Je me connecte

E-mail*
Mot de passe*

> Mot de passe oublié?

Je m'inscris

*Champs obligatoires

Conformément à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée en 2004, vous bénéficiez d’un droit d’accès et de rectification aux informations qui vous concernent.
1. Mon Compte
2. Mes activités
3. Mes Newsletters

Vous devez lire et accepter nos conditions générales de vente et d’utilisation *

* Mentions obligatoires

Je souhaite recevoir la newsletter :

Je m'enregistre

Mot de passe oublié ?

Ewa

Ile-de-france : alerte au signal d’alarme

2avril2010d300

Les « bons » chiffres relevés en 2011 par la SNCF ne doivent pas faire oublier qu’en Ile-de-France les recours au signal d’alarme sont dans 95 % des cas abusifs et, sur certaines lignes, responsables de 10 % des retards annuels. Le dispositif de 2009 réprimant l’entrave à la circulation des trains va être assorti d’une nouvelle campagne de sensibilisation du public et de contrôles renforcés. En février 2011, déjà, la SNCF en Ile-de-France avait tenu à mettre en garde : l’abus du signal d’alarme nuit gravement à la régularité des trains. Sur le réseau Transilien, le nombre de signaux tirés avait augmenté de 7 % de 2009 à 2010 et de 25 % en quatre ans. Depuis, une mobilisation générale et la création d’un nouveau délit d’entrave à la circulation ferroviaire ont montré qu’on pouvait faire quelque chose : en effet, en 2011, la tendance régulière à la hausse s’est inversée. On a constaté une baisse de 21,5 % du nombre de signaux d’alarme tirés abusivement et donc du nombre de trains touchés (9 187 contre 12 219 en 2010). Et du coup, bien sûr, une baisse du nombre de minutes de retard cumulé (106 897 mn soit 74 jours, contre 99 jours en 2010).
Mais l’impact du phénomène reste considérable, comme en témoignent quelques autres chiffres. Un signal d’alarme, c’est en moyenne 10 mn de retard pour le train concerné. Et par effet boule-de-neige, en pointe, cela peut provoquer le retard de plusieurs dizaines de trains transportant plusieurs dizaines de milliers de voyageurs… Il faut donc relativiser les « bons » chiffres 2011 car ce sont tout de même 6 729 signaux tirés abusivement en Ile-de-France. Soit 18 par jour en moyenne. Et un total de 12 828 trains retardés de plus de cinq minutes ou supprimés. Rageant lorsque l’on sait que le signal d’alarme est tiré, dans 95 % des cas, de façon abusive, c’est-à-dire sans situation de danger.
Transilien remonte aujourd’hui au créneau, parce que l’Ile-de-France est la région la plus touchée par ce phénomène : les tirages abusifs y ont représenté, en 2011, 84 % des incidents de ce type recensés sur l’ensemble du réseau. Et si ses responsables décident de taper à nouveau du poing sur la table, c’est parce qu’on constate que le nombre d’incidents de ce type repart à la hausse depuis décembre 2011. La situation est particulièrement préoccupante sur certaines lignes comme la J, qui relie Paris-Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie. Déjà en 2010, c’était la plus touchée par ce phénomène qui avait entraîné 10 % des retards annuels.
Après une amélioration en 2011, avec une baisse du nombre de signaux tirés de 17 %, il y a une nouvelle dégradation. On enregistre sur cette ligne une moyenne de neuf alarmes abusives au quotidien, ce qui en fait la ligne la plus touchée devant les RER B et D. Conséquence directe : plus d’une heure de retard cumulé chaque jour et 11 trains retardés ou supprimés sur cette seule ligne J. Depuis novembre, on constate aussi une légère remontée du nombre de signaux tirés sur la région Paris-Rive gauche.
La SNCF lance donc une nouvelle campagne pour sensibiliser le public aux conséquences de ces actes, en particulier dans les écoles et les collèges. Elle annonce aussi que les contrôles vont être renforcés. Et puis, ligne par ligne, de nouvelles initiatives sont expérimentées. Cela va de la formation d’agents SNCF habilités à réarmer les signaux d’alarme en gare, à la mise en place de dispositifs adaptés sur les trains. Dans ce combat au quotidien, alors que la moindre baisse de vigilance peut avoir des conséquences directes sur des milliers de voyageurs, toutes les innovations sont bonnes à prendre.
    

Pascal Grassart

 Des lignes plus touchées
Les lignes SNCF Transilien du réseau de Paris-Saint-Lazare – soit la partie SNCF du RER A, les lignes J et L, vers Cergy-le-Haut, Saint-Nom-la-Bretèche et Versailles-Rive-Droite – représentent à elles seules un tiers des signaux d’alarme tirés sans raison valable en Ile-de-France et un quart de ceux tirés en France.

Quand les scolaires abusent
Sur l’ensemble des lignes Transilien, la majorité des signaux d’alarme abusifs sont tirés par des jeunes d’âge scolaire. Un tiers sont tirés entre 16 h et 20 h, dont une forte proportion par des jeunes pendant leurs déplacements domicile – collège ou domicile – lycée. Et un quart le sont le samedi, notamment dans les trains permettant d’accéder à Paris et d’en revenir. Principaux motifs de ces actes malveillants : le jeu, la provocation, le désir de maîtriser le territoire, des représailles après une verbalisation pour traversée des voies par exemple ou pour non-respect de l’interdiction de fumer en gare…

Un nouveau délit
La SNCF a fortement communiqué sur la création par le législateur, en décembre 2009, d’un nouveau délit de « trouble ou d’entrave à la mise en marche ou à la circulation des trains ». En cas d’usage sans justification réelle du signal d’alarme « dans l’intention clairement établie de troubler ou entraver la marche des trains », il prévoit que l’auteur peut être sévèrement puni, jusqu’à six mois de prison et 3 750 euros d’amende. Depuis, une dizaine d’interpellations suivies de dépôts de plaintes ont été enregistrées en Ile-de-France. Toutefois, selon la SNCF, « aucune peine dissuasive ne semble avoir été prononcée à ce jour ».

 

Pour faire réfléchir avant d’agir

Sur la ligne D, des rames ont été équipées de « buzzers ». Ce signal sonore de forte intensité vise à attirer l’attention des passagers et à dissuader ceux qui tirent le signal sans raison. Le Francilien est conçu pour permettre de réarmer le signal d’alarme depuis la cabine de conduite. Intérêt essentiel : le conducteur n’a plus à sortir de sa cabine d’où il constate, par interphonie et à l’aide de caméras embarquées, la cause de l’alerte. Il peut l’annuler sans se déplacer. D’où le gain de précieuses minutes. La SNCF étudie la mise au point d’un boîtier transparent protégeant le signal d’alarme des trains du RER D. Objectif : mieux matérialiser le caractère exceptionnel de l’usage du dispositif et donner un temps « moral » de réflexion à la personne qui s’apprête à tirer le signal.
Depuis 2008, des agents SNCF présents dans les gares ont été formés au réarmement des signaux d’alarme, après autorisation du conducteur qui peut rester dans sa cabine et donc gagner du temps. C’est notamment le cas des agents de la Suge ainsi que, sur la ligne J, des agents de plusieurs gares. Résultat : le temps de réarmement d’un signal est passé de 13 mn en moyenne en 2009 à 8 mn en 2011 sur les lignes du réseau Paris-Saint-Lazare.

Ewa

A Roanne, le Point City associe transports et commerces

RoannePointCITYphoto

Le réseau de transports en commun de Grand Roanne Agglomération, Star, exploité par Veolia-Transdev, et les commerçants réunis dans l’association Vitrines de Roanne ont dressé, le 5 avril, un bilan du Point City. Le réseau de transports en commun de Grand Roanne Agglomération, Star, exploité par Veolia-Transdev, et les commerçants réunis dans l’association Vitrines de Roanne ont dressé, le 5 avril, un bilan du Point City. Ouvert en décembre 2010, le Point City est un espace réunissant les services utiles aux usagers de tous les modes de transport en commun, y compris la SNCF, ainsi que les modes doux, et les attentes de la clientèle des commerces et services, soit plus de 200 enseignes.
Installé en plein centre-ville, dans l’ancienne agence Star, cet espace associant transports et commerces est d’autant plus original – par rapport aux exemples de Bayonne, Metz, ou Angers – qu’il mutualise les moyens humains comme matériels.
Tous les employés, les trois de la Star et les deux de Vitrines de Roanne, sont polyvalents. Après avoir suivi une formation, ils peuvent renseigner les usagers des transports comme les clients des commerces. Les outils informatiques qui les assistent ont été pensés pour être compatibles aux deux usages. Les deux partenaires partagent également le loyer et les charges. Pour mettre en place cette structure originale, ils ont bénéficié du plan Fisac (Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce), une aide de l’Etat visant à redynamiser le commerce de centre-ville, complété par le soutien de l’agglo, la ville et Veolia.
Après plus d’un an de fonctionnement, les deux partenaires ont gagné en qualité de service, en visibilité et en amélioration de leurs performances commerciales respectives (plus de clients touchés et des opportunités de mener des actions commerciales communes). Au total, plus de 40 000 produits ont été vendus (chèques Cad’Oh ! et titres Star), avec une progression de 23 % de titres de transport. Le Point City joue aussi la carte du service, en nouant des partenariats avec l’équipe de basket la Chorale de Roanne, et celle de rugby à 15, attirant ainsi au Point City, un public toujours plus large. Deux mille places pour les matchs de basket de La Chorale ont été vendues dans le Point City.
Développer encore l’offre de billetterie fait d’ailleurs partie des objectifs pour cette année et les suivantes. D’ici l’été, le Point City proposera un service de livraison à domicile des achats faits en centre-ville. Une manière d’inciter les clients à utiliser les transports en commun. Et cette livraison (3 euros en ville, 6 euros dans l’agglo et 9 euros hors agglo dans un rayon de 10 km) se fera grâce à des véhicules électriques conduits par des chauffeurs de l’association d’insertion Aid’auto 42, qui collabore déjà avec le réseau Star.   

Y. G.

Ewa

Marseille – Francfort, grand parcours, petit marché

Captured¹écran2012 04 10à11.13.08

Les Velaro ne sont pas prêts. Ce sont donc des Euroduplex qui assurent la liaison quotidienne Marseille – Francfort. Le fruit d’une collaboration entre la SNCF et la DB au sein d’Alleo. On attend 150 000 voyageurs par an Francfort est désormais relié à Marseille à grande vitesse. Même si le temps de trajet, qui reste supérieur à 7 heures, n’en fait pas la star des relations ferroviaires, elle représente une belle course d’endurance, d’environ 1 000 km. La relation ferroviaire entre les deux villes est raccourcie d’environ 90 minutes. Au passage, les trains à grande vitesse desservent les villes d’Aix-en-Provence, Avignon, Lyon, Mâcon, Chalon-sur-Saône, Besançon, Belfort-Montbéliard, Mulhouse, Strasbourg, Baden-Baden, Karlsruhe et Mannheim.

La relation, qui a commencé le 23 mars, va en un premier temps être assurée seulement par des Euroduplex d’Alstom, dont la SNCF a commandé 55 exemplaires. Car les rames Velaro 407 de Siemens, fort attendues, ne sont pour leur part pas homologuées. Lors de la mise en service de la LGV Est, on avait eu droit à une double homologation, le même jour, des rames POS en Allemagne et des rames ICE 3 en France. Et les responsables d’Alstom craignaient qu’on reste dans cette logique de réciprocité fort politique… qui, cette fois, se serait manifestée négativement : les rames Velaro n’étant pas homologuées pour la France, on risquait une non-homologation des rames Alstom en Allemagne. Il n’en a rien été et Jérôme Wallut, le patron France d’Alstom, se félicite que l’EBA, l’Eisenbahn Bundesamt, ait « parfaitement joué son rôle, et, se fondant sur de purs critères techniques, ait donné le feu vert aux Euroduplex ». En fait, selon des informations moins diplomatiques dont nous disposons, il semble bien que les Allemands aient traîné les pieds avant d’autoriser les nouvelles rames à deux niveaux d’Alstom à desservir Francfort.

Mais tout est bien qui finit bien pour les industriels français, et la nouvelle relation a pu commencer. Alstom se réjouit de voir ses rames homologuées, non seulement pour la desserte de Francfort, mais pour toute l’Allemagne. Des rames qui sont homologuées pour la Suisse aussi.

Quant à Rüdiger Grube, le patron de la DB, il ne cache pas son agacement devant les retards de son fournisseur historique. On est en tout cas loin du fier « Wir kommen » (« Nous arrivons ») qu’on pouvait lire, lors de la dernière édition d’Innotrans, en 2010, sur un Velaro dont l’afficheur indiquait pour destination : Marseille. Rüdiger Grube est d’autant plus impatient qu’il a grand besoin de ces rames, beaucoup plus que pour la desserte Marseille – Francfort, pour remplacer les ICE sur la LGV Est et, surtout, pour aller d’Allemagne jusqu’à Londres…

Sur l’axe Francfort – Marseille, empruntant la LGV Rhin-Rhône, la SNCF et la DB se sont entendues comme elles le font déjà sur la LGV Est. C’est donc dans le cadre d’Alleo (50 % SNCF, 50% DB) qu’est exploitée la nouvelle relation. L’alliance, nouée jusqu’en 2015, s’est imposée, sans doute parce que ça ne vaut pas la peine de s’écharper sur une relation qui devrait compter quelque 150 000 clients par an, et pour laquelle 12 000 réservations ont été enregistrées au premier jour de l’exploitation. En un premier temps, c’est donc une seule relation par sens qui sera proposée entre Francfort et Marseille : départ Francfort 14h, arrivée Marseille 21h46 : départ Marseille 8h14, arrivée Francfort 15h58. Pour doper la fréquentation, les partenaires consentent des petits prix : 39 euros comme prix d’appel sur les trajets Méditerranée – Allemagne (69 euros en première classe), 29 euros pour des trajets plus courts comme Mulhouse – Karlsruhe ou Strasbourg – Francfort (49 euros en première classe). De plus, les partenaires comptent sur la qualité de l’accueil, s’appuient sur des équipes trilingues à bord (allemand, français, anglais), proposent au client de première classe un repas à la place au-delà d’une heure de trajet, compris dans le prix du billet.

Si Francfort – Marseille vise simplement 150 000 clients annuels, sur l’ensemble des relations utilisant la LGV Rhin-Rhône, l’objectif est d’atteindre 11 millions de voyageurs par an. Pour Barbara Dalibard, directrice de Voyages SNCF, on est actuellement dans les clous, avec 2 millions de voyages effectués et 2,5 millions de voyages vendus. Prometteur, le taux de satisfaction des clients de l’axe est supérieur de 10 points à celui des autres TGV, en ce qui concerne le rapport qualité/prix. Quant à l’alliance Alleo, elle totalise plus de 6 millions de passagers internationaux entre les deux pays depuis le lancement de la relation en juin 2007. Un cumul avantageux, mais qui, ramené au trafic annuel, donne moins de 1,5 million de voyages par an. Pas négligeable, mais évidemment pas colossal.

F. D.

Ewa

A force de ménager la chèvre et le chou… par Pierre-Louis Rochet, ancien PDG de Systra et de SNCF International

Image3

Le plaidoyer de Thierry Mignauw publié récemment dans nos colonnes en faveur d’un chemin de fer intégré a trouvé un lecteur attentif en la personne de Pierre-Louis Rochet. Un homme de l’art attentif, et critique. Car l’ancien président de Systra et de SNCF International juge inéluctable l’évolution européenne vers la séparation du gestionnaire d’infrastructure et de l’opérateur historique, selon le modèle mis en pratique aujourd’hui par les Suédois ou les Espagnols. L’ancien dirigeant y voit un gage d’efficacité, permettant notamment au réseau hexagonal de redevenir pleinement une vitrine du savoir-faire ferroviaire français à l’international. J’ai lu avec grand intérêt au sujet de la réforme ferroviaire le long plaidoyer de Thierry Mignauw dans le numéro du 21 février, remarquablement complet et étayé. Ayant eu une expérience internationale étendue et professionnellement variée, je me permets de faire un certain nombre de remarques sur le texte de mon ancien collègue.
Tout d’abord, je suis aussi enclin que lui à regretter cette évolution européenne qui a détruit cette approche homogène nécessaire pour le fonctionnement du chemin de fer, système de transport à un seul degré de liberté, et je comprends parfaitement qu’il souhaite cette solution avec regroupement sous holding ! Ayant été autrefois chef d’établissement Infrastructure, puis Exploitation/commercial, je suis également sensible à l’aspect cohérence et système global, mais je pense que malheureusement l’évolution est inéluctable maintenant, et qu’en voulant en France « ménager la chèvre et le chou », nous nous sommes mis avec notre curieux montage GI/GID dans une situation ne pouvant pas permettre d’aboutir à des bons résultats.
Tout le monde en convient, et je renforcerai seulement les points d’inquiétude mentionnés par Thierry Mignauw sur la situation actuelle, en rajoutant qu’il est clair, vu du côté des industriels de la voie, que beaucoup de progrès dans l’infrastructure n’ont pas été mis en œuvre en France ces dernières années en raison des querelles d’experts GI et GID face aux innovations proposées par les industriels, dont certaines n’ont donc pu à ce jour bénéficier au réseau. Le résultat est aussi que le réseau français n’est plus suffisamment une vitrine pour aider, comme auparavant, les industriels français à l’export, car ces derniers doivent aller d’abord vendre leurs produits innovants ailleurs, dans des pays où le GI unique a une capacité de décision rapide.
En ce qui concerne le chapitre II au sujet des solutions autres qu’intégrées : bien entendu, toute solution intermédiaire est à proscrire, surtout si, comme j’ai cru comprendre, même avec le GI sous holding SNCF, un « new RFF » subsistant garderait un minimum de fonctions et peut-être même gérerait les demandes, ou au moins les recevrait, ainsi que les attributions de sillons ! Mais je pense de mon côté que la solution d’unification, « à la suédoise ou à l’espagnole », poussée jusqu’au bout, ne peut être maintenant que la voie efficace pour sortir de la situation actuelle très « péjorante » pour l’ensemble du système avec son gaspillage d’énergies, d’intelligences et de surcoûts.
Et je ne partage pas certaines des objections soulevées : en particulier, je crois que le nouvel établissement serait bien entendu placé sous la pression du client, et non pas isolé, car c’est lui qui gérerait les demandes de sillons, c’est lui qui serait en contact avec les régions pour l’organisation des transports régionaux et l’attribution de leurs sillons, c’est lui qui aurait à gérer les gares pour le compte des différents opérateurs.
Mais je suis bien d’accord avec Thierry Mignauw sur le fait que la concurrence intramodale comme, et également, celle avec les autres modes de transport doivent être bien régulées pour pouvoir s’exercer au mieux des intérêts de la collectivité ! Or ce n’est pas le cas aujourd’hui sur certains points aussi bien fiscaux que de support des coûts externes.
Je regrette aussi qu’il dise que la concurrence dans le fret n’a pas permis de relancer la dynamique ! Je crois au contraire que sans elle la part ferroviaire du fret serait encore plus faible aujourd’hui, et que l’ouverture est même sans doute arrivée trop tard. A ma connaissance, en 2011, quasiment la moitié du nouveau trafic fret des opérateurs privés a été reprise au mode routier.
Ne pouvant être schizophrène car ayant été chargé à une certaine époque de chercher à emmener la SNCF à l’international dans des exploitations privées, sur la base d’une excellente idée initiale du président Loïc Le Floch-Prigent, je ne peux qu’être favorable à la concurrence privée, et je suis persuadé que cela apporte des évolutions positives, mais bien entendu pas dans n’importe quelles conditions et sans régulation forte et claire, et effectivement Thierry Mignauw a raison dans sa liste des sujets qui seraient conditions de réussite.
En tout cas, je ne pense pas que la SNCF et les cheminots, de l’Infra ou non, seraient perdants dans l’hypothèse de la séparation totale, si le cadre est bien clair, car il y aura moins de frustrations, moins de pertes de temps pour tous, y compris industriels, les rôles seront bien plus évidents qu’aujourd’hui, que cela soit pour l’Etat, une Araf forte, l’EPSF, le GI et les opérateurs dont la SNCF, les ingénieries et les industriels également, et cela devrait se faire dans une perspective dynamique du monde ferroviaire, où chacun pourra trouver de nouveau sa motivation dans le développement global de l’activité.
En ce qui concerne les grands projets à l’international, nous avons gagné au début des années 90 en Corée du Sud la fourniture d’un système TGV, grâce à une SNCF forte, intégrée, et une approche bien coordonnée, mais récemment la partie espagnole a montré en Arabie saoudite qu’elle pouvait gagner la fourniture d’un tel système, avec en plus exploitation et maintenance sur douze ans, tout en étant clairement séparée en Espagne entre GI et opérateur historique, ce qui prouve bien que ce montage n’interdit pas d’être intelligent et de savoir travailler ensemble pour un succès à l’export !
Enfin, à propos du « rêve » sur DB/SNCF, oui, nous avons rêvé à une époque d’une Europe où l’ensemble DB/SNCF aurait pu dominer, celle-ci gérant le trafic voyageurs, celle-là le trafic fret, et à peu près au même moment, je crois, un autre rêve existait : Siemens/Alstom avec basiquement tous les trains à grande vitesse fabriqués en France et les locomotives en Allemagne ! Nous sommes réveillés maintenant, la réalité est là, surtout financière, ne laissons pas couler ce bel outil qu’est le système ferroviaire, et espérons que notre montage en France évoluera vite dans des conditions surtout claires !

Ewa

Le gouvernement installe son gendarme de la qualité dans les transports

P11 1

Un site a été lancé le 20 février pour donner aux voyageurs de multiples informations relatives aux trajets en train, en avion ou en car. Une autorité chargée de suivre l’évolution de la qualité de service dans les transports doit aussi contribuer à faire pression sur les opérateurs. Réagissant après plusieurs retards médiatisés d’avions et de trains, Nicolas Sarkozy l’avait réclamée lors de l’inauguration du TGV Rhin-Rhône en septembre. C’est chose faite. Nathalie Kosciusko-Morizet a installé le 16 février l’Autorité de la qualité de service dans les transports au sein du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) du ministère de l’Ecologie. Présidée par Eric Raoult, député de la Seine-Saint-Denis et maire (UMP) du Raincy, elle comprend 37 membres, parlementaires et représentants des collectivités publiques, opérateurs de transport, associations de consommateurs et personnalités qualifiées. Sa mission est d’inciter les opérateurs à améliorer leurs services en publiant des indicateurs fiables, notamment sur leur ponctualité. Des indicateurs recensés en partie depuis le 20 février dans un nouveau site, qualitetransports.gouv.fr.
Côté ferroviaire, c’est la SNCF qui devrait fournir les chiffres sur la ponctualité des trains après concertation avec RFF. En cas de désaccord (car leurs statistiques ne sont pas toujours concordantes), la Direction des circulations ferroviaires devrait avoir le dernier mot.
Ce site fournira aussi des explications sur les droits des voyageurs et les démarches à accomplir pour les faire valoir. Des réponses aux questions qui se posent le plus fréquemment sont en ligne, et des formulaires de réclamation ou d’inscription à des services accessibles. Par exemple, une personne handicapée pourra directement s’inscrire, via ce site, au service Accès plus de la SNCF. Des liens permettront d’être réorienté vers les sites des opérateurs ou d’administrations de l’Etat. Il sera enfin possible aux internautes de faire part de leurs avis. Ceux-ci seront transmis à la nouvelle autorité, qui sera aussi une force de propositions.
Dans un premier temps, seuls 120 liaisons aériennes et 100 trajets grandes lignes sont concernés. D’ici la fin de l’année, seront ajoutés les TER, les transports urbains des agglomérations de plus de 500 000 habitants et les cars interurbains. « Jamais un tel exercice dédié au service des passagers n’avait atteint une telle dimension en Europe », s’est félicité NKM. Et la ministre de l’Ecologie d’ajouter : « C’est également pour les pouvoirs publics un moyen d’exercer une pression amicale sur les opérateurs de transport pour qu’ils améliorent la fiabilité de leur service. Eux-mêmes sont demandeurs pour montrer que beaucoup de trains et d’avions arrivent aussi à l’heure. »
Pour l’association d’usagers Avuc, qui affirme avoir reçu près de 1 200 doléances à la suite des changements horaires des trains en décembre, dont « seules quelques dizaines ont été réglées », l’annonce de cette autorité « relève de la démagogie ». Dans un communiqué publié jeudi 16 février, elle assure que « la situation n’a cessé de se dégrader » et que « ni la SNCF ni RFF ni le gouvernement ni les régions n’ont été capables de régler les problèmes ». Selon des statistiques du ministère des Transports, 25 millions de bagages ont été égarés dans les aéroports en 2010, les TGV ont cumulé en décembre dernier 1 108 heures de retard et de leur côté les avions, 1 245 heures. Chaque année, en France, plus de 1 100 millions de voyageurs prennent le train et plus de 120 millions l’avion.

Marie-Hélène POINGT

Ewa

Dominique Bussereau : « J’espère qu’on ne va pas revenir à la SNCF de papa »

Dominique Bussereau

Entretien avec l’ex-ministre des Transports, président du conseil général de la Charente-Maritime

Dominique Bussereau n’a pas de doute : il faut aller jusqu’au bout de la séparation RFF/SNCF et donner à Réseau ferré de France les moyens de devenir pleinement gestionnaire d’infrastructure. Il reste grand défenseur du projet de Snit qui trouve aujourd’hui plutôt des détracteurs. Très attentif à la qualité de service, l’ancien ministre décerne la mention « peut mieux faire » à la SNCF. Enfin, Dominique Busserau souhaite que le consensus entre les grandes forces démocratiques en matière de transport ne soit pas mis à mal par le débat électoral. Ville, Rail & Transports. Un débat a focalisé l’attention lors des Assises du ferroviaire, celui sur la gouvernance du système. Quelle est votre position ?
Dominique Bussereau. Je suis fondamentalement hostile à une réunification SNCF-RFF. Une reconstitution de la situation du passé est d’ailleurs complètement impossible par rapport aux directives européennes. Quant à la holding à l’allemande tant vantée par certains, c’est une situation qui est considérée par l’Europe comme ne pouvant durer. Je ne suis donc ni pour un retour en arrière, ni pour une copie du modèle allemand, qui serait aussi une forme de retour en arrière.
Il faut au contraire aller jusqu’au bout, que RFF gère et entretienne les infrastructures dont il est le propriétaire, soit en direct, en intégrant les agents de SNCF Infra, soit en faisant appel à d’autres prestataires, comme RFF le fait déjà dans des marchés de rénovation.

VR&T.?Et comment fonctionner ensuite ?
D. B.?Il faudra aller plus loin. Nous avons adopté des positions intermédiaires, sur Gares & Connexions, sur la Direction des circulations ferroviaires, mais après cette période de transition, il faudra sortir des ambiguïtés. Je suis favorable à une séparation entre l’opérateur historique et le gestionnaire d’infrastructure poussée à son terme, de telle façon que les choses soient claires pour tout le monde.

VR&T.?Gares & Connexions joue pourtant bien le jeu…
D. B.?C’est vrai, on l’a vu avec Thello. Mais, tout récemment, j’ai pris à la gare Montparnasse un train pour La Rochelle. On pouvait lire des messages sur des panneaux qui annonçaient qu’il y avait du retard du fait du déraillement d’un train d’une entreprise ferroviaire qui n’était pas la SNCF… J’ai demandé à Guillaume Pepy : « Si c’était un train de la SNCF, le dirait-on ? » De plus, dans le TGV, au-delà de Gares & Connexions, les contrôleurs attribuaient ce retard, sur instruction d’ailleurs, au « déraillement d’un train d’une entreprise ferroviaire privée ». C’était exact, mais ce n’était pas très fair-play, Guillaume Pepy me l’a d’ailleurs concédé. Cela partait à la limite d’un bon sentiment, pour bien expliquer les choses, mais ces messages étaient « limites » !

VR&T. Un accord vient d’être trouvé sur les péages, quelle est sa portée ?
D. B.?J’ai toujours poussé cet accord pour une vision à long terme des péages, entre la SNCF et RFF, et je crois que c’est un bon accord. Et, sur l’offre TGV, je suis content que Guillaume Pepy ait annoncé des achats de matériel. Car la méthode qui consiste à prolonger les TGV, ou à transformer les Corail en Téoz, puis les Téoz en Intercités, c’est un peu comme si on faisait monter les passagers d’Air France, sur un vol Paris – Nice, dans une Caravelle ou un Mercure dont on aurait changé les sièges et repeint la carlingue. On voit bien que dans l’attrait du TER, il y a ce qui vient du matériel, d’un confort différent qu’offrent des trains modernes et confortables, dans lesquels les clients sont fiers de voyager.
Pour en revenir aux péages, je n’arrive pas à comprendre qu’il n’y ait que leur augmentation qui ait entraîné la moins forte progression de SNCF Voyages. Je ne voudrais pas qu’on revienne au bon vieux temps d’une entreprise subventionnée, qui ne gagnerait de l’argent que sur l’Ile-de-France parce que c’est le Stif qui paye, ou sur le TER parce ce que ce sont les régions qui payent. Je ne voudrais pas que l’on se désintéresse du TGV.

VR&T. Comment faire pour que les TGV attirent plus de monde encore ?
D. B.?La SNCF a su être imaginative, créer des TGV province – province, des Dijon – Nice, des Strasbourg – Montpellier. A part cela, je trouve que l’offre commerciale est assez décalée par rapport à l’évolution de la société. Je reviens du Canada, où j’ai pris un vieux train diesel qui n’a plus d’âge, qui circule sur voie unique, entre Québec et Montréal, et dont la vitesse commerciale n’est pas supérieure à 80 ou 90 km/h. Mais il y a un vrai service à bord, et une Wifi parfaite sur les trois heures de trajet. La SNCF n’a pas assez développé des produits pour prendre le TGV plus attractif.
Je pense aussi à l’accueil Grands Voyageurs. Par rapport à ce que fait l’aérien, le ferroviaire a beaucoup de retard. J’utilise chaque semaine le salon Grands Voyageurs de Paris-Montparnasse… c’est assez terrifiant ! Il est fermé le week-end : les compagnies aériennes ferment-elles leurs salons ? Puis, le seul contact qu’on a avec les agents chargés de l’accueil, c’est de leur montrer sa carte pour prouver qu’on a le droit d’être là, cela rappelle le lycée quand il fallait montrer sa carte au surveillant… La SNCF a amélioré ses gares, a fait dans la signalétique des progrès de grande qualité. Mais les produits annexes autour du TGV n’ont pas été développés. La progression de la clientèle pourrait être plus importante qu’elle ne l’est.

VR&T. Vous avez préparé la convention des Trains d’équilibre du territoire, qui a été signée par Thierry Mariani. Qu’en attendez-vous ?
D. B.?Primo, je pense que l’avenir, ce sont des automoteurs qui peuvent se coupler et permettre des accélérations plus rapides. Cela permettra d’ailleurs d’avoir des gammes de matériel dans la continuité du TER. Les futurs matériels régionaux d’Alstom ou de Bombardier doivent être capables, dans une version intervilles, d’apporter un confort que les voyageurs aujourd’hui n’ont pas. Les premiers Corail sont entrés en service en 1975…
Deuxio, je suis favorable à l’entrée d’opérateurs autres que la SNCF dans le TET. Car, autant la SNCF a été imaginative, comme je le disais, en inventant pour le TGV des nouvelles relations, autant, avec les TET, on est resté sur le Chaix de 1946… On fait des Caen – Tours, alors qu’on a une forte demande entre la Normandie, l’Aquitaine et la côte basque. En Allemagne, Veolia a créé des trains qui assurent des dessertes de la Baltique en partant des grandes villes de l’ex-Allemagne de l’Est, propose des Leipzig – Kiel sans arrêt à Berlin. L’opérateur a su faire venir une nouvelle clientèle en créant des liaisons nouvelles sur lesquelles il n’y a pas de concurrence aérienne. On pourrait être plus imaginatif. Mais cela implique de disposer de matériels différents, capables d’utiliser des lignes à grande vitesse, sur certains parcours, à 220 km/h. Le TET, on a repeint la façade, mais l’on a rien changé au commercial. C’est pourquoi j’avais souhaité une convention de trois ans. Pour que l’on puisse dans ce laps de temps se poser la question de l’ouverture à la concurrence de ces liaisons.

VR&T. La concurrence des TET annoncée lors des Assises était donc inscrite en creux dans la convention ?
D. B.?C’était « en creux » de ne pas se marier avec la SNCF trop longtemps, et de dire à la SNCF : est ce que vous allez nous proposer du nouveau matériel ? Je sais bien qu’il faut faire travailler les ateliers de Saintes, dans ma région, ou de Périgueux, mais il y a un moment où on ne pourra plus bricoler les Corail. Il faudra de plus se poser la question du service, car le TET, ce n’est pas que du cabotage, ce sont aussi des longs parcours fait par des gens qui n’ont pas d’autre solution de transport. Ceci suppose de leur apporter un minimum de service. Or le TET aujourd’hui, c’est, je dirais par définition, l’absence de service.

VR&T. On est sorti des Assises avec le sentiment que le schéma national des infrastructures de transport mis au point par Jean-Louis Borloo et vous allait être entièrement réexaminé. Qu’en pensez-vous ?
D. B.?Contrairement à mon ami Hervé Mariton, je ne pense pas qu’il y ait des choses folles dans le Snit. Pour Tours – Bordeaux, le financement de la partie publique est assuré par des collectivités de prolongement : par les collectivités du Limousin, qui ont l’espoir de Poitiers – Limoges, ou par des collectivités de Midi-Pyrénées. Il y a un engagement moral vis-à-vis de ceux qui financent une ligne qui leur permettra, ensuite, d’avoir des relations de bout en bout. Toulouse, qui est la quatrième ville de France, qui a un aéroport enclavé, de plus en plus demandé par Airbus pour ses vols d’essais, et qui offre donc de moins en moins de créneaux pour les passagers, doit être à trois heures de Paris et bénéficier de toutes les connexions. C’est évident. Les relations avec l’Espagne, il faudra les faire. Ou alors on rompt les relations politiques et économiques ! Nîmes – Montpellier, c’est aussi une demande forte de l’Espagne. La desserte de Nice, c’est compliqué, c’est très cher, mais on devra le faire. Nice est le deuxième aéroport français, si on veut du report modal, il faudra aller à Nice.
Le projet de doublement de la LGV Sud-Est par l’Ouest me semble obligatoire aussi. J’en avais eu l’idée, que j’avais proposée à Jean-Louis Borloo et à Brice Hortefeux, en leur disant : on ne fera jamais un TGV Paris – Clermont, mais puisqu’il faudra doubler Paris – Lyon à terme, faisons une ligne qui mette la gare d’Austerlitz dans le réseau de la grande vitesse et qui règle le problème de tout le Massif central en reliant ensuite Lyon. Rien ne me semble fou dans le Snit.

VR&T. Cela veut-il dire qu’il faut selon vous faire tout le Snit ?
D. B. Le seul projet que je considère comme devant être revu, c’est le doublement par Amiens de la ligne conduisant au tunnel sous la Manche. Il faut profiter de la ligne nouvelle normande vers Caen, Rouen et Le Havre, qui pourra être ensuite prolongée jusqu’au tunnel, ce qui fait que cette ligne ne sera pas en cul-de-sac.

VR&T. Et tout faire très vite ?
D. B. Naturellement non. Il faudra trouver des financements. Il y aura des délais. Mais Toulouse, c’est une urgence. Cela dit, on peut faire des économies dans la réalisation des projets. Sur Tours – Bordeaux, on aurait pu faire un milliard d’économie si les maires d’alors n’avaient pas fait pression pour que les TGV desservent les centres-villes. La question a été intelligemment réglée à Reims ou à Besançon, avec des gares nouvelles qui ne sont pas trop éloignées de la ville et reliées par fer. Ce qui coûte cher, ce sont les raccordements au réseau classique pour desservir les centres-villes.
Mais c’est aujourd’hui une réalité historique économique qu’un pays comme la France, qui a des difficultés, réalise à la fois la LGV jusqu’à Strasbourg, Le Mans – Rennes, Nîmes – Montpellier et Tours – Bordeaux. Et puis, cela dynamise ; une LGV, comme un tramway dans une ville, cela amène les responsables à repenser l’aménagement du territoire.
Nous parlons des LGV ; mais il y a un autre projet très important, qui est le canal Seine – Nord. Il faut absolument le faire car, du fait – hélas !  – des problèmes de fret ferroviaire, il faut du fret fluvial en France. De toute façon il se fera. Nicolas Sarkozy y tient et, en cas d’alternance, du fait de l’implication des régions Picardie et Nord-Pas-de-Calais dans ce projet, il se fera aussi.

VR&T. Comment se présente à ce propos le débat de la présidentielle sur les transports ?
D. B. J’ai lu ce que dit Roland Ries, officieusement pour l’instant, des positions de François Hollande sur la gouvernance du ferroviaire, dont nous parlions pour commencer. Je vous l’ai dit, je ne pense pas du tout, contrairement à lui, qu’il faille réunifier l’infrastructure autour de la SNCF. Je vois bien les gens qui poussent dans cette direction. J’espère que les positions des candidats à la présidentielle seront équilibrées et modernes, et qu’on ne va pas revenir à la SNCF de papa. Ce point nous divise. De même, on peut avoir des sensibilités différentes sur la privatisation des aéroports. Pour le reste, la politique des transports en France est assez heureusement consensuelle.
Si François Hollande était élu, vu le poids de Jean-Marc Ayrault, je ne vois pas un gouvernement socialiste renoncer à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Je ne le vois pas non plus renoncer à l’écotaxe pour les poids lourds en 2013. Je rappelle que la loi Grenelle a été votée à l’unanimité. Après, la politique a repris le dessus. Mais les transports, dans l’ensemble, sont un sujet assez consensuel. Au Gart, il n’y a pas de coupure droite-gauche sur les transports urbains. D’ailleurs, je n’ai pas de différents fondamentaux avec des conseillers qui travaillent pour le candidat Hollande, comme Pascal Auzannet, ou, dans le cadre de Terra Nova, Philippe Segrétain, qui sont des personnes que je connais bien et que j’apprécie.

VR&T. Vous-même, travaillez-vous pour le candidat Sarkozy ?
D. B. Je ferai ce qu’on me demandera de faire. Je crois que, sur les sujets de transports, il est important de conserver le consensus entre les grandes forces démocratiques qui peuvent diriger le pays. Nous avons assez d’occasions de nous disputer sur d’autres sujets !
    

Propos recueillis par François DUMONT

Ewa

Comment réussir la réforme ferroviaire par Thierry Mignauw

MignauwThierry2

Ancien dirigeant de la SNCF, partisan depuis toujours du maintien d’un système intégré, Thierry Mignauw invite la France à adopter une réforme à l’allemande, avec une SNCF puissante, une autorité de la concurrence forte, un cadre social harmonisé.?Une initiative franco-allemande permettrait de défendre des positions communes aux deux pays dans la discussion sur le quatrième paquet ferroviaire. I. La question de l’organisation doit maintenant être tranchée

• Certains considèrent que l’importance que prend la question de l’organisation (on dit maintenant de la « gouvernance ») est excessive. Ce sujet ne prend une telle place que parce que l’organisation du travail est, dans son état présent, un obstacle au bon fonctionnement du chemin de fer. Je connais assez bien le fonctionnement du ferroviaire et les hommes qui le servent. Je peux assurer de toute la force de mon expérience qu’une organisation qui ne permet pas de maîtriser simultanément les composantes « sol » (l’infrastructure) et « mobile » (les trains) d’un mode de transport guidé à un seul degré de liberté ne peut pas fonctionner correctement. Aussi bien dans l’opérationnel (information des voyageurs, traitement des incidents, gestion du trafic qui ne se limite pas à la gestion des trains, etc.) que dans l’évolution dans le temps du mode de transport (automatisation, contrôle-commande, gestion de capacité, limitation du bruit, etc.). Je ne reviens pas ici sur tous les exemples que l’on peut donner.
Je demande instamment à ceux qui donnent leur avis sur ces sujets ou qui possèdent le pouvoir de décision de se pencher un tout petit peu sur ces questions qui ne sont pas si difficiles à appréhender. Il est assez aisé de comprendre l’étroitesse du lien qui unit le mobile et l’infrastructure dans les métros, les RER, les trains de banlieue, les TGV, les trains à sustentation magnétique, l’aérotrain, les tramways, les métros automatiques, les téléphériques, télécabines et tire-fesses ! La plupart des grands progrès qui ont été réalisés depuis la création du chemin de fer, progrès qui font qu’il est toujours un mode de transport efficace dans nos économies modernes, ont été réalisés de manière conjointe sur l’infrastructure et sur les trains, dans une dynamique d’échanges, d’allers et retours, de mises au point et de tâtonnements.

• Je voudrais que soient mieux comprises les souffrances qu’inflige ce système perpétuellement déréglé aux hommes et aux femmes qui ont la charge de le servir. Je les connais bien. Je sais combien est délicate l’alchimie de ce qu’on appelle « l’exploitation ». Cet art qui fait que les différents engrenages s’enclenchent avec bonheur. Ou bien, quand un seul est mal réglé ou mal conçu, je sais les grincements que produit la machine. A chacun de ces engrenages, il y a des hommes qui travaillent et qui ont naturellement à cœur que ça marche. Et au bout il y a des clients qui subissent les à-coups ! Quand la machine tourne rond, bien graissée, silencieuse, il n’y a presque rien à faire. Mais quand elle est perpétuellement déréglée, chacun s’agite en tout sens pour réparer, coller des rustines et pallier les dysfonctionnements. Ces hommes et ces femmes ne peuvent que constater la masse d’efforts qu’il leur faut déployer aujourd’hui pour faire marcher leur chemin de fer. Parce qu’on a édifié ces fameuses murailles de Chine, parce qu’on a délibérément coupé les circuits d’information mutuelle, parce qu’on a supprimé la coordination sur le terrain. Et encore, si cette somme d’efforts déployés était sûre d’aboutir. Mais il y a sans arrêt des ratés, des oublis, des mécanismes qui ne s’enclenchent plus. Quelle déception, quel découragement (quand ce n’est pas de l’amertume) il en résulte. Quelle perte de fierté devant la médiocrité des résultats ! J’ai vu des cheminots de tout grade effarés parce que nous leur faisons faire. Il y a tant de gens tellement intelligents dans tous ces organismes que l’on a créés depuis 1997 pour un si pauvre résultat. Nos collaborateurs ne nous suivent plus !

• Nul besoin de se tourner vers le passé. Le chemin de fer dans lequel j’ai débuté en 1972 n’était pas meilleur que celui d’aujourd’hui. Je pense même le contraire. Sauf – et ce n’est pas une mince exception – l’effondrement du fret, je suis persuadé que nous sommes mieux aujourd’hui, avec en Ile-de-France le réseau RER et ses interconnexions de lignes dans Paris, de nouvelles lignes desservant les villes nouvelles et Roissy, avec des TER rénovés presque partout en place des antiques omnibus, le réseau des lignes à grande vitesse grâce auquel les TGV assurent plus de 80 % du trafic grandes lignes, une remarquable politique commerciale qui a fait du TGV le train de tous et qui a jugulé la concurrence aérienne.

Je ne prône aucun retour en arrière. Je ne cultive aucune nostalgie. Seul compte l’avenir. Je suis simplement inquiet de trois choses :
• la très médiocre qualité de service, au premier rang de laquelle je place la ponctualité des trains et la dégradation d’image qui en résulte,
• le manque de perspectives de progrès du mode ferroviaire, alors que les signes de saturation sont de plus en plus nets et que les besoins, dans certains secteurs, sont considérables,
• la faiblesse des gains d’efficacité en termes de baisse des prix des services rendus à la collectivité.
Sur le premier point, je suis persuadé que le dérèglement du système qui résulte de la séparation stricte de l’infrastructure est à l’origine d’une part importante de la dégradation constatée, même si la perte de fiabilité du réseau dans un contexte de saturation croissante et l’importance des perturbations dues aux phénomènes environnementaux ne doivent pas non plus être négligées. Sur le second point, le manque de perspectives de progrès, j’ai le sentiment que le chemin de fer vit sur les acquis de la période précédente. Il n’invente pas assez. Pour ma part, je pense que les progrès les plus décisifs devraient venir de l’automatisation de certaines phases de l’exploitation, afin de régler avec davantage de précision et en sécurité la circulation des trains. Il pourrait en résulter davantage de fiabilité et plus de capacité. Alors que nous sommes un mode de transport guidé, nous prenons du retard sur les autres modes, aviation et même automobile, dont la recherche-développement est en pleine expansion sur ces sujets. Mais, là encore, la séparation de l’infrastructure stérilise ou rend beaucoup plus compliqués le progrès et la prise en compte du long terme. Le troisième point, le manque de progrès dans l’efficacité, n’est pas principalement lié à la séparation de l’infrastructure. J’y reviendrai à la fin de cet article.

• La commission n° 2 des Assises du ferroviaire, sur la gouvernance, présidée par Mme Véronique Morali, a recommandé dans son rapport d’unifier le gestionnaire d’infrastructure (RFF) et le gestionnaire délégué, fonction actuellement dévolue à la SNCF, et de placer ce gestionnaire unifié au sein de la SNCF. Manifestement, si la commission s’est rapidement ralliée à l’idée de mettre fin à la dichotomie GI/GID, elle s’est longuement interrogée sur le fait de savoir s’il fallait maintenir un dualisme GI/exploitant principal ou s’il fallait adopter une solution dite « à l’allemande », où les deux entités sont réunies dans une holding (tout en réservant à une structure ad hoc, sous contrôle public, un certain nombre de fonctions essentielles). Ce n’est qu’au terme d’une réflexion approfondie que la commission a marqué sa préférence pour la deuxième solution. Ce parti n’était pas évident au point de départ et il n’en a que davantage de valeur.
Et comme mes opinions personnelles rejoignent aussi ce choix, je n’en suis que plus heureux ! Je voudrais néanmoins tenter d’expliquer en quoi les autres solutions sont moins efficaces, c’est-à-dire faire le raisonnement qui montre, non que la solution du regroupement soit la meilleure (ce que j’ai fait jusqu’à maintenant), mais que toutes les autres sont moins bonnes. Je reviendrai ensuite sur la question de la concurrence. Et je finirai par les conditions de la réussite de la réforme du ferroviaire.

II. Les solutions autres que la gestion intégrée sont moins efficaces

• Une solution intermédiaire a été envisagée. Elle consiste à transférer à RFF toutes les fonctions « nobles » demeurant à la SNCF, telles que l’ingénierie de conception et de maintenance, les horaires, la direction de la circulation des trains, les fonctions systèmes, la recherche-développement, pour ne laisser à la SNCF, en matière d’infrastructure, que les tâches d’exécution.
Cette solution constituerait un replâtrage de plus. Elle ne résiste pas à l’analyse. On accentuerait la dichotomie entre une tête, RFF, et des exécutants, abandonnés à la SNCF, sans mettre fin à cette curiosité exclusivement française qu’est le gestionnaire d’infrastructure délégué. On ne voit d’ailleurs pas quelle serait la légitimité de la SNCF, centrée sur sa fonction de transporteur, à abriter en son sein une entreprise de travaux comprenant des milliers d’agents de maintenance travaillant exclusivement pour RFF. En agissant ainsi, on donnerait l’impression à ces agents que l’on n’a pas voulu d’eux. Le discours implicite serait : « Il est probable que votre travail va s’assécher et sera confié à des entreprises externes. Mais nous ne voulons pas assumer la charge de la transition. » La SNCF ne serait pas en mesure de tenir un discours managérial crédible à ces cheminots, puisque les clefs de leur avenir seraient détenues par RFF. Une telle attitude serait indigne, on créerait une grande désespérance qui ne pourrait aboutir qu’à un chaudron social.
Si la solution retenue devait être de confier à RFF la responsabilité totale de l’infra, alors il doit prendre le tout. Il ne peut pas faire le tri. Ce serait à lui ensuite de faire évoluer l’ensemble dont il aurait la responsabilité, de réaliser par exemple l’externalisation de la plupart des fonctions d’entretien et de travaux selon le modèle suédois, qui semble séduire.

• La solution d’unification du gestionnaire d’infrastructure, c’est-à-dire du regroupement du GI (RFF) et du GID (part infra de la SNCF) au sein d’un établissement public unique, séparé de tout transporteur, ne me semble pas davantage résoudre les problèmes qui se posent à nous.
Tout d’abord, si jamais elle était adoptée, alors il faudrait pousser la logique jusqu’au bout. Il ne peut y avoir de nouvelles étapes. Depuis quinze ans, il y a eu trop de désordre pour pouvoir se permettre de nouvelles tergiversations. Le regroupement devrait être complet et maximum au sein de ce nouvel établissement. La SNCF « subsistante » n’aurait plus aucune légitimité à gérer le système ferroviaire. Toute l’intelligence du système devrait passer du côté du gestionnaire d’infrastructure : sécurité du système, gestion des performances (vitesses, tonnages, bruit, capacités…), contrôle-commande, fiabilité, retour d’expérience, et cela tant dans la conception que dans l’opérationnel.
Trois objections majeures peuvent être faites à cette solution. D’abord, on ne résoudrait qu’une part minoritaire des problèmes que pose la situation actuelle : l’interface gestionnaire/gestionnaire délégué serait simplifiée. Mais l’essentiel demeurerait : la coupure du système en deux parties antagonistes et l’impossibilité de l’optimiser dans sa globalité. Je n’y reviens pas.
Second point : cet établissement ne serait pas placé sous la pression du client. Ses clients seraient les entreprises ferroviaires, mais pas directement les voyageurs qui sont dans les trains, ni même les autorités organisatrices de transport. La circulation d’un train qui est tous les jours en retard rapporte le même péage au GI que s’il est à l’heure. Et il ignore les voyageurs qui sont dans le train. Le problème de l’écoulement des flux de voyageurs sur les quais de certaines gares, l’information des voyageurs sur leur retard et la poursuite de leur voyage, le niveau de satisfaction ou d’insatisfaction des voyageurs et des élus ne remonteraient pas vers les prises de décision de ce gestionnaire, isolé de tout contact avec le service effectivement rendu. Ce point est crucial, tant je suis persuadé qu’un système comme le chemin de fer ne peut progresser que si progresse la reconnaissance, la prise en compte du client. La SNCF a eu beaucoup de mal à effectuer sa mue sur ce sujet, et la coupure de l’infra est une vraie régression. Enfin, et c’est au moins aussi important, je crois qu’on ne considère pas assez ce que deviendrait la SNCF réduite à son seul rôle de transporteur. Un transporteur dans un monde concurrentiel. Un transporteur comme les autres. Une entreprise banalisée. Il faudra alors en tirer toutes les conséquences.
L’entreprise SNCF, centrée sur son unique mission de transporteur et placée dans un monde concurrentiel, devra pouvoir s’y battre sans entraves, sous peine d’être disqualifiée. Il ne sera plus possible de demander à la SNCF de jouer les solidarités territoriales, de maintenir les péréquations, de garder des dessertes déficitaires ou des tarifs contraires à ses intérêts commerciaux pendant qu’elle se ferait écrémer sur ses marchés les plus rentables. Sauf bien sûr à lui compenser financièrement toutes ses obligations par des contrats de service public. Le statut d’établissement public ne s’imposerait nullement, l’épineuse question du statut du personnel et du régime social des personnels se poserait.
Ces évolutions ne se feront pas en un jour, mais elles sont certaines. Simplement, il faut être sûr que c’est bien cela que veulent les Français, l’opinion publique, les décideurs et les élus. A chacun de se déterminer en toute connaissance de cause. Après, il sera trop tard. Pour ma part, je rejette cette solution pour une double raison : elle ne résout pas le problème de l’optimisation globale du système ferroviaire ; elle comporte pour la SNCF une évolution inéluctable qui n’est pas mon choix. Mais, en même temps, je dois dire que je m’y rallierais si la voie que je préconise était fermée. L’année 2012 est cruciale en ce sens que le dilemme devra être tranché et que ceux qui recommanderaient des demi-mesures ne diraient pas les choses telles qu’elles sont.
Mais, à un certain nombre de conditions, je crois que la réforme que j’appelle de mes vœux peut réussir. Avant d’en venir à ces conditions, je dois traiter de la question de la façon dont la concurrence peut-être introduite dans le modèle que je préconise et comment ce modèle peut être économiquement efficace.

III. La concurrence et l’efficacité sont possibles dans un système intégré

• En définitive, le modèle que je préconise est celui d’une entreprise ferroviaire intégrée dominante, mais contestable. Une entreprise intégrant fortement au plan industriel l’ensemble des composants du système ferroviaire, constituant ainsi un champion national de l’excellence française, porteuse d’une image internationale des savoir-faire de notre pays dans tous les compartiments de son activité : systèmes de transport à grande vitesse, systèmes de transport en milieu urbain et périurbain, systèmes de transport régionaux. Une entreprise appui de l’industrie ferroviaire. Une entreprise disposant d’une ingénierie de conception, de maintenance et d’exploitation fortement reconnue, mais ne disposant pas du monopole de l’expertise et challengée par des ingénieries externes. Une entreprise commercialement à la pointe grâce à un marketing aiguillonné par la puissance de la concurrence des autres modes ou des distributeurs/intégrateurs de services. Une entreprise constamment contestée par la concurrence des autres modes de transport et contestée sur ses marchés par un droit de libre accès et surtout une possibilité de mise en concurrence de ses droits d’exploitation. Une entreprise dominante sur un marché concurrentiel fortement régulé par une autorité de concurrence puissante.
Ce modèle n’est pas stable par nature, il est même fortement en tension. Ce sera à l’autorité de concurrence d’effectuer les réglages qui en assure l’efficacité et à l’Etat de définir sa stratégie sur la place du ferroviaire dans le secteur des transports, dans le cadre de sa politique d’ensemble et de vérifier qu’elle est atteinte. C’est évidemment une vision beaucoup plus volontariste que celle de la main invisible du marché qui fixerait le point d’équilibre du système ferroviaire français.
Deux questions subsistent : peut-on introduire la concurrence dans un tel modèle ; et si oui, comment ? Comment garantir l’efficacité d’un acteur pivot aussi puissant ?

• Faut-il introduire la concurrence à l’intérieur du mode ferroviaire ? La question est vivement débattue et l’opinion interne à la SNCF y est souvent hostile, les syndicats en particulier. Dans ces conditions, les élus, de gauche en particulier mais pas seulement, sont extrêmement prudents dans leurs positions publiques. Ce qui ne les empêche pas de tenir en privé des propos plus nuancés et d’avoir d’autres positions au Parlement européen, où il faut composer. Nos gouvernements ont tout fait pour freiner le caractère obligatoire de l’ouverture du marché ferroviaire. On peut naturellement dire que la concurrence est déjà extrêmement vive avec les autres modes : la route, qui est dominante dans le fret comme pour les voyageurs, l’aérien, que le TGV n’a pas éliminé, les compagnies « low cost », françaises et étrangères, le maritime et la voie navigable pour le fret en Europe, l’autocar… la concurrence est partout. Et cette concurrence, elle, n’est que très peu régulée ; les règles sont mal appliquées ; la fraude, le dumping social, les pavillons de complaisance fleurissent. Un consensus de fait se satisfait de cette situation qui maintient une pression forte sur des prix anormalement bas et sur des taux de marge des entreprises très faibles.
Plus personne ne se soucie vraiment de savoir comment sont payées les infrastructures des différents modes et quelle est la part des usagers et du contribuable, local et national. Plus grand monde ne se préoccupe de la façon dont les utilisateurs paient les effets externes, c’est-à-dire les nuisances qu’ils imposent aux autres ou à la collectivité. Personne ne se choque que les infrastructures routières soient gratuites en zone dense (en Ile-de-France par exemple), alors que c’est précisément là que les péages ferroviaires sont les plus élevés. On fait des Grenelle, on fait de grandes déclarations sur le fret et la réalité demeure à des années-lumière. Enfin, l’exemple du fret a montré que la concurrence n’a pas permis de relancer la dynamique du secteur.
Tout cela est vrai. Tout cela n’est malheureusement pas nouveau. Pour autant, sommes-nous en position de refuser la concurrence intramodale ? Il nous faut regarder le monde tel qu’il est, et non tel que nous voudrions qu’il soit. Ce monde, au plan européen comme en France, croit majoritairement que le monopole est dépassé et que la concurrence doit exister. Nous ne pouvons refuser seuls. Nous devons évaluer le rapport de forces. Le fret nous a aussi montré qu’à force de vouloir avoir raison contre tous, nous connaissons un déclin accéléré et nous n’avons pas même évité la concurrence. Mais nous n’y étions pas prêts. Cet exemple repoussoir doit nous conduire à proposer un modèle tel que celui que je défends. Je veux pour la SNCF un avenir d’entreprise de service public au service de l’intérêt général, capable de progrès et de développement. Pas une entreprise attaquée de toute part, sur la défensive et en régression.

• La concurrence est-elle possible avec un acteur principal qui maîtrise l’infrastructure ? J’ai déjà répondu à cette question : oui, c’est possible. La meilleure preuve en est qu’en Allemagne cela fonctionne ainsi et que le marché ferroviaire allemand est un des plus ouverts d’Europe. Je note que cela fonctionne également de cette façon en Amérique du Nord pour les marchandises : chaque entreprise est propriétaire de ses voies et possède des droits de circulation sur celles des autres, qui sont souvent aussi ses concurrentes.
Pour que fonctionne un tel système, la première condition est qu’il existe un ensemble de règles claires qui régissent les conditions équitables d’accès au réseau. L’un des acquis de RFF est d’avoir largement édicté ces règles, même si elles sont perfectibles. De la même façon, les règles régissant d’éventuels appels d’offres de la part des autorités organisatrices de transport doivent être fixées. Les règles peuvent être aussi efficaces et aussi contraignantes que la séparation de l’infrastructure.
Bien entendu, cette condition resterait lettre morte si une autorité de régulation puissante n’existait. Elle a déjà été créée, mais son pouvoir doit être renforcé. Elle doit disposer d’un pouvoir général de surveillance, d’un pouvoir particulier d’enquête et d’investigation, d’un pouvoir de sanction. Elle doit pouvoir annuler des décisions, placer des affaires délicates d’attribution de droits de circulation sous sa surveillance, les soumettre à un avis conforme de sa part, voire se réserver le pouvoir de prononcer elle-même certaines décisions susceptibles d’avoir valeur d’exemple. Elle doit pouvoir au minimum proposer de modifier les règles d’attribution, voire disposer du droit de les modifier elle-même. Elle peut être la voie de passage systématique de toutes les demandes d’accès au réseau, mais elle peut aussi n’évoquer les questions que par exception, pour éviter de s’asphyxier dans un processus purement formel.
Pour terminer sur ce point, je voudrais dire aux tenants de la concurrence pure et parfaite que je voudrais qu’ils mettent la même énergie à vérifier que prévaut dans la concurrence avec la route ou le maritime le même esprit d’égalité que celui qu’ils exigent du chemin de fer. Enfin, je note que le droit de la concurrence n’est pas autant doté d’œillères qu’on veut bien le dire. Il préconise de regarder quel est le marché concerné et, sur ce marché, de vérifier que la concurrence améliore effectivement les conditions de fourniture du service. Si ce n’est pas le cas, des aménagements sont possibles.

• Comment garantir l’efficacité d’un acteur pivot aussi puissant que le serait la SNCF dans le modèle que je préconise ? Je résume l’opinion souvent émise, que le lecteur trouvera remarquablement formulée dans un article du Pr Yves Crozet, opinion selon laquelle la question de la gouvernance est un faux problème, qui est mis en avant pour éviter de se poser la vraie question qui est le manque d’efficacité du système ferroviaire… et de la SNCF. Que toute entreprise publique en situation de monopole a tendance à confisquer à son profit (et au profit de ses salariés) le service public. Que seule la concurrence, et le fait de « challenger » l’entreprise publique par des entreprises privées, peut permettre de progresser. J’ai dit précédemment que la question de la gouvernance ne prend une telle importance qu’en raison de l’ampleur des dysfonctionnements et des surcoûts engendrés. J’ai dit et je redis qu’un modèle de concurrence par des règles fortes et fortement régulé par une autorité puissante était possible. Y a-t-il alors un avantage décisif à la gestion privée par rapport à la gestion publique ? La question peut-être longuement débattue. Je sais que la gestion déléguée de services publics à des entreprises privées est largement pratiquée par les collectivités, de droite comme de gauche. Je ne crois pas que l’on puisse trancher la question de façon uniforme. L’histoire, la culture, les circonstances pèsent de façon évidente. Je me contenterai de quelques remarques.
La première est un peu facile : les tribulations de Veolia-Transdev ne convainquent pas de la vision de long terme de ces entreprises, du partenariat et de la relation de confiance que l’on peut établir. La seconde a trait au fonctionnement même des entreprises : elles sont un lieu où la richesse se crée et où elle se partage. Les tenants de la gestion privée pensent que l’entreprise privée est plus économe dans la consommation de moyens et produit donc plus de richesse ; et que l’entreprise publique, dans le partage de la richesse produite, favorise trop son personnel au détriment de ses clients. Autrement dit que la gestion privée met en place des processus de production plus productifs et que le personnel y profite moins de rentes de situation.
Mais, à l’inverse, on peut constater que dans certaines gestions privées, le service de l’eau par exemple, ce n’est pas le client final qui bénéficie de prix plus bas, et que si le personnel y est moins favorisé, c’est essentiellement les entreprises et leur actionnariat qui est mieux rémunéré. Avantages des salariés versus profit des entreprises et rémunération des actionnaires : quel est le modèle le plus efficace pour le client final et pour la collectivité ?
Le juge de paix pourrait être la productivité globale du système. Le Pr Crozet fait remarquer que les chemins de fer suisses ou allemands (tout aussi publics que les nôtres, oserais-je ajouter) ont réalisé dans un passé récent des gains de productivité considérables. L’entreprise que j’ai servie pendant 38 ans en a réalisé elle aussi : après l’élimination de la traction vapeur, l’électrification du réseau, l’automatisation des passages à niveau, la radio sol-train et la conduite à un seul agent des trains de marchandises, la modernisation et l’automatisation de la signalisation, la mécanisation de l’entretien de la voie et la massification des travaux, l’allongement des cycles d’entretien du matériel, la grande vitesse (qui, en diminuant les temps de parcours, augmente la productivité des moyens), la croissance du trafic voyageurs et du taux de remplissage des trains grâce à la réservation obligatoire, l’optimisation tarifaire, la vente sur Internet ont permis de considérables gains de productivité, le plus souvent liés à des progrès technologiques et à des investissements importants. Les parcs de matériel roulant comme les effectifs du personnel se sont considérablement réduits. Mais le rythme de ces progrès, importants du début des années 70 jusqu’au milieu des années 90, s’est ralenti depuis. La SNCF a perdu son rang de championne européenne de la productivité ferroviaire.
Mais doit-on jeter le bébé avec l’eau du bain ? N’est-il pas possible d’établir, dans l’Europe et la France d’aujourd’hui, un modèle d’entreprise qui allie efficacité, service public, intérêt général et compétitivité internationale ? C’est pour moi le défi qui est devant nous dans une reconstruction hardie du système ferroviaire. À quelles conditions peut-on réussir ?

IV. Comment réussir la réforme ferroviaire

Inévitablement, il faut se poser la question des conditions de réussite (certains diraient des contreparties) d’une réforme qui soit efficace, durable, conforme aux idées que j’ai développées, acceptée par le plus grand nombre, que ce soit l’opinion publique, les élus ou les salariés des deux entreprises concernées, dans le monde tel qu’il est et dans le contexte européen et français de 2012.
Dans le « deal » global, les sujets suivants pourraient être abordés :
• l’acceptation (ou non) de la concurrence : j’ai dit mon opinion sur le sujet et sur le fait que nous devons l’accepter, sous certaines conditions, pour retrouver notre crédibilité française et européenne,
• le « cadre social harmonisé » de la concurrence, là aussi français et européen : rude débat en perspective car pour certains l’efficacité du mode ferroviaire passe par une refonte de la réglementation du travail (c’est même une des principales attentes des tenants les plus acharnés de la concurrence pure et parfaite),
• une autorité de concurrence forte, dont le but est de veiller à l’application des règles, à l’égalité de traitement et au droit d’accès, dans un système qui reste équilibré entre l’acteur principal et son rôle d’optimisation du système et ses concurrents ; j’ai déjà développé ce point,
• la définition des missions relevant de l’Etat, en charge du développement économique durable, des transports en général, du mode ferroviaire, et auquel reviennent un certain nombre de fonctions (sécurité, propriété des infrastructures, investissements, maîtrise d’ouvrage, fixation et perception des péages, règles d’accès au réseau…) dont les contours et l’organisation doivent être précisés,
• le rôle des régions et des autorités organisatrices de transport, notamment par rapport aux infrastructures, régions et AOT désireuses de jouer un rôle plus important,
• un contrat pluriannuel de modernisation avec l’Etat, comprenant des engagements réciproques,
• un pacte social interne, un accord-cadre sur le changement et ses conséquences sociales,
• le statut de l’entreprise (Epic) et la définition d’éventuelles filiales,
• le statut du personnel,
• l’actionnariat salarié,
• la productivité, etc.
Cela fait beaucoup de sujets, tous ne seront pas abordés dans le cadre de la réforme. Il faut sans doute éviter de faire un trop gros paquet qui serait impossible à traiter. Mais rien ne sert non plus de se voiler la face et fermer pudiquement les yeux. Rien ne serait pire que de refermer le dossier en attendant des jours meilleurs.

En définitive, le dispositif que j’appelle de mes vœux devrait inclure quatre éléments qui doivent jouer en même temps et interagir. Une initiative franco-allemande pour le quatrième paquet ferroviaire et la réévaluation des directives en vigueur, afin de rendre clairement possibles les solutions que nous préconisons. Cette initiative doit impliquer de façon forte le Parlement européen, qu’il faudra convaincre. Une réforme législative des textes français. Un contrat Etat-SNCF fixant les objectifs et les engagements de moyen terme des deux parties. Un pacte social interne renouvelé.
Un tel dispositif pourrait être l’occasion d’une contribution démocratique nouvelle car l’avenir des services publics concerne profondément les citoyens. Ce pourrait être l’occasion d’un référendum d’initiative populaire ou d’un jury citoyen devant lequel partisans et adversaires de la réforme, économistes, experts viendraient expliquer les enjeux de la réforme proposée, et qui se prononcerait à l’issue du débat.
En interne aux deux entreprises, le débat devra associer les organisations syndicales et les représentants du personnel. Afin de renforcer la force de la décision, une consultation interne pourrait être organisée, à condition de ne pas être vécue comme une manière de contourner les syndicats, mais comme une façon de donner la parole aux salariés.
… Et si je rêve, un rapprochement SNCF-DB. Mais là, je rêve vraiment.
Tout ceci ne constitue que des propositions qui n’engagent que moi et elles ne sont sans doute pas toutes à retenir. Mais ce dont je suis certain, c’est que l’année 2012 est cruciale et qu’il faut se donner tous les moyens pour faire aboutir la réforme ferroviaire.     

Ewa

Résultats SNCF : 700 millions de dépréciation pour les TGV

DSC1229

En présentant ses vœux, Guillaume Pepy avait annoncé « une bonne année 2011 » pour le groupe SNCF. Puis la SNCF a annoncé la hausse de son chiffre d’affaires, de 7,2 %, à 32,6 milliards. En présentant ses vœux, Guillaume Pepy avait annoncé « une bonne année 2011 » pour le groupe SNCF. Puis la SNCF a annoncé la hausse de son chiffre d’affaires, de 7,2 %, à 32,6 milliards. Le 16 février, le groupe vient de présenter l’ensemble de ses résultats, tous comptes faits, devant son conseil d’administration. Si le chiffre d’affaires est en nette hausse, ce n’est pas le cas du résultat net. Il passe de 697 millions d’euros en 2010 à 125 millions. Principale explication : un fort impact de la dépréciation d’actifs, dont 700 millions d’euros pour les rames TGV. « Ces actifs ont dû être dépréciés pour refléter l’insuffisante rentabilité de notre flotte », a précisé Guillaume Pepy. Deux jours plus tôt, lors d’un colloque Avenir Transports, le président de la SNCF avait déjà annoncé : « La valeur des rames TGV aujourd’hui dans les livres de la SNCF s’élève à près de 4,5 milliards d’euros. Nous allons la déprécier car nous avons trop de rames et elles sont surtout anciennes. »

Une marge à la hausse… mais insuffisante

Présentée comme le véritable indicateur de la performance économique, la marge opérationnelle progresse sensiblement, dépassant les trois milliards d’euros, pour s’établir à 9,3 % en 2011 contre 7,1 % en 2010 et 6,8 % l’année précédente. Mieux : toutes les branches voient leur marge progresser, mais surtout Proximités. Cette branche bénéficie en particulier de la performance de Keolis, de la signature avec l’Etat de la convention « trains d’équilibre du territoire ».
En revanche, la marge est quasi stable pour SNCF Voyages, « malgré des chocs externes de grande ampleur » – forte hausse des péages et de l’énergie traction –, et grâce à « une bonne performance commerciale ». Reste que si la marge est, en pourcentage, la plus élevée avec 14 %, Guillaume Pepy l’a relativisée lors du colloque Avenir Transports : « Il faudrait qu’elle soit de 20 % pour pouvoir renouveler la flotte. »
De façon globale, la hausse de la marge à 9,3 % n’est d’ailleurs pas suffisante pour l’entreprise qui, comme elle l’a rappelé à diverses reprises, estime à plus de 10 % le « niveau de profitabilité suffisant » pour couvrir les besoins d’investissements. La marge reste d’ailleurs inférieure à celle réalisée en 2008, à 10,3 %. Avant « la » crise… Et l’objectif demeure d’atteindre « au plus vite » une marge sur chiffre d’affaires située entre 10 et 12 %, pour couvrir les besoins d’investissements.

Un endettement réduit

Lors de la présentation des résultats 2010, la SNCF soulignait que la dette commençait à être maîtrisée et devrait se stabiliser. En fait, en 2011, elle est en baisse de 170 millions et se situe à 8,33 milliards d’euros. Et le groupe est « légèrement en avance » sur son plan de marche, visant à revenir à « une situation financière durablement soutenable » à l’échéance 2015. Globalement, comme pour chacune de ses branches.
    

Pascal Grassart

 

Ewa

Déportation : Alain Lipietz entretient la « légende noire » de la SNCF

IMGP1520

Dans un livre qui vient de paraître, Alain Lipietz, économiste et ancien député vert européen, revient sur l’épopée judiciaire qui oppose la SNCF à des victimes de la Shoah, dont son père.?L’historien Georges Ribeill nous livre ici sa lecture de l’ouvrage, relevant son intérêt mais aussi ses faiblesses. Jusqu’en 2001, la jurisprudence interdisait de demander réparation pour les actes du « gouvernement illégal de Vichy ». Mais une fois levée cette amnistie de fait, Georges Lipietz et son frère Guy S. s’empressèrent aussitôt de demander réparation pour leur transfèrement (1) de Toulouse à Drancy le 10 mai 1944. À l’issue d’une longue saga judiciaire, le 6 juin 2006, le tribunal administratif de Toulouse condamnait l’État et la SNCF à verser 15 000 euros d’indemnités à chaque déporté, à raison de deux tiers pour l’État et d’un tiers pour la SNCF. À l’inverse de l’État, la SNCF décidait de faire appel de ce jugement, enclenchant une nouvelle guérilla, terminée par un arrêt du Conseil d’État déclarant, en date du 21 décembre 2007, la justice incompétente. Cette longue épopée judiciaire, en quête de fixer la responsabilité propre de la SNCF, est ici relatée par le menu détail, de manière didactique et très vivante par Alain Lipietz, le fils de Georges, décédé en 2003, et qui reprendra son combat judiciaire. Un recours en justice jalonné de nombreux obstacles visant, avant même le fond, la procédure : débats casuistiques sur la compétence des tribunaux, sur l’immunité de l’État ou les délais de prescription. À moins qu’il ne s’agisse d’un oubli délibéré, l’auteur semble ignorer notre dossier développé dans la revue d’histoire de La Vie du Rail, Historail n° 4 (janvier 2008), où l’on s’efforçait de faire des mises au point que l’on espérait définitives. En vain, manifestement. Du coup, la démonstration de la culpabilité de la SNCF dont Lipietz ne doute aucunement, est fondée sur de multiples allusions ou hypothèses à charge, plutôt que sur des faits précis et bien documentés. Quelques exemples ? Si un courrier échangé entre Laval et le président de la SNCF évoque une facturation en raison de « la convention des transports de l’espèce », il s’agit de son règlement pour sa collaboration à la « mise en oeuvre de la Déportation », « de l’espèce » signifiant évidemment « des Juifs » (p. 33, p. 244) ! Une correspondance passée en 1943 entre Laval et le président de la SNCF, retrouvée par Christian Bachelier et publiée dans son Rapport achevé en 1995 (2), atteste des « décisions prises par la SNCF en matière de transport des détenus », agréées par le ministre Bichelonne : voilà donc ainsi appréhendée la SNCF « notifiant à ses cadres des règles de procédure pour la déportation des Juifs » (p. 246). Problème : rien ne permet de confondre ces « détenus transportés » avec les Juifs déportés, ce dont l’historien Bachelier, toujours prudent, plutôt insinuant, se garde bien ! Mais pour Lipietz, « convention de l’espèce » ou « décisions prises par la SNCF », voilà donc avec ces « deux archives » non retrouvées, de quoi accuser la SNCF de « dissimulation de preuves », de ces preuves si accablantes de son implication dans la Shoah !
Puisqu’accompli de bout en bout sur le sol français, le transfert de son père de Toulouse à Drancy constitue un « cas chimiquement pur de la participation strictement française à la Shoah » (p. 14), admettons à la limite, mais un transfert accompli « sous l’autorité technique de chefs de gare français » (p. 10) : que viennent donc faire ceux-ci ici ? Une fois de plus, Léon Bronchart serait le « seul cheminot “Juste parmi les nations” [faux, il y en eut d’autres] » « parce qu’il refusa de conduire l’un des convois de la honte » (p. 33) : autre erreur (3), c’était un transfert de détenus politiques à partir de la prison d’Eysses ; mais ayant par ailleurs caché chez lui des Juifs, Bronchart fut déclaré juste.
Des coups de fleuret tendancieux, mais aussi des accusations « massue » : « Il y eut de hauts dirigeants de la SNCF pour négocier avec les SS et avec le chef de la Police française, René Bousquet, les détails techniques de la Déportation [vrai en ce qui concerne les transfèrements, admettons en ce qui concerne les déportations]. Il y eut des dirigeants de la SNCF qui donnèrent l’ordre de ne pas arrêter les trains pour donner à boire aux malheureux [très douteux ! quelle source ?]. Il y eut des dirigeants pour prescrire de bien veiller, au passage de la frontière allemande, à récupérer les tinettes depuis longtemps remplies d’excréments, de peur que les Allemands ou les Polonais n’oublient de les renvoyer » (p. 32) : confusion certaine avec les consignes de l’été 1942 visant les trains de transfèrement au franchissement des gares de démarcation, Chalon-sur-Saône et Vierzon, les magasins des gendarmeries des deux zones ne pouvant pas apparemment échanger leurs matériels… Dans les trains de déportation, les tinettes étaient les mêmes de bout en bout !
Nous rejoignons plutôt Lipietz dans son chapitre consacré à « l’attitude des historiens français » après la publication du rapport Bachelier et le colloque de 2000 dévolus à la question : Henry Rousso « presque inhumain envers Kurt Schaechter et ses archives illégalement photocopiées », donc « condamnables » (p. 261, 264), qui ainsi n’auraient aucune valeur historique ! Annette Wieworka, avançant sans preuve que si les Lipietz avaient échappé à la déportation, c’était « grâce aux cheminots » (p. 265) ; avant de s’en prendre surtout au « cas Klarsfeld » pour le prompt revirement de son attitude : condamnant moralement en 2000 la SNCF, mais bénéficiant ensuite des fonds versés par la SNCF au Mémorial de la Shoah (p. 267), mieux encore sans doute, de l’aide à sa propre Association des Fils et Filles des déportés juifs de France sous la forme d’expositions itinérantes dans les grandes gares. Ainsi, résume justement Lipietz, « une sorte d’indulgence plénière aurait été accordée à la SNCF, en échange du financement des initiatives mémorielles des associations » (p. 268) ; indulgence convertie en défense même lorsque, face à la meute des plaignants américains mobilisés dans une class action (recours collectif en justice) l’avocat Arno Klarsfeld, le fils de Serge, deviendra le « lobbyste-conseil de la SNCF à New York ».
Mais emporté dans sa diatribe contre Serge Klarsfeld qui, en janvier 2011, s’explique – « Depuis 2000, j’ai trouvé de nombreuses factures qui montrent que la SNCF n’a pas été payée [sic] et que les trains employés étaient allemands » (p. 271) –, Lipietz rétorque par une affirmation aussi catégorique qu’étonnante, mais dont aucune source n’est mentionnée : « Cela fait longtemps qu’il est établi (y compris par Serge Klarsfeld) que la SNCF facturait à l’agence de voyages de la Reichsbahn (laquelle refacturait au RHSA (4)) les transports Drancy – Auschwitz demandés par la HVD (5), et facturait aux Français les transferts province – Drancy… » Selon les travaux de référence sur la question de Raul Hilberg (1985) (6), les trains expédiés aux camps d’extermination sont facturés et réglés entre autorités allemandes, entre le Commandement militaire en France pour le parcours français (dépense réimputée à la France à titre de dépenses d’occupation), et la Police de la sécurité pour le parcours allemand, au prix de palabres diverses. S’agissant de la facture des trains de transfert province – Drancy, à quelle source ou document fait donc allusion Lipietz ?
Ce que l’on doit reprocher dans les arguments avancés par Lipietz ne lui est pas propre, et dans cette affaire, sans cesse, les diverses parties se battent en brandissant des mots accusateurs d’un côté – « wagons à bestiaux », « factures » –, des mots défensifs de l’autre, – « contrainte allemande », « réquisitions » – : des mots sans cesse lancés d’un camp à l’autre sur la scène médiatique comme devant les prétoires, tant en France qu’aux États-Unis, mais dont le souci de l’examen critique et de la véracité historique échappe aux deux parties. Leurs avocats respectifs n’ont que faire de la vérité historique, arc-boutés dans leur bras de fer sur des prétendus documents à charge ou décharge, « factures de la SNCF » versus « réquisitions de la SNCF », mais tout aussi invisibles les uns que les autres, faute d’avoir tout simplement existé d’après nos recherches !!! S’il y a une facture de la SNCF « coupable », c’est celle qui est évoquée dans le dossier d’Historail précité (p. 83) : facture impayée « pour le transport d’Israélites allemands du camp des Milles [alors en zone libre] à Chalon-sur-Saône, à destination du camp de Drancy au mois d’août 1942 », une facture dont la SNCF demande toujours le règlement au printemps 1945, au lieu de la passer « par pertes et profits » !
Comme le fait Lipietz, il faut rendre hommage à Kurt Schaechter. C’est lui qui le premier ouvrit en 1992 la boîte de Pandore, qui exhuma des cartons d’archives départementales toulousaines, à la fois les consignes préfectorales et policières de l’été 1942 visant les rafles et transferts des camps de la zone libre sur Drancy, mais aussi quelques factures pour des transports ferroviaires depuis le camp de Noé en 1944. S’agissant de ces dernières, jusqu’à preuve du contraire, la SNCF a pu établir avec le concours d’une archiviste missionnée, qu’il s’agissait d’une série de transferts de tous petits groupes de détenus aux statuts divers, dispersés vraisemblablement vers des sites français pour y constituer un appoint de main-d’œuvre, tels des chantiers Todt. Mais Kurt Schaechter, révolté par toutes ces découvertes, emporté par sa passion irréfléchie et son énergie combative inépuisable, perdit en sorte la raison, je veux dire toute objectivité historique, amalgamant tous ces faits pour voir en la SNCF une entreprise maudite et coupable, facturant en tous temps et en tous lieux tous ses transports de Juifs, tant ses transfèrements franco-français que les déportations vers l’Allemagne. Ainsi, livrant à qui voulait toutes ses photocopies « rephotocopiées » à l’infini comme des petits pains, allait-il servir à tous les plaignants suivants de référence morale et de tremplin judiciaire, sans que ceux-ci s’attardent sur ses confusions objectives qu’à lui seul on pouvait pardonner. Lui, l’humaniste Schaechter dont Lipietz rappelle « la blessure rouverte jusque dans les derniers mois de sa vie », entretenue par son vain combat judiciaire pour obtenir de la SNCF quelques excuses et un euro symbolique ! Un enjeu moral et éthique, à mille lieux des réparations pécuniaires escomptées par tous les autres plaignants…
À l’évidence, le talent reconnu d’intellectuel engagé et de remarquable débatteur d’Alain Lipietz nous vaut un ouvrage brillant dans la forme, qualifié d’ « essai », mais qui n’échappe pas au péril bien cerné par l’auteur lui-même, piégé par sa propre affectivité : « Il n’est pas facile de se faire historien d’une mésaventure de son propre père. Le risque de parti pris est évident. L’amour familial peut conduire à prendre pour argent comptant ce qui est devenu roman familial. » Voici donc un roman familial contribuant assurément à entretenir la « légende noire » d’une SNCF dont le lourd crime est ainsi précisément identifié (p. 256) : « Par accord avec les objectifs antisémites de la Révolution nationale vichyste, ou par goût du lucre, par discipline d’appareil ou par ambition de carrière, par orgueil professionnel mal placé ou par soumission à la rationalité instrumentale, elle collabora, en tant qu’agent direct d’un ensemble de mauvais traitements ayant souvent entraîné la mort, en vertu d’actes dits lois françaises, à la perpétration de la Shoah, par des Français, sur le sol français, sur des rails français, dans des wagons français ». Une SNCF prétendue criminelle, jugement que son profond mutisme tend à accréditer dans l’esprit de ses accusateurs.

Georges RIBEILL

 

(1) Tel est le terme administratif exact pour désigner les transferts de détenus organisés par l’administration française sur son propre territoire, de la zone libre à la zone occupée notamment. Rien à voir donc du point de vue juridique et logistique avec les déportations en territoire allemand.
(2) La SNCF sous l’occupation allemande, 1940-1944, Tome 1, p. 459.
(3) Erreur commise dans le Dictionnaire des Justes de France (Fayard et Yad Vashem, 2003) et reproduite couramment depuis !
(4) RHSA : Bureau central de la sécurité du Reich.
(5) HVD : Hauptverkersdirecktionen, direction des chemins de fer allemands en France.
(6) Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, trad. fr., Folio Histoire, 1991, Tome 2, p. 555-556.

 

La réponse d'Alain Lipietz :
Enquête et histoire : le cas SNCF et la Shoah

Ewa

Pour une nouvelle ambition publique ferroviaire par Gérard Lahellec, vice-président du conseil régional de Bretagne

Image1

Le vice-président du conseil régional de Bretagne, en charge de la mobilité et des transports, livre son analyse des Assises du ferroviaire qui viennent de se conclure. Outre le fait que « c’est plutôt la lutte fratricide entre SNCF et RFF qui a attiré l’attention de tous », il regrette qu’on n’ait pas pensé davantage à associer les régions quand il s’est agi d’imaginer une nouvelle gouvernance pour le système ferroviaire français. • Des assises pour quoi faire ?
Les Assises du ferroviaire se sont terminées le 15 décembre 2011 avec un bilan contrasté. Pourtant, le système ferroviaire français a besoin de réformes profondes pour sortir de l’impasse actuelle, qu’elle soit financière ou organisationnelle, mais aussi pour répondre aux enjeux de mobilité d’aujourd’hui et de demain. C’est vital pour les citoyens et les territoires. La France a besoin de réinterroger son modèle ferroviaire pour le mettre en phase avec ses propres ambitions publiques.
Les quatre commissions des Assises (Europe et Concurrence, Gouvernance, Economie, Filière industrielle) ont travaillé et émis des propositions. Parmi celles reprises par le gouvernement, citons l’expérimentation de l’ouverture à la concurrence pour les TET (trains Corail) et les TER en 2014, la maîtrise de la dette par la mise en sommeil des nouveaux projets d’infrastructures (Snit) pour rechercher de nouvelles méthodes d’évaluation des projets, une nouvelle étape de décentralisation avec des compétences renforcées des régions, et enfin un besoin de regroupement de tous les métiers en lien avec l’infrastructure, pour en finir avec les imbrications multiples ingouvernables.

• Ne pas confondre dette et investissements utiles !
On notera au passage que le gel des projets d’infrastructures nouvelles (Snit) au nom de la dite maîtrise de la dette constitue une illustration de la confusion entretenue entre endettement et réalisation de projets utiles aux populations, car, en réalité, avec des investissements nouveaux, bien maîtrisés par une vraie politique publique, ce ne sont pas des dettes que l’on transfère aux générations futures mais un capital utile pour les décennies à venir. Il est donc urgent aussi de reconsidérer cette question.
A ce stade, on notera aussi le silence sur la gestion de la dette (rien ne change, elle reste en l’état dans le système ferroviaire) et l’absence de propositions pour abonder le système avec de nouvelles sources de financement (versement transport régional, taxes nouvelles…). S’agissant de la dette, le ministère de l’Economie n’accepte pas une réintégration au sein des comptes publics de l’Etat. On paie aujourd’hui l’hypocrisie d’hier sans jamais assainir les finances du ferroviaire, condition pourtant indispensable pour mettre en œuvre des perspectives de développement.

• Des thématiques absentes du débat
Alors que l’on pouvait penser que les débats allaient se cristalliser sur l’ouverture à la concurrence, c’est plutôt la lutte fratricide entre SNCF et RFF qui a attiré l’attention de tous. La SNCF défendant un modèle complètement intégré avec un pilote unique, RFF préconisant plutôt une séparation forte entre le gestionnaire d’infrastructure et le transporteur. L’Etat a renvoyé tout le monde à ses chères études, en demandant des travaux complémentaires pour rechercher une 3e voie avec comme critères essentiels énoncés : haut niveau de sécurité, compatibilité européenne, capacité des pouvoirs publics à intervenir, gagner des marchés à l’export, tenir compte de la particularité des personnels cheminots.

• Ne pas céder aux tentations libérales !
Dans ce panorama composite et encore incertain, la tendance naturelle des tenants du libéralisme est de rechercher des alternatives du côté des options créant l’illusion de recettes nouvelles pouvant parvenir du marché et de la mise en concurrence. Mais parmi les hypothèses à explorer, il faudrait d’abord permettre aux régions d’apporter leur vision pourtant si précieuse des nouveaux enjeux de mobilité et permettant de replacer le ferroviaire, avec les autres modes de transports collectifs, au centre du jeu.
Avant le débat sur le choix des solutions techniques (organisationnelles ou financières) à mettre en place et à partir de son expérience, la Bretagne souhaite qu’il soit tenu compte des principes fondateurs auxquels elle croit fondamentalement pour poser les bases de la refondation du système ferroviaire. Région périphérique, caractérisée par une réalité économique peu captive et sa péninsularité, la Bretagne est très attachée à un modèle ferroviaire fiable, sécure et unitaire ; elle est également attachée à l’exemplarité sociale et au respect du statut des cheminots ; mais, à la lumière de son expérience, elle est en droit d’exprimer dès réserves dès lors que l’on évoque le pilotage de tout l’ensemble ferroviaire par dévolution à un seul acteur ; elle est encore plus hostile, quand certains expliquent les vertus d’une séparation totale, ouverte à la concurrence, sans pilote identifié, chargé de gérer l’ensemble. Les raisons de ces réserves sont illustrées par certaines situations vécues ; on peut ainsi constater, d’une part, ce qu’il est advenu de l’abandon de toute ambition en matière de fret ferroviaire et, d’autre part, ce qu’il en est de la difficulté récurrente à mettre en œuvre les politiques de dessertes et de respect des horaires découlant de l’incapacité du gestionnaire des infrastructures de garantir les conditions de réalisation de travaux.

• Quand la tentation libérale génère une gouvernance aberrante et impossible !
On ne dénombre plus la multiplicité des structures de gouvernance rendant opaques et injustes les décisions en matière de stratégie de développement du ferroviaire. Réseau ferré de France (RFF), qui assure la maîtrise d’ouvrage de la réalisation et de la maintenance des infrastructures en mettant de plus en plus à contribution les finances des collectivités, et singulièrement des régions, fixe, en accord avec l’Etat, les tarifications des « sillons ». Mais la méthode utilisée consiste à facturer plus cher les infrastructures modernisées et financées par ces mêmes collectivités ; or ce sont aussi ces mêmes collectivités qui compensent le financement des TER ! Au fond, donc, plus les collectivités financent la modernisation des infrastructures et plus elles paient cher l’usage qui en est fait en matière de service public, sans que jamais leur avis soit sollicité !
Côté régulation et transport proprement dit, c’est une nouvelle instance (Araf) qui est réputée fixer les contours de ce qui est juste et déontologique en matière ferroviaire, mais les grandes absentes de celle-ci sont les instances publiques qui assurent une part non négligeable des financements.
Côté transporteur SNCF, de nouvelles instances se mettent en place, telle que Gares & Connexions, direction aux contours comparables à une filiale qui rémunère le capital qu’elle consacre à ses investissements à hauteur de 9 % !
Cette institution, qui assure très partiellement le financement de la modernisation des gares, ne parvient à rémunérer le capital investi à hauteur de 9 % qu’en imposant des tarifs d’usage du passage des trains et des voyageurs en gare à des tarifs élevés ; une fois encore, après que les collectivités ont participé au cofinancement de la modernisation des gares, ces dernières sont appelées à payer plus cher les prestations découlant des dessertes qu’elles mettent en place et qu’elles financent ! Les collectivités paient donc deux fois : une fois en investissements et une autre fois à l’usage !
Côté fret ferroviaire, la gouvernance de la stratégie est, de fait, sous la dépendance du groupe Geodis, ce qui aboutit naturellement à un positionnement stratégique de captation de marché plutôt qu’à une stratégie de développement des territoires ! La démonstration est donc faite que cet émiettement des gouvernances, aux connotations libérales, est générateur de gaspillages et d’inefficacités.

• La vraie question politique est celle de l’ambition publique !
La vraie question est celle de l’ambition publique et de la maîtrise par la puissance publique du système ferroviaire. Ce système ferroviaire auquel les Français sont très attachés appartient à la nation, et les élus doivent pouvoir rendre des comptes aux citoyens sur la nature et la qualité du service qui est proposé. N’est-il pas temps d’arrêter le processus d’émiettement des activités consistant à filialiser et à morceler toute une série d’activités ? Autorité de régulation du ferroviaire, Gares & Connexions, Fret SNCF… ces seuls exemples suffisent pour démontrer que le pilotage de l’ensemble ne peut pas être délégué à un tiers ; il doit être organisé par l’Etat et les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les régions. C’est la seule garantie pour que les intérêts collectifs soient préservés et que l’accès à la mobilité ferroviaire pour chaque citoyen ne soit pas soumis aux aléas des simples logiques de marchés des opérateurs quels qu’ils soient. Toutefois, le système a besoin d’unicité et de cohérence en matière de travaux, de sécurité et de fiabilité et de tarifications. Aujourd’hui, RFF, qui porte la dette de près de 30 milliards, emploie environ 1 500 salariés. Par ailleurs, ce sont près de 5 500 cheminot(e)s qui assurent les prestations de programmation des travaux, de gestion, d’organisation et d’élaboration des horaires. Pour des raisons d’efficacité et de sécurité, l’ensemble de ces missions doivent être assurées dans un cadre unique et cohérent. Ce qui semble le plus aisé et le plus efficace serait de verser l’ensemble de ces missions au sein d’un service unique de la SNCF ; mais ceci ne règle pas la question de la gouvernance ni la question de la dette ! Avec l’embarras encombrant que génère la dette et le refus de s’y attaquer, la tentation est grande de suggérer de verser l’ensemble de ces missions au sein de RFF. Mais dans les deux cas la question de fond posée est bien de savoir si oui ou non il y a lieu de mettre en place une gouvernance publique, assumant de part en part l’ensemble des décisions et dispositions organisationnelles s’y rapportant et cela est possible en respectant l’unicité du statut social des cheminot(e)s.

• Un choix de vérité et d’efficacité
Cette volonté affichée de pilotage par la puissance publique n’est pas synonyme de dérive financière ; elle s’inscrit dans un principe de réalité économique pour agir en responsabilité, y compris sur la maîtrise de la dette. Alors que le gouvernement ne gère la dette que par la réduction des dépenses, nous pensons qu’il faut agir simultanément sur les dépenses et les ressources. Si on veut redonner toutes ses chances au développement du ferroviaire en réponse aux attentes des populations, il faudra bien affronter le traitement de la dette historique pour apurer le système.

• Pour une ambition publique nationale et décentralisatrice
Redonner la prédominance de la gouvernance aux acteurs publics se conjugue aussi avec le rapprochement des lieux de décision au plus près des territoires. Les solutions à mettre en œuvre en Alsace ne sont pas nécessairement les mêmes que celles convenant à la Bretagne. Notre modèle centralisé est à ajuster, ce n’est plus à Paris que toutes les décisions doivent se prendre. Les exemples sont nombreux pour démontrer l’inefficacité de ce modèle, que ce soit à SNCF Proximités, qui filtre toutes les initiatives des directions déléguées TER, ou à RFF, qui dispose de peu d’autonomie en région et renvoie à sa structure centrale la plupart des prises de décisions. Pour de nombreux sujets, c’est à la région, autorité organisatrice du transport régional, en concertation avec les collectivités locales, de traiter directement avec SNCF et RFF pour décider du bien fondé des actions à mettre en place localement. Si besoin, la Bretagne est prête à expérimenter une nouvelle forme d’organisation qui donnerait sens à cette ambition publique permettant de proposer un service ferroviaire de qualité, moderne et adapté aux besoins de tous et de tous les territoires.
Mais cette nouvelle phase d’une décentralisation ferroviaire appelle aussi une grande ambition publique nationale pour que l’Etat et les régions assument pleinement leurs responsabilités en matière de gestion de la dette, de fixation des tarifs d’usage des infrastructures, de missions de dessertes du territoire et de stratégie de développement du ferroviaire.