La Renfe avait promis pour avril l’ouverture d’une troisième destination française, après Lyon et Marseille. Les billets entre Barcelone et Toulouse n’étant toujours pas ouverts à la vente (au 1er avril), l’arrivée de trains espagnols ce printemps, en gare Matabiau, ne semble plus d’actualité. Il y a quelques jours, la presse espagnole assurait même que Renfe « étudiait la possibilité de sortir du marché français pour recentrer ses efforts sur son marché domestique ». Cela confirme que les relations franco-espagnoles dans le ferroviaire, sont toujours tendues.
Fin janvier, lors d’une audition par une commission sénatoriale française, Paloma Baena, directrice de la stratégie de Renfe, avait tenu à lister toutes les difficultés d’implantation que l’Espagnol connaît en France et les entraves mises en œuvre, selon elle, par l’opérateur historique. « En Espagne, cinq mois après l’ouverture du marché, je dis bien cinq mois, des opérateurs étaient autorisés à faire rouler leurs trains », indique Paloma Baena, en regrettant que le processus d’autorisation en France de son matériel roulant ne soit pas assuré avec « plus de transparence et de visibilité ».
La compagnie espagnole souhaite utiliser sur le réseau français le S106 produit par son compatriote Talgo, qu’elle exploite en Espagne, depuis sa mise en service en mai 2024. « Le processus d’homologation est lancé depuis trois ans et la réponse pourrait ne pas intervenir avant 2028 », s’est plaint Paloma Baena devant les sénateurs.
Contact rompu
La Renfe a bien engagé plusieurs essais en vue d’obtenir une autorisation de circulation du S106 en France. Mais selon Lionel Arnold, directeur des autorisations au sein de l’établissement public de sécurité ferroviaire (l’EPSF)@, la campagne de tests est au point mort, depuis plus d’un an. « Je n’ai reçu aucune demande pour procéder à de nouveaux essais depuis environ un an, rapporte Lionel Arnold, nous avions des contacts très fréquents avec les équipes de Talgo avant 2024, mais depuis, plus rien ».
Les tests techniques n’étant pas terminés, toute la procédure administrative d’autorisation est elle aussi suspendue. L’EPSF n’a reçu aucune demande d’extension d’autorisation pour la France par l’agence de l’Union européenne pour les chemins de fer (ERA). Renfe a donc, depuis quelques mois, suspendu toute démarche.
Le manque de coopération des équipes de l’opérateur historique français pour lui donner accès au réseau et procéder à des tests techniques, ainsi qu’à des ateliers de maintenance a régulièrement été évoqué par son homologue espagnol.
Paris dans le viseur
A l’EPSF, Lionel Arnold estime que les tests pourront reprendre quand Renfe le souhaitera, même si les opérateurs à en faire la demande sont de plus en plus nombreux.
Au-delà des problèmes de matériel ou de réglementation, les ambitions de l’espagnol en France semblent avant tout contrariées commercialement, faute de pouvoir opérer sur Paris. Depuis 2023, Renfe assure seul sur le territoire français les liaisons Madrid-Marseille et Barcelone-Lyon sur lesquelles il a transporté un million de passagers.
Or, Renfe a toujours indiqué que le seul moyen d’atteindre la rentabilité de son activité dans l’Hexagone était d’ouvrir une ligne sur la capitale. L’opérateur pensait obtenir cette autorisation pour les jeux de Paris 2024, puis à la fin de l’année. C’est pour cela qu’il a acheté une trentaine de nouvelles rames au constructeur espagnol Talgo. En 2023, la société affichait dans ses comptes 123 millions d’euros de pertes, un trou qui s’est réduit mais restait de 20 millions d’euros l’an dernier.