Après un premier bouleversement dans les années 2010 lié à la digitalisation et à l’arrivée des VTC, les transports publics particuliers de personnes (T3P, principalement taxis et VTC) vivent un deuxième choc, frappés de plein fouet par la crise sanitaire, à un niveau supérieur à celui de l’ensemble de l’économie, souligne une étude dévoilée le 6 avril.
Cette étude, réalisée par Stacian, indique que sur « l’ensemble de l’année 2020, le recul de l’activité à Paris est estimé à au moins 40 % pour les taxis, et certainement davantage pour les VTC qui peuvent moins compter sur la clientèle d’entreprise et dépendent davantage des sorties en soirée et le week-end ». Pendant le confinement, le recul a pu même atteindre dans certains cas 90 %.
Or, le marché parisien était probablement arrivé à maturité juste avant la crise sanitaire, avec notamment une moindre progression du nombre de chauffeurs de VTC. C’est probablement le cas aussi de l’ensemble des grandes métropoles occidentales grâce notamment à la mise en place d’un cadre de régulations, estime l’auteur de l’étude, l’économiste Jean-Charles Simon, également président-fondateur de Stacian. Selon lui, le retour au niveau d’activité de 2019 pourrait prendre plusieurs années « compte tenu de la dégradation très marquée et durable de certaines composantes de la demande, comme le trafic aérien ». De plus, « les évolutions structurelles qui pourraient affecter le secteur sont incertaines, qu’elles soient liées à la crise sanitaire ou à d’autres facteurs. Plusieurs phénomènes envisagés devraient cependant contribuer à faire évoluer sensiblement la demande (télétravail, moindre attractivité des métropoles, recul du tourisme de masse…) ». Enfin, l’attitude de plus en plus d’élus de réduire la place de la voiture en centre-ville pousse aussi dans ce sens.
L’étude rappelle que « le soutien public à l’activité est apparu indispensable en France, et il devrait l’être encore un certain temps avec une population de chauffeurs qui excède pour l’instant nettement les besoins de la demande ». L’offre excédentaire de transport, constatée début 2020 dans une grande métropole comme Paris, pourrait être durable.
Le rapport réalisé – la précision est importante – à la demande de l’Union nationale des industries du taxi (Unit), plaide pour « le maintien voire le renforcement des régulations existantes afin d’assurer notamment une meilleure qualité de cette offre (stabilité des chauffeurs dans la profession, savoir-faire et savoir-être, respect de la réglementation, connaissance statistique du marché…) ». Il pointe la congestion de l’espace urbain provoqué par l’afflux de VTC dans les villes*.
Se basant sur les conclusions de l’étude, Armand Joseph-Oudin, le délégué général de l’Unit, souhaite « faire en sorte qu’en 2021 ou 2022, on ne se retrouve pas avec les mêmes externalités négatives qu’avant : congestion due à un surcroît de véhicules, mauvaise qualité de l’air*…» Selon lui, « il faut une cohérence de l’offre et un partage de l’espace public entre marche, vélos, VTC, transports collectifs… ». D’où le lancement par son syndicat d’une grande consultation nationale sur ce thème pour faire émerger des propositions et trouver « le juste équilibre ».
M.-H. P.
A noter :*L’étude rappelle que dans les enquêtes sur des métropoles américaines, « 60 % des courses en VTC sont des déplacements qui n’auraient pas été effectués sur la route sans cette nouvelle offre, mais par exemple en transports en commun. La même étude estime que pour un kilomètre de trafic en véhicule particulier retiré grâce à l’offre de VTC, ceux-ci ajoutent 2,6 kilomètres de trafic dans la ville du fait de leur activité, notamment car la substitution modale avec la voiture est faible, mais aussi du fait du trafic parcouru à vide entre deux clients (représentant 37 % du temps de conduite du VTC) ». D’où un impact des VTC sur la congestion des grandes villes « considérable ».
*Le rapport insiste sur le moindre impact environnemental des taxis : « La moindre qualité et performance environnementale des VTC est d’ailleurs très nette dans le cas parisien : seuls 11,3 % des VTC étaient hybrides ou électriques à fin 2018, contre 87,2 % en diesel, ces proportions étant respectivement de 40,1 % et 59,2 % pour les taxis de Paris. De même, 16 % des taxis parisiens dépassaient les quatre ans d’âge, contre 40 % des VTC ».