pas vocation à remettre une offre qui nous ferait perdre de l’argent. Nous répondrons à tous les appels d’offres en étant comptable de l’argent public. En répondant, il faut à la fois satisfaire les demandes d’IDFM et celles des salariés. Nous ne proposerons pas d’offres socialement low cost », insiste-t-il. La perspective inquiète aussi les conducteurs de trains, spécialisés sur un lot de lignes, défini en fonction de l’ouverture à la concurrence. Ce qui appauvrirait leur métier et risquerait de le rendre plus lassant « Il faudra dédier des conducteurs à chaque ligne », reconnait le directeur de Transilien. Mais, ajoute-t-il, Transilien exploite de nombreuses lignes et peut continuer à faire tourner les équipes. Le groupe SNCF est grand et privilégie la mobilité. « À nous de faire évoluer et grandir les conducteurs. C’est la clé de notre organisation. »

nicolas outrey linkedin copieDe nouveaux automates dans les gares

Le choix de maintenir des agents dans les 400 gares franciliennes est décidé par Île-de-France Mobilités en fonction de leur fréquentation. Pour garantir la possibilité d’entrer en contact avec un agent dans les gares, même les moins fréquentées,  des automates de mass transit sont installés. Ils permettent d’appeler un opérateur et d’échanger avec lui par écran interposé, en cas de problème lors de l’achat d’un billet. En cours, le déploiement de cette nouvelle génération d’automates sera terminé d’ici 2026.

Le plus gros contrat de la SNCF

Si IDFM définit ses attentes dans les cahiers des charges, Transilien assure jouer un rôle de conseil auprès de l’autorité organisatrice des transports d’Ile-de-France. Entre les deux, un contrat de 3,1 milliards d’euros par an. Soit le plus gros contrat de la SNCF. Au chapitre des investissements, 8,1 milliards d’euros sont programmés sur le réseau francilien entre 2020 et 2025. Le contrat prévoit des engagements en matière de ponctualité, de qualité de service et de bon fonctionnement des équipements en gare. Pour inciter la SNCF à les respecter, Île-de-France Mobilités prévoit des bonus/malus qui peuvent atteindre 100 millions d’euros par an, contre 23 millions dans le contrat précédent. Alain Ribat assure que l’entreprise a déjà amélioré la ponctualité de ses lignes en difficultés en 2023, ce qui lui permet de se rapprocher du niveau attendu et d’être aux objectifs sur la qualité perçue par les voyageurs, avec près 80 % de satisfaits. « Nous avons beaucoup progressé, mais avec 20 % d’insatisfaits, il reste encore une marge de progression », reconnaît-il.

Le contrat signé avec IDFM inclut également de nouveaux indicateurs, comme le niveau de l’offre, qui doit revenir au niveau d’avant-Covid, d’ici fin 2024. « Nous y serons ! », assure Alain Ribat. IDFM a aussi fixé des objectifs de lutte contre la fraude, qui représente plusieurs centaines de millions d’euros de manque à gagner annuel. Ce qui équivaut à l’achat de dix rames (10 millions d’euros chacune). Pour réduire la fraude, Transilien a renforcé les équipes de contrôle à bord des trains et dans les gares, et met en place des opérations coup de poing. Les nouveaux appareils de validation contribuent aussi à faire baisser la fraude de manière significative. C’est le cas des portillons dotés de portes plus hautes déployés gare Saint-Lazare.

Pour simplifier le parcours des voyageurs, le transporteur compte aussi sur l’intelligence artificielle, qui permet par exemple de compter le nombre de personnes qui montent ou descendent des trains, d’informer les voyageurs en temps sur la fréquentation de chaque voiture et enfin de les encourager à mieux se répartir dans les rames. Ce dispositif déjà proposé sur les lignes A et B du RER sera étendu sur les lignes L et J des Transilien. Pour améliorer la sûreté et le sentiment de sécurité, Transilien expérimente à la gare de Cergy Préfecture, des zone d’attente partagée baptisées « safe zones » et situées sous les caméras de vidéo, ou à proximité de bornes d’appels. Aux heures de moindre affluence, le transporteur incite les voyageurs à attendre dans ces espaces. 4, à Aulnay-sous-Bois.

Pour influencer leur comportement, il utilise également des « nudges » (science comportementale). Les experts en psychologie sociale de la « Nudge unit » de Transilien ont lancé un comité d’expérience comportementale qui observe les impacts de ces outils sur la gestion des flux, l’information, ou encore la sûreté et la sécurité des voyageurs et voyageuses.

Valérie Chrzavzez

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RER Métropolitains : c’est bien parti !

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Avant même la loi encadrant le développement des Services express régionaux métropolitains (Serm), qui a été définitivement adoptée par le Parlement le 18 décembre 2023, plusieurs projets étaient à l’étude. D’autres sont en cours de développement à Lille, Lyon, Grenoble, Marseille, Nantes, Rennes, Rouen, Strasbourg ou Bordeaux. Un an après la première conférence sur les RER métropolitains organisée au printemps 2023 à Paris, et qui avait réuni plus de 250 participants, VRT a organisé le 28 mars une deuxième édition pour faire le point sur les initiatives prises par les collectivités.

La mise en mouvement n’a pas tardé. Un an après la déclaration du président de la République en faveur de RER métropolitains, la loi encadrant leur développement (rebaptisés Services express régionaux métropolitains ou Serm) a été définitivement adoptée par le Parlement le 18 décembre 2023.

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Jean-Luc Gibelin, Conseiller régional Montpellier.

Les Serm ne sont pas calqués sur le modèle du RER francilien puisqu’ils pourront inclure, en plus d’un renforcement de l’offre ferroviaire, des cars express à haut niveau de service, des réseaux cyclables, du covoiturage ou encore du transport fluvial. L’objectif est de doter les grandes métropoles de notre pays de transports fréquents et cadencés. L’association Objectif RER Métropolitains a identifié 25 territoires susceptibles d’être concernés. Qui pourront profiter des nouvelles possibilités ouvertes par la loi. Il est maintenant possible de tirer les enseignements des premiers services mis en exploitation, avec le démarrage réussi du Léman Express entre la Suisse et la France et celui de Strasbourg. Se pose encore la question épineuse du financement de ces RER qui reposent sur une forte complémentarité entre les modes de transport, qu’il faut savoir anticiper au risque de se retrouver parfois débordé. Autant de pistes de réflexions sur lesquelles ont débattu les participants de l’édition 2024 de la conférence. Dans un message vidéo, Jean-Marc Zulesi, député Renaissance et rapporteur de la loi sur les Serm, en a rappelé les enjeux. « L’objectif reste de dynamiser l’ossature ferroviaire en n’oubliant aucun autre mode de transport, ce qui nécessite de simplifier les trajets et de faciliter, par exemple, le passage d’un train à une ligne de car express ou de covoiturage » a-t-il énoncé. Selon le député qui préside la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, l’arrivée de la Société des grands projets (anciennement Société du Grand Paris) va permettre à la fois de proposer des solutions de financements grâce à sa capacité d’endettement, mais aussi de profiter de son ingénierie dans la maîtrise d’ouvrage. Toujours selon lui, la montée en puissance de ce nouvel acteur n’entre pas en concurrence avec SNCF Réseau, mais doit permettre à ces deux entités de travailler « en complémentarité de compétences ».

La loi sur les Serm promulguée, aux acteurs du transport d’assurer « le service après-vente, dit-il. « Il faut absolument que nous arrivions dans les mois à labelliser ces services express régionaux métropolitains grâce à des propositions qui émanent du territoire vers le ministère des Transports » insiste-t-il, en précisant qu’il allait entamer un tour de France des projets, aller au contact des élus, des acteurs des transports et des citoyens. Reste le problème de leur financement auquel la conférence dédiée et attendue en juin prochain pourrait apporter un début de réponse. Près de 800 millions d’euros ont été prévus dans le cadre des contrats de plan État-Région (CPER) pour financer les Serm dans les territoires, et plusieurs mesures de financement sont actuellement à l’étude, « comme les quotas carbone ou la taxe Chirac sur l’aérien », rappelle le député.

S comme service

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Anne-Céline Imbaud de Trogoff, directrice exécutive du développement des transports territoriaux à la SGP

Qu’est-ce qui distingue les Serm du projet initial de RER urbain ?  « La notion de service, le S des Serm, montre la volonté de concrétiser l’intermodalité entre les différents services de transport et constitue de ce fait un projet plus qualitatif que celui du seul RER urbain », répond Jean-Luc Gibelin, vice-président en charge des mobilités en Occitanie. La région dirigée par la socialiste Carole Delga va se doter d’une « Halle des mobilités » à Toulouse située au cœur du pôle d’échanges multimodal Marengo pour connecter la gare historique Matabiau, deux stations de métro des lignes A et C, une grosse station de bus et des espaces publics. « Elle s’appuiera sur la brique ferroviaire tout en bénéficiant de l’apport des transports urbains et interurbains ainsi que celui des mobilités actives », illustre l’élu local.

Pour Anne-Céline Imbaud de Trogoff, directrice exécutive du développement des transports territoriaux à la SGP, il convient d’accompagner les collectivités pour qu’elles puissent concrétiser l’ambition de service en matière de transport, en proposant un schéma de transport tous modes confondus. « Il faut également ajouter d’autres couches de services, comme de la billettique intégrée, de la tarification, et améliorer les pôles d’échanges pour proposer des trajets sans couture ».  Thomas Allary, directeur du programme Serm chez SNCF Réseau/Gares & Connexions, connaît bien le sujet puisque les nœuds de connexions se situent souvent dans les gares ou les pôles d’échanges multimodaux. « Nous proposerons à cet effet 65 000 places de vélo sécurisées dans les gares et ce chiffre montera à 90 000 en 2030. Nos gares vont devoir être repensées comme des supports de services où nous allons continuer à travailler sur l’accessibilité et la fluidité des parcours, en termes de signalétique intermodale, avec un sujet d’information voyageurs. Gares & Connexions sera aux côtés des collectivités, comme c’est déjà le cas à Lyon Part Dieu, où de nouveaux services sont proposés dans la gare et le quartier alentour. Celle de Libourne va faire office de Gare Lab, un laboratoire de nouveaux services pour le Serm de Bordeaux », ajoute le représentant de la SNCF.

Retours d’expériences

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Eric Steil, directeur marketing et développement TER chez SNCF Voyageurs

Comment accompagner au mieux les collectivités qui mettront en place de nouveaux Serm ? A partir des premiers enseignements du Léman Express, de l’express Libourne-Arcachon en Nouvelle-Aquitaine et du réseau express métropolitain européen (Reme) de Strasbourg, Eric Steil, directeur marketing et développement TER chez SNCF Voyageurs a dressé un constat fort : la fréquentation est systématiquement au rendez-vous. « Les objectifs initiaux pour le Léman Express, fixés à 50 000 voyages par jour, ont été dépassés de 20 % la première année, qui était de surcroît une année Covid. L’année suivante la fréquentation est montée à 60 000 voyages par jour et elle devrait être de 80 000 cette année, soit +60 % par rapport aux prévisions de l’époque », calcule le transporteur. A Strasbourg, malgré un démarrage difficile, le Reme a très vite convaincu, surtout les habitants de l’intérieur de l’Eurométropole, avec une fréquentation en hausse de 27 % dès le démarrage du service. « Cela montre que les personnes qui ont déjà l’habitude d’utiliser les transports en commun sont les premières à les adopter ». Le succès ne se dément pas non plus pendant le week-end, dit-il.

Les Serm ne se résumeraient donc pas aux seuls voyages du quotidien mais permettraient de gagner une clientèle de loisirs ou occasionnelle. Cet engouement impacte les habitudes de mobilités. Pour preuve, avance Eric Steil, une baisse des passages en douane sur l’autoroute entre la France et la Suisse, avec – 36 % de passages au poste franco-suisse de Thônex- Vallard sur l’A411. Et l’analyse des images satellites des villes situées le long du Léman Express laisse apparaître une forte augmentation des places de parking vides près des gares, parfois le double qu’avant l’entrée en service du Léman Express. « Nous avons instauré un pass qui englobe quinze modes de transport différents (train, bateau, cars, etc.) et permet aux voyageurs occasionnels et abonnés de bénéficier d’une solution tarifaire intéressante et simplifiée », insiste Eric Steil. Enfin, pour mesurer l’impact environnemental des Serm, un système d’étiquette carbone a été mis en place, avec différents niveaux d’impact selon que l’on est seul à bord d’une voiture, d’un car ou d’un train.

Les écueils à éviter

La mise en place d’un Serm peut-elle entraîner des effets délétères, en favorisant les zones desservies au détriment des autres ? Martin Chourrout, directeur région Nord chez Systra, insiste sur la nécessité de lier le développement des services de transport à celui de l’aménagement des territoires. « L’ambition du Serm consiste à créer un choc d’offre pour impulser une révolution du transport public dans les métropoles. Mais il faut veiller à travailler sur la complémentarité du mode ferroviaire, au risque qu’une partie des territoires bénéficie d’un doublement des liaisons ferroviaires et que les territoires non desservis se retrouvent d’autant plus à la traîne s’ils ne bénéficient pas, eux aussi, d’une offre enrichie », énonce-t-il. La bonne performance du réseau de transport ne doit pas non plus donner prétexte à l’étalement urbain. « Il ne faudrait pas que les Serm contribuent à une plus forte périurbanisation. Les territoires en périphérie vont devenir plus accessibles et de nombreux ménages pourraient décider de s’installer de plus en plus loin des centres-villes », ajoute le représentant de la société d’ingénierie.

Une analyse partagée par Anne-Céline Imbaud de Trogoff même si, ajoute-t-elle, le but des Serm reste bien d’améliorer la mobilité des populations résidant autour des métropoles. « Il est donc primordial de penser le projet dans une approche territoriale, en regardant ce qu’il se passe autour des gares ou des pôles d’échanges dont l’accessibilité va s’améliorer, tout comme les zones concernées par le rabattement. Nous devons également faire preuve de sobriété foncière, en corrélation avec l’objectif de zéro artificialisation nette de sols », souligne la représentante de la SGP. Le projet de RER des Hauts-de-France doit par exemple permettre d’améliorer la liaison entre la métropole lilloise et le bassin minier, avec un double enjeu social de désenclavement et décarbonation, rappelle-t-elle.

Un saut d’offre à gérer…

Se prêtant à nouveau à un exercice de sémantique, sur le « e » de Serm qui caractérise la notion « express », Jean-Luc Gibelin juge que la notion de qualité d’offre prime plus que celle de vitesse. « L’un des enjeux des Serm réside dans la fluidité des différents modes, avec un cadencement suffisamment élevé pour que l’usager ait simplement à se déplacer d’un point A à un point B avec plusieurs modes de transport sans avoir à gérer une série de petits déplacements, chacun relevant d’une compétence administrative particulière », commente l’élu d’Occitanie. Ce voyage sans couture, proche de la notion du titre unique de transport, ne peut être obtenu qu’après un travail préparatoire intense, insiste Eric Steil, en se basant sur le lancement des premiers Serm. « Le saut d’offre que nous créons doit être travaillé très en amont », note-t-il. Le système ferroviaire repose sur le temps long, il demande un travail d’anticipation et sur la robustesse de l’offre de transport, puis sur la mise en œuvre opérationnelle. Ce qui implique de nouveaux gestes métier, aussi bien pour l’opérateur que les agents en gare. La gare de Strasbourg peut accueillir un train toutes les 30 secondes, et le moindre grain de sable grippe tout l’engrenage ferroviaire.

Le bond de fréquentation peut aussi surprendre les élus communaux qui vont devoir gérer un afflux d’automobilistes voulant se garer un peu n’importe où avant de sauter dans le RER. Un phénomène à anticiper sur le plan urbanistique. Eric Steil conseille d’articuler les projets de mobilité autour du train et de proposer une réflexion complète autour de cette colonne vertébrale pour proposer des trajets de bout en bout. Il convient, dit-il, de « partir de l’usager », et de se poser les questions à sa place pour comprendre « comment il vit sa mobilité ». Pour exemple, la hausse de l’usage du vélo pour rejoindre les transports en commun (métro, tramways, trains) démontre que les déplacements ne sont pas pensés de bout en bout. « On trouve des locations de vélo en libre-service en agglomérations, ainsi que des vélos-stations, mais il manque un service complet grâce auquel le voyageur peut stationner un vélo dans une gare, effectuer son voyage et en trouver un autre à l’arrivée, avec une formule tarifaire complètement intégrée », estime le représentant de SNCF Voyageurs.

.. et des correspondances à articuler

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Thomas Allary, directeur
du programme Serm chez SNCF Réseau/Gares & Connexions

Un RER bien pensé et bien articulé sera efficace mais implique que les correspondances physiques soient bien réalisées en termes de fluidité du parcours, acquiesce Thomas Allary. Les infrastructures doivent aussi répondre à la qualité de service attendu. « Cela signifie que les correspondances horaires soient bien travaillées entre les trains ou les différents modes. Les nouveaux sillons pour les Serm doivent être à la fois réalisables et robustes afin de s’articuler de manière équitable, transparente et équilibrée avec les sillons TGV et des trains de fret. Cela aura des répercussions sur le réseau ferré puisqu’il faudra réaliser des travaux, y compris sur le réseau existant», prévient le représentant de la SNCF côté Réseau et Gares & Connexions. Pour gérer tous ces paramètres, l’anticipation entre tous les acteurs est cruciale. « Le projet doit être défini de manière à ce qu’il bouge le moins possible, qu’il s’agisse de l’expression des besoins émanant de l’autorité organisatrice ou bien la réponse industrielle proposée par le maître d’ouvrage ou encore la réponse capacitaire donnée par le gestionnaire d’infrastructure. Car il faut concevoir des Serm de façon industrielle afin d’être capable de réaliser des travaux de façon massive dans beaucoup de projets Serm en même temps. Il faudra que la filière ferroviaire puisse recruter et former du personnel afin qu’il soit opérationnel. Cela ne se fera pas en quelques mois mais en plusieurs années. Cette visibilité et cette stabilité ne peuvent s’obtenir qu’avec une véritable coordination entre acteurs », plaide-t-il.

Pour assurer cette coordination, son homologue de SNCF Voyageurs recommande une gouvernance des projets très large. « Plus la gouvernance intègre de partenaires et plus le projet est réussi. Ce qui implique d’intégrer les gestionnaires infrastructures, les opérateurs et les usagers qui connaissent leur ligne. Le Serm de Bordeaux dispose d’un plateau projet qui réunit tous les acteurs et valide chaque nouvelle étape avant son déploiement », décrit-il. Anne-Céline Imbaud de Trogoff ajoute que la loi prévoit la création d’une structure locale de coordination intégrant une coordination politique entre autorité organisatrice des mobilités (AOM) et financeurs, et une coordination opérationnelle avec les différents maîtres d’ouvrage. « Cela doit permettre de se mettre d’accord sur les objectifs prioritaires, tant au niveau industriel que du développement du territoire », estime-t-elle.

La coordination entre les différents intervenants relève de la mécanique de précision, ajoute Julien Bornet, directeur du développement ferroviaire France chez Egis. « « Il faut trouver un consensus pour concilier intérêts politiques et techniques afin de satisfaire les ambitions des métropoles, des régions et de toutes les collectivités. C’est la clé de voûte du succès d’un Serm. Lors de cette première phrase, la notion économique ne doit pas être oubliée au risque de prendre une douche froide à la fin », estime le représentant du cabinet d’ingénierie ferroviaire. Selon lui, il faut aborder un projet avec une vision très large « et surtout orientée par niveau de service, de façon à pouvoir avancer progressivement et de façon réaliste. » Pour Julien Bornet, cette démarche, phasée, « doit être visible par tous. »

Apprendre à dire non

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Martin Chourrout, directeur région Nord chez Systra.

Les attentes d’un projet Serm, parfois disproportionnées par rapport aux capacités du réseau ferré, peuvent provoquer des frictions. En revenant sur le cas de Strasbourg, où sur les 1 000 trains quotidiens supplémentaires annoncés initialement, seuls 600 ont été effectifs, Martin Chourrout commente : « Systra a été missionnée par la région et SNCF Réseau qui souhaitaient se retrouver ensemble et avancer malgré leurs divergences, afin de jouer un rôle de tiers de confiance. Il s’agissait de concilier les intérêts des acteurs de la sphère politique, qui souhaitent que cela aille vite sous la pression de leurs administrés, et ceux des acteurs techniques, qui savent que les projets de transport relèvent du temps long, voire très long pour le ferroviaire ». La mission de conciliation a consisté à remettre à plat les contraintes et les ambitions de chaque partie prenante, pour qu’elles se rejoignent sur le long terme malgré un dialogue qui a parfois du mal à s’instaurer. « La dimension humaine n’est pas à négliger dans tout projet de gouvernance », souligne l’ingénieriste.

Thomas Allary est également revenu sur le démarrage raté du Reme strasbourgeois. « Ce cas-là était heureusement une exception. Il illustre le besoin d’une grande stabilité dans la réponse industrielle, ainsi que la difficulté à trouver le bon équilibre entre les trains de fret, les Intercités, les Serm et les TER. En fait, il faut savoir anticiper et privilégier la robustesse de l’exploitation et la régularité des trains, plutôt que leur nombre. Savoir dire non à certaines expressions de besoins. Nous allons apprendre à le dire encore plus ».

Une centaine d’actions ont ainsi été mises en place à Strasbourg pour retrouver une offre stabilisée à 640 trains par semaine. « Nous sommes à présent beaucoup plus sereins car nous avons retrouvé un équilibre. Cette fluidité est la clé car quand vous avez un train toutes les trente secondes, les échanges doivent être très rapides. Cela passe par une optimisation du temps à l’embarquement et au débarquement, avec du matériel adapté à ce type de dessertes : des portes plus larges et un meilleur espace à l’intérieur des rames. Il faut également que les mouvements en gare se passent très vite, grâce à la signalétique et l’information voyageurs. Nous indiquons le taux de remplissage d’un train avec des codes couleur afin que les voyageurs se répartissent mieux le long du quai », décrit Thomas Allary.

Au-delà du cas de Strasbourg, un arsenal d’actions permet au réseau de transport de monter en puissance. C’est le cas avec l’open paiement – on paie avec sa carte bancaire – , qui simplifie l’acte d’achat, ou bien avec des mesures de nature à sécuriser les voyages. « Avec des modes de transport qui fonctionnent tôt le matin et tard le soir, nous devons proposer un mode de transport serein en nous appuyant sur de la vidéosurveillance à l’intérieur des trains et au niveau des quais, des équipes mobiles (la Suge) ou bien des équipes de contrôleurs qui peuvent intervenir en cas de problème ».

La question du financement

Quant à l’implication financière des métropoles pour le développement des RER, elle est très différente d’une région à l’autre. « Dans certaines situations, la métropole est engagée avec un financement à 50 % du fonctionnement mais c’est loin d’être le cas partout », fait remarquer Jean-Luc Gibelin. Il espère que cette question sera résolue lors de la conférence des financements, qui doit avoir lieu d’ici à fin juin. La réponse du ministère des Transports sera-t-elle à la hauteur des enjeux annoncés ?  « Les métropoles et certaines agglomérations perçoivent le versement mobilité et disposent de recettes qui seront probablement sollicitées », ajoute l’élu régional communiste. Et il rappelle le récent plaidoyer des présidents de régions, dans une tribune commune publiée dans Le Monde, insistant pour que leurs collectivités bénéficient de recettes pérennes et dynamiques pour les mobilités.

Les régions n’ont pas attendu pour investir dans les systèmes ferroviaires, répond Éric Steil, chargé du développement des TER à la SNCF. Selon lui, un tiers des lignes régionales (160), est déjà cadencée à la demi-heure. « Ce socle peut servir de base pour compléter l’offre, le week-end, tard ou tôt le matin, par exemple. Ou de proposer des lignes diamétrales avec de nouvelles liaisons ».

Il n’empêche, les investissements ferroviaires peuvent s’avérer massifs et Anne-Céline Imbaud de Trogoff affirme que le modèle de financement mis en place sur le Grand Paris Express est applicable aux Serm. « La Société des grands projets peut intervenir et offrir une visibilité financière à moyen ou long terme, sur plusieurs années voire plusieurs dizaines d’années. Nous rendons ces projets possibles en supprimant l’aléa financier, ainsi que les questions d’arbitrage budgétaire annuelles. Nous levons de la dette sur les marchés obligataires en étalant les charges de remboursement sur une période longue. Dans le cas du métro du Grand Paris, le besoin de financement annuel est couvert par de la fiscalité locale affectée, et cela pourrait être aussi le cas pour les Serm, même si d’autres pistes restent ouvertes », explique la porte-parole de la SGP, tout en précisant que les projets de RER n’ont pas forcément besoin de ressources financières immédiates.

Les gros chantiers pourraient démarrer d’ici quelques années mais on peut, sans attendre, donner le coup d’envoi d’un service express métropolitain en améliorant les infrastructures ferroviaires existantes. « Ce qui permet de se projeter et d’être sûr que, d’ici quelques années, les Serm disposeront des ressources au moment où ils en auront besoin », poursuit Anne-Céline Imbaud de Trogoff.

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Plus de 280 personnes ont assisté à la conférence organisée par VRT.

Rigueur budgétaire oblige, « inutile d’espérer de nouvelles infrastructures ferroviaires coûtant plusieurs milliards à très court terme, rappelle de son côté Thomas Allary. En revanche, nous savons augmenter la fréquence sur une infrastructure existante, et ce sera la première étape de ces augmentations de services. Il est également possible d’augmenter la capacité sur le réseau existant grâce à l’apport des nouvelles technologies, comme ce fut le cas à Rennes avec deux trains sur la même voie pour un coût de 15 millions d’euros et un gain de + 30 % de capacité. On peut aussi travailler la signalisation ERTMS ou les commandes décentralisées du réseau, ce qui permet de proposer des réponses plus rapides en attendant des investissements plus lourds sur le réseau comme de nouvelles voies ou leur doublement », poursuit-il.

Porté à trois milliards d’euros par an, le chantier de régénération du réseau ferroviaire structurant est un investissement « colossal » indispensable et sans lequel les Serm n’aurait aucun sens, insiste le représentant de SNCF Réseau.

Pour compléter l’addition, n’oublions pas les investissements nécessaires à l’exploitation, rappelle Julien Bornet, le représentant d’Egis : l’achat de trains supplémentaires, leur entretien, avec un outil de maintenance très performant pour réduire les temps d’immobilisation. Une équation à multiples facteurs.

Grégoire Hamon

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Les défis de SNCF Réseau selon Matthieu Chabanel

Le Club VRT s’est tenu le 29 janvier dans nos locaux de la rue de Milan, à Paris.

Nommé PDG de SNCF réseau en octobre 2022, après le départ de Luc Lallemand, Matthieu Chabanel a profité de son passage au Club VRT pour dresser un bilan positif de l’année écoulée – sur fond d’engouement pour le ferroviaire-, et évoquer ses priorités.

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Matthieu Chabanel

L’action de SNCF Réseau s’inscrit dans un contexte porteur pour le ferroviaire, a rappelé Matthieu Chabanel, qui intervenait le 29 janvier lors d’un Club VRT. « Il y a eu l’an dernier un engouement autour du train, une hausse du nombre de voyageurs, un fort taux de remplissage et SNCF Réseau est fier d’avoir contribué à cette dynamique », s’est réjoui le PDG du gestionnaire d’infrastructure. La nouvelle donne ferroviaire est aussi portée par un accroissement des moyens financiers en faveur du réseau. Le budget régénération et modernisation augmente cette année de 300 millions d’euros. Ce qui porte le total pouvant être investi à 3,2 milliards d’euros en 2024. Cette somme doit progressivement passer à 4,4 milliards par an d’ici 2027. Pour l’heure, c’est le groupe SNCF qui apporte les fonds supplémentaires à un fonds de concours.

Visibilité

Cette trajectoire donne plus de visibilité à la filière industrielle qui va pouvoir recruter et former pour être au rendez-vous, souligne Matthieu Chabanel « Comme la filière se trouve à 97 % en France, les investissements dans le système ferroviaire contribuent au dynamisme économique dans les territoires. Et le réseau dans lequel la SNCF investit est circulé par tous types de trains, dont les TER», ajoute-t-il. Le tout dans un contexte financier assaini puisque SNCF Réseau tiendra son objectif : renouer avec un cash-flow positif cette année. « Nous avons prévu un cash-flow de 2 millions d’euros pour 7 milliards de chiffre d’affaires. C’est aussi un enjeu de crédibilité : démontrer que nous tenons les objectifs financiers fixés par les pouvoirs publics et la loi», commente le dirigeant.

Fin du vieillissement

Les investissements donnent enfin des résultats visibles : SNCF Réseau a stoppé le vieillissement de la voie. Cela vaudra pour tous les composants du réseau à l’horizon 2030. « L’année dernière, nous avons pu livrer plus de 95 % des projets dans les délais », précise Matthieu Chabanel. Côté modernisation, le gestionnaire d’infrastructure prévoit, sur la ligne grande vitesse reliant Paris à Lyon, de basculer 58 postes d’aiguillages vers l’ERTMS. « Ce sera la première fois au monde qu’on le fera sur une ligne en service », souligne le PDG. Ce projet permettra d’augmenter la capacité de ligne, afin de passer de 13 trains par heure et par sens en heure de pointe aujourd’hui à 16 trains en 2030, en assurant une meilleure régularité dès 2025.

Contrat de performance : bientôt un avenant

Passer progressivement de 3,2 milliards d’euros de budget de régénération cette année à 4,4 milliards d’euros en 2027 nécessite de revoir le contrat de performance. Le précédent ministre des Transports, Clément Beaune souhaitait voir établi un nouveau projet de contrat avant la fin février. La vacance du ministère pendant quelques semaines n’a pas remis en cause le calendrier, affirme Matthieu Chabanel. SNCF Réseau travaille avec les services de l’État à la rédaction de cet avenant au contrat, qui fera ensuite l’objet d’une consultation des parties prenantes, pour une adoption espérée à l’automne 2024. Et de préciser : « On ne va pas reprendre l’intégralité du contrat de performance qui date du printemps 2022, mais rédiger un avenant prenant en compte les investissements supplémentaires de régénération, définir le rythme de la montée en charge et la manière d’investir cet argent, avec la volonté d’avoir des programmes d’investissements publiés à échéance de trois ans ».

Moins de tensions sur les recrutements

Les difficultés de recrutement en sortie de crise sanitaire ont causé des tensions dans les postes d’aiguillage. « Faute d’avoir pu recruter, nous avons sur-sollicité des agents qui l’ont vécu comme une dégradation de leur qualité de vie au travail. Cela a entrainé des mouvements sociaux. » Le problème est désormais résolu, affirme le patron de SNCF Réseau. « En 2023, nous avons pu recruter 900 aiguilleurs, qui ont été en formés, puis affectés à des postes, permettant de soulager leurs collègues et d’améliorer les conditions de travail. » Au total, SNCF Réseau a recruté l’année dernière 2700 personnes dans les métiers d’aiguilleurs, d’agents de maintenance et de travaux de la voie, de la signalisation ferroviaire ou encore les métiers de l’ingénierie. « Le marché a été moins tendu en 2023 que l’année précédente. Nous avons regagné en attractivité. » Pour l’entreprise, le mot d’ordre, c’est recruter, former, fidéliser.  Un domaine reste particulièrement compliqué : trouver des candidats pour des postes liés à l’électricité car la concurrence avec d’autres secteurs d’activités est forte. Et parce que ces postes demandent des prérequis, ce qui n’est pas le cas pour les travaux sur voie par exemple.

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SNCF Réseau va accompagner les collectivités qui souhaitent un RER métropolitain. Ici la gare Saint-Jean (agrandie par Arep), au cœur du projet de Serm de Bordeaux.

Eole a rendez-vous avec les JO

Pour les professionnels du transport, les Jeux olympiques et paralympiques représentent un rendez-vous essentiel qu’il ne faudra pas rater. L’enjeu, pour SNCF Réseau, passe notamment par la première phase de mise en service du prolongement d’Eole jusqu’à Nanterre, prévue pour le printemps. Soit huit kilomètres de tunnels et trois nouvelles gares (Porte-Maillot, La Défense et Nanterre-la-Folie). Le prolongement de la ligne jusqu’à Mantes-La-Jolie (Yvelines) se fera plus tard, en 2026.

RER métropolitains, mode d’emploi

Promulguée fin 2023, la loi SERM a posé le cadre du développement, d’ici dix ans, d’un réseau de RER métropolitains dans dix grandes agglomérations (voire plus). Elle a suscité une énorme attente chez les élus. « Il y avait déjà des expériences de RER métropolitains, comme le Léman Express, qui relie la Haute-Savoie au canton de Genève, mais la loi a généré une nouvelle dynamique. De nombreuses collectivités se montrent intéressées et montent des projets. Nous les accompagnons avec Gares & Connexions », souligne Matthieu Chabanel. Reste maintenant à labelliser les projets et à définir les financements. SNCF Réseau veillera à la compatibilité, sur le réseau, de l’ensemble des trafics. Le gestionnaire historique devra composer avec la Société des Grands Projets (jusqu’alors appelée Société du Grand Paris) en fonction de la teneur des projets. Pour résumer, la loi précise que la SGP sera maître d’œuvre pour les constructions de nouvelles voies ferrées. Et ne pourra donc pas intervenir sur le réseau existant et circulé, territoire exclusif de SNCF Réseau. « Tout le monde a bien compris que les travaux sur les infrastructures existantes doivent être réalisés par SNCF Réseau pour des raisons de sécurité », explique Matthieu Chabanel, qui se réjouit du rôle dévolu à la SGP. « Il aurait été dommage de se priver des capacités d’une société qui a fait ses preuves et dispose de beaucoup d’ingénieurs. Nous sommes animés par la même volonté de faire des SERM un succès. J’ai une grande confiance sur notre capacité collective de mener à bien ces projets. »

Nouveaux clients

Pour développer son activité, SNCF Réseau a intérêt à accueillir de nouveaux opérateurs. Le groupe a ainsi accordé des sillons à la compagnie italienne Trenitalia en 2021, puis à l’espagnole Renfe en 2023. Demain, il pourrait voir arriver d’autres entreprises, comme Kevin Speed (qui veut lancer un train à grande vitesse omnibus) ou Le Train (qui voudrait notamment se lancer sur Bordeaux-Nantes).  L’ouverture à la concurrence dans les TER va aussi instaurer de nouvelles relations avec le transporteur SNCF qui sera obligé à chaque fois qu’il remportera des appels d’offres de créer une filiale dédiée pour exploiter les TER qu’il gagnera. Cela implique une transformation culturelle. « Nous devons instaurer des modes de relations différents avec les opérateurs, transformer nos manières de faire, mettre en place des relations renouvelées », résume le dirigeant.

Hausse des péages : le rattrapage

La forte augmentation des péages ferroviaires prévue en 2024 et les années suivantes fait l’objet de critiques et de contestations de la part d’élus et d’opérateurs. Plaidant pour un débat dépassionné, Matthieu Chabanel rappelle qu’entre 2021 et 2023, les péages n’ont augmenté que de 5 % , alors que l’inflation était de 14 % . La hausse prévue pour 2024-2026, est donc un rattrapage. « Pour investir, nos deux seules sources de revenus sont les péages et les subventions. Nous faisons aussi évoluer les péages pour les rendre plus incitatifs », souligne-t-il. C’est ainsi que, pour encourager le maillage du territoire, le péage pour un TGV Paris-Arras, est moins cher que celui d’un Paris-Lille, alors que ces trains utilisent la même ligne. Ou que, pour le TER, SNCF Réseau a mis en place un forfait, puis un péage au train, de manière à inciter au développement du trafic. Des modulations des péages sont aussi instaurées avec des tarifs moins chers aux heures creuses ou sur les lignes de desserte fine du territoire. En France, les péages prélevés vont à l’entretien et la rénovation du réseau structurant, c’est un choix politique, le montant de ceux-ci est un arbitrage entre ce que doit supporter l’usager et ce qui revient au contribuable, rappelle encore le dirigeant. Le péage représente ainsi 40 % du prix du billet d’un TGV et 20 % de celui d’un TER

Optimisme pour le fret

Côté fret, après deux belles années post covid, 2023 a été plus difficile, marqué notamment par les grèves contre les retraites, les hausses d’électricité et l’éboulement en Maurienne qui a coupé la principale liaison ferrée transalpine. Mais le secteur du fret se montre encore dynamique, estime Matthieu Chabanel. « En 2023, nous avons accueilli un nouveau client chaque mois », indique-t-il. D’ici la fin 2024, Fret SNCF va disparaître pour renaître en 2025 sous une autre forme et avec une activité amoindrie. Ce qui augure encore d’une année compliquée. Sur le long terme, Matthieu Chabanel fait preuve d’optimisme, convaincu que dans le contexte actuel, « le fret ferroviaire a un réel avenir en Europe. »  Les investissements dans le fret ferroviaire ont été multipliés par quatre par rapport à l’avant Covid, notamment dans le cadre des contrats de plan État-Région qui intègrent des volets fret. Le tout soutenu par la filière réunie dans l’Alliance 4F, qui parle d’une même voix pour définir les projets prioritaires. Et vise le doublement de la part de marché du fret d’ici 2030.

Quelques améliorations sont déjà perceptibles : en septembre 88,8 % des sillons de fret ont obtenu une réponse positive, soit 15 points de plus qu’il y a 10 ans. L’entreprise progresse chaque année, assure le PDG, visant les 90 % atteints dans le transport de voyageurs. Autre bonne nouvelle : pour la première fois l’an dernier, SNCF Réseau a moins fait bouger ses sillons que les entreprises ferroviaires. Reste toutefois toujours un point de vigilance : l’augmentation des travaux doit conduire SNCF Réseau à trouver un équilibre entre trains de jour, trains de nuit et travaux. Les arbitrages se font parfois (même si c’est rare) au bénéfice du fret, avec des travaux de jour, comme cela a été le cas sur la ligne Paris-Dijon, afin d’éviter une bascule massive des marchandises sur la route.

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Renouvellement d’appareils de voies à Reims le 12 septembre 2020.

La résilience face au dérèglement climatique

En plus des éboulements de terrain, les inondations en Hauts-de-France et des canicules précoces ou tardives ont aussi marqué 2023. « Le rythme des conséquences du changement climatique s’accélère et pose la question de la résilience du réseau », rappelle Matthieu Chabanel. Développer le transport ferroviaire est positif pour la planète, mais n’exonère pas de réduire l’impact environnemental de l’entreprise, poursuit-il. Parmi les actions mises en place, le recyclage permet de revaloriser 100 % du ballast, dont 45 % est réutilisé directement sur les voies ferrées. Une filière de rails verts, qui permet de les refondre, réduit de 70 % l’impact carbone sur les achats. Matthieu Chabanel veut étendre cette politique à l’ensemble des composants ferroviaires. Pour mieux se préparer aux aléas climatiques, l’entreprise a réalisé une cartographie des risques et vulnérabilités du réseau. La forte chaleur sur les rails ne devrait pas être un problème compliqué à gérer, estime le patron de SNCF Réseau, en citant la Mauritanie, soumise à des températures élevées, et qui utilise des rails comparables aux nôtres. En revanche, les composants électroniques n’ont pas été conçus pour subir de fortes chaleurs. Le renouvellement du réseau est l’occasion de l’équiper avec des composants plus modernes et robustes, permettant de gagner en résilience. Des actions peuvent aussi être entreprises sans attendre. Ainsi, pour protéger ses installations contre les canicules, SNCF Réseau a repeint en blanc des guérites en Nouvelle-Aquitaine, ce qui lui a permis de gagner jusqu’à six degrés.
Les investissements ne sont donc pas forcément lourds à réaliser.

L’entreprise doit aussi se préparer au dérèglement des systèmes hydrauliques, à l’origine d’évènements extrêmes plus fréquents, et aux conséquences des retraits-gonflements d’argile, car l’intégralité du réseau se situe dans des sols argileux. « Renouveler le réseau est une première étape pour être plus résilient, car tous les investissements de modernisation réalisés sont utiles en matière de résilience », indique Matthieu Chabanel. « Quand on change de composants, quand on renouvelle les caténaires, c’est déjà une façon de s’adapter aux changements climatiques. Plus un réseau est récent, plus il est résilient. » Le PDG de SNCF Réseau estime que le secteur devra réfléchir à ce que seront les déplacements dans un monde à plus 4 degrés. Et il conclut : « Notre but c’est d’assurer le service le plus élevé possible en tout temps, en tous lieux, tout en veillant prioritairement à la sécurité des voyageurs. Mais je n’ai pas d’état d’âme à imaginer une restriction de circulation en cas d’alerte rouge, comme c’est le cas aujourd’hui sur les routes. Mieux vaut ne pas laisser partir un train que de laisser des voyageurs bloqués sur des voies pendant des heures… »

Valérie Chrzavzez

Ewa

Faut-il envisager un nouveau contrat social pour les mobilités ?

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Pour lutter contre le changement climatique, il est urgent de repenser les mobilités et de réduire la place de la voiture. Tous les acteurs travaillent dans ce sens et font preuve d’inventivité pour inciter à de nouvelles formes de déplacement, ont assuré les participants à la table ronde organisée le 5 décembre 2023 par VRT, avant la cérémonie de remise des prix du Palmarès des Mobilités.

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Tom Dubois

Le dérèglement climatique devient un sujet de préoccupation majeure, et pourtant, les Français se déplacent toujours plus. En 100 ans, leurs trajets quotidiens sont passés de 6 km à 60 km en moyenne, tandis que le taux d’équipement des ménages, d’une voiture pour 25 habitants en 1950, est aujourd’hui d’une pour deux habitants, rappelle Tom Dubois, porte-parole du Forum Vies Mobiles, un think tank de la mobilité soutenu par la SNCF. D’où d’importantes conséquences en termes d’aménagement du territoire : les déplacements devenant plus faciles, les lieux de travail, de loisirs ou encore les commerces ont été dispersés, poursuit Tom Dubois. Mais, selon l’expert, les temps changent, et les Français aspirent désormais à plus de proximité. « Les politiques publiques ne semblent pas encore l’avoir pris en compte, puisqu’elles tendent encore à proposer toujours plus de tuyaux pour se déplacer plus facilement et qu’il y a toujours une concentration des activités dans certaines métropoles », constate le porte-parole du Forum Vies Mobiles. « Or, il est impératif que le secteur des transports, avec 30 % des émissions de CO2, baisse son empreinte carbone. D’autant qu’il est le seul à avoir augmenté ses rejets. L’Agence européenne de l’environnement estime que plus de 400 000 décès sont attribuables chaque année à la pollution aux particules fines, tandis que notre dépendance à la voiture nous a rendus plus sédentaires et plus exposés aux maladies cardio-vasculaires, sans parler du stress et de la fatigue liés aux déplacements. Il est donc temps de faire bouger les lignes pour prendre en compte de nouvelles aspirations », conclut Tom Dubois.

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Jean-Michel Lattes

Pour réduire la place de la voiture, une métropole comme Toulouse compte sur son réseau de transport public, ses lignes de métro, son téléphérique et ses bus rapides. Le vice-président de Toulouse Métropole, Jean-Michel Lattes, estime qu’il faut développer le vélo et l’autopartage. À condition de disposer de suffisamment de moyens. Dans ce but, l’élu demande que les collectivités puissent bénéficier d’une augmentation du versement transport, à l’instar de ce qui a été fait pour île-de-France Mobilités. « Cela permettrait notamment de lancer des mesures d’accompagnement pour faire accepter les ZFE aux personnes qui seront les plus pénalisées par leur mise en place. C’est-à-dire celles vivant en banlieue et n’ayant d’autres possibilités que de prendre leurs vieilles voitures pour se déplacer. Il faut leur apporter des solutions », souligne Jean-Michel Lattes.

 

Acceptabilité sociale

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Bastien Soyez

Pour écrire un nouveau contrat social des mobilités, il faut tenir compte des attentes des utilisateurs. Le Covid a contribué à la généralisation du télétravail, dont les effets se font tout particulièrement ressentir les lundis et les vendredis, nouveaux jours de départ et de retour de week-ends prolongés. De plus, durant la pandémie, beaucoup d’utilisateurs des transports en commun se sont reportés vers le vélo ou la voiture, rappelle Bertrand Soyez, directeur RSE de Transdev. Selon lui, ceux qui ont adopté les deux roues resteront fidèles à ce mode, tandis que ceux qui sont retournés à la voiture semblent prêts à s’en détacher. 73 % des automobilistes affirment en effet qu’ils aimeraient la laisser plus souvent au garage et se disent prêts à utiliser davantage les transports en commun.

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Laurent Sénécat

« Il faut se saisir de cette opportunité en proposant plus d’offres », indique le directeur de Transdev.  Le succès des cars express mis en place entre Bordeaux et Créon en est, selon lui, la démonstration. Cette ligne a suscité un report modal deux fois plus important que prévu. Même exemple du côté de la métropole de Besançon, où Keolis exploite les transports publics, notamment une ligne de BHNS, pour laquelle l’opérateur s’efforce de proposer un service fiable et ponctuel à toutes les heures de la journée. « Après les travaux sur cette ligne, nous pensions voir passer le trafic de 7 000 à 9 000 personnes par jour. Nous en sommes à 12 000. Offrir un service attractif et fréquent, pas seulement aux heures de pointe, a permis de capter de nouveaux utilisateurs qui, sans cette garantie, auraient continué à prendre leur voiture », assure Laurent Sénécat, le directeur général de Keolis Besançon Mobilités.

 

Interrogations sur le covoiturage 

Le dirigeant dresse, en revanche, un bilan plutôt négatif des efforts réalisés pour encourager le covoiturage. « Cela ne marche pas. Parce qu’aller chercher quelqu’un en faisant un détour et voyager avec un étranger à côté de soi crée une forme d’inconfort. Les Français n’y sont pas prêts pour des trajets du quotidien. » D’où son interrogation : « Ne vaudrait-il pas mieux mettre ailleurs l’argent qu’on consacre à ce mode de transport ? » Jean-Michel Lattes se montre plus nuancé : « Sur le territoire de Toulouse où il y a des jeunes ingénieurs, nous obtenons de belles réussites en matière de covoiturage. C’est moins le cas avec des populations plus âgées. » L’étude du Forum Vies Mobiles sur la zone de pertinence du covoiturage montre ses limites lorsqu’il est organisé par des plateformes, mais des résultats plus encourageants lorsqu’il s’effectue de manière informelle. Pour Tom Dubois, le recours à ce mode de déplacement est pénalisé par l’étalement du territoire et les nouveaux rythmes de travail. Si bien qu’en zone rurale, où ces transports pourraient sembler pertinents, il est plus difficile de trouver une solution de covoiturage que dans des zones plus denses. Le covoiturage peut être une solution intéressante, mais elle n’est pas forcément évidente à mettre en place, juge Bastien Soyez. Le représentant de Transdev préconise de mettre l’accent sur le transport à la demande qui peut bénéficier d’un meilleur taux de groupage grâce au numérique. « En transportant deux personnes, on peut faire baisser le coût de la course », ajoute-t-il.

Simplifier les déplacements

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Arnaud Coiffard

La vocation de SNCF Connect & Tech est de concevoir et de développer des technologies nécessaires au réseau de transport, pour le compte de la SNCF, d’opérateurs et d’autorités organisatrices de la mobilité. L’objectif est de faciliter l’accès à l’offre. C’est ainsi que l’entreprise a mis en place un partenariat avec Airweb (spécialiste de la vente dématérialisée des titres de transport) pour la distribution de titres urbains, à des fins de complément de parcours dans 30 villes. « Avant l’arrivée dans une gare, nous incitons les voyageurs, par une notification, à acheter un titre du réseau local. Nous ciblons les touristes ou les voyageurs occasionnels », détaille Arnaud Coiffard, le directeur Innovation et nouveaux marchés de SNCF Connect & Tech.  La filiale numérique de SNCF Voyageurs s’efforce aussi de proposer des solutions facilitant le recours aux transports publics. Ainsi, en Nouvelle-Aquitaine, l’entreprise a lancé l’offre JustGo. Plus besoin d’acheter un billet avant de voyager, il suffit de lancer l’application qui permettra le postpaiement, en garantissant le meilleur tarif. La société cherche également à simplifier le paiement des titres de transport, en acceptant les chèques vacances et les cartes forfait mobilité durable.

De son côté, la métropole de Toulouse a expérimenté la validation par carte bancaire sur la navette aéroport. Dès la mise en place de cette possibilité, 33 % des usagers l’ont adoptée. Un succès qui a poussé la collectivité à déployer ce mode de paiement sur tout son réseau de transport public. « 35 % des voyages occasionnels sont payés par ce biais », témoigne aussi Laurent Sénécat. Selon lui, en facilitant l’accès aux transports publics, ce mode de paiement a permis d’augmenter le trafic de 1 à 2,5 %.
En plus de Besançon, il est possible de valider son transport avec une carte bancaire à Perpignan, Lyon ou encore Amiens.  
Pour Arnaud Coiffard, c’est un mode de paiement parmi toute la palette de solutions possibles qui peuvent être complémentaires les unes des autres. La dématérialisation du paiement peut aussi passer par un smartphone. Pour inciter à prendre davantage les transports en commun, le représentant de SNCF Connect & Tech compte aussi sur l’intelligence artificielle (IA) qui permettra d’améliorer la relation client et de proposer une offre plus personnalisée, en fonction du profil (famille, célibataire, personne à mobilité réduite…). Laurent Sénécat se dit favorable à cette personnalisation, y compris lorsqu’il s’agit de créer une offre de transport. « Il faut aller au-devant des gens, comprendre leurs besoins, afin de leur apporter une solution qu’ils aient envie d’essayer. »

Pour changer les habitudes, Arnaud Coiffard table aussi sur l’encouragement. « En informant les voyageurs sur le bilan carbone de leurs déplacements et les économies réalisées par rapport à la voiture, nous espérons déclencher une prise de conscience qui encouragera le report modal. » D’où le lancement, le 7 décembre, de Retrainspective qui permet de retrouver les voyages effectués sur l’année 2023 pour connaître son empreinte carbone annuelle. 

Ces entreprises, qui se mobilisent pour les transports publics, demandent-elles à leurs salariés de donner l’exemple ? Citons Keolis qui a acheté des vélos qu’elle prête à ses collaborateurs pour leurs trajets domicile-travail. L’entreprise a aussi supprimé trois voitures de service. À la place, des voitures sont louées au coup par coup dans une station Citiz à proximité. Un changement qui a d’abord été mal vécu. Laurent Sénécat assume. « Si on veut bouger et donner l’exemple, il faut parfois en passer par des obligations. » Un avis partagé par Jean-Michel Lattes : « Pour réduire la place de la voiture, l’incitation ne suffira pas. Il faudra aller vers la contrainte pour changer les comportements, afin de répondre aux enjeux pour la planète. »

À la métropole de Toulouse, il a pu constater que le remplacement de véhicules de fonction par des vélos électriques avait aussi été, dans un premier temps, vécu comme une obligation malvenue, avant que les salariés ne finissent par réaliser que le vélo électrique avait des avantages (pas besoin de tourner pour trouver une place par exemple). Désormais, ils en réclament davantage. L’élu en déduit que, pour faire basculer les citoyens vers des modes plus vertueux, il faut qu’ils y trouvent un intérêt dans leur quotidien. Cela a aussi été le cas lorsque la métropole a inauguré son téléphérique à Toulouse. L’utilisation de ce mode de transport peu polluant est vue comme un bonus par les usagers qui l’empruntent parce qu’il permet de réaliser un trajet en dix minutes, contre 30 en voiture auparavant. « Si malgré tout, cela ne fonctionne pas, c’est parce qu’on a trop concentré l’offre de transports collectifs dans les centres, trop investi dans les LGV au détriment des lignes du quotidien, développé une logique de concurrence entre modes, plutôt que leur complémentarité, mais aussi parce qu’il n’y a pas assez de contraintes d’usage de la voiture », estime de son côté Tom Dubois. Selon lui, les politiques qui prônent le recours aux véhicules électriques ou autonomes sont toujours trop favorables à la voiture. Et n’apportent pas de solutions réelles. 

Faire de la route une solution 

Bastien Soyez confirme : « On compte trop sur l’électrification de la voiture individuelle pour décarboner. Or, les batteries posent le problème de ressources de lithium et de nickel, on se fourvoie. » Il considère qu’il serait judicieux de profiter de l’important maillage routier français pour proposer davantage de bus et de transports à la demande. C’est aussi l’avis du représentant du Forum Vies Mobiles qui considère qu’étant face à un mur d’investissements pour décarboner les transports, il est impératif de mieux utiliser notre réseau routier, « en faisant en sorte de mettre plus de personnes dans chaque voiture et moins de voitures sur les routes et en réutilisant une partie du réseau pour donner des voies dédiées au collectif, au vélo et à la marche. »
D’où cette conclusion d’Arnaud Coiffard : « Le nouveau plan social des mobilités implique une coopération entre les AOM, l’opérateur et tout l’écosystème pour rendre les transports plus fluides et moins carbonés. » 

Valérie chrzavzez

 

ATELIERS D’EXPERTS

Financement de la mobilité : pensez Banque des Territoires

logo caisse des depots copieLa Banque des Territoires veut accélérer l’évolution vers une mobilité plus durable et inclusive en accompagnant les métropoles. Forte de ses 35 implantations, elle propose de mettre son expertise de conseil et d’ingénierie au service des acteurs de la mobilité et des collectivités, pour accompagner la structuration des projets au plus près du terrain. « La BPI propose des crédits d’étude pour accompagner financièrement ceux qui le souhaitent. Elle peut prendre une participation au capital de sociétés ayant des projets visant à aller vers des transports décarbonnés. Ou encore proposer une offre de prêts à long terme couvrant l’ensemble des problématiques des projets et visant à parvenir à un report modal, au décongestionnement des routes et à faciliter l’accès à une mobilité qui permette la transition écologique », détaille Thomas Sanchez, responsable d’investissement énergie, écologie et numérique. La banque a déjà accompagné des métropoles en finançant des projets d’aménagement de la voirie pour les mobilités douces, ou encore pour déployer des solutions de mobilités partagées et inciter au report modal. Elle peut aussi aider au déploiement d’une billettique dématérialisée, d’un système MaaS, de bornes de recharge, de stations d’avitaillement en bioGNV ou H2, ou encore à acquérir des rames de TER à motorisation décarbonnée ou bien à rénover des rames anciennes…

 

Fortal : la sécurité made in Alsace

logo fortal made in france copieFortal est une entreprise familiale implantée à Barr (67), qui propose, depuis 1985, des solutions sécurisées pour éviter les chutes de hauteur, deuxième cause de mortalité au travail. L’entreprise  met à disposition des acteurs de la mobilité, des solutions sur mesure pour sécuriser l’accès des toits des trams, des TGV, ou encore des bus. Ses structures en acier, produites en France, sont réglables, faciles à déplacer et d’un encombrement réduit. Fortal, qui a déjà réalisé plus de 1 000 projets pour des clients français comme la RATP, Keolis, la SNCF ou Transdev, intervient aussi en Suisse où elle a une filiale, et pour Alstom dans le monde entier. L’entreprise qui réalise 55 M € de CA dont 20 % à l’export, avec 200 collaborateurs, assure aussi la maintenance de ses produits.

 

Ewa

Les priorités de Jean-Marc Zulesi

Portrait de Jean-Marc Zulesi dans le jardin des Quatre colonnes du palais Bourbon.
© Jean-Luc Hauser

Jean-Marc Zulesi est arrivé avec une bonne nouvelle le 9 novembre, jour de son intervention devant le Club VRT : la veille, la commission mixte paritaire au Parlement s’était entendue sur un texte commun sur les services express régionaux métropolitains, ouvrant une adoption rapide de la loi. Loi qui devait être votée avant la fin de l’année. L’idée de lancer des services express régionaux métropolitains (Serm) dans une douzaine de métropoles, à l’image du RER francilien, a été portée au plus haut niveau par Emmanuel Macron en novembre 2022. Reprise par Jean-Marc Zulesi, dans le cadre d’une proposition de loi, le processus a ainsi pu avancer vite.

 

Un cadre large pour les RER métropolitains

Le député s’est réjoui des nouveaux principes définis par les parlementaires qui fixent un cadre juridique à ces grands projets, permettant leur déploiement dans les dix prochaines années. Le texte donne une définition large des Serm, incluant non seulement des TER mais aussi des cars à haut niveau de service, des pistes cyclables, du covoiturage… Bref, tout ce qui peut contribuer à la mobilité dans les territoires dans une logique d’intermodalité, a résumé le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale.

Il prévoit aussi le renforcement du rôle des collectivités territoriales dans le processus de déploiement. « La priorité de la loi est de créer une ossature ferroviaire mais aussi de favoriser la multimodalité. Si les collectivités souhaitent s’appuyer sur des solutions décarbonées comme les cars express, des transports fluviaux, une offre de pistes cyclables pour compléter l’offre ferroviaire, c’est positif car cela permet de désenclaver les territoires et d’aller dans le bon sens », explique l’élu. Les députés souhaitent une tarification spécifique pour les péages ferroviaires qui seront appliqués aux circulations des Serm afin de soutenir leur lancement. « Il faut parvenir à réduire les redevances, tout en veillant à ne pas obérer la capacité d’investissement de SNCF Réseau », souligne Jean-Marc Zulesi.

Pour être labélisés (sésame pour obtenir des financements), les projets devront faire l’objet d’une concertation entre l’État, la région, les autorités organisatrices de la mobilité, les départements et, le cas échéant, les gestionnaires d’autoroutes et de voies routières express du périmètre. « Le statut de Serm sera conféré par arrêté du ministre des Transports, après délibération des conseils régionaux concernés », explique le député.D’où l’intérêt d’un billet unique permettant de combiner facilement les différents modes de transports collectifs publics dans le périmètre d’un Serm.

Un défenseur des transports publics et de l’aménagement du territoire

Député des Bouches-du-Rhône depuis 2017 spécialiste reconnu des mobilités, Jean-Marc Zulesi a été rapporteur, entre autres, du volet innovation de la loi d’Orientation des mobilités (LOM), du volet transport de la loi Climat-Résilience ou encore auteur d’un rapport sur les mobilités actives, il est devenu coordinateur du groupe LREM au sein de la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire en 2020, puis a pris la présidence de cette commission en juin 2022. Il est à l’origine de la proposition de loi sur les RER métropolitains

Un nouveau rôle pour la SGP

La loi prévoit de s’appuyer sur l’expertise de la société du Grand Paris, rebaptisée Société de Grands Projets (SGP). Il s’agit de faire bénéficier les territoires de son expérience et notamment de son analyse technique et financière, a expliqué Jean-Marc Zulesi. La SGP sera ainsi chargée de participer à la conception, à la maîtrise d’ouvrage et au financement des infrastructures nécessaires aux futurs Serm mais uniquement s’il s’agit d’infrastructures nouvelles. Ou sur des infrastructures existantes si et seulement si elles sont ouvertes à l’exploitation mais non circulées depuis au moins cinq ans. Dans les autres cas, c’est SNCF Réseau qui a compétence.

Le Sénat souhaitait aussi conditionner le contrôle des ZFE-m (Zones à faibles émissions de mobilité) à l’existence des Serm, Jean-Marc Zulesi a préféré une autre formulation, « de manière à ce qu’on puisse déployer des Serm là où il y a des ZFE, mais pas uniquement. Les Serm doivent être un argument pour accompagner les citoyens dans l’acceptabilité des ZFE-m et un argument supplémentaire pour les élus pour faire labelliser leurs projets ».
Pour atteindre l’objectif de créer au moins une dizaine de Serm dans les dix prochaines années, des mesures de simplification ont été décidées, notamment pour les déclarations d’utilité publique. « Cela devrait permettre de gagner quelques mois à quelques années dans les déploiements. Un projet comme celui des Hauts-de-France par exemple, nécessitant des infrastructures nouvelles, demandera du temps. Mais pour d’autres, où il “suffit“ d’augmenter la cadence, les mises en service pourraient se faire à des échéances plus courtes. Le temps d’améliorer les infrastructures existantes et de disposer des trains pour répondre à la demande. On pourrait ainsi voir les premiers résultats de la loi d’ici deux à cinq ans », estime le parlementaire. Interrogé sur les débuts difficiles d’un des premiers Serm, celui de Strasbourg, où 600 trains de plus circulent autour de la métropole, Jean-Marc Zulesi relativise : « Les critiques ont été sévères. Mais après quelques difficultés au départ, liés à des problématiques d’organisation et de ressources humaines, la cadence est intéressante et les citoyens sont satisfaits. C’est un exemple à suivre en évitant de reproduire les mêmes erreurs dans les projets à venir. »

Le contrat de performance Etat- SNCF Réseau doit être révisé

Du côté du ministère des Transports, on confirme les propos de Jean-Luc Zulesi selon lesquels le contrat de performance État-SNCF Réseau sera révisé sans doute avant la fin de l’année. L’objectif est de passer progressivement de 3,2 milliards d’euros dépensés en 2024 pour régénérer le réseau à 4,5 milliards d’euros en 2027. Puis de rester sur cette tendance. Le but est non seulement d’arrêter le vieillissement du réseau (pas avant 2030 si tout va bien) mais aussi de donner de la visibilité aux entreprises (cinq ans est un minimum) pour qu’elles puissent investir des sommes importantes dans des outils de renouvellement des infrastructures ferroviaires. Toutefois, pour le moment, ce n’est pas l’Etat qui va mettre la main à la poche. En 2024, c’est la SNCF qui apportera, via son fonds de concours, les 300 millions d’euros supplémentaires permettant de passer à plus de 3 milliards. Le ministère rappelle d’une part que la situation financière de la SNCF le permet, d’autre part que l’Etat renonce ainsi à des dividendes. Et les années suivantes ? On verra…

L’épineuse question du financement

Reste à régler la question du financement. Le coût total des Serm est estimé entre 15 et 20 milliards d’euros par le conseil d’orientation des infrastructures. Le Président de la République a annoncé qu’il mettrait quelques 800 millions sur la table pour amorcer la pompe et contribuer notamment à des études. Pour trouver de nouvelles ressources, Jean-Marc Zulesi dit avoir accepté la proposition sénatoriale d’une conférence nationale de financement, qui sera organisée avant le 30 juin 2024. Elle réunira l’État, les régions, les métropoles, SNCF Réseau, la SGP… Sans s’avancer sur les conclusions, le député évoque des pistes et rappelle que la SGP est une société publique capable de lever de la dette pour financer des projets d’infrastructures. « Le modèle a marché sur le Grand Paris et mérite d’être déployé localement. » Mais seulement une fois que la SGP aura achevé sa mission sur le périmètre parisien, selon Jean-Marc Zulesi.

De plus, poursuit-il « au regard des ressources humaines dont elle dispose, la SGP ne pourra pas aller sur tous les projets, sur tous les territoires. » Il rappelle que son souhait de lever le plafond d’emplois de l’entreprise a reçu un avis défavorable du gouvernement. Il a depuis déposé un amendement permettant d’augmenter de 20 ETP (équivalent temps plein) les effectifs de l’entreprise en 2024. « Cela ne suffira pas pour répondre aux sollicitations dans les années à venir », prévient-il, avant d’imaginer que la SGP pourrait prendre 20 % de la maitrise des premiers projets, puis pourra monter en puissance sur des projets de plus long terme, en fonction de la volonté des collectivités territoriales. Pour trouver les moyens supplémentaires, Jean-Marc Zulesi évoque également le recours à une fiscalité locale, à l’instar de la taxe annuelle sur les bureaux en Île-de-France qui permet de financer des infrastructures. Et il plaide pour la modulation du versement mobilité (VM) pour financer l’exploitation. « Les sources de financement sont nombreuses. Ce n’est pas une équation impossible à résoudre. On peut y arriver en donnant de la perspective et de la visibilité dans les offres de transport qui seront proposées localement », affirme-t-il.

Il rappelle que la loi Climat et résilience donne la possibilité aux régions de lever une contribution spécifique sur le transport routier de marchandises (TRM). C’est cette mesure, également appelée écotaxe, que l’Alsace compte mettre en vigueur en 2024. « Son objectif est de limiter le report de camions européens dans la région, ces reports étant effectués pour contourner la fiscalité sur le TRM existant en Allemagne et en Suisse », explique l’élu des Bouches-du-Rhône, en rappelant que toutes les régions peuvent le faire et affecter les recettes à la décarbonation des transports.

Pour une loi de programmation

Plus généralement, Jean-Marc Zulesi se dit convaincu de la nécessité d’une loi de programmation des infrastructures, perspective attendue de longue date. Sur ce sujet, il se veut optimiste : « En 2024, nous aurons sans doute une loi pour décliner le plan de 100 milliards annoncé par la Première ministre. C’est le rôle de l’Etat pour les infrastructures. » Mais il prévient qu’il faudra aussi « compter sur les collectivités territoriales pour financer à la fois les infrastructures et donner des perspectives sur les services à proposer. »

L’invité du Club VRT est aussi revenu sur le contrat de performance État-SNCF Réseau, adopté en avril 2022 et beaucoup critiqué pour l’insuffisance de ses moyens. Le député dit regretter que des financements supplémentaires n’aient pas été accordés au gestionnaire des infrastructures ferroviaires dans le cadre du projet de loi de finances en cours de discussion au Parlement. Il rappelle être monté au créneau, avec d’autres parlementaires, pour demander des fonds supplémentaires pour la régénération du réseau. « Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Mais la volonté de l’Etat c’est de demander à la SNCF de s’appuyer sur le fonds de concours déployé depuis la réforme du pacte ferroviaire. En gros, les dividendes générés par SNCF Voyageurs arrivent dans le fonds de concours et participent à la régénération du réseau. » Il poursuit : « Je ne vois pas pourquoi on ne changerait pas le contrat de performance pour répondre aux exigences à la fois des Serm et de la régénération du réseau. Je pense que courant 2024 on aura de bonnes nouvelles pour le contrat de performances de Réseau. Ce serait bien normal vu les enjeux à venir. »

Un soutien nécessaire au fret ferroviaire

A ceux qui s’inquiètent du démantèlement programmé de Fret SNCF et craignent en conséquence un report des marchandises vers la route, Jean-Marc Zulesi rappelle les faits : la France a versé 5,3 milliards d’euros à l’entreprise entre 2007 et 2019. Aides qui font l’objet d’une enquête à Bruxelles. Pour éviter un remboursement par Fret SNCF, qui conduirait à sa liquidation, l’entreprise va devoir céder 20 % de ses activités à ses concurrents. « C’est la moins mauvaise solution proposée », assure l’élu. Il faut, estime-t-il, continuer à soutenir le développement du fret ferroviaire pour atteindre l’objectif de doublement de sa part modale, en la portant de 9 % à 18 % d’ici 2030, comme le demande la loi Climat. 170 millions d’euros d’aides annuelles sont prévues jusqu’en 2024 pour soutenir les opérateurs. Ces aides permettront la prise en charge à hauteur de 50 % des péages dus par les opérateurs à SNCF Réseau, le versement de 70 millions aux wagons isolés, 47 millions pour le transport combiné via une aide supplémentaire au coup de pince et 15 millions pour des projets d’autoroutes ferroviaires. L’élu compte aussi sur l’Europe pour aller chercher des moyens destinés à développer des corridors européens et entend travailler au rééquilibrage des coûts entre le ferroviaire et routier. « Soit en augmentant les coûts de la route ou en baissant ceux du fer afin d’équilibrer les conditions de concurrence entre ces deux modes. »

A l’origine du leasing social

Pour décarbonner les transports, le gouvernement mise sur le véhicule électrique, mais pas seulement, affirme le député. Le projet de loi de finances prévoit 1,5 milliard d’euros destinés à la prime à la conversion, au bonus écologique et au leasing social qui permettra de proposer un véhicule électrique pour 100 euros par mois aux plus modestes. Pour limiter l’impact de la voiture électrique sur l’environnement, il a aussi été mis en place un malus pour les véhicules de plus de 1 800 kilos. Pénalité qui s’ajoute au malus CO2, destiné à inciter les constructeurs à revoir la conception de leurs véhicules, afin de limiter leur emprise sur l’environnement.

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Le Club VRT s’est tenu le 9 décembre dans nos locaux de la rue de Clichy, à Paris.

Et demain ?

L’agenda est encore chargé pour les mois à venir. « Nous allons travailler sur l’ouverture à la concurrence des bus transiliens sur le périmètre parisien. Nous aurons à discuter de la proposition de loi relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic. » Il faudra aussi évaluer la loi d’orientation des mobilités (LOM) à laquelle il a contribué il y a quelques années. C’est prévu pour 2024. Jean-Marc Zulesi prévoit aussi de réaliser un tour de France des Serm.

« Nous irons expliquer aux élus et aux acteurs locaux la volonté du législateur, afin que cette loi puisse accompagner la dynamique ». Selon lui, l’enjeu, en 2024, sera de donner « de la visibilité sur les investissements ». Et de résumer : « Nous souhaitons donner aux collectivité les moyens de développer leurs ambitions, au plus proche des territoires. »

Valérie Chrzavzez