Je me connecte

E-mail*
Mot de passe*

> Mot de passe oublié?

Je m'inscris

*Champs obligatoires

Conformément à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée en 2004, vous bénéficiez d’un droit d’accès et de rectification aux informations qui vous concernent.
1. Mon Compte
2. Mes activités
3. Mes Newsletters

Vous devez lire et accepter nos conditions générales de vente et d’utilisation *

* Mentions obligatoires

Je souhaite recevoir la newsletter :

Je m'enregistre

Mot de passe oublié ?

Ewa

En 2010, les résultats du groupe SNCF passent au vert pâle

DSC02808

Après une année 2009 dans le rouge, 2010 renoue avec les bénéfices, avec un résultat net de 697 millions d’euros. Mais la SNCF se garde bien de triompher. Après avoir comptabilisé une perte approchant le milliard d’euros en 2009, 980 millions d’euros précisément, le groupe SNCF affiche pour 2010 des résultats qui repassent dans le vert. Le résultat net, révélé le 17 février, atteint 697 millions d’euros. Dans le même temps, le chiffre d’affaires, à périmètre et taux de change constants, est en hausse de 4,1 % à 30,47 milliards d’euros. La crise ne serait-elle donc plus qu’un lointain mauvais souvenir ? Ce n’est pas le sentiment de la direction de l’entreprise, qui relativise ces « bons » chiffres, évoquant un maigre bénéfice au bout d’une année plate, des résultats vert pâle.

Côté bénéfices, elle ne joue pas les gros bras et préfère souligner le « très fort impact des éléments non récurrents », soit 466 millions d’euros, et évoquer le résultat net récurrent, qui se limite à 231 millions d’euros. Ces éléments non récurrents, ce sont les résultats exceptionnels, qui ne tiennent pas à l’exploitation.

Côté chiffre d’affaires aussi, elle précise que la comparaison est faite par rapport à une année 2009 « très dégradée », en baisse de 3,6 %. Une progression de 4 % était envisagée pour 2010 il y a juste un an : c’est fait.

2010 est donc marquée par une reprise limitée, « pénalisée par deux grèves longues », de l’activité. Dans ce contexte, « malgré une très bonne maîtrise de toutes les charges, le niveau de profitabilité opérationnelle reste encore insuffisant pour couvrir, dans la durée, les besoins d’investissements indispensables à la qualité de service et au développement. »
 

 

• 466 millions d’euros d’éléments non récurrents

Ce sont les éléments exceptionnels, qui interviennent cette année mais ne traduisent pas la situation de performance de l’entreprise. Sur ce registre, l’année précédente, les résultats avaient été marqués, en négatif, par plus d’un milliard de dépréciation des actifs. Cette fois, il y a du plus et du moins qui donnent un solde positif de 466 millions. Principaux éléments : en positif, les 588 millions liés à la « cristallisation » de la plus-value prise lors des récentes opérations autour de Keolis, Ermeva et Eurostar International, la cession de lignes du réseau électrique RTE, 356 millions de reprise de la dépréciation des activités des TET, trains d’équilibre du territoire, après la signature du contrat. De l’autre côté de la balance, on trouve une dépréciation de l’Infra, du transport ferroviaire de marchandises, à hauteur de 250 millions…
 

 

• Une marge opérationnelle à la hausse

Présentée comme le véritable indicateur de la performance économique, cette marge atteint les 2,163 milliards, soit 7,1 % du chiffre d’affaires contre 6,8 % l’année précédente. Un bon signe : toutes les branches, à l’exception notable de SNCF Voyages, du fait essentiellement des péages, affichent pour 2010 une marge supérieure à celle dégagée en 2009, une hausse portée principalement par SNCF Infra, SNCF Geodis et SNCF Proximités. Toutefois, ce n’est pas suffisant pour l’entreprise qui estime à plus de 10 % le « niveau de profitabilité suffisant » pour couvrir les besoins d’investissements. Pour cela, il faudrait un milliard de marge opérationnelle supplémentaire.

Parmi les facteurs qui ont rogné cette marge en 2010, il y a la hausse des charges – péages, énergie, taxation liée à la contribution de solidarité territoriale – et les grèves, pour 240 millions. De l’autre côté de la balance, la direction avance les charges « très bien tenues », en hausse modérée de 0,9 % pour les charges externes et de 1,3 % pour les charges de personnel.
 

 

• Et toujours des récifs…

Si un contrat a été passé pour les trains d’équilibre du territoire, il reste trois « récifs », soit les « problèmes structurels » essentiels, qui demeurent liés au fret, à la convention de gestion avec RFF, au modèle TGV mis en difficulté par la hausse, en particulier, des péages. Et une incertitude majeure liée aux conditions de la concurrence à venir sur les TER.
 

 

• Un endettement maîtrisé

À 8,499 milliards, la dette « commence à être maîtrisée et devrait se stabiliser à ce niveau si l’on résout les récifs » estime la direction de l’entreprise. Elle est en augmentation de 1,327 milliard par rapport à la fin 2009. Ce qui marque, selon la direction, « une très significative réduction par rapport aux anticipations initiales ». Lors de la récente présentation de son budget pour 2011, on évoquait une dette qui devait approcher les 9,5 milliards en 2010. C’est pour réduire cette dette, et d’abord arrêter sa hausse, qu’un plan d’économie est affiché. Son objectif : « revenir à une situation financière soutenable en 2015. » Avec un programme de 4 milliards d’économies.

Ewa

La lettre de Nicolas Sarkozy à Guillaume Pepy

Voici le texte intégral de la nouvelle lettre de mission adressée le 14 février par le président de la République au président de la SNCF. Paris, le 14 février 2011

 

Monsieur le Président,

 

Dans votre lettre de mission, je vous indiquai, le 27 février 2008, que votre mandat avait pour objectif prioritaire le développement et la modernisation de la SNCF au service de ses clients et de la France. Votre groupe se devait de changer de rythme pour entrer tout entier dans l’ère du service public moderne, du développement durable et de l’ouverture à la concurrence européenne.

Des évolutions positives sont déjà notables. Ainsi l’indispensable évolution du fret ferroviaire est en cours. S’agissant du transport de voyageurs, le service minimum a été mis en place et a atténué, pour vos clients, les désagréments liés aux arrêts de travail. La négociation sociale l’emporte plus souvent sur la logique de conflit. Cependant, la crise a réduit vos marges de manoeuvre et fait apparaître des difficultés nouvelles. Ces raisons justifient donc que soit précisé, et dans certains cas réorienté, le cadre de votre mandat.

Pour assurer son rôle d'acteur stratégique pour notre pays et continuer à investir, la SNCF doit viser l’équilibre économique pour chacun de ses cinq métiers. Cela signifie que chacun d’eux doit trouver les moyens de sa rentabilité, dans le cadre du marché ou dans celui des conventions signées avec les autorités publiques. C’est en ce sens que j’ai souhaité qu’une convention soit signée pour les trains d’équilibre du territoire : fort de cette convention, dont vous garantirez l’équilibre économique notamment par des gains de productivité, vous veillerez à créer une nouvelle dynamique de ces liaisons et à améliorer la qualité du service offert.

Le modèle du TGV, auquel les Français sont attachés et qui assure l’irrigation de nos territoires, doit également être soutenu. Cette ambition passe par une meilleure articulation des dessertes TGV et TER, en étroite concertation avec les élus, pour éviter les doublons et les dépenses inutiles. Vous disposerez d’une responsabilité tarifaire étendue, permettant de mieux adapter l’offre à la demande, mais préservant les tarifs sociaux et étendant l'accès de tous à des tarifs réduits. L’évolution des péages devra apporter la visibilité nécessaire aux opérateurs et assurer, pour sa part, les grands équilibres économiques du système ferroviaire.

Pour la SNCF comme pour tous les autres opérateurs ferroviaires, les conditions opérationnelles et financières d’accès au réseau ferré national sont essentielles. Le rôle de gestionnaire délégué de l’infrastructure qu’assume la SNCF lui confère des responsabilités particulières en la matière. L’amélioration de la qualité du réseau ferroviaire, gage de la sécurité et de la qualité du service rendu aux clients, mais aussi de la réduction des coûts d’entretien, constitue une priorité pour notre pays. Vous chercherez, dans le cadre des discussions en cours avec RFF, à conclure un nouveau partenariat industriel qui assure maîtrise des coûts, gains de productivité et retour à une situation économique saine de votre branche Infrastructure. Cette nouvelle convention devra être conclue au plus tard à la mi-2011. Un contrat qualité sera également établi entre RFF et les entreprises ferroviaires, vous veillerez à l’implication de la SNCF dans son élaboration.

S’agissant du nouveau transport écologique de marchandises, je vous demande d’intensifier vos efforts en vue d’atteindre les objectifs de l’engagement national pour le fret ferroviaire de 2009. Vous devez veiller tout particulièrement à la qualité du service rendu aux industriels. Les solutions multimodales, comme l’autoroute ferroviaire et le transport combiné rail-route ou portuaire, doivent constituer une partie croissante de votre offre, dans le cadre du Grenelle de l’Environnement qui fixe l’objectif d’une part modale non routière de 25% en 2022. Vous favoriserez également l’émergence d’opérateurs de proximité.

Plus généralement, vous devez vous attacher à développer la qualité de service qui doit être une valeur forte de l’entreprise au même titre que la performance technique et la sécurité. Ceci passe, en particulier, par une amélioration de l’accueil et de l’information des usagers, par l’atteinte plus systématique des objectifs de régularité et par une politique de mise en qualité des gares et des matériels. Un accent tout particulier doit être mis sur la gestion des situations dégradées en termes d’information et de prise en charge des voyageurs. Il serait souhaitable que ces actions soient quantifiées par des indicateurs rendus publics.

Je vous confirme enfin la priorité que j’ai donnée aux trains de la vie quotidienne, et notamment à l’amélioration des services en Île-de-France dans le cadre de la rénovation des trains de banlieue et du Grand Paris. La modernisation des gares devra aussi s’accélérer, en liaison avec RFF et les collectivités territoriales pour améliorer l’accueil des voyageurs et assurer le déploiement d’activités commerciales et de services nouveaux.

La SNCF ne jouera pleinement son rôle industriel et stratégique pour notre pays que si l’équilibre de ses finances est respecté, en maintenant notamment son endettement à un niveau soutenable. Les clarifications que j’ai approuvées contribueront à renforcer et à consolider l'entreprise dans chacun de ses métiers. Au-delà, dans l'attente d'un total redressement de vos capacités financières et dans le respect des règles de gouvernance, vous pourrez renforcer les positions de la SNCF en Europe et à l’international tant que ces acquisitions pourront être autofinancées, notamment par des cessions d’actifs moins stratégiques. Vous veillerez à inscrire votre stratégie dans le cadre du développement de vos savoir-faire et des exportations de la France dans le monde.

Votre développement et l’adaptation à un monde de mobilité qui a déjà changé ne réussiront qu’avec l’engagement et la confiance de l’ensemble des personnels du groupe SNCF. L’attachement aux valeurs de l’entreprise comme les savoir-faire des cheminots et de tous les salariés du groupe sont les meilleurs atouts de cette réussite. Je vous demande d’engager la SNCF dans une nouvelle étape de modernisation de ses relations sociales, pour améliorer la continuité du service et accroître la confiance des salariés dans l’avenir de l’entreprise. Je souhaite qu’un effort exemplaire en faveur des conditions de vie au travail soit également mené.

Vous dirigez une entreprise publique à forte vocation de service public qui joue un rôle majeur dans la vie de millions de Français et d’Européens, et qui constitue un fer de lance de nos industries de transport. Dans un marché qui se développe et s’ouvre, la SNCF va quitter progressivement sa situation de monopole. Cette ouverture, programmée par les textes européens, réalisée dans un cadre social harmonisé, doit être considérée comme une nouvelle opportunité que lui permettent ses savoir-faire, son expérience et sa réputation. Si elle sait accroître toujours plus son efficacité et améliorer sa performance économique, la SNCF confirmera ainsi sa place d’opérateur européen de référence.

Avec le soutien attentif de l’État et l’engagement de ses personnels et de ses cadres, je suis certain que la SNCF mènera à bien cette mutation, répondra à l’attente d’amélioration et de développement des services, et consolidera sa place en France comme dans le monde, au service de l’économie de notre pays.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.
 

 

Nicolas SARKOZY

Ewa

Quatre milliards d’économies à trouver pour la SNCF

DSC02808

Un CA groupe à + 9,4 %. Et la volonté affichée, et comptabilisée, d’économiser 4 milliards d’ici 2015. Alors que se profile pour 2010 le retour à un résultat – légèrement – positif. • Un chiffre d’affaires à la hausse

Avec 33,613 milliards prévus pour 2011, le CA du groupe SNCF est en forte hausse, de 9,4 %, dont 6,2 % à périmètre constant. Pour le seul Epic, la hausse est aux alentours de 4 %. Cette progression s’explique en majorité par des « opérations de développement », souvent à l’international, essentiellement portées par les filiales Geodis et Keolis. Côté syndical, on déplore que le CA soit réalisé à 44,5 % par les filiales, contre 28 % en 2009, ce qui « confirme la politique du business et la prédominance du groupe sur l’Epic au détriment des usagers, des chargeurs et des cheminots. »

Positive pour ses comptes, la direction évoque la prise en compte de certains de ses « récifs ». Avec la signature de la convention sur les trains d’équilibre du territoire, les Corail déficitaires, elle devrait faire progresser le CA de quelque 210 millions. Même si, déplorent les syndicats, « la plus grande partie de la nouvelle convention de gestion restera à la charge de la SNCF ». Il y a aussi la négociation avec RFF de la convention de gestion de l’infrastructure, dont la SNCF attend quelque 230 millions, une hypothèse considérée comme des plus aléatoires par les syndicats.

Parallèlement, la marge opérationnelle (MOP) doit s’améliorer. Rapportée au CA, elle traduit la santé de l’entreprise sur une année, au-delà des amortissements, provisions, pertes de valeur… Par rapport à 2010, la MOP doit se redresser en progressant de 647 millions pour atteindre 2,8 milliards, soit 8,2 % du CA contre 6,9 % en 2010 et 6,8 % en 2008.
 

• Quatre milliards d’économies d’ici 2015

Pour 2011, la SNCF prévoit une dette de 9,629 milliards. Elle devrait approcher les 9,5 milliards en 2010 et se situait, fin 2009, à 7,2 milliards. C’est pour réduire cette dette qu’un plan d’économies est affiché. Son objectif : « revenir à une situation financière soutenable en 2015 ». Avec, à la clé, 4 milliards d’économies. Dont 554 millions programmés dès 2011. Ils misent sur la maîtrise des achats (110 millions), des charges de structure (90 millions), la « dynamique d’amélioration de la MOP » avec davantage de productivité (188 millions), et enfin une maîtrise des investissements, encore très limitée pour l’année (166 millions), liée au report de certaines opérations, telles des rénovations de TGV. On atteindra en effet en 2011 un niveau « historique » d’investissements, à 2,6 milliards, lié aux engagements déjà pris, en particulier en juin 2007 pour le TGV et en novembre 2006 pour le Transilien.

En 2015, la maîtrise de ces investissements devrait représenter la moitié des 4 milliards d’économies devant la maîtrise des achats (1 milliard), celle des charges de structure et l’amélioration de la MOP (500 millions chacune).
 

• Les résultats 2010 : retour dans le vert ?

Après un passage « dans le rouge » en 2009, pour la première fois depuis huit ans, avec près d’un milliard de pertes, le groupe SNCF devrait revenir aux bénéfices. Même si c’est très légèrement, puisque le chiffre de 150 millions est évoqué. Ces prévisions ont un côté rassurant, après une année marquée par d’importantes grèves, qui ont coûté près de 300 millions. Et alors, comme le soulignent les syndicats, que « les péages à RFF sont en hausse de 6 %, la pression fiscale de 4 % et le coût de l’énergie de 16 % ».

Ewa

TGV plus cher : RFF pousse à la roue

rff p06128

Alors que la SNCF trouve les péages de la grande vitesse trop chers, RFF fait valoir qu’ils ne permettent pas d’acquitter le coût du réseau. À coup sûr, le voyageur va être appelé à mettre la main au portefeuille en janvier. Un récent séminaire de presse a permis à RFF d’exposer son point de vue sur les péages, d’expliquer sa politique de développement et de rénovation du réseau, de manifester ses réticences sur les vitesses supérieures à 350 km/h, et de mettre sur la place publique le sort de 5 000 km de lignes qui ne sont plus utilisées. Thierry Mariani n’a pas attendu longtemps pour se faire une idée des tarifs TGV. Le nouveau secrétaire d’État aux Transports s’est prononcé sur Europe 1, le 4 décembre, pour une « hausse tout à fait raisonnable » du billet de TGV. On la sentait venir. On connaît l’argumentation de RFF, récemment précisée devant la presse par Alain Sauvant, directeur de la stratégie. Pour RFF, les péages ne sont pas assez élevés, puisqu’ils ne couvrent pas le coût complet. Ils l’atteignent en fait sur les lignes nouvelles, mais non sur l’ensemble des trafics des trains aptes à la grande vitesse, dont le tiers des parcours se fait sur ligne classique. D’où le souhait d’une augmentation faisant passer le péage d’une proportion de 30 % sur le billet TGV à un « chiffre commençant par 4 », selon la formule d’Alain Sauvant, la part de l’infra dans le coût de la grande vitesse étant selon RFF de 50 %.

Rude perspective pour la SNCF, puisque, selon David Azéma (DG délégué Stratégie et finances), l’activité TGV a besoin d’une marge opérationnelle de 19 % pour assurer son développement. Elle n’en est plus selon ses calculs qu’à 11 ou 12 %… La Deutsche Bahn aussi trouve les péages de la grande vitesse française déjà dissuasifs. Et, selon des responsables de Veolia Transport, la part relative des péages pour cet opérateur représenterait 50 % du prix du billet. L’effet de hausse des péages serait encore plus critique pour lui, affirment-ils. Les opérateurs souhaitent une visibilité d’au moins 5 ans avant de pouvoir s’engager. Tout le monde semble d’ailleurs d’accord sur cette nécessaire pluri-annualité.

Quoi qu’il en soit, si RFF ne peut s’en sortir avec des péages trop faibles tandis que les transporteurs sont étranglés par des péages trop forts, on ne voit pas comment on pourrait régler l’addition autrement qu’en reportant une part supplémentaire du coût sur le consommateur final. Il y a de la marge, peut-on penser, puisqu’une enquête réalisée pour le ministère des Transports montre que les prix du TGV sont les plus bas de toute la grande vitesse en Europe. Et, à RFF, on pense qu’il vaut mieux faire payer le consommateur, en partie voyageur européen, plutôt que de faire supporter l’accroissement de la facture au seul contribuable français.

Réponse début janvier pour savoir ce qu’il faut entendre par « hausse raisonnable ».

 

 

2012 : la France à l’heure suisse

Ce n’est pas pour rien que le premier séminaire de RFF s’est tenu à Genève. Car « tout a commencé par le rapport Rivier » comme dit Véronique Wallon, DGA Stratégie et gouvernance. Ce rapport, dû à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), apparaît comme l’initiateur d’un nouveau regard sur le ferroviaire français. Selon la nouvelle logique, comme le dit Hubert du Mesnil, « le projet que nous préférons, c’est la rénovation ». La capacité de rénovation a été portée de près de 500 km à 1 000 km/an. Financièrement, il faudrait porter cette capacité d’1 milliard à 2 milliards d’euros par an.

Le regard suisse s’est encore porté sur la France avec les études de l’EPFL et du cabinet suisse SMA sur le cadencement en France. En 2012, après les premiers basculements en régions, la France va emboîter le pas à la Suisse, trente ans après la conversion suisse au cadencement. En profitant notamment de la mise en service d’un tronçon de la LGV Rhin – Rhône, l’ensemble du système TGV doit alors basculer, tandis que les TER de 17 régions vont se mettre aux nouveaux horaires. RFF veut mettre en place un catalogue complet de sillons cadencés dont la pleine utilisation se traduirait par une augmentation considérable de l’offre, mais dont les régions consommeraient seulement ce qu’elles veulent. L’idée étant que la refonte de 2012 se fasse à budget constant.

 

 

Les PPP en rodage

Pour les partenariats publics-privés (PPP), RFF le reconnaît, on est en phase d’apprentissage. Certes, le financement est plus coûteux, mais l’efficacité industrielle permet de compenser, et au-delà, ce désagrément. Une LGV en financement classique reposerait aujourd’hui sur 75 % de concours publics, et 25 % d’apport du maître d’ouvrage. Pour les PPP, on est plutôt dans le moitié-moitié. Est-ce donc que l’on gagne 25 % d’efficacité industrielle ? Certainement pas. On serait plutôt, selon les projets, dans une fourchette allant de 0 à 6 % d’efficacité, l’essentiel de l’économie sur les concours publics venant d’une augmentation des péages. Hubert du Mesnil souhaite le maintien des deux formules : financement classique, pour garder le savoir-faire de la maîtrise d’ouvrage, et PPP pour bénéficier des avantages de la mise en concurrence.

 

 

Que faire des petites lignes ?

Le réseau comporte aujourd’hui 30 000 km de lignes et 53 000 km de voies. Or, la moitié des lignes représente 90 % du trafic. Aussi RFF distingue-t-il nettement un réseau principal d’un réseau secondaire, qu’il est essentiel de rénover pour qu’il puisse être utilisé. Normalement, 60 % de ce réseau auront été rénovés d’ici fin 2015 ; reste à voir ce qu’on fait d’une sorte de réseau tertiaire : soit 5 000 km de lignes quasiment plus utilisés. Hubert du Mesnil regrette sur ce sujet qu’on s’en tienne à une « politique passive », de non-décision, plutôt qu’à une « politique active », en concertation avec les élus et les Chambres de commerce et d’industrie (CCI), permettant de traiter chacune de ces lignes en déshérence. Mieux vaut fermer ces lignes, les transformer en voie verte, ce qui leur assure une deuxième vie, en attendant que certaines d’entre elles retournent éventuellement au réseau exploité, soit par des moyens low-cost, soit par des moyens haut de gamme. Le dernier exemple de ce retour à la vie ferroviaire est offert par la ligne des Carpates dont la rénovation vient de permettre l’accélération des relations Paris – Genève.

Ewa

RATP et SNCF devront élever Systra ensemble

SYSTRA

L’État a tranché et les deux entreprises publiques, qui se disputaient leur filiale d’ingénierie, la renforcent par l’apport d’Inexia et de Xelis et vont s’efforcer de la faire grandir ensemble sur les marchés mondiaux. Bon gré mal gré, la RATP et la SNCF sont tombées d’accord sur Systra et ont tenu un discours d’une seule voix : « C’est une sortie par le haut » (Guillaume Pepy, président de la SNCF). « On bâtit une stratégie pour la France » (Pierre Mongin, PDG de la RATP). C’est donc, a dit Pierre Mongin, « l’intérêt général » qui l’a emporté, représentant « un intérêt supérieur à celui de chacune des deux maisons ». Deux maisons qui se disputaient depuis des années le contrôle de leur filiale commune d’ingénierie.

L’accord a été conclu sous l’égide de l’État, et plus précisément de l’Agence des participations de l’État, dirigée depuis le 15 septembre par Jean-Dominique Comolli. Les deux entreprises publiques vont rester à parité (36 %) dans leur filiale commune d’ingénierie. Les apports d’Inexia (SNCF, 80 millions de CA estimé en 2010) et de Xelis (RATP, 15 millions) vont donner à Systra (280 millions) une taille plus conséquente. Techniquement, c’est Systra qui rachètera Inexia et Xelis, en prenant 49 % de chacune des deux filiales, la fusion étant envisagée dans les deux ans à venir.

Le groupe sera doté d’un conseil de surveillance et d’un directoire. Le président du conseil de surveillance sera pour les deux premières années Pierre Mongin et le vice-président Guillaume Pepy, les rôles étant inversés au bout de deux ans. L’actuel président, Michel Cornil, cède la place. La direction sera assurée par un président du directoire, que des chasseurs de tête vont aller recruter à l’extérieur des deux entreprises et qui devrait se voir adjoints Gilles Cartier, PDG d’Inexia, et Philippe Naudi, PDG de Xelis. Philippe Citroën, actuel directeur général de Systra, assurera la transition pour une période d’environ trois mois.

La solution retenue a satisfait la CGT. On peut se demander si, après des années d’atermoiement, le dénouement précipité (conférence de presse convoquée en fin de matinée pour le début de l’après-midi) n’avait pas quelque chose à voir avec la journée particulière du 28 octobre : journée de grève contre la réforme des retraites au cours de laquelle il n’était pas mauvais d’annoncer des mesures appréciées par les syndicats. De fait, ce 28 octobre, la fédération CGT des cheminots et l’union syndicale CGT-RATP publiaient un communiqué commun intitulé « Le bon sens et l’intérêt général l’emportent enfin », rappelant que « la solution retenue rejoint la position et les propositions que nous avions exprimées dans un précédent communiqué commun en date du 9 septembre ».
Cette belle unanimité laisse ouvertes de sérieuses questions. L’apport de Xelis et d’Inexia revient peu ou prou à redonner à Systra ce dont les deux maisons mères l’avaient privée en créant leurs filiales. Au moins fera-t-on taire ainsi une cacophonie sensible au sein du groupe SNCF, qui avait mis, avec Inexia et Systra, deux fers au feu dans les projets de LGV français, et avait lancé Inexia sur les marchés internationaux, comme au Maroc, a priori réservés à Systra.

Ce retour au bercail tempère la belle affirmation selon laquelle on est en train de construire un champion national capable de peser sur les marchés mondiaux. Certes, Systra passe grosso modo de 280 à 380 millions de CA escomptés en 2010. Mais on est très loin des grandes ingénieries anglo-saxonnes ou nordiques qui sont les adversaires clairement désignés.

La précédente proposition de la SNCF ouvrait un peu plus la voie à ce changement de périmètre, en intégrant SNCF International et Arep au nouvel ensemble. Naturellement, cela rendait la SNCF hyperdominante, et on comprend qu’on ait buté sur ce déséquilibre. Mais le rapport Bénard envisageait aussi cet élargissement par l’intégration d’ADP International ou un accord avec Setec. Pour l’instant, on reste dans le strict périmètre de l’ingénierie de transport des deux maisons mères. Le changement de dimension est remis à plus tard. Changement qui aurait pu venir — piste qui fut un temps évoquée — à l’occasion de l’entrée au capital du Fonds stratégique d’investissement (FSI) jouant le rôle d’arbitre entre les deux opérateurs industriels. A moins qu’on ne finisse par faire appel à une grande ingénierie européenne.

Pour l’instant, entre les deux entreprises publiques cousines, laissées à leur face à face, c’est l’heure du baiser Lamourette. Mais on ne voit pas trop par quel miracle ce qui les avait conduites à ne plus s’entendre va se dissiper. Naturellement, les deux entreprises minimisent leur concurrence. La concurrence, quelle concurrence ? Où ça ? Eh bien, demain, le TER, pour lequel la RATP a toujours été présentée par la SNCF comme son futur grand rival. Les marchés internationaux des tramways et des métros automatiques où il ne sera pas toujours simple d’empêcher Keolis et la RATP de s’affronter, comme ce fut déjà le cas pour le métro d’Alger. Les questions majeures n’étant pas franchement résolues, le futur patron de Systra aura fort à faire. L’actuel DG Philippe Citroën en sait quelque chose, lui qui a défendu, fait grandir Systra, et versé des dividendes à des actionnaires qui ne s’entendaient pas.

Ewa

Comment la SNCF compte rebondir

bombe GARE DU NORD

Face à la presse nationale réunie les 23 et 24 septembre, le Comité exécutif de la SNCF, prenant acte de l'essoufflement du modèle TGV, cherche aujourd'hui des relais de croissance dans le transport public en Europe et dans le monde. La SNCF tient sa nouvelle idée-force : contrairement à une opinion reçue, son activité ne se résume pas au TGV, qui ne représente que 20 % du chiffre d’affaires. Et d’aligner des chiffres sur la puissance du service public, toutes activités confondues : neuf voyageurs sur dix ne sont pas TGV. Air France – KLM met un an à réaliser le trafic que la SNCF fait en 8 jours. Les deux aéroports Orly et Roissy réunis ne font que la moitié du trafic de la gare du Nord…
La surévaluation du TGV est d’autant mieux partagée que la SNCF l’a longtemps faite sienne. Et pour cause : on l’a dit, redit, pendant des années, c’est le TGV qui a fait vivre la boîte. Seulement… le système s’affaisse. La hausse des péages mord les marges. La crise ajoute une couche de difficultés. Et l’entrée dans un système concurrentiel – depuis le temps qu’on en parle – rend les péréquations entre activités impossibles : les concurrents auront vite fait d’attaquer la SNCF sur son soutien indu à des activités structurellement déficitaires. Conclusion : avec la concurrence, il faut tout rééquilibrer.
Des concurrents, où ça ? Pour l’instant, 50 % du chiffre d’affaires de l’entreprise est exposé. Selon Guillaume Pepy, le président de la SNCF, d’ici 10 ans au plus, et plus vraisemblablement cinq, ce sera 100 % : donc, le TER, les trains classiques d’équilibre du territoire, les trains à grande vitesse nationaux vont à leur tour sortir du champ du monopole.
Activité par activité, la SNCF a fait ses comptes. Pour l’ensemble du groupe, la marge opérationnelle doit être de 12 %. Ensuite, les chiffres varient selon les activités. Pour Geodis, il suffit, selon David Azéma, directeur financier, de 5 %. Mais pour que la grande vitesse, gourmande en capital, soit viable, il lui faut dégager une marge opérationnelle de 19 %. Selon les calculs de David Azéma, la marge opérationnelle de la grande vitesse était de 12,5 % en 2009, devrait être entre 11 et 12 % cette année, et atterrir rapidement à 7 % si la tendance à l’augmentation des péages se poursuit. Conclusion immédiate : la “méga” commande de matériel à grande vitesse attendue est encore une fois remise à des jours meilleurs.
Il faut bien limiter l’investissement, aujourd’hui supérieur à la capacité d’autofinancement. Objectif : revenir à une dette « d’investisseur avisé », vers 2014 ou 2015. Alors que le niveau d’endettement s’établit à 8,6 milliards d’euros, ce sont 4 à 5 milliards de dettes qu’il faudrait alléger. Programme sur cinq ans : économie de 2 milliards d’investissement, et de 1 à 1,5 milliard d’achats. Il faudra sans doute recourir à des cessions. Cela permettra d’acquérir aussi, selon les occasions qui se présentent. La SNCF, qui va perdre des parts de marché en France avec la concurrence, doit trouver des relais de croissance ailleurs : en développant les activités de transport public en Europe, la logistique à l’échelle mondiale, en confortant l’avance dans la grande vitesse en Europe (où la SNCF revendique 49 % des voyageurs).
Exemple de croissance possible : Keolis se place sur les rangs pour l’acquisition de la partie allemande d’Arriva (environ 500 millions de CA), que la DB va devoir céder. De la même façon, le groupe a grandi dans le fret allemand en reprenant la partie germanique de Veolia Cargo cédée par le repreneur DB.
La mise en place de nouvelles règles du jeu passe par une période de flottement institutionnel. Et de lobbying. S’agissant de l’Europe et du grand concurrent, la DB, l’argumentation de la SNCF est calée : la France a mauvaise réputation, mais en fait elle respecte les règles communautaires (séparation de l’infrastructure et de l’exploitation) alors que l’Allemagne n’en fait rien (DB Netz étant dans la holding DB). La DB regrette que la France ne s’ouvre pas à la concurrence ? Mais la concurrence, sauf dans le fret et le transport international, n’est pas obligatoire. La SNCF, pense-t-on à la Commission, est condamnée, en tant qu’entreprise publique ? Mais les traités européens, plaide la SNCF, sont indifférents au caractère public ou non de l’entreprise. L’essentiel est que la concurrence, là où elle est obligatoire, se fasse de façon équitable.
Équitable pour tous, précise la SNCF, qui demande, une fois de plus, une convention collective qui ne soit pas du dumping social, cherche à être libérée du T2 (le système de surcotisation en contrepartie d’avantages cheminots aujourd’hui abolis, 600 millions d’euros par an), et demande que les relations déficitaires fassent l’objet de contrats de service public… comme c’est le cas en Allemagne.
Ces contrats de service public, c’est la question des trains dits d’équilibre du territoire. Question à 200 millions d’euros, que le gouvernement s’apprête à trancher vite ; mais question peut-être plus lourde. Car, au delà, on peut se demander si toute une partie des relations terminales effectuées par les trains à grande vitesse ne devrait pas, un jour où l’autre, être basculée du côté des TER ou de nouveaux types de contrats… Car la Commission européenne a fait part de son intention d’aborder au plus vite le chapitre suivant de la libéralisation : la concurrence sur le marché intérieur. Or, la crainte de la SNCF, c’est que les concurrents se contentent d’attaquer des relations juteuses (Paris – Lyon), et lui laissent les relations coûteuses (dessertes d’Épinal ou de Sedan). Aujourd’hui, au sein de l’activité TGV, une péréquation naturelle se fait entre troncs rentables et branches déficitaires. Mais elle fait par définition baisser la rentabilité de l’ensemble et fragilise l’activité. Avertissement de Guillaume Pepy : « S’il y a toujours péréquation, les concurrents ont déjà gagné, ils n’auront qu’à écrémer. »
Stratégie du groupe ? Croître et embellir. Croître d’abord. Dans l’activité de transport, la taille compte énormément. Exemple : à Lille, où Keolis vient d’être renouvelé, « il faut mettre 120 millions d’investissement pour avoir le droit d’exploiter les transports urbains. » Guillaume Pepy s’était fixé un objectif en prenant la tête de l’entreprise : la croissance de 50 % en 5 ans du chiffre d’affaires. Compte tenu de l’intégration de Keolis dans le groupe (ce qui est un peu un jeu d’écritures), on est dans les clous : 30 milliards de CA en 2010 (dont 25 % à l’international) contre 23 en 2007. Autre objectif, alors fixé : le doublement de la marge opérationnelle sur la même durée. On en parle moins.
Au delà, il y a trois combats à mener de front, qui ne sont pas contradictoires. Un, moderniser le service public en France, qui doit atteindre le même niveau de qualité que la grande vitesse (de ce point de vue, les retards de livraison du Francilien tombent mal). Deux, faire gagner la SNCF dans la concurrence. Or, se limiter au ferroviaire, c’est s’affaiblir dans la concurrence (on le voit surtout dans le fret). Trois, être un champion industriel et le fer de lance de l’industrie française dans la mobilité. En témoigne la candidature à la collecte de l’écotaxe poids-lourds, dans un consortium aux côtés de l’italien Autostrade. En témoigne aussi la proposition de la SNCF, qui n’a pas le sentiment d’avoir dit son dernier mot, pour la constitution de Systra en grand champion national de la mobilité. « Ces trois combats sont cohérents. Il faut notamment améliorer en France pour pouvoir vendre ailleurs qu’en France » affirme Guillaume Pepy.
Pour remporter ces combats, la SNCF réaffirme ses valeurs de long terme, en tant qu’entreprise publique : sécurité, robustesse. Et adhésion du personnel au projet. Conviction : « Plus on se transforme, plus il faut redonner des repères ». Barbara Dalibard, directrice voyages, avance une formule, dont les termes pourraient satisfaire argentiers et soutiers : « 2 points supplémentaires de satisfaction des employés donnent un point de satisfaction des clients et 0,5 point de profitabilité supplémentaire. » La formule magique ?
 

François DUMONT

Ewa

La médiation : un arbitre entre l?opérateur et ses clients

Grâce à la possibilité qu?ont à présent les clients de saisir directement le médiateur de la République, ceux-ci sont plus nombreux à se tourner vers lui lorsqu?ils n?ont pas obtenu gain de cause auprès de la SNCF D’un côté, il y a les procès-verbaux contestés par des voyageurs : lorsque le contrôleur les a sanctionnés pour une carte 12-25 oubliée à la maison, l’usage injustifié d’un signal d’alarme, l’occupation d’une place par… une planche de surf, etc. De l’autre, les réclamations dites commerciales : des demandes de remboursement de billets Prem’s non utilisés, des clients victimes d’erreurs de dates lors de l’achat de leurs billets, voire des frais de pressing qu’on réclame pour un costume malmené dans un train trop plein… Bref, des clients qui ne sont pas satisfaits et s’adressent au Centre de recouvrement des PV ou au service Relations clients de la SNCF pour adresser une réclamation. Sans obtenir gain de cause.
C’est alors que peut intervenir la « médiation SNCF » avec à sa tête le médiateur, Bernard Cieutat, magistrat à la Cour des comptes. Une personnalité extérieure et indépendante de l’entreprise. Ici, on fait du « cousu main ». Pour chaque cas : une enquête individuelle que ne peut effectuer le service clientèles de la SNCF, contraint de faire « du volume ». Du cas par cas, avec la garantie d’un examen « actif et personnalisé » du dossier. Et, depuis le 1er janvier 2009, le service de la Médiation a pris une nouvelle dimension avec la possibilité désormais offerte au client de saisir directement le médiateur sans passer, comme c’était impératif auparavant, par une association de consommateurs ou les médiateurs de la République.
La conséquence de cette possibilité de saisine directe ne s’est pas fait attendre : la Médiation a reçu en 2009 près de 2 500 réclamations, contre 750 l’année précédente. Soit plus de trois fois plus. Une tendance à la hausse qui se confirme en 2010 puisque plus de 1 500 dossiers lui ont été adressés en moins de six mois.
Cela a entraîné, dans un premier temps, une augmentation sensible du délai de traitement des dossiers. Au premier semestre 2009, 29 % seulement ont été réglés dans les deux mois, délai fixé dans le protocole pour les dossiers « classiques », contre 80 % en 2008. Une mauvaise tendance redressée au second semestre grâce à la mise en place de moyens supplémentaires. Résultat : 44 % de dossiers traités dans les deux mois et 47 % entre deux et quatre mois.
À la SNCF, la médiation a donc pris une nouvelle dimension. Un chiffre significatif : dès 2009, 83 % des réclamations reçues proviennent directement des particuliers qui ne sont pas passés par le biais d’une association de consommateurs. Ces dernières jouant un rôle de filtre, il n’est pas surprenant de voir que le nombre de dossiers auxquels la Médiation n’a pas donné satisfaction a augmenté sensiblement : 46 % en 2009 contre 38 % en 2008 et 25 % en 2007. Les associations, voire les médiateurs de la République, découragent les plaintes qui ont fort peu de chances d’aboutir ou celles qui sont « hors procédures ». Par exemple, celles de clients qui n’ont pas, au préalable, saisi les services « classiques » de la SNCF et attendu une réponse dans le délai d’un mois. Ou encore celles qui sont dites « hors compétence matérielle », comme les accidents de personne, les usurpations d’identité, les dossiers relatifs à des délits, les litiges faisant l’objet d’une procédure judiciaire…
Le prochain défi pour les services de la Médiation SNCF, ce sera d’offrir la possibilité de saisie par Internet, comme c’est d’ailleurs déjà le cas dans la plupart des médiations de services publics et de grandes entreprises. Reste à trouver, en commun avec la SNCF, les moyens techniques d’y parvenir sans prolonger, à nouveau, le temps de traitement des dossiers.
 

Pascal GRASSART

Ewa

La SNCF au milieu du gué

Ce n?est qu?un résultat semestriel, mais il va dans le bon sens : sur les six premiers mois de l?année, les comptes du groupe SNCF reviendraient « dans le vert » Un bénéfice net de 80 millions d’euros est annoncé contre une perte de 496 millions sur la même période de l’année précédente. Tendance favorable qu’il faut toutefois relativiser. À titre d’exemple : c’est tout juste équivalent à la perte de Sea France pour le premier semestre, 81 millions. Et, comme le souligne Guillaume Pepy, « les résultats restent encore très insuffisants au regard des besoins en investissements ». Pour le président, « le 1er semestre 2010 constitue un rattrapage partiel de l’activité perdue au 1er semestre 2009, en particulier dans le domaine des marchandises […] Après une année 2009 très difficile, les chiffres du 1er semestre traduisent un redressement encore lent et fragile de nos activités qui doit être poursuivi et amplifié. »
Pour David Azema, directeur général Stratégie et Finances, la SNCF est « au milieu du gué ». En témoigne un chiffre clé, celui de la marge opérationnelle. En progression de 296 millions par rapport à la même période de l’an passé, soit une hausse de 52,4 % à 995 millions, elle représente 6,7 % du chiffre d’affaires du groupe. Parmi les raisons de cette amélioration comptable : une meilleure maîtrise des charges, en particulier de personnel – moins 2 % pour l’Epic, la maison mère – avec davantage de départs que ne le prévoyait le budget. « C’est presque 300 millions de mieux mais il en manque 300 par rapport à nos besoins de développement », estime David Azema pour qui cette marge demeure « très insuffisante », le seuil des 10 % apparaissant comme souhaitable pour couvrir ces besoins.
Inutile de se bercer d’illusions : c’est une « mauvaise confirmation, pas une surprise », comme le dit David Azema, la contribution du TGV à l’amélioration de cette marge opérationnelle est quasiment nulle. « Le modèle global économique s’est profondément modifié. » Et ce sont les activités conventionnées, comme SNCF Proximités et Geodis qui « tirent la marge » au premier semestre.
Quant au CA du groupe, s’il a progressé de 25,1 % à 14,945 milliards, c’est avant tout grâce à l’intégration de nouvelles sociétés, dont l’opérateur de transports en commun Keolis et le loueur de wagons Ermewa. À périmètre et taux de change constants, la hausse serait limitée à 5,6 %.
Pour la suite de l’année, la prudence est de rigueur, dans une conjoncture loin d’être stabilisée. Et l’on se garde bien, à la direction, de parier sur une fin d’année euphorique. Comme le souligne Guillaume Pepy, « des incertitudes majeures nous conduisent à rester prudents sur une reprise dynamique des volumes au second semestre ». Même si l’entreprise continue à s’attaquer à ses « récifs ». Elle anticipe une progression dans le règlement des difficultés structurelles liées au fret, a « bon espoir » pour les trains désormais dits d’équilibre du territoire. D’ici la fin de l’année, un contrat de service public devrait être signé avec l’État pour les « remettre d’aplomb ». Et puis, il y a la gestion et l’entretien de l’infrastructure, les péages, mettant en cause la relation toujours particulière entre RFF et SNCF. « Nous travaillons dans la bonne direction et l’on se comprend de mieux en mieux », tient à souligner David Azema. Sans se hasarder à prévoir un calendrier pour les négociations à venir.
 

Pascal GRASSART

Ewa

Un accord et des couacs entre la France et l’Allemagne

Le sommet ferroviaire franco-allemand du 31 août à Berlin a certes permis de préparer des accords techniques qui doivent être ratifiés lors d?Innotrans. Mais les tensions entre la SNCF et la DB sont prêtes à resurgir à tout moment Louis Nègre, le président de la FIF (Fédération des industries ferroviaires) ne devrait pas être mécontent : les Français et les Allemands ont réussi à s’entendre. En partie… Pour les Français, la FIF et, pour les Allemands, la Deutsche Bahn avaient préparé le terrain en organisant deux « réunions de sherpas », en avril à Berlin et en juillet à Paris, comme le rappelle Jean-Pierre Audoux, le délégué général de la fédération. Réunions qui s’étaient bien passées. Cependant, les propos peu amènes échangés entre responsables ferroviaires français et allemands (pour s’en tenir à nos colonnes : interview de Rüdiger Grube, patron de la DB, réponse de Guillaume Pepy et de Dominique Bussereau) ont empoisonné l’atmosphère. Rüdiger Grube et Guillaume Pepy ont décidé de faire la paix à Rome avant les vacances. Mais le ministre des Transports allemands Peter Ramsauer ayant à nouveau attaqué début août la fermeture du marché français, et lancé un tonitruant Es reicht ! (ça suffit !), la SNCF s’est sentie trahie.
Le 31 août à Berlin, Peter Ramsauer, Dominique Bussereau, Rüdiger Grube et Guillaume Pepy ont tout de même pu discuter ensemble dans une « bonne ambiance », selon le ministre allemand. Même si, précise-t-il, cela n’avait « rien d’une discussion de salon de thé ». Dominique Bussereau, pour sa part, a trouvé le climat « gemütlich » (chaleureux). Bien plus chaud en tout cas que la réunion glaciale tant redoutée. Et, pour le secrétaire d’Etat français, la réunion a permis de « mettre de l’huile dans les rouages » et d’expliquer le contexte français aux Allemands : rapport du sénateur Grignon sur l’expérimentation de la concurrence dans le TER, renouvellement des exécutifs régionaux, trains d’aménagement du territoire, mise en place de l’Araf.
Selon nos informations, si les Français et les Allemands s’en sont tenus à un accord a minima, c’est faute d’un deal plus global, initialement envisagé, aux termes duquel les Français se seraient engagés à ouvrir le transport régional à la concurrence, tandis que les Allemands auraient appliqué la directive eurovignette.
La rencontre a débouché sur un projet de groupe de travail de « haut niveau ». Formé au niveau des ministères et secrétariats d’Etat, il s’efforcera de faire avancer la coopération sur des sujets concrets. A la FIF, on énumère : un approfondissement de l’accord de reconnaissance mutuelle des matériels, une accélération de l’harmonisation technique, des dispositions communes contre le bruit ferroviaire, le réveil de l’organisme de coopération ferroviaire Deufrako en sommeil depuis des lustres, la mise au point d’une clause de réciprocité permettant de s’assurer d’une concurrence équitable entre les industriels de divers pays, notamment asiatiques, et l’Europe, fondée sur l’ouverture réciproque des marchés. Les parties prenantes envisagent une ratification du document de travail par les ministres des Transports à Berlin lors d’Innotrans, le 21 septembre. Sont concernés : EBA et EPSF (autorités de régulation), FIF et VDB (fédérations d’industries), RFF et DB Netz (gestionnaires d’infrastructure), ainsi que Deutsche Bahn et SNCF (entreprises historiques).
Les sujets qui fâchent devaient attendre. Cependant, dès le lendemain, Peter Ramsauer, qui s’exprimait avec Rüdiger Grube devant la presse, donnait l’impression de repartir de plus belle. La France aurait selon lui « promis d’ouvrir pas à pas à la concurrence son trafic régional de passagers ». Autre doléance de la Bahn rappelée par le ministre : « l’impossibilité d’organiser des liaisons autonomes en France », à cause des restrictions sur le cabotage ou la taxe sur les locomotives étrangères. De son côté, assurait-il, l’Allemagne s’engagerait à lever les obstacles à la concurrence sur son trafic grandes lignes.
Le terme de « promesse » employé par le ministre allemand a semblé malvenu… d’autant qu’il ne correspond pas à ce qu’a dit Dominique Bussereau. Les Allemands ont en fait donné le sentiment de vouloir sortir vainqueur du sommet de Berlin, avec des annonces fortes (dont celle sur la circulation d’un ICE dans le tunnel, lire ci-dessous) qui laissent entendre qu’ils ont fait plier les Français… ce qui n’est manifestement pas le cas.
A la SNCF, où on est « un peu » exaspéré, la direction se tait, mais de bonnes âmes font observer, mine de rien, que la séparation entre gestionnaire d’infrastructure et entreprise ferroviaire est loin d’être achevée en Allemagne, et que la Commission européenne s’y intéresse de très près ; que la DB réalise, selon ses derniers résultats semestriels, 50 % de son bénéfice avec DB Netz, situation dont ne peuvent plus bénéficier les entreprises ayant mené à bien la séparation ; que la concurrence au jour le jour dans le transport régional n’est peut-être pas si équitable que cela ; ou encore que le refus allemand de voir mis en place un régulateur européen est plutôt suspect ; on imagine même que, face à des difficultés avec l’opinion publique (grave problème de climatisation cet été, problèmes récurrents de roues, situation calamiteuse de la S-Bahn berlinoise), les attaques anti-françaises permettent de détourner l’attention. En guise de dégel, c’est raté. Dominique Bussereau, germanophile convaincu, doit être peiné par cette mésentente qui ne s’éteint pas. Reste qu’il s’apprête à quitter son poste après avoir conclu un accord franco-allemand. Modeste peut-être, mais remarquable vu le climat.
 

François DUMONT et Antoine HEULARD

Ewa

La SNCF expérimente le multilot/multiclient

Le plan de Fret SNCF vise à concentrer un volume important de marchandises sur quelques grands axes et à savoir à l?avance quels moyens engager, mois par mois. Beaucoup craignent que ce plan aboutisse au report du fret sur le réseau routier La mobilisation ne faiblit pas. Le 6 juillet, des syndicats de cheminots, des associations de protection de l’environnement et des élus de gauche ont organisé un rassemblement à Paris pour demander la suspension du plan de Fret SNCF et l’ouverture d’un débat public. Le lendemain, le comité de suivi de l’engagement national pour le fret ferroviaire se réunissait au secrétariat d’État aux Transports pour faire un point d’étape. L’occasion pour certains chargeurs de redire leurs craintes sur la réorganisation du transport des wagons isolés. Certaines fédérations professionnelles du secteur industriel et des transports, en particulier la Fédération française de l’acier, le Comité des constructeurs français d’automobile et l’Union des industries chimiques, appellent la SNCF à revoir ses projets de réorganisation. Elles demandent plus précisément « un report du démarrage du multilots/multiclients » à échéance beaucoup plus lointaine. « Le communiqué de ces fédérations industrielles, qui ne sont pas les clients avec qui nous discutons, fait perdre de vue l’objet de la réforme de Fret SNCF, qui est de développer le transport ferroviaire de marchandises. Le système actuel est ruineux et inefficace, c’est pourquoi nous revoyons complètement notre offre », a déjà répondu Pierre Blayau dans un entretien aux Échos du 5 juillet dernier. Et le directeur général délégué de SNCF Geodis d’ajouter : « Au fond, il faudrait que nous subventionnions les coûts logistiques des grandes entreprises. » Même tonalité dans les propos de Sylvie Charles, la directrice de Fret SNCF, affirmant que des discussions pour réorganiser les acheminements sont en cours pour 80 % des volumes transportés (un peu moins de 300 000 wagons isolés ont été traités par la SNCF en 2009). Avec des clients du secteur de la sidérurgie et de la chimie, Fret SNCF expérimente depuis début juillet son nouveau service de multilots/multiclients sur quatre lignes : deux entre Woippy d’une part et Marseille et Lyon d’autre part ; une entre Marseille et Bordeaux, une autre entre Dunkerque et la région parisienne. Neuf plateformes sont concernées. Jusqu’alors, les clients envoyaient leurs wagons au fur et à mesure de leurs besoins, sans préavis. Le nouveau dispositif leur demande des prévisions et des engagements sur des volumes. L’engagement se fait chaque mois, quinze jours avant le début du mois. « En contrepartie, nos clients auront un retour régulier sur la localisation de leurs wagons, dans une continuité tarifaire », affirme Sylvie Charles. Un système de bonus-malus va être mis en place. Il sanctionnera les volumes non respectés de la part des clients et les retards dus à SNCF. Ce dispositif a été assoupli à la demande des chargeurs qui souhaitent que le malus s’applique à leurs volumes globaux et non point par axe. Selon Fret SNCF, l’expérimentation va permettre de tester les processus de prise de commande et la façon dont les commandes sont intégrées aux systèmes d’information. « L’un de nos objectifs est de permettre à nos équipes de bien s’installer, car elles vont devenir des gestionnaires des axes. Elles doivent s’assurer que le fret a bien été acheminé de bout en bout », souligne Sylvie Charles. Fret SNCF pense acheminer environ 200 000 wagons annuels multilots/multiclients. Des solutions sur-mesure sont aussi prévues avec des clients qui ne peuvent se couler dans la nouvelle organisation. « Ces solutions concernent des flux relativement importants ou des marchandises sensibles traités sur des sites non reliés à nos axes », explique Fret SNCF, qui s’attend à transporter 30 000 à 40 000 wagons isolés de ce type. Sur ce créneau, les prix devraient augmenter de 10, 20 ou 25 % selon les cas. « Les clients d’une même zone peuvent mutualiser leurs envois. Ils ne s’engagent pas sur des volumes mais sur une fréquence de desserte, par exemple deux dessertes par semaine. Et ils paient un forfait », souligne Sylvie Charles. Selon elle, l’expérimentation en cours a déjà buté sur quelques soucis, principalement liés à la qualité des sillons et à des inspections de sécurité sur les essieux des wagons. Celles-ci se traduisent par un nombre beaucoup plus important qu’avant de wagons réformés. « D’où un engorgement des voies. Le contexte de production est tendu pour ces deux raisons. » La bascule complète du système multilots/multiclients est prévue à la fin de l’année, si tout se passe normalement. Un bouleversement qui verra la SNCF abandonner la logique de desserte d’un réseau maillé pour passer à l’exploitation de quelques grands axes. Et qui devrait lui permettre de baisser ses coûts fixes de moitié.
 

Marie-Hélène POINGT