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Ewa

Coûts de transaction, coûts de production, capture… Comment remettre sur les rails le système ferroviaire français ?

Yves Crozet

Pour Yves Crozet, économiste, administrateur de RFF, l’idée de créer en France une holding à l’allemande est une fausse piste. Contre le rêve de reconstitution de l’opérateur historique, il invite le groupe SNCF à poursuivre sa mue pour mieux affronter la concurrence.

Par Yves Crozet, professeur à l’Université de Lyon (IEP) et directeur du Laboratoire d’économie des transports (LET) Avec les Assises, l’heure est en France à l’introspection ferroviaire. Car le système ferroviaire français n’est pas en bonne santé. Sa productivité, sa compétitivité mais aussi sa qualité et ses coûts sont interpellés. Cela d’autant plus que nous sommes en période de crise des finances publiques et que le ferroviaire est gourmand en subventions de tous ordres. Cette question des subventions est importante car elle est une caractéristique du secteur. Il n’y a pas en Europe d’activité ferroviaire qui puisse vivre sans subvention. Même dans les cas rares où l’exploitation réussit à couvrir ses coûts par les recettes, il est le plus souvent nécessaire de subventionner l’infrastructure, parfois largement. C’est le cas en France du réseau LGV, qui ne peut se développer sans financement public de l’infrastructure, ou des trains de fret, qui paient un péage très éloigné du coût complet.
Or, de façon surprenante, au lieu de se concentrer sur la question des coûts de production, le débat actuel se polarise sur la question organisationnelle. La faible efficience du système ferroviaire ne proviendrait-elle pas de la réforme de 1997, qui a conduit à séparer le gestionnaire d’infrastructure (GI) de l’entreprise ferroviaire (EF) ? Il est devenu courant de pointer du doigt les coûts de transaction qui ont résulté de cette séparation. N’assiste-t-on pas à certains doublons de part et d’autre de la frontière entre les deux Epic ? Et de façon plus générale, n’y a-t-il pas une perte d’information et de compétence avec la dé-intégration des entreprises ferroviaires historiques ?
Ces questions interrogent directement les principes de la déréglementation du secteur instaurée par les directives européennes depuis 20 ans. Plus précisément, elles interpellent sur la façon dont nous les avons mises en œuvre en France, en refusant le « modèle » anglais de l’éclatement de l’opérateur historique, mais en nous éloignant aussi du « modèle » allemand de dé-intégration à l’intérieur d’une seule holding ferroviaire publique.
Pour éclairer les débats sur l’organisation institutionnelle nous souhaitons souligner ici qu’une holding ferroviaire « à la française » ne résoudrait que marginalement les coûts de transaction tout en ne posant pas la question de fond sur les coûts de production. De ce fait, il est nécessaire d’envisager un autre scénario pour éviter de se laisser séduire par des sirènes dont le chant exprime essentiellement la nostalgie du monopole.

Dé-intégration et coûts de transaction

Les Allemands ne sont pas les seuls à avoir choisi la dé-intégration à l’intérieur d’une même société mère publique. Les Italiens et les Espagnols ont fait de même et c’est aussi le cas en Belgique et en Suisse. Parmi les pays qui ont choisi la mise en place d’un GI totalement séparé de l’EF, nous avons la Suède ou les Pays-Bas. Mais dans ces pays le GI est un GI à part entière, il n’y a pas de Gestionnaire d’infrastructure délégué (GID) comme l’est la SNCF. Le duo SNCF-RFF est donc un système hybride, boiteux diront les plus critiques, où une claire séparation institutionnelle se double d’un maintien de la tâche concrète de GID dans les mains de l’EF. Ne devrait-on pas sortir de cette ambiguïté et répartir plus clairement les missions ?
Une « claire séparation institutionnelle » se définit d’abord par rapport aux critiques qui s’adressent au système actuel. Elles tournent largement autour d’un déficit de clarté : est-ce le GI ou le GID qui est responsable de la difficulté à satisfaire la demande de sillon, de manquer de réactivité pour gérer les conséquences d’un accident et des réparations qui s’ensuivent, de mal programmer les travaux de rénovation en regard des impératifs de la circulation des trains, etc. ? Au cas par cas, on peut désigner le « vrai » responsable ou identifier la force majeure qui a provoqué le mal mais, d’une manière générale, la perception largement partagée est celle d’un système relativement opaque qui responsabilise mal les acteurs.
A ce stade de la réflexion, la première question qui se pose n’est donc pas celle de la holding, mais celle de l’achèvement de la réforme de 1997. On pourrait ainsi envisager un transfert dans le giron de RFF des entités que sont la direction des circulations ferroviaires (DCF), SNCF Infrastructures et Gares & connexions. En toute logique c’est cette option qui serait en ligne avec les directives européennes et l’orientation des choix de 1997. Mais cela ressemblerait à un démantèlement d’une SNCF déjà durement marquée par le dramatique recul du fret ferroviaire. Transférer à RFF près de la moitié des effectifs de la SNCF pose donc des questions sociales mais aussi industrielles et commerciales. L’existence d’une filière industrielle ferroviaire est sans doute mieux assurée si, par exemple à l’exportation, les firmes françaises ont un savoir-faire qui combine exploitation des trains et gestion de l’infrastructure.
C’est pourquoi la solution de la holding séduit. On ferait les mêmes rapprochements que ci-dessus, mais dans le cadre d’une seule société mère, qui pourrait éventuellement changer de nom. Nous aurions alors, comme en Allemagne une société mère que nous appellerons « Rail France », laquelle serait la holding d’autres entités qui auraient pour nom « Rail Infrastructures », « Circulations ferroviaires », « TER », « Grandes lignes », Gares et connexions, Fret, etc. Ces entités seraient indépendantes du point de vue comptable et même plus que cela, elles seraient des filiales de la société mère. Mais notons que cela ne supprime pas les coûts de transaction. Ainsi l’entité « Circulation ferroviaire » étant en contact avec les concurrents de l’opérateur historique, il faudrait, comme en Allemagne, créer autour de cette entité une « muraille de Chine » dont l’étanchéité serait régulièrement auditée. L’attribution des sillons et le choix du niveau des péages devraient en tout état de cause relever d’une entité indépendante, qui ressemblerait furieusement à ce qu’est RFF aujourd’hui. Bref, les coûts de transaction existent pour la simple raison que nous ne sommes plus à l’époque des monopoles ferroviaires intégrés. Même si l’avantage de la holding est de donner à la société mère le maximum d’informations nécessaires pour assurer la sécurité d’ensemble du système, l’interopérabilité, la cohérence des choix technologiques, la ré-intégration ne réglerait pas, loin s’en faut, le problème clé, celui des coûts de production.

Ré-intégration et coûts de production

La « solution » de la holding, spécialement en France, pose de nombreuses questions liées au fonctionnement passé et présent du système ferroviaire. Pour le comprendre, plaçons-nous d’abord du point de vue de Bruxelles.
Il est évident qu’une holding « à la française » serait vue comme la reconstitution du monopole de l’opérateur historique dans un pays où la concurrence n’a été instaurée (non sans mal) que pour le Fret(1).  Or le monopole, outre son caractère euro-incompatible, a montré ses limites. Ce dont souffre le système ferroviaire français aujourd’hui n’est pas tant d’une coordination imparfaite entre RFF et SNCF que de ce que l’on appelle pudiquement l’inflation ferroviaire, fruit d’une progression beaucoup trop faible de la productivité tant du côté de l’infrastructure que de l’exploitation des trains. La conséquence est que le coût pour les finances publiques est très élevé. En Allemagne ou en Suisse, les coûts sont aussi élevés, mais la spécificité française est que chez nous les subventions progressent alors même que le nombre de trains qui circulent ne cesse de diminuer malgré les succès du TGV et, localement, du TER. Le principal problème que nous devons aborder est donc celui de notre incapacité à faire du ferroviaire une activité à productivité croissante et donc à coûts de production décroissants.

Or il est maintenant connaissance commune que le ferroviaire géré « à la française » n’est pas capable d’atteindre un tel objectif.
– On l’a vu dans le fret où la réponse à l’arrivée des concurrents s’est traduite par un repli sur des objectifs de trafic qui se réduisent comme peau de chagrin, alors que des subventions substantielles ont été versées.
– On l’a vu pour les TER où les dotations publiques ont progressé plus que les trafics !
– On l’a vu pour les trains d’équilibre du territoire où la négociation a conduit à la mise en place d’une nouvelle subvention.
– On le voit dans la maintenance et le renouvellement de l’infrastructure où sévit une inflation ferroviaire très supérieure à la hausse des indices de prix de référence.
– On le voit même pour le TGV où la question du niveau des péages, qui est en elle-même légitime, devrait conduire à s’interroger sur les gains de productivité potentiels de cette activité. Les demandes de subvention pour l’exploitation de certains TGV se profilent à l’horizon !

Ces exemples sont significatifs d’une logique d’économie administrée et non d’une logique d’entreprise. Notons bien que SNCF et RFF ne sont pas les seuls à vivre des subventions et à en demander toujours plus. Une grande partie de ces demandes résulte des stratégies d’autres acteurs du système ferroviaire qui s’inscrivent encore plus explicitement dans une logique d’économie administrée. Cette dernière se caractérise par le réflexe d’une demande de subvention dès lors que le financement est problématique. Ainsi, les syndicats mais aussi les clients, les élus régionaux et nationaux, qu’il s’agisse des TER ou des projets de TGV, ne sont d’accord que sur une chose : l’Etat doit payer ! Quand un problème se pose, il faut accroître les subventions !
C’est essentiellement pour cela qu’une holding à la française serait une mauvaise solution. On éviterait (peut-être) quelques coûts de transaction, mais on renforcerait ce qui fait la caractéristique principale du ferroviaire français : la capture de la tutelle publique par les autres acteurs du système qui arrivent à convaincre que leurs intérêts particuliers relèvent de l’intérêt général.

Le problème clé : la capture de la tutelle publique

Le principal problème de gouvernance du ferroviaire français ne réside pas dans la coupure entre RFF et la SNCF, il se trouve dans l’incapacité de la puissance publique à imposer des objectifs raisonnables au système. Car tous les autres acteurs poussent dans le sens contraire.
Qu’on en juge :
– le projet de Snit et ses dizaines de milliards de projets de lignes TGV est-il quelque chose de raisonnable ? Alors même que les finances publiques sont dans la situation que l’on sait ! Chacun convient que cela n’est pas possible, mais personne ne veut abandonner son propre projet : un exemple typique de jeu d’acteurs qui pousse la puissance publique à faire des promesses inconsidérées.
– Est-il raisonnable de voir les ministres successifs fixer des objectifs ambitieux au fret ferroviaire alors que la réalité vient, année après année, leur imposer un cruel démenti ?
– Est-il raisonnable de maintenir en activité certaines lignes ferroviaires quand les trafics sont faibles et n’ont aucune raison de progresser puisque dans le même temps on améliore le réseau routier et la performance des automobiles ? Certains projets de réouverture de lignes suscitent les mêmes questions.
– Symétriquement, est-il raisonnable d’arrêter le trafic fret de certaines lignes ferroviaires locales alors que des opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) pourraient y développer une activité performante.
– Est-il raisonnable de se plaindre des coûts des TER SNCF tout en se montrant d’une excessive pusillanimité devant l’idée même d’expérimenter localement l’ouverture à la concurrence pour ce marché ?
– Est-il raisonnable de se satisfaire en France de gains de productivité très faibles dans le ferroviaire à comparer de ce que réalisent nos voisins ?
– Est-il raisonnable qu’une entreprise publique qui représente moins de 1 % de l’ensemble des salariés de France, dont les salariés sont protégés par leur statut, cumule à elle seule chaque année entre 20 et 30 % du total des journées de travail perdues en France pour fait de grève ?
– Le lecteur peut allonger cette liste !

C’est donc sur ces blocages que s’arrête le parallèle avec l’Allemagne et la Suisse. Dans ce dernier pays, le maintien de l’unité des CFF a été compensé par une diminution forte des effectifs, de presque 40 000 dans les années 1980 à 28 000 personnes aujourd’hui (-30 %), alors même que le trafic a progressé très sensiblement. Le même mouvement a été observé en Allemagne. En d’autres termes, dans ces pays, la promotion d’une holding ferroviaire s’est accompagnée d’une contrepartie importante en termes d’efficacité et donc de maîtrise des subventions publiques.

La mise en place d’une holding ferroviaire à l’allemande exigerait rappelons-le :
– la création de sociétés anonymes et de filiales et l’abandon du statut d’Epic ;
– la fin du statut pour tous les nouveaux recrutés du système, accompagnée d’objectifs explicites de réduction tendancielle des effectifs du fait des gains de productivité attendus ;
– le transfert de la dette ferroviaire à la collectivité, faute de quoi la nouvelle entité ré-intégrée se verrait lestée d’une dette insoutenable de plus de 35 milliards d’euros ;
– une programmation raisonnable des financements publics et donc l’abandon de nombreux projets non réalistes dans l’état de nos finances publiques ;
– le recours explicite à la concurrence pour les trafics voyageurs, afin de mettre sous tension l’opérateur historique ;
– un encadrement rigoureux du droit de grève(2)…

Chacun comprend bien qu’un tel big bang ferroviaire est hors d’atteinte pour de multiples raisons. Il tombe sous le sens qu’en France, la reconstitution du monopole ferroviaire renforcerait encore plus la capture. L’inflation ferroviaire s’accélérerait et les subventions se multiplieraient pour la plupart des entités de la holding. On comprend bien dès lors pourquoi certains poussent en avant cette solution. Le point commun qu’ils défendent est simple : renforcer le caractère administré de la production ferroviaire ce qui a l’avantage de rendre l’Etat coupable de tous les maux !

Redonner des marges de manœuvre à la collectivité en échappant à la tyrannie du statu quo ?

Le lecteur aura compris que tel n’est pas notre objectif. L’intérêt général commande que le secteur ferroviaire en France soit capable de fournir des gains de productivité dont profitera le plus grand nombre au lieu d’attirer à lui des subventions toujours plus importantes. Mais comment faire dans un monde où dominent les mécanismes de capture ? Est-il possible d’échapper à la tyrannie du statu quo ? Sachant qu’il est inutile de rêver d’un Grand Soir qui placerait la tutelle publique en position de force pour imposer des objectifs clairs de gains de productivité, Il faut les rechercher par plusieurs moyens indirects. Tous pouvant se résumer à une idée simple : faire la démonstration que l’on peut faire mieux et moins cher.
Pour éclairer les choix à venir, regardons d’abord la situation actuelle car des éléments de pression en faveur de l’efficacité du système ferroviaire existent déjà. On peut en citer trois.
– La création et le développement (non anticipé) de RFF sont un de ces leviers indirects. Car RFF ne s’est pas contenté d’être une structure de défaisance de la dette ferroviaire. Le GI a pris son rôle au sérieux et la tutelle publique a fait de même. En donnant à RFF dans son contrat de performance (2008) un objectif de couverture des coûts complets, l’autorité publique a indirectement mis le système ferroviaire et la SNCF sous tension. Même s’il est évident que l’on ne pourra augmenter indéfiniment les péages, il faut conserver cette pression et le rôle croissant de RFF sur la définition des processus de maintenance et renouvellement. La démarche prend du temps, mais les résultats sont indéniables. L’expertise ferroviaire ne relève plus d’un seul acteur.
– La régionalisation des TER est un autre exemple de remise en cause du monopole d’expertise. L’ouverture à la concurrence va devenir l’étape suivante de la régionalisation. La concurrence sur le marché a montré ses limites et aussi les limites de Fret SNCF. Il faut en tirer les conséquences (voir ci-dessous). Mais comme on l’a vu dans les pays voisins, la concurrence pour le marché (TER), sera une source importante de benchmarking. Les régions ont besoin de références pour sortir de leur pusillanimité à l’égard de la SNCF. Et la SNCF elle-même a besoin de cette tension extérieure qui peut l’aider à progresser en interne car ses capacités de réaction sont importantes.
– Le développement du rôle de l’Araf représente une autre source de pression sur le système. Là aussi, nous avons un gisement potentiel de transparence et donc d’incitations. Là encore le monopole de l’expertise se transforme en pluralisme en même temps que se multiplient les entreprises agissant dans le ferroviaire.

Pour ne pas s’en tenir au statu quo, faisons, une bonne fois pour toutes, le deuil de l’intégration et distinguons ce qui relève du monopole d’une part et d’autre part de firmes plurielles. Car ce qui fonde les directives européennes c’est qu’il y a deux types d’activités distincts dans le champ du ferroviaire.
– Il y a d’abord ce qui relève du monopole public de l’infrastructure. Ce que nous devons faire est donc de préciser le rôle de ce monopole symbolisé par RFF. Un élargissement de périmètre de RFF est inscrit dans les évolutions en cours. La gestion des circulations est logiquement en train de se rapprocher du GI. Cette évolution est en marche, mais il faut encore préciser les fonctions qui relèvent en propre de RFF. Sur ces bases, un calendrier pourrait être envisagé. Mais ce transfert ne signifie pas que d’autres activités comme Gares & connexions ou SNCF infrastructures doivent suivre le même chemin car ces dernières sont plus assimilables à des activités d’entreprises cherchant à se valoriser sur des marchés.
– Il y a ensuite dans le monde du ferroviaire ce qui relève de la compétence d’entreprises diversifiées. La SNCF en est le meilleur exemple, qui a développé en France et à l’étranger de multiples filiales dans ses domaines de compétences. Ce qui est devant nous n’est pas la reconstitution de l’opérateur historique, mais la poursuite de la mue de la SNCF et de son groupe, dont les composantes vont de plus en plus s’autonomiser car elles seront, chacune dans son activité, confrontées à la concurrence. Prenons quelques exemples :
– le secteur du fret par son imbrication avec Geodis et ses multiples filiales, développe de plus en plus une logique liée aux intérêts propres de la firme et qui n’ont plus rien à voir avec l’intérêt général. Il faut en tirer les conséquences…
– L’activité SNCF infrastructures doit aussi être pensée en relation avec les filiales du groupe et le fait que l’entretien de l’infrastructure ne relève pas du périmètre du monopole. Il est tout à fait possible de laisser la SNCF développer ses capacités dans ce secteur sans les intégrer à RFF. Mais RFF doit aussi pouvoir à terme choisir ses sous-traitants. L’exemple suédois nous montre ce qu’est une externalisation systématique de la maintenance et de la rénovation.
– Gare & connexions représente un cas particulier compte tenu du rôle important des régions et des collectivités locales dans la question des gares, mais aussi du rôle des gares dans la perspective de l’ouverture à la concurrence. Comme vient de le rappeler l’Araf, cette entité doit voir progresser son autonomie par rapport à la SNCF.
– Les activités TER et Grandes lignes doivent aussi se positionner comme des composantes relativement indépendantes, faisant face à des marchés assez différents.

Ce chemin est raisonnable car il répond aux deux enjeux clés du système ferroviaire français, la compétitivité industrielle et la soutenabilité financière :
– la compétitivité car la tendance n’est pas, en France comme en Europe, à une reconstitution des monopoles ferroviaires, mais à la poursuite d’une logique d’entreprise pour une firme, la SNCF, qui se trouve de fait confrontée à un nombre croissant de nouveaux acteurs dans tous ses champs d’activité. La promotion de sa capacité industrielle et commerciale, en France et à l’étranger, ne passe pas par le repli mais par la définition d’une stratégie résolue d’affronter la concurrence ;
– la soutenabilité financière car l’autre enjeu concerne les finances publiques. L’existence des péages et l’objectif de coût complet donné à RFF ont le mérite considérable de requérir des subventions « en aval », au niveau des services de transport et donc très visibles dans les comptes publics. La puissance publique sait alors ce qu’elle finance : l’Etat qui assure un maintien des TET, les régions qui assurent l’offre de TER, etc. Les services offerts peuvent se révéler déficitaires, plutôt que de paraître équilibrés à la faveur de subventions croisées ! Il appartient alors à la puissance publique de décider ou non de l’achat du service au prix de ce déficit, voire d’explorer les productions alternatives de service que peuvent proposer d’autres modes ou d’autres opérateurs.

Alors que la dette publique atteint des sommets, il est inutile de rêver à une disparition de RFF qui augmenterait de près de 30 milliards la dette « maastrichienne ». Il est plus sage et plus sain de choisir le chemin de la raison, celui qui protège les finances publiques, elles en ont plus que jamais besoin !   

Ewa

Voyages-sncf.com lance sur Facebook ses voyages entre amis

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Avec ses « Petits voyages entre amis », sur Facebook depuis le 24 octobre, Voyages-sncf.com se lance résolument dans le « social commerce », nouvelle étape décisive après l’épanouissement du e-commerce, puis celle, ces derniers mois, du m-commerce, avec 3 % du chiffre d’affaires réalisé par le biais des mobiles. class= »rtejustify »>
Avec ses « Petits voyages entre amis », sur Facebook depuis le 24 octobre, Voyages-sncf.com se lance résolument dans le « social commerce », nouvelle étape décisive après l’épanouissement du e-commerce, puis celle, ces derniers mois, du m-commerce, avec 3 % du chiffre d’affaires réalisé par le biais des mobiles. Déjà, depuis juin, il est proposé aux clients à la fin de leur commande de « partager » leur voyage avec leurs amis sur Facebook, histoire de les inviter à les rejoindre en étant redirigé sur le site de voyage avec un billet prérempli. Cela a déjà généré sur le site 2,1 visites par billet acheté. « Un trafic très qualifié pour faire des ventes supplémentaires, et qui ne nous coûte rien » se félicite Yves Tyrode, directeur de voyages-sncf.com.
Une nouvelle étape est franchie et on part désormais de Facebook avant d’être dirigé sur le site voyages-sncf.com. Pour Yves Tyrode, l’enjeu est majeur car, sur 17 millions de Français entre 15 et 35 ans, particulièrement courtisés pour ce type de commerce, 15 ont un compte Facebook. Pour les séduire, l’organisation du petit voyage est simple, en quatre étapes. On crée son voyage, une date, une destination. On invite une sélection d’amis ou toute sa liste d’amis Facebook. On échange, discutant des horaires, des trajets, grâce à un espace de discussion intégré dans l’application. Et puis l’on réserve, en choisissant de payer séparément ou pour tous. C’est ensuite seulement que l’on est, pour le paiement, rebasculé sur le site voyages-sncf.com, « pour garantir une confidentialité et une sécurité maximale ».
Actuellement, il n’y a pas de réduction particulière à attendre. Et si les paiements sont faits de façon séparée, les amis ne sont pas sûrs de voyager côte à côte. Pour cela, il faut un paiement unique. Mais tout cela pourra évoluer très vite, en fonction des demandes, par étapes. Lancée en version « bêta », l’application devrait intégrer ensuite l’hôtel, l’avion, la location de voitures… Ce qui est déjà certain, selon Yves Tyrode, c’est qu’après les médias et la musique, ce sont les voyages et le tourisme qui vont se mettre à l’heure des réseaux sociaux. En combinant réseau social et outils de réservation, il se veut pionnier en la matière.     

P. G.

Ewa

La situation catastrophique de Novatrans s’affiche enfin

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SNCF Geodis reconnaît qu’il n’a pas réussi à redresser Novatrans. Selon la direction, il faudrait remettre à plat le système de fonctionnement de l’opérateur de transport combiné rail-route.
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L’assemblée générale du GNTC (Groupement national des transports combinés) s’est tenue le 20 octobre sous le signe d’un début de réconciliation avec la SNCF. Après la prise de contrôle de Novatrans par la SNCF en 2009, les relations entre cette dernière et les routiers s’étaient considérablement dégradées. En remettant de l’argent au pot, la SNCF pensait qu’elle allait relancer l’opérateur de transport combiné rail-route. Las, deux ans plus tard, Novatrans va au plus mal. Et c’est tout le secteur qui souffre. Selon les chiffres qui circulent dans le milieu, la filiale de la SNCF aurait perdu plus de 11 millions d’euros en 2010. Depuis le début de l’année, les pertes seraient déjà du même ordre. Sans entrer dans les chiffres, Pierre Blayau, le patron de SNCF Geodis, invité à s’exprimer lors de l’AG du GNTC, a reconnu que son groupe n’avait pas su redresser Novatrans. « Nous sommes revenus à la case départ : nous sommes confrontés aux mêmes difficultés qu’en 2008 », a-t-il seulement indiqué. Et de tendre la main à l’ensemble de la profession du transport combiné : « Nous sommes prêts à travailler de façon plus étroite avec le secteur. » Car s’il reconnaît un échec, il s’interroge aussi sur « le modèle économique de Novatrans ». En clair, il souhaiterait remettre en cause le fait que Novatrans ne puisse pas dialoguer directement avec ses clients. Or, c’est une des données de base du fonctionnement de l’opérateur rail-route imposée par les routiers, tant ils craignent la puissance de feu de Geodis. Autre obstacle, selon Pierre Blayau, les conventions d’occupation temporaire des plateformes de transport combiné. C’était l’une des conditions posées par l’Autorité de la concurrence pour autoriser le rachat par la SNCF de Novatrans : il fallait mettre fin à la mainmise de Novatrans et de Naviland Cargo, autre filiale de la SNCF, sur la plupart de ces plateformes. La solution proposée par SNCF Geodis – la mise en place de sociétés par actions simplifiées qui permettent aux opérateurs d’entrer au capital en fonction de leur volume d’activité –, ne satisfait personne. « Nous n’avons pas vocation à défendre cette situation. S’il faut en changer, c’est possible. Soit par le biais d’une solution publique, soit privée », affirme Pierre Blayau. De nouvelles bases sont-elles possibles ? Oui, répond Gérard Perrin, le président du GNTC, qui estime que « le système a besoin d’être remis à plat ». Message partagé par Pierre Blayau, qui appelle à un dialogue et « à un examen collectif de la situation ». Mais derrière cette belle unanimité sur le diagnostic, le chemin pour réconcilier les parties s’annonce tortueux.
    

Marie-Hélène POINGT
 

Ewa

A Chalon, Veolia-Transdev héberge un guichet SNCF

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Un point de vente TER a été ouvert, le 22 septembre, à Chalon-sur-Saône, dans la boutique ZooM. class= »rtejustify »>
Un point de vente TER a été ouvert, le 22 septembre, à Chalon-sur-Saône, dans la boutique ZooM. Dédiée jusque-là à l’accueil des usagers et à la vente de titres du réseau urbain ZooM de la Stac, exploité par Veolia-Transdev, la boutique ZooM héberge désormais un espace destiné à la vente de titres TER. Le conseil régional, responsable des transports, réunit ainsi plusieurs offres de transport en un lieu unique. La ligne Dijon – Mâcon – Lyon qui dessert Chalon-sur-Saône voit passer 110 TER quotidiennement. Et la fréquentation est en hausse de 22 % sur cet axe.
La boutique ZooM est installée au cœur de la ville, à 5 minutes de la gare, via la navette gratuite de centre-ville. En s’installant dans cette boutique, la SNCF développe son réseau de distribution Nova’TER, pour nouvelle offre de vente agréée TER, qui s’appuie sur de nouveaux points de vente, tels les boutiques des réseaux de bus urbains, les offices de tourisme, les mairies ou encore les buralistes. L’objectif étant de proposer un service de proximité TER facilitant l’achat de billets ou d’abonnements.     

Y. G.
 

Ewa

Le Transilien lance le covoiturage dynamique à Houdan

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C’est l’une des gares les plus attractives pour les covoitureurs. Houdan, dans les Yvelines, et ses 32 inscrits de longue date au site de covoiturage de la SNCF (Transilien) attirent des voyageurs jusque dans l’Eure-et-Loir. class= »rtejustify »>
C’est l’une des gares les plus attractives pour les covoitureurs. Houdan, dans les Yvelines, et ses 32 inscrits de longue date au site de covoiturage de la SNCF (Transilien) attirent des voyageurs jusque dans l’Eure-et-Loir. C’est pourquoi la SNCF l’a choisie pour expérimenter, avec son partenaire Green Cove, un nouveau dispositif dynamique constitué de deux bornes d’affichage temps réel et d’un site mobile. Les écrans transmettent en temps réel l’offre et la demande pour partager un véhicule au départ ou à l’arrivée de la gare. Malin, le système prévoit une autre option : partager un taxi. Située sur la ligne N, sur une commune de seulement 3 200 habitants, « la gare est la première à bénéficier de la tarification Ile-de-France carte Orange, et ce sont justement les 3 à 10 km pour la rejoindre qui posent problème, le service doit répondre à ces attentes, estime Marie-Laure Boudeville, maire adjointe de Houdan. La gare dispose d’un parking surveillé de 500 places et nous aurons prochainement des emplacements réservés au covoiturage ».
Moyennant une inscription préalable à la communauté, le voyageur peut facilement récupérer les informations de trajet et de contact de chacun des covoitureurs à l’aide de son smartphone : il lui suffit en effet de photographier le flashcode. Quant au site mobile (http://covoiturage.sncf.mobi), il permet d’organiser son trajet de covoiturage hors de la gare. « Pour l’instant, il y a 1 022 inscrits à notre service de covoiturage lancé en septembre 2009, assure Bertrand Gosselin, directeur marketing de Transilien. Alors que le potentiel est de 100 000 clients en Ile-de-France. »
La SNCF a investi 100 000 euros dans ce nouveau service à Houdan. Le retour sur investissement est principalement en termes d’image, la SNCF n’intervenant évidemment pas dans la transaction financière entre covoitureurs. Mais elle en espère aussi du trafic en facilitant ainsi le rabattement sur ses gares. Une opération du même genre se déroule en gare de Montbéliard pour les utilisateurs quotidiens des TER de Franche-Comté. Un bilan d’étape à cette expérimentation est prévu en janvier prochain, et un éventuel développement sur tout le réseau Transilien à compter du dernier trimestre 2012.
    

Cécile NANGERONI
 

 

Ewa

Avec Côté fenêtre & côté couloir, la SNCF fait coup double sur le Web

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Avec Côté fenêtre & côté couloir, la SNCF s’offre « en ligne » son premier « webprogramme » associant fiction et documentaire. Avec Côté fenêtre & côté couloir, la SNCF s’offre « en ligne » son premier « webprogramme » associant fiction et documentaire. Au programme, sur le désormais incontournable Internet, deux films, deux regards, pour un voyage en parallèle, le tout sur fond de musique électro-rock. Pendant 17 minutes, ils sont diffusés simultanément à l’écran, avec le son de l’un ou de l’autre. Et l’internaute peut à tout moment basculer d’un côté, celui des comédiens, ou de l’autre, celui des « vrais » cheminots. Se concentrer sur l’histoire de ces deux ados à bord de deux trains, Intercités Toulouse – Bordeaux et TGV Bordeaux – Paris, de retour de vacances et particulièrement émoustillés. Ou sur les centaines de personnes qui mettent tout en œuvre pour que ces trains soient à l’heure. Avec la possibilité, en bonus, de s’attarder sur les coulisses et de rendre visible ce qui habituellement ne l’est pas pour le voyageur : fonctionnement d’une gare, entretien des trains, programmation des travaux…

 

Pour Patrick Ropert, directeur de la Communication à la SNCF, « nous aurions pu produire une “SNCF pour les nuls”. Mais nous cherchions une nouvelle façon de raconter, de renouveler les opérations “J’aime le train”, d’inviter de nouveaux clients à passer derrière le rideau. Et, par rapport à l’achat d’un espace de pub, le Web nous donne le temps. » D’où ce passage, original sur Internet, avec une version décalée en anglais, et la possibilité d’adapter le contenu à tous les types de terminaux et écrans. Ce programme, qui se veut « sympa, convivial, amusant », pourrait avoir une suite. Si l’audience est au rendez-vous et en tenant compte, promet-on, des remarques des internautes.     
    

Pascal GRASSART

Pour le découvrir : cotefenetrecotecouloir-sncf.com

Ewa

Retour sur… les limites du modèle TGV avec David Azéma

AzemaparElodieGrégoire 002(1)

Pour le numéro 2 de la SNCF, on a peu à peu dérivé du modèle initial en utilisant très largement la compatibilité du TGV?avec le réseau classique. Résultat, un système très consommateur en capital, que la tarification d’infrastructure ne permet pas de corriger. Ville, Rail & Transports. Michel Walrave, en revenant sur la période où on inventait la première ligne TGV, a dit un jour : « Si on se limite à des trains Paris – Lyon s’arrêtant à Lyon, point final, on passe certainement à côté de choses intéressantes. » Mais n’a-t-on pas mis ainsi le doigt dans un engrenage dangereux ? Ce à quoi on assiste aujourd’hui, dans la crise du modèle, n’est ce pas un retournement de l’effet réseau ?
David Azéma. Il fallait aller au-delà de Lyon, mais je ne sais pas dire exactement où il aurait fallu s’arrêter dans l’extension des dessertes. Entre le seul Lyon ou toutes les dessertes que nous assurons aujourd’hui, la vérité économique du seul point de vue de l’opérateur est sans doute entre les deux, et la vérité du point de vue de la politique des transports se trouve encore ailleurs. D’un point de vue de pur opérateur, y compris d’opérateur intégré, il y a dans le réseau TGV, comme dans tous les réseaux ferroviaires, un point d’extension au-delà duquel on rencontre une rentabilité décroissante. C’est ce qui s’est passé à la fin du XIXe siècle pour les compagnies ferroviaires qui sont allées au-delà de cette limite : les investissements marginaux ne produisaient pas de revenus suffisants. Il y a un point au-delà duquel il devient extrêmement difficile de justifier l’infrastructure et les besoins de parc supplémentaires.
Si d’un point de vue strict d’opérateur on ne peut pas justifier qu’on couvre l’ensemble des dessertes actuelles, cela se présente autrement d’un point de vue collectif, public. Pour la part du réseau qui sera sous-utilisée, ou utilisée par des gens qui ne seront pas prêts à le payer entièrement, il s’agit d’une décision d’arbitrage entre clients et contribuables. Cet arbitrage en France a été placé assez loin en faveur du client par les pouvoirs publics, sans que le contribuable soit sollicité pour combler l’écart. C’est alors la dette des établissements publics qui fait la soudure.

VR&T. Fallait-il imaginer un produit mixte voie classique-voie à grande vitesse ?
D. A. C’est l’originalité du modèle français par rapport à son prédécesseur, le modèle japonais. Le modèle japonais, c’était un réseau dédié, neuf, qui dans l’équivalent japonais allait bien au-delà de Lyon. Ce n’est pas Tokyo – Osaka seulement, c’est Tokyo – Osaka – Kobe – Kyushu. Par contre, les trains ne vont pas plus loin, ils ne sortent pas de cette ligne nouvelle. Les voyageurs qui en ont besoin ont alors recours aux correspondances, à partir de ces grandes métropoles.
D’un point de vue d’opérateur, en France, on est sans doute allé trop loin dans la suppression des correspondances. On a cherché à capter le maximum de volumes en réduisant au maximum l’effet correspondance, en offrant le plus d’origines – destinations directes possibles. C’est le contraire de la stratégie aérienne : on ne rassemble pas à un point de correspondance, ou hub, des flux de taille faible pour faire un gros flux qu’ensuite on rééclate. On a de ce fait un système très consommateur en capital. Cela m’a beaucoup frappé quand j’ai comparé le nombre de rames au Japon et en France. JR Central réalise un trafic annuel de 42 milliards de voyageurs-kilomètres et nous de 45 milliards. Mais JR le fait avec 103 rames quand nous en avons 475. Le fait qu’elles soient moins capacitaires n’explique pas tout l’écart. On a longtemps dit qu’on était le premier pays TGV parce qu’on avait le plus de rames, mais ce n’est sans doute pas le bon critère d’appréciation de la performance économique.

VR&T. Un peu comme les Espagnols, qui ont le kilométrage le plus conséquent…
D. A. … alors qu’il n’y a pas beaucoup de voyageurs dessus ! Eh bien, si nous sommes nettement meilleurs que les Espagnols dans l’optimisation du « capital lignes », nous sommes beaucoup moins bons que les Japonais dans l’optimisation des rames.
Cela dit, si les pouvoirs publics jugent qu’il faut maximiser les volumes qui utilisent les infrastructures, maintenant qu’elles sont construites, alors, il n’est pas idiot de faire le plus possible de dessertes directes. Car, on le sait, moins il y aura de correspondances, moins on mettra de temps, et plus on aura de voyageurs qui prendront le train. Mais du coup il faut concevoir la tarification d’infrastructure en fonction de cet objectif politique. Il faut que la tarification d’infrastructure intègre la désoptimisation de flotte que suppose ce type de desserte pour l’opérateur.
Par analogie, si on voulait que les habitants de Memphis (Tennessee) bénéficient d’un vol direct en A380 en prolongement de Paris – New York, il faudrait sacrément modifier les taxes d’aéroport ou les redevances de route pour trouver un équilibre économique à cette desserte.
D’où notre exigence d’un taux de marge opérationnelle sur chiffre d’affaires pour l’activité TGV de minimum 20 % (sur la base d’un mix de dessertes constant), très supérieur à celui d’une compagnie aérienne dont l’utilisation du capital, bien qu’il soit beaucoup plus cher, est beaucoup plus optimisée. Une compagnie aérienne adapte ses tailles d’avions aux tailles de marchés, les fait tourner plus vite puisqu’ils vont plus vite et fait du hub. Nous n’avons pas toutes ces souplesses.

VR&T. C’est un choix qui a été fait au début du TGV et qui d’ailleurs n’allait pas de soi…
D. A. Ceux qui ont inventé le TGV l’avaient conçu sur un modèle plus compact et ne prévoyaient sans doute pas le contournement de Paris et la démultiplication des origines – destinations longues qui en résulte. Ils prévoyaient encore moins qu’on ferait des Brive – Lille, ou qu’il y aurait une desserte permanente entre la côte d’Opale et Paris.
Ils n’avaient pas anticipé le fait que le TGV soit devenu la seule expression de la modernité ferroviaire à longue distance en France. Je suppose qu’ils avaient anticipé le risque de demande d’arrêts intermédiaires et la nécessité dans leur modèle d’y résister autant que faire se peut, mais pas l’extension actuelle, ni le TGV d’aménagement du territoire. On avait au départ un concept cohérent et compact, né de l’alliance de la recherche économique et de la recherche technique, visant à exploiter avec des navettes hyperdenses et hyperfréquentes des O-D (origines – destinations) particulièrement appropriées avec de gros volumes.

VR&T. Si vous aviez fait l’aérotrain, vous n’auriez pas eu ces soucis d’extension. Vous ne regrettez pas ?
D. A. J’en doute un peu, car je crois que si cette technologie avait été réellement au point, elle aurait réémergé quelque part. Et puis, la technologie compatible avec le réseau classique que nous avons choisie présente de très grands avantages, comme la possibilité d’un phasage dans la réalisation des lignes nouvelles, ou comme la possibilité d’entrer dans les gares existantes.
Ce que je regrette, c’est autre chose. On aurait pu à l’origine penser les gares – leur architecture, leurs plans de voie, leurs flux – plus comme des lieux de correspondances. Ce qu’on n’a pas fait. N’a-t-on pas ainsi complètement raté l’occasion de réaliser, en région parisienne, ce qu’ont les Japonais à Tokyo ? Plutôt que d’avoir un contournement, et de très longs parcours de bout en bout, on a une gare centrale où il n’y pas d’interconnexion. La gare est un hub entre les Shinkansen du Nord, de JR East, et les Shinkansen du Sud, de JR Central. Toute personne qui veut aller de Sendai à Nagoya changera de train en gare de Tokyo Central. Il y a moins de risque de contamination par les incidents d’exploitation et on maximise les emports.
Peut-être que la bonne idée aurait été de faire une grande gare de correspondances par exemple sous la place de la République ou à Roissy ou Marne-la-Vallée. Pour poursuivre cet exercice de rail-fiction, je formulerai un autre regret, c’est que la gare de Roissy n’ait pas été placée sur l’itinéraire entre Paris et Londres, ce qui empêche de faire de Roissy-CDG, grâce à l’Eurostar, l’aéroport du sud-est de l’Angleterre. Ce qui aurait été bon à la fois pour Eurostar, pour Aéroports de Paris et pour Air France.

VR&T. Le modèle TGV aujourd’hui est en crise. On entend dire que vous auriez 150 rames de trop. Vous confirmez ?
D. A. Ce que nous disons, c’est que nous avons plus de 30 % de dessertes TGV qui ne couvrent pas leurs charges de capital. Si nous étions un acteur normal et rationnel, nous aurions revendu les rames utilisées pour ces dessertes aux Espagnols ou pourquoi pas aux Chinois. 30 % du parc, cela fait environ 150 rames. Dire qu’on a 150 rames de trop, c’est un peu un effet de manche, mais ce n’est pas loin de la vérité. Avec la dynamique de péages actuelle, si la branche SNCF Voyages (transport ferroviaire de voyageurs grande vitesse) était une entité autonome, elle ne pourrait pas obtenir d’un banquier le financement pour renouveler la totalité de sa flotte à partir de 2020.

VR&T. Si vous étiez un opérateur normal, quelles dessertes arrêteriez-vous ?
D. A. Nous ne sommes pas un opérateur « normal », et c’est pourquoi cette question est assez virtuelle, une forme de démonstration par l’absurde. En fait, nous savons que la restauration du modèle économique TGV par le seul ajustement des dessertes à la baisse serait impossible. Je vais prendre un exemple qui me semble très révélateur : les liaisons TGV dont le temps de trajet n’excède pas une heure, qui deviennent des trains de banlieue pour leurs clients. Lorsqu’on habite en province à une heure de TGV de la capitale, on peut organiser sa vie pour travailler à Paris et s’y rendre chaque jour en TGV. La distance est importante, 300 km, tout en ayant un temps de parcours de grand banlieusard. Or, en l’espèce, l’abonnement payé par les clients de ce type de liaisons TGV ne couvre parfois même pas le péage que nous payons à Réseau Ferré de France ! Est-ce concevable que nous fermions ces trains à ces clients « commuteurs » ? Sans doute pas, c’est pourquoi nous réclamons une politique de péages d’infrastructures raisonnée qui permette le maintien d’une certaine péréquation entre les TGV.
 

VR&T. Vous évoquiez la desserte de la Normandie. On a l’impression que pour cette ligne comme pour la ligne nouvelle Paca, si on les fait un jour, la SNCF n’a pas la bonne réponse, qu’il faut inventer quelque chose d’autre que le TGV pour ces dessertes en chapelets de villes, à l’allemande.
D. A. Il revient d’abord aux constructeurs de trains d’inventer le produit. Un train conçu pour une relativement longue distance et la très grande vitesse n’est pas adapté à des interdestinations de moins de 100 km : ni dans son temps d’accélération, son temps de freinage, ni dans la conception même de caisse, la façon d’y monter ou d’en descendre. Nous avons, nous aussi, à apporter une réponse, mais nous ne sommes plus aujourd’hui, institutionnellement, le seul penseur du système ferroviaire français. S’il devait y avoir un nouveau concept pour Paris – Rouen – Le Havre ou pour Marseille – Toulon – Nice, il devrait y avoir une réflexion collective. Ces projets de ligne seraient, c’est vrai, un bon support pour faire évoluer le concept.
 

VR&T. Nous avons évoqué deux facteurs qui déséquilibrent le système, certaines dessertes trop longues et les coûts de l’infrastructure. Un autre va s’ajouter : la concurrence.
D. A. A ce sujet, il y a un argument que je réfute toujours, c’est qu’il faudrait augmenter nos péages pour notre bien, pour nous aider à faire face à la concurrence ! Je préfère affronter les concurrents en étant vivant et en bonne santé plutôt que fragile. Car la vraie menace, ce n’est pas l’écrémage, c’est l’étranglement de SNCF Voyages par un niveau de péages trop élevé et une qualité opérationnelle qui se dégrade. J’espère que les pouvoirs publics définiront des modalités d’ouverture du marché qui n’auront pas pour effet d’affaiblir le système ferroviaire, à la fois financièrement et opérationnellement. Il faut que l’ouverture à la concurrence domestique longue distance n’ait pas pour effet de transférer massivement au contribuable les bénéfices restitués au client par la baisse des prix offerte par la concurrence : le système coûte aussi cher, le client paye moins cher et c’est le contribuable qui fait la différence.
Opérationnellement, il faut que la concurrence soit pensée non pas dans un monde où tout le monde est identique et égal, ce qui n’est pas vrai, mais qu’elle soit un aiguillon pour que l’ancien monopole se remette en cause et progresse. Mais il faut que cette concurrence-aiguillon reconnaisse le rôle pivot que joue SNCF dans le système ferroviaire français. Faute de quoi, il n’y aura pas de concurrence car il n’y aura pas d’écosystème ferroviaire offrant le rapport nécessaire à l’exercice de la concurrence.

VR&T.?Alors comment faut-il ouvrir selon vous ?
D. A.?Je pense qu’il faut ouvrir avec un bon régulateur et des pouvoirs publics qui trouvent une balance entre de l’open access challengeant le modèle central et une forme de péréquation admise entre les dessertes phares de l’opérateur historique et d’autres dessertes qu’il assure. Les concurrents ne peuvent pas tout prendre à l’opérateur historique sur les bonnes dessertes et lui laisser le reste.

VR&T. Sur deux points déjà vous avez été bien entendus par l’Araf : le refus du péage à la silhouette et le refus d’un péage plus élevé pour les parcours sur ligne classique.
D. A. C’était tout de même étrange de vouloir nous faire payer plus cher un train qui ne consomme pas plus de sillons qu’un autre, qui est plus plein parce qu’on a fait des efforts de productivité en achetant des véhicules plus gros, et qu’on nous pique une partie de cette productivité. Ce n’est pas une incitation à faire des choses intelligentes. Etrange aussi d’introduire une tarification différenciée selon l’aptitude à la vitesse sur les voies classiques ; parce qu’il peut aller plus vite alors qu’il ne va pas plus vite, le TGV aurait payé plus cher sur les lignes classiques ! L’argument, c’est qu’il serait peuplé de clients payant plus cher. C’est une idée fausse parce que sur pas mal de dessertes terminales, la dégressivité kilométrique, plus la politique commerciale yield-managée peuvent faire que la recette moyenne TGV est moins élevée que celle du TER. Sur ces deux points, nous avons été entendus et nous en sommes heureux. Mais il faut aller au-delà pour sauver une réalisation aussi belle que le TGV.
    

Propos recueillis par François Dumont

Ewa

Comptes encourageants, perspectives incertaines pour la SNCF

54 IMG 2855.UnTGVDuplexNice ParisàAgay.PhotoPaulMancini

Encourageant mais doit encore mieux faire, ce pourrait être, de l’aveu même de ses dirigeants, l’appréciation pour le groupe SNCF de ses résultats au premier semestre 2011. Encourageant mais doit encore mieux faire, ce pourrait être, de l’aveu même de ses dirigeants, l’appréciation pour le groupe SNCF de ses résultats au premier semestre 2011. Encourageant, car la progression du chiffre d’affaires est remarquable par rapport à la même période de 2010 : la croissance atteint 9,5 %, dont un tiers issu des acquisitions et 6,1 % à périmètre constant. Et, par rapport à juin 2010, toutes les branches sont en croissance. Encourageant, aussi, parce que la marge opérationnelle est à la hausse, 8,4 % contre 6,8 %. Du coup, le bénéfice net est de 558 millions d’euros, contre 80 au premier semestre 2010, ce qui est proche des 697 millions obtenus pour toute l’année 2010.
Pour Guillaume Pepy, le groupe « engrange les effets de la stratégie de redressement conduite depuis la crise ». Soit le traitement des « récifs », en particulier avec la contractualisation des trains d’équilibre du territoire, la signature d’une convention de gestion de l’infrastructure « sur des bases saines » avec Réseau ferré de France, la maîtrise des charges et des investissements, le bon niveau d’activité. Le trafic voyageurs est en progression de 4,2 %, en valeur, soutenu par une forte activité promotionnelle. Après un début d’année difficile, pénalisé notamment par l’impact des travaux sur le réseau, l’activité en France s’est bien redressée alors que la croissance est modérée (1,8 %) à l’international. Toutefois, si toutes les branches sont en croissance, SNCF Voyages, qui porte en particulier les TGV, est la seule pour laquelle la marge opérationnelle est à la baisse, de 20 millions d’euros. En cause essentiellement : la hausse des charges, péages et énergie, et sa contribution au financement des trains d’équilibre du territoire. Dans ce contexte, Guillaume Pepy se garde bien de « crier victoire » et joue la prudence. C’est lié aux perspectives « incertaines » pour la fin de l’année. Et si le groupe doit encore mieux faire, comme le souligne Guillaume Pepy, c’est parce que même si le taux de couverture des investissements par la capacité d’autofinancement est en « progression significative » (92 % contre 69 % en juin 2010), « du chemin reste à parcourir ». Pour cela, l’objectif a été fixé : dépasser les 10 % de taux de marge « nécessaires au développement du groupe ». Même en progression à 8,4 %, il n’est pas atteint.     

P. G.
 

Ewa

Tarif SNCF : la fin des périodes de pointe

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Il serait presque passé inaperçu, paru au Journal officiel du 31 juillet, le décret 2011-914 repéré par le magazine Challenges. Et pourtant, modifier le cahier des charges de la SNCF, c’est le prélude à une liberté tarifaire nettement accrue pour l’entreprise. Il serait presque passé inaperçu, paru au Journal officiel du 31 juillet, le décret 2011-914 repéré par le magazine Challenges. Et pourtant, modifier le cahier des charges de la SNCF, c’est le prélude à une liberté tarifaire nettement accrue pour l’entreprise. C’est d’ailleurs bien conforme à ce qui avait été réclamé par la direction en fin d’année dernière lors des discussions portant sur les trains d’équilibre du territoire, sujet également précisé dans ce décret. Il doit, en particulier, permettre « d’adapter l’encadrement des tarifs de la SNCF à la faveur de l’ouverture progressive à la concurrence du marché ferroviaire. » Derrière cette volonté affichée, une mesure bien concrète qui doit concerner les trains à réservation, TGV, Téoz, Lunéa : le décret annonce la fin de la distinction entre périodes de pointe et périodes dites normales, la fin de ce que furent les calendriers blancs, bleus… Pour la SNCF, cela doit avant tout permettre d’obtenir davantage de souplesse pour la fixation de ses prix, « adaptés au plus près en fonction des demandes de la clientèle », de l’offre et de la demande. Et donc de jouer avec plus de finesse les règles du yield management visant à mieux remplir les trains, avec des prix maximums lorsque la clientèle est nombreuse, minimaux les jours et heures où elle ne serait pas spontanément au rendez-vous et lorsqu’un tarif très incitatif peut la convaincre de choisir le train.

Actuellement, la répartition entre période de pointe et période normale, qui doit concerner au moins 40 % des trains, est décidée en début d’année, un an à l’avance, sans possibilité de changement. Ce qui peut ne pas correspondre à la réalité, le jour donné. Ainsi la SNCF estime que 10 % des trains classés en période de pointe, censés être très fréquentés, sont à peine à moitié remplis. Or des tarifs revus à la baisse pourraient doper ces trafics. A l’inverse, en heures creuses, certaines rames font le plein et leurs prix pourraient être nettement revus à la hausse.
Avec le nouveau dispositif, il restera le tarif de référence, supposé correspondre à une période « normale » en seconde classe, encadré par l’Etat, et un prix maximal sera fixé. Dans ce cadre, la SNCF s’engagerait à avoir plus de 50 % de billets à un tarif inférieur ou égal au tarif de référence, soit les actuels billets seconde classe plein tarif en période normale. Ses responsables insistent sur le fait qu’ils « ne souhaitent vraiment pas augmenter les prix. Parce que les clients ne suivraient pas et que la concurrence arrive. Il faut que le TGV reste un train populaire, avec de plus en plus de petits prix. Il y aura d’ailleurs 50 % de billets à tarif réduit contre 40 % actuellement de tarif heure creuse. » La prochaine étape va impliquer la consultation formelle, sans doute au cours de l’automne, des associations de consommateurs. C’est ensuite seulement que l’Etat prendra un arrêté. En fonction de cela, la nouvelle modulation des tarifs en seconde classe, en fonction du taux de remplissage des rames et avec la disparition des périodes pleines et creuses, devrait entrer en application en début d’année prochaine. A la Fnaut, Fédération nationale des associations d’usagers des transports, on redoute que cela ne se traduise par une information sur les tarifs encore plus opaque pour les voyageurs.     

P.?G.

Ewa

Limites du modèle TGV… ou limites du courant décliniste ? Par Jean-Claude Favin Lévêque

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En réponse à David Azéma, qui s’est exprimé dans notre dernier numéro dans le cadre de notre dossier spécial anniversaire « 30 journées qui ont fait le TGV », Jean-Claude Favin Lévêque, consultant indépendant, ancien cadre dirigeant de la SNCF, revient sur deux points évoqués dans l’entretien : l’extension du réseau et la concurrence.
  L’entretien avec David Azéma dans votre numéro du 27 juillet illustre bien la problématique du ferroviaire français. Venant de l’homme qui passe pour connaître le mieux les paramètres du modèle économique de notre système ferroviaire, ce discours sur les limites du modèle sonne comme un avertissement. En contrepoint des célébrations officielles du trentenaire du TGV, il met en relief l’essoufflement de la grande vitesse française. C’est pourquoi j’aimerais prolonger le débat en reprenant deux éléments essentiels de cet entretien, l’extension du réseau et la concurrence.
« Il fallait aller au-delà de Lyon, mais je ne sais pas dire exactement où il aurait fallu s’arrêter dans l’extension des dessertes. » Le discours de David Azéma, qui veut un réseau compact, ne manque pas de résonner avec celui du député Mariton, qui conteste l’extension de la grande vitesse programmée dans le schéma national des infrastructures de transport (Snit). Cette déclaration renvoie à la vision traditionnelle et centralisatrice de ce grand projet. Le TGV avait pour mission de relier Paris à la province et de mettre les grandes métropoles à 3 heures de la capitale. Malgré ce déploiement par radiales, il fait plus que cela. Le TGV Méditerranée relie aussi la région lyonnaise à la Côte d’Azur et au Languedoc. Dans cette deuxième lecture, le TGV a pour fonction de relier les provinces entre elles, et notamment les grandes métropoles ou aires économiques. Gagner une heure sur Bordeaux – Toulouse a aujourd’hui plus de sens commercial qu’une heure sur Paris – Bordeaux et est mieux à même de générer des trafics donc des recettes supplémentaires. Mais cette vision reste franco-française et insuffisante en elle-même pour justifier le Snit et garantir le modèle économique des opérateurs. Car la grande vitesse ne trouve sa vraie raison d’être que dans l’Europe. Elle permet deux choses. La première est de concurrencer l’avion jusqu’à 1 200 km et la deuxième de créer des réseaux transnationaux. C’est donc la promesse de nouveaux marchés. « La société Lyon Turin Ferroviaire (LTF), promotrice de la future ligne de TGV, qui devrait mettre la capitale du Piémont à 3 heures 30 de Paris à l’horizon 202 (Le Monde du 29 juillet). » Hors parisianisme, le Piémont accorde certainement plus d’importance à la liaison sur Lyon qu’à celle sur Paris. Avec le réseau transeuropéen, la ville de Lyon sera à distance commerciale de l’Allemagne du Sud, de l’Autriche, de toute l’Italie du Nord et de la Catalogne. Donc il ne s’agit pas d’aller « au-delà » de Lyon mais bien de desservir « à partir » de Lyon et de croire que des réseaux régionaux transeuropéens « valent bien » la grande vitesse et constituent des marchés en eux-mêmes.
Un deuxième point m’a fait réagir : « Il faut que la concurrence soit pensée [de sorte] qu’elle soit un aiguillon pour que l’ancien monopole se remette en cause et progresse. » Il y a beaucoup de condescendance dans ce propos. La SNCF a-t-elle pris des parts dans NTV et Westbahn pour simplement servir d’aiguillon à Trenitalia et aux ÖBB ? J’imagine un projet stratégique d’une autre ampleur. L’aérien nous a donné en effet un bon exemple de l’impact de la concurrence. Les compagnies low-cost n’ont pas conquis 40 % de parts de marché en se contentant d’écrémer les lignes rentables. Elles ont surtout produit autre chose autrement. Elles ont produit autrement et imposé des réformes de productivité bénéfiques à tous les voyageurs et garantes de leur rentabilité. Elles ont produit autre chose en multipliant les lignes nouvelles et transverses qui ont mis les provinces françaises en relation directe – c’est-à-dire sans passer par Paris – avec l’Angleterre, les pays nordiques ou les destinations touristiques de Méditerranée. J’ignore comment et quand le modèle low-cost pourra se développer dans le ferroviaire. En revanche, je suis persuadé que la concurrence aura un impact sur deux décennies qui ira bien au-delà d’une simple stimulation des opérateurs historiques.
La conjonction de ces trois éléments, réseau européen, grande vitesse et concurrence, va profondément bouleverser le paysage du voyage grandes lignes. L’ouverture des réseaux va susciter l’innovation des acteurs, qui vont construire des marchés en refondant les modèles commerciaux et économiques. Pour la France, il ne s’agit donc plus de défendre un modèle national précurseur mais prochainement dépassé. Au contraire il faut se projeter dans cet avenir. Après avoir rapproché Paris de la province, la grande vitesse va relier la France à l’Europe et les régions françaises aux régions européennes. A rebours de ce futur, se situe un courant du microcosme ferroviaire français qui plaide pour un moindre engagement dans le TGV. Ce déclinisme repose sur un double pessimisme. Le premier est celui de penser que le ferroviaire français, effectivement en crise, n’est pas capable (voire n’a pas besoin) de se réformer et d’améliorer sa performance économique. Le deuxième est de ne pas croire en l’espace ferroviaire unique et en son potentiel de développement. La France se mettrait ainsi en marge du ferroviaire européen alors qu’elle avait vocation à être le champion du secteur de la grande vitesse.