Je me connecte

E-mail*
Mot de passe*

> Mot de passe oublié?

Je m'inscris

*Champs obligatoires

Conformément à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée en 2004, vous bénéficiez d’un droit d’accès et de rectification aux informations qui vous concernent.
1. Mon Compte
2. Mes activités
3. Mes Newsletters

Vous devez lire et accepter nos conditions générales de vente et d’utilisation *

* Mentions obligatoires

Je souhaite recevoir la newsletter :

Je m'enregistre

Mot de passe oublié ?

Ewa

L’Allemagne lance le forfait Transports à 49 euros par mois

allemagne db site

Après le succès durant l’été 2022 du forfait à 9 euros, le gouvernement allemand transforme l’essai en instaurant un ticket mensuel permanent donnant accès aux transports en commun (publics et privés) valable sur tout le réseau sauf les grandes lignes. Le « Deutschland-Ticket », lancé le 1er mai, coûte 49 euros par mois et peut  être résilié chaque mois.
Les utilisateurs des trains régionaux en particulier vont voir baisser considérablement  le coût de leur abonnement. L’Etat a débloqué 1,5 milliard d’euros par an pour compenser le manque à gagner des entreprises de transports.

Pour les privés, la répartition des revenus restera un casse-tête tant que le traçage des utilisateurs ne sera pas entièrement digitalisé. « Qui saura faire le décompte du trajet d’un voyageur, parti de Munich, qui emprunte plusieurs lignes régionales dans le centre du pays et finira son voyage sur une ligne de bus privée le long des côtes de la mer Baltique ? », s’interroge Matthias Stoffregen, le directeur de la Fédération des entreprises privées de transport ferroviaire (Mofair). « Il vaudrait mieux investir dans les infrastructures que dans le prix du billet. Augmenter l’offre est plus important que le prix», affirme-t-il. 

Un avis partagé par Christian Böttger, expert en systèmes de transports ferroviaires à l’Université publique de sciences appliquées de Berlin (HTW). « Le ticket à 49 euros est une mauvaise idée. Il n’y aura aucun transfert du trafic automobile vers le rail. C’est de l’argent jeté par les fenêtres », renchérit-il en plaidant pour la priorité à la modernisation de l’infrastructure.

Christophe Bourdoiseau

Ewa

Les nouveaux défis d’Alstom

capture decran 2022 07 12 a 094516

Un peu plus de 16 mois après l’acquisition de Bombardier Transports par Alstom, Henri Poupart-Lafarge a dressé le 15 juin, devant le Club VRT, un premier bilan de ce qui a déjà été réalisé en termes de synergies et d’homogénéisation de la gamme. Le PDG d’Alstom parie sur les atouts du ferroviaire pour aider à la transition énergétique, même s’il reste encore des défis à relever en termes d’approvisionnement, de recrutement ou de réussites industrielles.

 

Après l’acquisition de Bombardier Transport, c’est l’heure de l’accélération de la transformation pour Alstom. Et des nouveaux défis. L’acquisition de son concurrent, il y a plus de 16 mois, a fait doubler la taille du groupe. Avec 15,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, il se place sur le marché de la construction ferroviaire derrière le Chinois CCRC (20 milliards d’euros), mais loin devant l’Allemand Siemens, (9 milliards d’euros de chiffre d’affaires).

« Alstom compte 75 000 employés, dont 20 000 ingénieurs, répartis dans 70 pays », détaille son PDG, Henri Poupart-Lafarge. Avec 44 000 collaborateurs, l’Europe reste son principal marché et la France représente le coeur historique de son activité : dans l’Hexagone, Alstom emploie 12 500 salariés, dont 5 000 ingénieurs, répartis sur 17 sites.

« Alstom se développe sur l’ensemble des continents, au plus près de ses clients. Ce qui est unique. Aucun de nos concurrents n’a cette proximité », souligne son dirigeant qui poursuit : « La globalisation doit aller de pair avec une proximité des marchés. Notre concurrent CRRC l’a compris et essaie de s’implanter dans différents pays avec plus ou moins de succès. »

Cette proximité permet au constructeur français de répondre aux demandes des Etats qui imposent un quota de productions locales. Le groupe a ainsi pu vendre un métro conçu à 80 % en Inde, avec des fournisseurs locaux, tout comme il peut répondre aux exigences des Etats-Unis imposant que 95 % d’un train soit produit localement. « En France, nous recourons à des fournisseurs français et la grande majorité des pièces proviennent de fournisseurs produisant en France », précise encore Henri Poupart-Lafarge.

 

ALSTOM SE DÉVELOPPE SUR L’ENSEMBLE DES CONTINENTS, AU PLUS PRÈS DE SES CLIENTS. AUCUN DE NOS CONCURRENTS N’A CETTE PROXIMITÉ

 

Plus de 180 milliards d’opportunités commerciales

Alstom, qui a une base installée de plus de 150 000 véhicules et réalise la maintenance de 30 000 d’entre eux, a engrangé pour 81 milliards d’euros de commandes. Selon son patron, le marché du ferroviaire est tiré par la croissance économique, l’urbanisation et la nécessaire transformation écologique. Les politiques environnementales menées à travers le monde, poussent à aller vers une mobilité plus durable, contribuant à la relance du ferroviaire, mode de transport le plus respectueux de l’environnement, que ce soit en matière d’émissions de CO2, de consommation d’énergie ou d’occupation des sols.

Le PDG d’Alstom a identifié plus de 180 milliards d’euros d’opportunités commerciales.

 

Complémentarité géographique

En intégrant Bombardier, « ce qui s’est fait rapidement », Alstom a amélioré sa couverture géographique. « Notre stratégie est d’être présent sur tous les marchés. Or, il nous manquait des pièces au puzzle. Alstom n’était pas au Mexique, ce que l’intégration de Bombardier Transport a permis de corriger, tout comme cela nous a permis d’atteindre la taille critique en Amérique du Nord et de compléter notre présence en Europe », indique le PDG.

Grâce à Bombardier, Alstom s’est renforcé en Allemagne, où il compte désormais 11 000 collaborateurs. Ce qui le place en position de premier constructeur allemand. « L’acquisition de Bombardier nous a permis d’avoir une couverture géographique plus homogène et d’avoir accès à une technologie qu’on n’avait pas chez Alstom, notamment en ce qui concerne les locomotives de fret », se félicite Henri Poupart-Lafarge, en rappelant qu’Alstom n’avait pas vendu de locomotives de fret en Europe depuis des années.

La complémentarité de Bombardier est aussi notable sur le marché des tramways. Si Alstom est très présent en France, où le groupe va ouvrir une nouvelle ligne de production à La Rochelle, Bombardier l’était davantage sur la partie allemande, avec des gammes différentes qui seront conservées.

 

Convergence des produits

Le dirigeant assure qu’il n’y a pas de sites redondants, mais qu’une convergence des produits s’impose. « Pour le tramway, la plateforme d’Alstom va couvrir l’ensemble des besoins, aluminium et acier. On va continuer à servir l’ensemble du marché, avec tous les trains, mais avec une plateforme conçue différemment. Pour la signalisation, nous servirons l’ensemble du marché, en proposant prioritairement la solution technique d’Alstom. La convergence des produits va prendre trois à quatre ans. A terme, il y aura une homogénéité de la gamme proposée aux clients », explique-t-il.

Et de rappeler que certains contrats récupérés auprès de Bombardier étaient déficitaires, « en raison de difficultés opérationnelles solubles. Nous avions une vision claire de la situation, les problèmes étaient identifiés et nous allons travailler sur le fond à les résoudre ».

Si Henri Poupart-Lafarge admet que l’investissement nécessaire pour la remise à niveau de Bombardier a été plus important que prévu, le dirigeant préfère mettre en avant le fait que 90 % des clients de Bombardier sont satisfaits de la façon dont Alstom a intégré les projets du constructeur : « Nous avons un outil industriel que nous avons remis à niveau et nous regardons l’avenir. » Le groupe a par ailleurs saisi la Cour de Justice pour obtenir un arbitrage sur les conditions de rachat de Bombardier Transport, estimant que le vendeur s’était rendu coupable de manquement à certaines dispositions contractuelles de l’accord de vente. Mais Henri Poupart-Lafarge refuse de s’épancher : « Cela fait partie de la vie des affaires. »

Reste un mot d’ordre : l’excellence opérationnelle pour continuer à se développer. « Il nous faut à présent travailler pour que toutes les usines et tous les centres de développement fonctionnent de manière homogène, avec le même niveau d’exigence et de performance », poursuit le dirigeant. A propos des sites de Bombardier, il y a, ajoute-t-il, « énormément de travail de mise à niveau à réaliser. »

Pour autoriser la reprise de Bombardier, la Commission européenne a exigé la cession du site de production de Reichshoffen en Alsace, où sont construits les trains Régiolis. « Le site sera cédé, mais nous nous assurerons que la SNCF aura une continuité du service de Régiolis. »

 

LE SITE DE REICHSHOFFEN SERA CÉDÉ, MAIS NOUS NOUS ASSURERONS QUE LA SNCF AURA UNE CONTINUITÉ DU SERVICE RÉGIOLIS

 

Conflit ukrainien

L’invasion en Ukraine n’est pas sans conséquences pour Alstom, qui a cherché avant tout à « mettre en sécurité » ses salariés (une trentaine) avec leurs familles.

Le groupe voudrait aussi se défaire de sa participation de 20 % dans le constructeur russe TMH, qui dessert principalement le « marché local ». Mais pas facile dans le contexte actuel. En attendant, cela l’a obligé à déprécier dans ses comptes cette participation à hauteur de 441 millions d’euros.

Le conflit en Ukraine a aussi eu des effets en France, en particulier pour le site de Belfort. Alors que les salariés comptaient sur un contrat d’un montant de 880 millions d’euros, qui leur aurait permis de construire 130 locomotives à livrer en Ukraine, la guerre a suspendu le projet et brouillé la visibilité sur l’avenir. Henri Poupart-Lafarge explique : « Le site de Belfort est fragile, parce qu’il travaille à la fois sur le fret et le TGV. Or, si le TGV a une continuité de production assurée avec la nouvelle génération du TGV M, le fret est malade en France. Ce qui contraint Belfort à vivre avec des contrats exports. C’est moins confortable. »

 

Crise des approvisionnements et inflation

A ces difficultés s’ajoute la crise des approvisionnements. Un défi, qui « se concentre sur les composants électroniques, dont la pénurie existait déjà avant le début du conflit », précise Henri Poupart-Lafarge. « Bien que le ferroviaire n’utilise que 1 % de composants dans le monde, il est stratégique d’en avoir, car leur pénurie peut fragiliser de grands projets », même si « jusqu’à présent, nous avons peu d’impact ».

Et de poursuivre : « On pensait que la crise serait résolue en 2022. Désormais on table plutôt sur 2023, voire 2024. Nous nous battons quotidiennement pour trouver les composants dont nous avons besoin. »

Les conséquences de l’inflation représentent un autre défi à relever. « Au-delà de l’inflation, c’est son irruption rapide et brutale qui nous conduit à un changement de paradigme. Dans des pays comme l’Inde où l’inflation existait déjà, on vivait avec. En Europe personne n’avait prévu son retour et tous nos contrats n’étaient pas outillés pour y faire face. Nous vivons une période d’ajustement et devons instaurer des clauses d’indexation pour nous protéger », explique le patron d’Alstom, en précisant toutefois que « la plupart des pays sont couverts », dont la France.

7 500 postes à pourvoir

Le secteur reste un gros pourvoyeur d’emplois. Alstom a prévu 7 500 embauches en 2022, dont plus de 1 000 en France, « des ingénieurs, mais pas seulement », précise son PDG. Le groupe est à la recherche de talents, notamment dans le numérique.

Pour attirer les candidats, le groupe table sur la quête de sens des salariés. « Cela fait 25 ans que je suis chez Alstom et je vois de plus en plus d’ingénieurs choisir de nous rejoindre, plutôt que de s’orienter vers le secteur de l’automobile. Parce ce qu’ils veulent aider à relever l’enjeu environnemental en allant travailler dans une entreprise qui cherche à trouver des solutions. »

Le groupe s’efforce de faire connaître ses métiers.

Car dans ce secteur la concurrence est rude et des entreprises comme Google viennent parfois débaucher les salariés du digital. « C’est nouveau. Recruter et fidéliser est un défi, mais nous avons des atouts : une couverture mondiale offrant des opportunités de mobilité et un power branding », détaille Henri Poupart-Lafarge qui reconnaît que sur des marchés où il y a pénurie de main-d’oeuvre, comme en France, le groupe peine à trouver les effectifs nécessaires. Selon lui, cela fait partie des défis d’aujourd’hui.

 

Technologies plus vertes

Le train doit être un acteur de la décarbonation. Alstom y travaille. « Nous sommes persuadés que le rail est la solution aux problèmes environnementaux. Mais pour favoriser le transfert modal, il faut être attractif pour les passagers et il faut améliorer les performances des trains. Il faut aussi chercher à optimiser les infrastructures qui sont très coûteuses, en ayant recours au digital dans un but d’optimisation. »

Le groupe cherche aussi à améliorer l’efficacité énergétique de ses trains. « On s’assure que chaque nouvelle génération de nos produits permet des économies par rapport aux précédentes, en travaillant sur l’écoconception. »

Le constructeur travaille sur des solutions électriques, notamment dans le fret qu’Alstom veut contribuer à développer. Non seulement en Europe, mais aussi au-delà : l’Inde par exemple veut tripler son trafic fret et a un projet d’électrification des lignes. Ou l’Amérique du Nord, où Alstom veut accompagner la transition énergétique du fret ferroviaire. « Un défi, car 99 % du réseau n’est pas électrifié. Les trains sont tractés par des locomotives à diesel », rappelle le président d’Alstom.

En Europe, où 50 % du réseau ferré n’est pas électrifié, Alstom veut proposer des trains à batterie permettant d’assurer la partie du trajet non électrifié, avec une autonomie d’une centaine de kilomètres. Pour des trajets plus longs « il faudra recourir à l’hydrogène », ajoute le président d’Alstom qui précise que moins une ligne est dense, plus l’hydrogène fait sens, car cela ne nécessite pas d’investissements lourds.

 

Les promesses de l’hydrogène

Pour faciliter la migration du diesel vers des technologies plus vertes, Alstom, a mis au point un train à hydrogène, le Coradia iLint, et devrait faire circuler des trains à hydrogène en Allemagne cette année. Il a noué un partenariat avec Engie, prévoyant l’approvisionnement en hydrogène renouvelable d’un système de piles à combustible pour des locomotives destinées au fret ferroviaire en Europe.

Henri Poupart-Lafarge insiste sur la nécessité de réduire le prix de l’hydrogène vert, qui coûte encore trois fois plus cher que le diesel. « C’est le défi de la transition écologique. L’économie du futur sera à l’hydrogène ou ne sera pas. Il ne faut pas prendre de retard là-dessus », prévient-il, avant de pointer tout ce qui va dans le bon sens. « Il y a des milliards d’investissements réalisés dans la transformation écologique en hydrogène. Le monde se prépare à une économie à l’hydrogène. »

 

C’EST LE DÉFI DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE. L’ÉCONOMIE DU FUTUR SERA À L’HYDROGÈNE OU NE SERA PAS

 

Armé pour affronter l’avenir

« Avec la reprise de Bombardier, nous avons la fondation d’un groupe extrêmement solide, présent partout dans le monde. Ce qui lui permet de s’adapter à la géopolitique et d’équilibrer ses différents pôles en faisant preuve de résilience », assure avec confiance Henri Poupart-Lafarge, déterminé à faire de son groupe un acteur contribuant à rendre possible la suppression des voitures thermiques d’ici à 2035. « Si on remplace la flotte automobile actuelle par une flotte de véhicules électriques, on ne parviendra pas à atteindre l’objectif de zéro carbone. Pour y arriver, il faut un transfert modal et augmenter considérablement la part du ferroviaire », prévient-il. « Ce qui implique que l’industrie ferroviaire accélère l’innovation pour rendre le train plus attractif, en continuant à améliorer et développer les réseaux et les services pour répondre à l’enjeu de transition énergétique. Il y a un énorme chantier en jeu. » Et de conclure : « A nous d’être au rendez-vous ! »

 

 


Les révolutions technologiques, du TGV M aux métros

Deux catégories de produits fournis par Alstom sont à la veille d’un changement de génération : les trains à grande vitesse, avec les premières rames de TGV M, et les applications du CBTC (contrôle des trains basé sur la communication) aux métros automatiques, avec la solution Urbalis Fluence.

Pour Henri Poupart-Lafarge, le TGV M représente « une révolution technologique développée avec la SNCF, en partant d’une feuille blanche ». Et Fluence, que le groupe va déployer à Lille avant la ligne 18 du Grand Paris, est « une solution sans personne à bord, avec une révolution du système de signalisation, qui met de l’intelligence dans le train et lui permet de communiquer avec d’autres trains pour gagner en efficacité et faire passer davantage de trafic ».


L’aventure Aptis

Alstom qui avait contribué au design d’Aptis, un autobus 100 % électrique, a décidé de le retirer du marché. « Nous en étions très fier, mais il n’a pas trouvé son marché. On ne nous en achetait pas suffisamment. Le bus électrique n’a pas décollé aussi vite qu’on pensait. Notre véhicule était peut-être trop révolutionnaire. C’est un échec et une déception. On a perdu de l’argent, mais la page est tournée », explique Henri Poupart-Lafarge.


Des retards à relativiser

Initialement prévus pour la mi-2021, les RER NG pour les lignes D et E qu’Alstom devait livrer n’arriveront finalement pas avant mi-2023. Henri Poupart-Lafarge refuse de commenter : « C’est un terrain de discussion commercial avec les clients. » Il relativise : « Nous avons 800 projets, soit 80 milliards de carnets de commandes à travers le monde sur les trois à quatre ans. Notre but est de fournir le meilleur matériel en termes d’économie, d’énergie, le plus tôt possible, avec la qualité requise en prenant en compte la vie des affaires qui a ses complexités : le Covid, les problèmes d’approvisionnement… »

Ewa

Les trains, cars et navettes maritimes seront gratuits cet été pour les jeunes en Bretagne

Car BreizhGo, arrêt à la gare de Combourg
350 000 titres de transport gratuits pendant sept semaines cet été en Bretagne pour les moins de 26 ans. C’est l’offre Gratuité BreizhGo Jeunes qu’a annoncée, le 9 juin, Loïg Chesnais-Girard, le président de la région Bretagne. L’opération, qui se déroulera du 9 juillet au 28 août, doit permettre aux jeunes, habitant sur le territoire ou simplement en vacances, de voyager gratuitement sur tout le réseau de transport public BreizhGo. Chaque semaine, 30 000 billets de TER, 18 000 de cars et 2 000 de navettes maritimes seront proposés.
Pour en bénéficier, il faudra toutefois réserver son billet la veille de son déplacement. « Il y a un quota de places proposées chaque jour sur les différents trajets trains, cars et navires du réseau BreizhGo », explique Michaël Quernez, vice-président du Conseil de Bretagne en charge du climat et des mobilités « La réservation est indispensable pour garantir une place aux jeunes qui veulent voyager, mais aussi à tous les autres voyageurs. Et puis, c’est aussi une responsabilisation pour des jeunes dont c’est souvent les premiers déplacements, sans leurs parents. »
Lors des contrôles, les jeunes voyageurs devront, en plus du billet gratuit, présenter un justificatif d’âge, un justificatif d’étude (carte de lycéen, carte d’étudiant, certificat de scolarité, même d’un établissement hors région, voire d’un pays européen) ou une carte BreizhGo Solidaire destinés aux jeunes de moins de 26 ans, demandeurs d’emploi non indemnisés, bénéficiaires de l’ASS, du RSA, de l’AAH ou de l’ADA.
En 2021, lors de la première édition de l’opération, 100 000 billets avaient été écoulés en six semaines. « Cette année, on espère bien doubler ce résultat, et distribuer 200 000 billets gratuits », assure Loïg Chesnais-Girard. « Comme on annonce l’opération plus tôt que l’année dernière, elle devrait rencontrer encore plus de succès », prédit le président de région, prêt à dépasser le quota pour les années qui viennent.
Coût pour la région : 2 millions d’euros pour 350 000 billets distribués. Sans cette gratuité, 40 % des utilisateurs ne se seraient pas déplacés, et, parmi les autres, près de la moitié aurait effectué moins de trajets, selon une enquête menée par la Région a posteriori auprès des bénéficiaires de l’année dernière.
Autre enseignement de l’enquête : ce sont les cars BreizhGo qui ont été le plus empruntés (un titre sur deux), principalement ceux desservant la côte et les plages bretonnes. Sur le réseau ferroviaire, les grandes lignes TER Rennes – Saint-Malo, Rennes – Quimper et Rennes – Brest, ont concentré 45 % des demandes. Les dessertes des îles bretonnes ont représenté 7 % des réservations. Ce qui reflète bien, selon l’élu régional, la part modale des différents transports.
Yann Goubin

Ewa

Zones peu denses. Rendre compte de la pluralité des territoires

Route 80km/h campagne

Selon la LOM , l’ensemble du territoire doit désormais être couvert par des autorités organisatrices de mobilité. Un défi pour desservir des territoires peu denses, où l’automobile s’impose aujourd’hui. Ces territoires sont mal connus. Trop souvent on se contente de les définir comme ruraux, alors qu’il faudrait les appréhender plus finement afin d’apporter les réponses justes aux questions de mobilité. C’est ce qu’invitent à faire Jérôme Godement, consultant chercheur d’Artimon Transports et Josefina Gimenez, directrice de recherche d’Artimon Perspectives, l’institut de recherche d’Artimon, qui travaille précisément sur les problématiques liées au transport et au développement des territoires.

Par Josefina Gimenez et Jérôme Godement

Uber, Lime, Tier, CityScoot ou Vélib ne sont que quelques exemples d’acteurs privés ou publics qui opèrent dans la capitale et les autres grandes métropoles déjà pourvues de réseaux de transports collectifs denses. Ces nouveaux acteurs permettent dorénavant un accès à une multitude de modes de déplacement supplémentaires : VTC, vélos, trottinettes, voitures et scooters électriques partagés. Si l’utilisation du terme « mobilités » au pluriel convient alors, il est forcé de constater qu’il en est tout autre pour les 89 % restants du territoire français. Dans ces zones peu denses, rares sont les offres alternatives à l’automobile et adaptées aux besoins de ses habitants qui représentent plus de 33 % de la population française selon les chiffres Insee 2019 * (Voir les références à la fin de l’article. Toutes les références sont appelés par un astérisque).

Si faire disparaître la voiture du paysage ne semble pas une ambition réaliste dans un territoire qui s’est construit autour de son usage, en diminuer la dépendance et son empreinte est un objectif réaliste et nécessaire dans un contexte d’urgence climatique, mais pas seulement. La crise des gilets jaunes et les augmentations actuelles et futures du coût de l’énergie mettent en avant la vulnérabilité d’une part de la population vis-à-vis d’un poste de coût difficilement compressible lorsque la majorité des déplacements concernent des trajets domicile-travail.

Longtemps restés en dehors du champ des études de mobilité et du politique, ces territoires ont été noyés dans un ensemble monolithique parfois en simple opposition aux aires urbaines : les zones rurales. Ce terme réducteur est porteur d’un imaginaire collectif qui tend à abandonner ces territoires à la seule activité agricole, à des paysages bucoliques, et masque de réelles pluralités géographiques, d’activités et de peuplement.

Ainsi, pour compenser ces biais et accompagner l’échelon local qui s’empare de ces problématiques, comme le prévoit la loi d’orientation des mobilités, il est primordial de définir clairement la notion de zones peu denses au regard de la mobilité. L’objectif est à la fois d’identifier les critères communs à ces territoires sans masquer la pluralité des situations, ce qui permettra la réalisation des diagnostics nécessaires à l’élaboration d’une politique de mobilités adaptée.

Les caractéristiques partagées des zones peu denses

Le critère humain

En France, l’administration territoriale se compose de trois échelons appelés collectivités territoriales : la commune (34 965), le département (96 + 5 DOM), la région (13). Ces trois niveaux territoriaux se partagent des compétences qui vont de la gestion des écoles primaires, collèges et lycées, à l’urbanisme, aux actions sociales ou aux transports (urbain ou interurbain). La commune, maille la plus fine, sert aujourd’hui de référence à l’Insee lorsqu’il s’agit de calculer la densité d’un territoire et d’en construire sa typologie.

Or, l’utilisation d’un échelon territorial qui date de la Révolution se révèle peu adaptée à l’étude d’une mobilité transformée par l’usage de la voiture qui a eu pour conséquence un étalement des espaces de vie de chacun, et ce bien au-delà de nos communes de résidence (les métropoles font parfois exception).

 » L’ESPACE PEU DENSE EST DÉFICITAIRE EN EMPLOI ET LA VOITURE DEVIENT UNE VECTEUR IN DISPENSABLE DANS LES TRAJETS DOMICILE – TRAVAIL « 

Au problème d’échelle s’ajoute le choix de l’utilisation d’un critère unique. Ainsi, l’emploi de la seule densité de population pour catégoriser un territoire de zone peu dense dans le cadre d’étude de mobilité est source d’interrogation. Facilement exploitables et accessibles, les données de densité font l’objet de mesures précises et récurrentes de la part de l’Insee, mais ignorent les moteurs de la mobilité (ex. emploi, consommation, loisirs, etc.) et l’organisation du territoire dans lequel elle se réalise (ex. topographie, répartition de la population et des acteurs économiques, etc.). Enfin, comme l’indique Frédéric Fortin « la seule appréhension par la notion de densité «manque de finesse, ignorant le relief, le climat, les dynamiques économiques et résidentielles, etc. » *.

Cependant, il est intéressant d’observer que l’Insee a revu en 2021 sa définition du rural. Au critère de densité de population, il ajoute la notion de polarisation des territoires, ce qui va dans le sens d’une prise en compte de l’organisation des territoires qui influe sur les mobilités.

L’accessibilité et les habitudes de mobilité

illustration accessibilite

Des chercheurs tels que Jean-Paul Hubert proposent des définitions alternatives de la zone peu dense tournées sur l’accessibilité et les habitudes de mobilité.

En ajoutant l’accessibilité à la densité comme critère différenciant des territoires, Hubert, Madre et Pistre* mettent en contraste des zones à forte densité d’activité et de population, caractérisées par des trajets courts soutenus par un réseau de transport collectif urbain développé et relayé en périphérie par du transport dit lourd (ex. RER, Transilien). Un modèle qui s’oppose aux zones combinant faible densité d’activité et transport collectif peu développé : c’est « l’espace de dépendance à l’automobile ».

L’usage de l’automobile devient alors un élément discriminant dans la définition de ces espaces qui renferment un tiers de la population française et « où la voiture permet de se déplacer rapidement, c’est‑à‑dire jusqu’à la limite des espaces densément bâtis que nous assimilons aux agglomérations de 10 000 habitants et plus » (Hubert et al., 2016*). L’utilisation de l’automobile par les ménages détermine la définition des territoires peu denses en termes d’accessibilité et d’opportunités pour les populations. Ces éléments sont essentiellement liés à l’emploi : l’espace peu dense est déficitaire en emploi et la voiture devient un vecteur indispensable de la mobilité des populations dans ces trajets domicile – travail (selon l’Insee plus de 89% des salariés des communes des couronnes et hors attraction des villes se rendent sur leur lieu de travail en voiture).

Cependant on observe dans ces territoires un phénomène assez significatif : si l’équipement automobile des ménages y est proche de la saturation (en 2011, 90,3% des ménages disposaient d’au moins une voiture), le kilométrage est en diminution. L’accès à l’emploi explique également ce phénomène. Selon les auteurs, la légère croissance de la motorisation est portée par les ménages inactifs, mais cela ne compense pas la décroissance du kilométrage.

Si, dans ces territoires, les actifs sont captifs de la voiture pour aller travailler, parallèlement « les ménages (actifs ou inactifs) roulent moins : il doit s’ensuivre que la part des kilomètres non dévolus au domicile-travail diminue » (Hubert et al., 2016*). Ainsi, la part de kilométrage dédiée aux déplacements touristiques, aux achats ou aux visites diminue. « Les ménages continueraient donc à réduire leurs déplacements en voiture pour les motifs non obligés notamment les vacances et les sorties de week-end. »

La valeur de la mobilité tient aux possibilités qu’elle offre en termes d’accès aux opportunités professionnelles, mais également dans la création de liens sociaux et l’accès à un grand nombre de services qui participent à l’amélioration de la qualité de vie des populations : tourisme, culture, loisirs,  services de santé, etc.

Ainsi, au-delà de la seule caractérisation de la  population et de son lien à l’emploi, il est important d’inclure dans la qualification d’un territoire un ensemble de critères complémentaires, tels que :

  • La quantité d’opportunités et d’aménités disponibles sur le territoire : ils sont les éléments déclencheurs de l’acte de mobilité (ex. emplois, services, loisirs) ;
  • La quantité/qualité des infrastructures et services de mobilité : elles vont déterminer la nature du moyen utilisé pour effectuer la mobilité (ex. voiture particulière, vélo, transports collectifs, trajet multimodal).

Là où la ville réduit les espaces de vie de chacun, en densifiant les territoires en services, infrastructures et activités, la zone peu dense les étale, avec une faible densité de service, un éloignement des pôles d’emploi, des infrastructures de transport déficitaires ou inadaptées aux besoins de la population. Un étalement qui ne fut possible que par l’utilisation intensive de l’automobile.

Cependant, si la dépendance à la voiture est un trait commun à l’ensemble des territoires peu denses, l’intensité du phénomène n’est pas totalement homogène.

On s’aperçoit que les EPCI ruraux (considérés comme les moins denses) s’approchent des caractéristiques du périurbain de la région parisienne lorsque nous nous concentrons sur le seul usage de la voiture. On observe que l’absence de mode de locomotion est un autre critère bien plus discriminant dans l’identification des zones peu denses qui va de pair avec l’absence ou quasi-absence de solution de transport en commun.

Une taxonomie des zones peu denses basée sur une approche multidimensionnelle

S’extraire d’une définition de la zone peu dense trop régressive, car basée sur une échelle qui ne fait plus sens et sur un critère unique trop restrictif, participe à révéler le caractère pluriel de ces territoires longtemps laissés de côté par les grandes politiques publiques d’aménagement de la Ve République.

Les années 60 et 70 marquent la première tentative de revitalisation du territoire d’une France de tradition centralisatrice avec le concept de « métropoles d’équilibre » qui cherchent à combattre le « marginalisme économique ». 50 ans se sont ensuite écoulés avant que les agendas politiques (ex. mission ruralité, agenda rural européen) portent de nouveau leur attention sur ce pan entier du territoire, remis sous la lumière par les enjeux liés au dérèglement climatique, la situation sociale révélée par le mouvement des Gilets Jaunes et la crise sanitaire qui a marqué le début de cette nouvelle décennie.

 » LES GRANDS PERDANTS DE CETTE STRATÉGIE DE LA MOBILITÉ DES TRAJETS LONGS, SURCONSOMMATRICE DE RESSOURCES, SONT LES ZONES PEU DENSES, INVISIBILISÉES, QU’ON TRAVERSE SANS LES DESSERVIR « 

Un des marqueurs du manque d’intérêt généralisé pour le sujet est le faible nombre d’enquêtes portant sur les comportements et habitudes de mobilité des populations vivant hors des zones urbaines sur ces 30 dernières années : « Depuis l’enquête nationale Transports et déplacements de 2007‑08, il n’existe pas de source statistique donnant une vision globale des utilisations de l’automobile par les ménages vivant dans l’espace peu dense et de leur motorisation ; la dernière enquête aussi détaillée remonte à 1993‑94 » (Hubert et al. 2016*)

Ce constat se confirme dans les politiques de transport, marquées à l’époque par l’arrivée du TGV et le développement du réseau autoroutier, qui ont pour objectif de réduire les distances-temps entre quelques grands pôles, souvent urbains. Les grands perdants de cette stratégie de la mobilité des trajets longs sur-consommatrice de ressources (financières et matérielles) sont les zones peu denses, invisibilisées, qu’on traverse sans les desservir, ce que les géographes ont qualifié « d’effet tunnel ». Même bilan dans la loi Loti de 1982 dans laquelle la notion de ruralité est absente ou se limite au terme de « territoire interurbain ». Ainsi, selon la Gazette des Communes*, les zones peu denses se résument pour la loi Loti à des « interstices dans lesquels l’offre de transport est souvent limitée aux grands axes reliant les villes entre elles ».

Choisir l’échelle et catégoriser le territoire

Comme évoqué plus haut, l’utilisation de l’échelle communale pour l’étude des mobilités est un premier biais qui empêche d’appréhender les habitudes de mobilité dans leur entièreté et donc d’en révéler toute leur complexité. Il est donc nécessaire de redéfinir le cadre de l’objet d’étude avant de se pencher sur le contenant, ce que fait la LOM en encourageant les communautés de communes à s’approprier cette compétence en devenant autorités organisatrices de mobilité (AOM), que ce soit « par la création de syndicat mixte de transport, soit par un pôle d’équilibre territorial, soit en adhérant à un syndicat mixte de transport existant. » (Loi Mobilités, le mémo collectivités, ministère de la transition écologique et solidaire).

La typologie produite en 2021 par l’agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) se différencie en termes d’unité d’analyse territoriale par le choix d’un échelon intermédiaire : l’intercommunalité (EPCI) de type communauté de communes (ComCom) dans le cas des zones peu denses. Cette unité d’analyse permet de rendre compte des relations et transversalités entre différents territoires.

Ainsi, en dehors de la région parisienne et sa banlieue, 70% des actifs ont leur lieu de travail au sein de leur EPCI de résidence. Ce taux peut monter jusqu’à 85% pour les résidents des villes moyennes et des « EPCI ruraux ». Dans un contexte où la part du kilométrage domicile-travail augmente, au détriment des autres déplacements (touristiques, achats ou loisir), l’EPCI semble être désigné comme l’échelle sur laquelle les efforts devront se focaliser.

Il y a pourtant un mais, car comme le précise à juste titre la Gazette des Communes*, la constitution des EPCI « résulte souvent de jeux d’alliances politiques et ne constitue pas toujours une entité géographique cohérente du point de vue de la mobilité quotidienne ».

Typologie basée sur des critères multiples

illustration

 

Depuis sa publication au journal officiel en décembre 2019, la loi d’orientation des mobilités marque donc le grand retour de la problématique de la mobilité du quotidien dans les politiques publiques, et ce sur l’ensemble du territoire.

Sa mise en application prévoit notamment une généralisation des AOM, qui nécessite de se pencher sur les caractéristiques communes et différenciantes de ces territoires afin de dresser des diagnostics de mobilité et de fournir des clés de lecture pertinentes et adaptées à ces nouveaux acteurs d’une mobilité où tout reste à faire.

Ainsi, pour sortir de ce schéma trop englobant et des travers passés, il est primordial de travailler sur une analyse multidimensionnelle qui permettra une typologie plus fine.

Nous pouvons retenir trois premiers axes principaux qui sont géographiques, topologiques et socio-économiques qui permettent de faire une première sous-catégorisation.

A ces critères qui caractérisent les territoires, support de la mobilité, il faut y ajouter ses principaux acteurs : les populations.

Pour dresser des profils pertinents dans l’étude des pratiques, il semble opportun de se baser sur le rapport à la mobilité des individus et des ménages, comme le font Huyghe, Baptiste et Carrière* qui distinguent trois groupes majeurs :

  • Les « assignés territoriaux » : personnes en situation de « mobilité dépendante » dont les déplacements sont réalisés dans un environnement très proche ou avec l’aide d’autres personnes (ex. famille ou amis). Ces populations ont un risque d’isolement très important, si ce n’est une forme d’exclusion de la société ;
  • Les « vulnérables » devant restreindre leur budget dans d’autres domaines (énergie, alimentation, etc.) afin de pouvoir se déplacer. Une hausse des coûts de vie ou des taxes (notamment concernant le carburant) pourrait entraîner une remise en question de leur qualité et de leur mode de vie ;
  • Les « autres mobiles » parvenant à satisfaire eux-mêmes leurs besoins en mobilités.

Dans un environnement où la mobilité est synonyme d’usage de l’automobile et où les trajets domicile-travail représentent la majorité des déplacements, la composante économique est forcément prégnante dans le choix des ménages du fait des coûts élevés de cette forme de mobilité réalisés sur des trajets incompressibles :

  • Obtention du permis de conduire ;
  • Coûts à l’achat du véhicule : prix du véhicule et coût du prêt bancaire ;
  • Coûts à l’usage : carburant, maintenance et assurance.

Comme le montrent les travaux de M. Huyghe sur les comportements de mobilité*, le rapport à la mobilité et la construction des habitudes sont des phénomènes complexes qui nécessitent de s’intéresser à la structure sociodémographique du territoire à la fois pour adapter l’offre. Des exemples simples seraient :

  • La différence d’amplitude horaire du service nécessaire entre des territoires essentiellement peuplés de travailleurs du tertiaire, d’ouvriers travaillant en 3×8 ou de retraités ;
  • L’effet de la structure familiale : la présence ou non d’enfants au sein d’un foyer influera sur la flexibilité des personnes et leur capacité à accepter les changements et les contraintes du transport collectif.

La notion de « trajectoires mobilitaires » décrite dans Cailly et al., 2020* met en relief les pratiques de mobilité à la lumière des conditions et de ces changements individuels et familiaux qui impactent les pratiques de mobilité, ce qui rend compte de la dynamique et la pluralité des territoires et de leurs populations.

L’objectif est alors de comprendre non seulement les usages de la voiture, mais aussi les déplacements spatiaux et temporels, les changements de modes de déplacement, des pratiques et les ruptures individuelles qui les accompagnent.

Comprendre les territoires à la lumière de la LOM

En permettant la prise de compétence de mobilité par les EPCI de type communautés de communes (effective depuis le 1er juillet 2021), le législateur rapproche la politique de mobilité de son contexte territorial. Ce choix d’échelle laisse espérer des politiques de mobilités au plus proche de la diversité et des spécificités des besoins et territoires.

Cette prise de conscience de la diversité des territoires se traduit dans la LOM par une grande autonomie donnée à ces nouvelles AOM et un outil de planification plus souple : les plans de mobilité simplifiés (PMS). Le PMS se veut complémentaire du plan de mobilité (ancien plan de déplacement urbain) à destination des agglomérations de plus de 100 000 habitants. Comme le précise le Cerema dans sa note de synthèse*, le PMS en étant peu cadré par la loi permet une forte adaptation aux contextes et enjeux de chacun, tout en laissant sa place à l’innovation. Ainsi, malgré le fait que les AOM concernées par le PMS soient bien compétentes sur tout un ensemble de services de mobilité, le cadre législatif ne prévoit aucune obligation de déploiement et de gestion. Chaque AOM est libre de choisir les services les plus adaptés à ses besoins. Cependant, si la volonté d’offrir de la souplesse et de l’autonomie aux AOM semble aller dans le bon sens, l’absence de toute obligation et un PMS conditionné à la seule volonté des acteurs peut susciter des interrogations, d’autant plus que la LOM s’inscrit dans un contexte d’urgence climatique (ex. évaluation environnementale non obligatoire) et d’un équilibre social un peu plus fragilisé par le renchérissement durable de l’énergie.

Cette autonomie atteint ses limites lorsqu’il est question du financement de ces services. Ainsi, le versement mobilité (anciennement versement transport), qui forme la principale source de revenu des AOM, est conditionné par la présence d’un service de transport public régulier sur le territoire, service coûteux et pas toujours adapté à ce type de territoire. À titre indicatif, le financement des nouveaux services de mobilité est aujourd’hui assuré à plus de 40 % par le versement mobilité (VM) prélevé par les AOM sur toutes les entreprises de plus de 11 salariés (Loi Mobilités, Le mémo collectivités, ministère de la transition écologique et solidaire). « En incitant les intercommunalités à prendre la compétence mobilité sans garantir de financement durable associé, la nouvelle loi limite donc fortement leur marge d’action», note la Gazette des  Communes*. Outre la possibilité pour les AOM d’avoir accès à des financements dédiés (subventions, appels à projets, etc.) la prépondérance du VM basé sur la vitalité économique du territoire pose plusieurs questions :

  • Un risque de création ou de creusement des inégalités entre les territoires, favorisant les territoires les plus dynamiques économiquement ;
  • Une absence de VM comme élément d’attractivité des territoires à destination des entreprises au détriment des services de mobilité.

Parallèlement au cadre politique et de gouvernance, l’existence de nouveaux bassins de mobilité pose les questions :

  • Des modèles de mobilité à inventer qui ne pourront être une simple transposition du réseau urbain qui s’appuie sur un maillage de lignes régulières denses ;
  • Du changement du comportement des usagers, historiquement dépendants de la facilité et de la vitesse de déplacement offertes par la voiture particulière dans ce type de territoires.

Ainsi, si le transfert des compétences de mobilité rapproche la politique des mobilités de son territoire d’application, et encourage la prise en compte des spécificités et besoins des populations et de leurs territoires, le cadre d’opérationnalisation du dispositif n’est pas en l’état l’assurance d’une prise de compétence réussie pour cet échelon territorial encore relativement récent. Se posera également la question de l’accompagnement des territoires dans la définition de leurs besoins, l’application des stratégies et l’assurance d’une égalité de services entre les territoires.

Le transfert de compétences et la création d’AOM « locales » pour travailler les plans de mobilité de territoires jusqu’alors oubliés semblent aller dans le bon sens en termes de retour à la proximité et de prise en compte des spécificités locales. Toutefois, l’absence de financement pérenne, d’obligation de service et les difficultés en termes d’infrastructure risquent de faire ressortir ou d’alimenter des inégalités territoriales déjà existantes, notamment en termes d’intégration de nouvelles solutions, d’innovation ou de vitalité sociale et économique. Ainsi la volonté politique et les ambitions concernant le développement des territoires demeurent, somme toute, des facteurs déterminants de la redynamisation de ces zones.

La recherche permet de mettre en relief des éléments caractéristiques à prendre en compte dans l’élaboration d’un plan de mobilité pour ces territoires, mais aussi dans la compréhension des habitudes et besoins des populations. Prendre en compte ces spécificités signifie apporter une vision proche du terrain qui saisit les motifs des déplacements ou d’absence de déplacement, et leurs impacts (sociaux, économiques, psychologiques…) sur les usagers. Il s’agit également d’apporter une vision qui ne résume pas les territoires et leurs habitants à une typologie d’espace, ce qui permet d’envisager un champ plus large de solutions.

C’est ainsi que la politique de mobilité prend tout son sens, ouvrant les perspectives au travail coordonné avec d’autres politiques publiques (urbanisme, emploi, éducation, mais aussi services publics et services à la personne…), condition nécessaire pour répondre de manière systémique et durable aux enjeux nombreux des territoires.

Voir la version originale du texte avec ses illustrations sur le site d’Artimon : https://artimon.fr/.

Note : Artimon Perspectives, institut de recherche d’Artimon, rencontre différents acteurs dans l’objectif de mieux appréhender les difficultés rencontrées par les communautés de communes dans l’adoption des nouvelles responsabilités d’AOM. Nos lecteurs qui souhaitent partager leur expérience peuvent contacter Artimon Perspectives :
perspectives@artimon.fr


Références : 

  • Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (2021), La France en douze portraits.
  • Brutel C., Pages J., La voiture reste majoritaire pour les déplacements domicile – travail, même pour de courtes distances, INSEE Première n°1835, 19/01/2021.
  • Cailly L, Huyghe M, Oppenchaim N, (2020), Les trajectoires mobilitaires : une notion clef pour penser et accompagner les changements de modes de déplacements ?, Flux (2020) N° 121(3) 52-66.
  • Cerema (2018) Les zones blanches de mobilité : de quoi s’agit-il ?
  • Cerema (2019) Expériences d’accompagnement personnalisé pour faciliter les mobilités en milieu rural et périurbain, Rapport d’étude, 78 p.
  • Cerema (2020) Le plan de mobilité simplifié.
  • Cerema (2021) Loi Mobilités : Les communautés de communes et la compétence mobilité — mode d’emploi, 12 p.
  • Colard J. et al. (2021) Mobilité dans les espaces périphériques et peu denses: pour un territoire plus accessible ? France Stratégie Document de travail n° 2021-02, 56 p.
  • Fortin F. (2021) Mobilité dans les zones peu denses en 2040 : il faudra encore compter avec la voiture, Banque des territoires.
  • George P. (1967), Métropoles d’équilibre, Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest. Sud-Ouest Européen Année 1967 38-2 pp. 105-111
  • Hubert J, Madre J, Pistre P (2016), L’utilisation de l’automobile par les ménages dans les territoires peu denses : analyse croisée par les enquêtes sur la mobilité et le Recensement de la population, Economie et statistique (2016) 483(1) 179-203.
  • Huyghe M., Baptiste H., Carrière JP. (2013), Quelles organisations de la mobilité plus durable et moins dépendante de la voiture dans les espaces ruraux à faible densité ? L’exemple du Parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine, Développement durable et territoire, octobre 2013.
  • Huyghe M. (2015), « Habiter les territoires ruraux – Comprendre les dynamiques spatiales et sociales à l’œuvre, évaluer les perspectives d’évolution des pratiques de mobilité des ménages » thèse, Université de Tours. Ecole Doctorale « Sciences de l’Homme et de la Société », UMR 7324 CNRS-CITERES, 16/11/2015.
  • Insee, La France et ses territoires, INSEE.fr paru le 29/04/2021, https://cutt.ly/AHdfTgv.
  • Labaronne D. et al. (2019), Ruralités : une ambition à partager ANCT, 129p.
  • Observatoire des territoires (2021) La France en douze portraits : Rapport 2019-2020, ANCT, 34 p.
  • TechniCité, Loi d’orientation des mobilités : une réforme en trompe-l’œil pour les zones rurales, La Gazette des Communes, 07/05/2021, https://cutt.ly/yHdfsv8.

Ewa

Comment harmoniser le transport ferroviaire avec de multiples acteurs ?

gpr conf 2022

Qui dit ouverture à la concurrence, dit multiplication des acteurs. Comment faire en sorte que les voyageurs effectuent un trajet « sans couture », sans se poser de questions sur le transporteur aux commandes ? C’est ce thème qui a été abordé lors de la table ronde organisée le 12 mai en amont de la cérémonie de la remise des Grands Prix des Régions.

Alors que l’ouverture à la concurrence des TER se prépare de plus en plus activement, les associations d’usagers s’inquiètent d’un risque de « morcellement ferroviaire ». Elles redoutent la mise en place de tarifications très différentes d’une région à l’autre, de correspondances pas toujours adaptées ou de la multiplication d’applications locales.

L’arrivée de nouveaux opérateurs va conduire à de nombreuses transformations, reconnaît Jean-Aimé Mougenot, le directeur TER délégué de SNCF Voyageurs. Pour assurer une qualité de service élevée aux voyageurs, il juge essentiel d’innover. « Il ne faut pas continuer à travailler comme avant, mais faire en sorte que les Régions puissent développer et adapter leur offre afin de répondre à des besoins qui évoluent », conseille-t-il. Certaines Régions ont commencé à le faire. Pour prendre en compte les changements de comportements suscités par la crise sanitaire, l’Occitanie propose par exemple des abonnements financièrement intéressants pour ceux qui télétravaillent trois jours par semaine. La Région a aussi lancé un dispositif de post-paiement à destination des moins de 26 ans les incitant à prendre le train, avec un système de tarification dégressif. Jean-Aimé Mougenot plaide pour la personnalisation du service, clé selon lui de la réussite du transport de demain. Pour répondre à cette attente, les régions Normandie et Grand Est développent un outil permettant de renseigner par SMS les voyageurs du TER, avant, pendant et après leurs voyages.

 » LA PERSONNALISATION DU SERVICE EST LA CLÉ DE LA RÉUSSITE DU TRANSPORT DE DEMAIN  » Jean-Aimé Mougenot

De son côté, SNCF Voyageurs a conçu une plateforme proposant un service de transport à la demande en partenariat avec des chauffeurs payés à la prestation. L’objectif est d’offrir une solution aux habitants des zones peu denses. L’outil est expérimenté par les Pays de la Loire.

Transdev, qui a remporté un des deux lots de TER mis en concurrence par la région Sud sur l’axe Marseille – Toulon – Nice (la SNCF a remporté le lot Etoile de Nice) prépare la transition à venir avec la SNCF et la Région. Claude Steinmetz, le directeur ferroviaire de Transdev, rappelle que l’objectif est d’offrir plus de qualité, de fluidité et une totale transparence à l’usager. Il insiste sur la nécessité de réussir le transfert des 163 cheminots qui seront affectés au service ferroviaire qu’assurera à partir de 2025 Transdev. Une préoccupation sociale partagée par la SNCF, qui devra également réaliser le transfert de 600 salariés pour exploiter, à partir de 2024, l’Etoile de Nice, via sa filière SNCF Sud Azur.

A la recherche de standards pour créer de la valeur

Pas concerné pour le moment par la reprise d’une ligne ferroviaire, Didier Cazelles le directeur général adjoint de Keolis France, sait déjà, en tant qu’exploitant routier de lignes régulières, à quel point une billettique harmonisée est importante. « Nous sommes multiopérateurs et dans certaines régions il y a un système d’incitation lié aux recettes. Mais pour le client c’est transparent : il n’y a qu’une marque et une billettique commune. Le fait qu’il y ait plusieurs opérateurs reste invisible pour l’usager », explique-t-il. « Dans une logique de Délégation de Service Public avec une responsabilité d’opération de marketing de conquête et d’innovation, nous faisons des pilotes d’Open paiement sur carte bancaire ou Smartphone que les Régions peuvent ensuite élargir avec l’ensemble des opérateurs », poursuit-il. Harmoniser la billettique est une nécessité, souligne Didier Cazelles qui invite les opérateurs travaillant sur un même réseau à réaliser un travail de coordination pour y parvenir. L’objectif commun, rappelle-t-il, est de reconquérir les 10 % de clients qui ne sont toujours pas revenus à bord du transport public du fait de la crise sanitaire.

Pour y parvenir, il faut, poursuit-il, faciliter le parcours client, mettre au point des standards de service plus exigeants et personnaliser davantage les voyages. La gestion des données le rend possible. A la Région de l’organiser.

 » L’OBJECTIF EST D’OFFRIR PLUS DE QUALITÉ, DE FLUIDITÉ ET UNE TOTALE TRANSPARENCE À L’USAGER  » Claude Steinmetz

Observant l’ouverture à la concurrence des TER en France, Didier Cazelles voit émerger des modèles différents : « Une région a choisi un modèle d’exploitation en infra, une autre attribue le matériel et confie l’exploitation, la régénération des voies et des gares et une troisième a préféré retenir une logique mixte. »

Pour dégager de la valeur, il préconise de faire émerger un modèle industriel standard. Acheter un matériel en plus grande quantité permettrait aux Régions, comme aux opérateurs, de gagner sur les prix d’achat. Une préconisation qui semble être entendue dans les appels d’offres routiers, où les exigences de standard de service se renforcent. « Le métier se transforme. On passe de l’artisanat à des process. Ce qui ne nous empêche pas de jouer un rôle de conseil, ni de partager des innovations », rapporte le directeur de Keolis.

Pour Jean-Aimé Mougenot la standardisation est aussi amorcée dans le ferroviaire avec le marché Régiolis, une rame automotrice construite par Alstom déclinable en plusieurs versions que les autorités organisatrices peuvent personnaliser. « C’est un marché de trois milliards qui va concerner des centaines de matériel encore en cours de livraison », détaille-t-il, avant d’ajouter que l’on peut aussi espérer faire des économies en travaillant sur des innovations plus frugales, avec du matériel ferroviaire hyper léger et moins cher, pour raccorder le fer aux transports en commun sur des lignes à faible densité.

Harmoniser en prenant en compte les spécificités de chaque région

Michel Neugnot, le vice-président chargé des mobilités en Bourgogne-Franche-Comté, estime en revanche que vouloir avoir un système unique dans le cadre de l’ouverture à la concurrence serait une erreur, car chaque Région a sa spécificité, son histoire, son réseau. A ceux qui s’inquiètent de l’arrivée de nouveaux opérateurs, il rappelle qu’il y a déjà une multiplicité de trains : TER, TGV, TET et du service librement organisé. Le tout étant organisé par SNCF Réseau, sans que cela ne pose de problème. C’est SNCF Réseau qui autorise la circulation sur les sillons, intervient en cas de problème et gère la reprise du trafic selon les spécificités liées au monde ferroviaire.

L’harmonisation des correspondances ne lui semble pas non plus problématique. Selon l’élu, le système fonctionne déjà entre différentes catégories de trains et avec les cars routiers. En revanche, Michel Neugnot estime qu’il faudra un jour changer les distributeurs de billets régionaux permettant l’achat de titres de transport sans réservation, qui datent de 1994 et qui n’ont pas été conçus pour prendre en compte une tarification complexe. Dans sa région, l’élu compte y pallier notamment grâce à l’achat des billets via des téléphones ou des tablettes.

 » LE MÉTIER SE TRANSFORME. ON PASSE DE L’ARTISANAT À DES PROCESS. CE QUI NE NOUS EMPÊCHE PAS DE JOUER UN RÔLE DE CONSEIL, NI DE PARTAGER DES INNOVATIONS «  Didier Cazelles

La Bourgogne-Franche-Comté a prévu d’ouvrir la totalité de son réseau à la concurrence à partir de janvier 2026. « La loi de décentralisation de 2002, qui a transféré la responsabilité des TER aux Régions, a permis de réaliser des avancées dans la gestion des trains par rapport à la situation antérieure. Cette nouvelle étape doit permettre d’améliorer encore les transports publics, en ayant cette fois une démarche qui soit multimodale. » La LOM a donné aux Régions les compétences pour l’ensemble des mobilités et la Région va se saisir de cette possibilité pour travailler en coordination avec les AO urbaines afin d’augmenter la part des transports publics et donc lutter contre le réchauffement climatique.

Pour identifier ce que chaque entreprise, y compris la SNCF, peut lui apporter, afin de proposer de nouvelles offres dès le 1er trimestre 2023, la région Bourgogne-Franche-Comté recourt au sourcing. Elle travaille aussi à l’élaboration d’un MaaS intégrant l’ensemble des acteurs. « Nous voulons proposer une offre de transport multimodale, prenant en compte le dernier km, avec un système de billettique indépendant, qui mélangera toutes les solutions, y compris le car, le covoiturage et l’autopartage et permettra de délivrer un seul et même ticket regroupant le paquet de titres de transport nécessaires au voyage de son utilisateur. Un billet payable en une seule fois, pour que les choses soient simples », détaille Michel Neugnot qui prévoit également de mettre en place des kiosques dans les gares, où seront proposé des services de type de conciergerie, blanchisserie, ventes en circuit court, livraisons de courses…

Vers une multiplication des systèmes de billettique

La région Bourgogne-Franche-Comté veut prendre en charge la billettique. « On y travaille depuis trois ans. Ce n’est pas un long fleuve tranquille, mais on va arriver à quelque chose de correct avant 1er janvier 2026 », assure Michel Neugnot qui annonce que dans sa région, on pourra prendre son billet sur Mobigo, ou via un numéro Allo billet pour les personnes n’ayant pas accès à la plateforme. Il justifie : « Il faut que chaque Région avance sur ce sujet, car si on attend le grand outil que la Fnaut réclame, il faudra patienter jusqu’à la fin du siècle. »

De son côté, Claude Steinmetz prévient : « La pire des choses serait que chaque opérateur gère sa billettique. Ce serait une régression inutile. Ce n’est pas la démarche des nouveaux entrants. On a besoin d’une SNCF forte sur ce thème et de concertation, y compris entre régions, pour parvenir à faire en sorte que l’ouverture à la concurrence soit quelque chose de simple, de positif, qui fonctionne bien, à l’instar de ce qui se fait en Suisse ou en Allemagne. »

Michel Neugnot souhaite plus d’interconnexions entre le système billettique de sa région et l’agence de voyages de la SNCF, SNCF Connect, afin que les voyageurs qui souhaitent franchir les frontières régionales, puissent le faire de façon simple, tant pour l’information que pour la réservation. Jean-Aimé Mougenot explique : « Nous travaillons déjà comme une agence de voyages. Sur le site SNCF Connect on pourra trouver un billet combinant trains, cars et TAD. Avec la profusion de possibilités de voyages, quelqu’un qui prendra un billet à un guichet en gare trouvera la continuité de son parcours au-delà du train », assure-t-il avant d’ajouter : « La somme des possibilités de voyages doit permettre de les faciliter. Et pour cela, il faut que les différents sites soient interconnectés et puissent progressivement proposer l’ensemble des prestations de chaque Région. Notre travail est de servir à tout le monde un système d’information et d’achat simplifiant les choses. Ce qui va nous demander de passer d’un système monolithe à un système modulaire. »

 » GARES & CONNEXIONS TRAVAILLE À LA MISE EN PLACE DE STANDARDS DE SIGNALÉTIQUE, D’ANNONCES, DE RITUELS D’AFFICHAGES DES TRAINS 20 MINUTES À L’AVANCE, AFIN D’APPORTER UN MÊME NIVEAU DE SERVICE À TOUTES LES GARES EN FONCTION DE LEUR TYPOLOGIE «  Eliane Barbosa

Pour le directeur TER délégué, il n’y aura pas de compétition entre SNCF Connect et les sites de MaaS que les Régions mettent en place, car l’enjeu n’est pas de se faire concurrence. Le but est de parvenir à réussir l’objectif du patron de la SNCF en doublant la part du ferroviaire en 2030. Pour faciliter les échanges d’information et l’interconnexion des sites, SNCF Voyageurs est en train d’élaborer une prise TER. « Une passerelle, une boîte logicielle sur laquelle les AO pourront se brancher sur le système d’information centrale SNCF Connect, afin de faciliter les échanges d’informations », résume Jean-Aimé Mougenot qui relativise la difficulté : « On retrouve la même problématique entre les transports régionaux et le national qu’entre les AO urbaines et le transport régional. » Il prévoit qu’à l’avenir ceux qui se déplaceront dans leur région auront le réflexe d’utiliser le MaaS local, tandis que les voyageurs venant de l’extérieur se tourneront vers SNCF Connect.

Dans la Région Sud, Transdev et la SNCF avancent sur la billettique. « SNCF assurera la distribution, mais on n’a pas encore parlé de la gestion des situations perturbées, de la modification des billets, de l’annulation, de l’ajout d’options », précise Claude Steinmetz qui prévoit de traiter tous ces thèmes avant l’ouverture à la concurrence. « On a jusqu’à juin 2025 pour trouver des solutions, ce qui compte tenu de la complexité du dossier nous laisse juste le temps, mais nous sommes sereins », affirme-t-il.

Des gares en voie de standardisation

Gares & Connexions n’est pas concernée par l’ouverture à la concurrence des TER, mais sa directrice des Opérations et des territoires, Eliane Barbosa, compte profiter de cette étape pour redynamiser les 3 000 gares qui ont été confiées à la filiale de SNCF Réseau. Il s’agit d’en faire des hubs d’échanges multimodaux et de proposer de nouveaux services aux voyageurs, de manière à les inciter à prendre davantage le train. C’est tout l’objet du programme Place de la gare.

Gares & Connexions, qui est depuis 2018 le gestionnaire unique des gares, doit en effet garantir à tous les nouveaux opérateurs le même niveau de qualité de service, de confort, d’accessibilité, de propreté, d’information voyageurs, de sécurité, mais aussi de réassurance dans les parcours de transport ferroviaire ou multitransporteurs. Les équipes d’Eliane Barbosa travaillent à la mise en place de standards de signalétique, d’annonces, des rituels d’affichages des trains 20 minutes à l’avance, afin d’apporter un même niveau de service à toutes les gares, en fonction de leur typologie, quelle que soit la région où elles se trouvent.

 » IL FAUT QUE CHAQUE RÉGION AVANCE SUR LE SUJET DE LA BILLETTIQUE, CAR SI ON ATTEND LE GRAND OUTIL QUE LA FNAUT RÉCLAME, IL FAUDRA PATIENTER JUSQU’À LA FIN DU SIÈCLE «  Michel Neugnot

La loi d’orientation des mobilités donne la possibilité aux Régions qui le souhaitent, de prendre la main sur les petites gares. Si cela arrivait, « Gares & Connexions disparaîtrait et la garantie d’homogénéité aussi », prévient la responsable de Gares et Connexions. Pour les gares régionales, le décret mono-transporteur prévoit que des gares TER puissent voir leur gestion confiée au nouvel opérateur si la région le décidait.

Mais à ce stade, aucune Région n’a choisi de le faire. « En tant que spécialiste des gares, nous souhaitons continuer à exercer notre mission pour toutes les gares, pour tous les Français, mais nous avons aussi un devoir de pédagogie et souhaitons aider les Régions à regarder là où cela pourrait être pertinent pour elles de reprendre la main, et là où nous avons tout notre rôle à jouer pour leur apporter de nouveaux services attendus par nos clients. Les contrats de performances que nous voulons signer avec les Régions doivent aussi servir à cela », précise Eliane Barbosa.

Valérie Chrzavzez-Flunkert


Les Régions légitimes pour prendre la main sur la tarification

Michel Neugnot est favorable à la liberté tarifaire dans chaque Région et ne voit pas en quoi cela peut poser problème. « Sur les TGV, il n’y a pas de prix normés », rappelle t-il tandis que Jean Pierre Serrus abonde : « Ce n’est pas un privilège pour la région qui finance le TER d’avoir la main sur les tarifs ».

Le TER est le premier budget de la Région, rappelle Jean-Luc Gibelin, le vice-président chargé des transports en Occitanie, région qui n’ouvrira pas ses lignes à la concurrence. « Dans notre région, une offre de qualité combinée à une gamme tarifaire attractive, a permis au trafic des TER de retrouver, et même dépasser, son niveau d’avant Covid », annonce l’élu. Selon lui, la mise en oeuvre d’une politique tarifaire régionale efficace permet de développer le trafic du TER. Si Claude Steinmetz juge naturel que les Régions aient la main sur l’animation tarifaire, il les encourage tout de même à réaliser un effort d’harmonisation pour simplifier la vie des usagers. «Elles pourraient, par exemple, se mettre d’accord sur les âges à partir desquels les voyageurs ont le droit à des réductions. »


Accès aux dépôts et aux matériels, deux points clé dans l’ouverture à la concurrence

La position de Transdev est connue : il faut un atelier dédié en propre pour pouvoir faire les sauts de performance attendus par la région. En Sud Paca,, Transdev travaillera avec Alstom. « Nous serons responsable de la maintenance, mais nous travaillerons avec le constructeur pour profiter de son savoir faire», précise Claude Steinmetz.

Le directeur ferroviaire de Transdev rappelle que son entreprises bénéficiera de rames neuves dans la région. Ailleurs, si elle est amenée à récupérer du matériel auprès de la SNCF, « cela supposera qu’un état des lieux et que des informations précises soient donnés pour le transfert. La transparence doit être la règle. Je suis persuadé que ce sera le cas », conclut Claude Steinmetz.


Un système billettique universel proposé aux collectivités

Née en 2012, Ubitransport est une start-up mâconnaise qui accompagne les collectivités et les opérateurs privés dans l’optimisation de leurs réseaux de transports collectifs via des solutions de paiement en ligne, de gestion dématérialisée des titres de transport et de numérisation des informations pour les voyageurs. Sébastien Hurtaux son directeur général se félicite d’avoir déjà équipé 200 réseaux de transports répartis dans 10 régions de France : «Ubitransport gère les titres de transport et favorise le partage d’informations, en temps réel, entre conducteurs, opérateurs, collectivités et usagers », précise-t-il. La solution proposée concerne les transports scolaires, interurbains, urbains et à la demande. L’entreprise qui a obtenu une levée de fonds de 45 millions en 2019, exporte désormais son savoir-faire au-delà de nos frontières.

Ewa

« J’espère qu’on aura un ministre des Transports à la hauteur des enjeux »

CLUB KARIMA DELLI

Sur le volet transport, que retiendra-t-on de la présidence française du Conseil de l’Union européenne qui s’achève le 30 juin ? Pour répondre, Karima Delli était l’invitée du Club VRT le 10 mai. La présidente écologiste de la commission transports et tourisme du Parlement européen estime que l’élection présidentielle d’avril en France et la guerre en Ukraine ont ralenti le calendrier des textes clés du paquet de directives Shift for 55.

A un mois et demi de la fin de la présidence française du Conseil des ministres des Vingt-sept, Karima Delli, première femme présidente et écolo de la commission transports et tourisme (Tran) du Parlement européen, s’interrogeait : « Comment porter des textes à Bruxelles et Strasbourg sans ministre des Transports à Paris ? ». Il ne reste plus à la France que quelques semaines avant de remettre les clés du Conseil de l’UE à la République tchèque, le 1er juillet.

Mauvais tempo

« La présidence française n’aurait pas dû avoir lieu en année électorale, en plus, il y a la guerre en Ukraine. Le contexte ne nous a pas été favorable, aucun texte du paquet Shift for 55 ne sera négocié avant le 30 juin », se désole Karima Delli. Le paquet Shift for 55 (« Ajustement à l’objectif 55 » en français) a pour objectif de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2035. Il a été présenté au Conseil de l’UE en juillet 2021 et fait actuellement l’objet de discussions dans plusieurs domaines d’action : l’environnement, l’énergie, les transports et les affaires économiques et financières.

« Réduire de moitié les GES en huit ans, c’est court comme fenêtre ! J’aurais aimé mener un trilogue avec ma commission pendant la présidence française, mais les textes n’arriveront pas en négociation avant juillet ou septembre », reprend l’eurodéputée. Notamment l’optimisation de la gestion du ciel européen pour réduire l’empreinte carbone du trafic aérien, les réseaux transeuropéens de transport, ou la norme Euro 7 qui vise à interdire la vente de véhicules thermiques d’ici à 2025.

Euro 7, sujet explosif

La France a toutefois eu quatre mois pour tenir le rôle de colégislateur et tenter de faire avancer ces textes clés pour décarboner le secteur des transports, responsables de 35 % des GES. Lesquels ont avancé depuis le 1er janvier ?

« La directive Euro 7 », répond Karima Delli qui aurait aimé pouvoir s’appuyer sur la présidence française de l’UE pour mettre le sujet sur la table des négociations avant le 30 juin Raté.

Et la route sera longue car le sujet est explosif.

« J’ai rencontré les Tchèques (qui succéderont à la France le 1er juillet prochain) à deux reprises, ils sont prêts pour la sortie des véhicules thermiques, mais être prêts ne veut pas dire gagner les votes ! », note Karima Delli en se remémorant l’épopée du paquet routier qui a mis trois ans avant d’être adopté, avec neuf allers-retours entre les instances législatives de l’UE.

Le secteur automobile est vent debout contre le projet de directive, l’une des 13 du Shift for 55. Les lobbystes sont en embuscades. La norme Euro 6 en vigueur depuis 2014 doit céder la place à l’Euro 7 à partir de 2025 et durcir les objectifs en matière d’émissions de CO2 des véhicules neufs. Euro 7 est tellement stricte qu’elle sonnerait le glas des voitures particulières, utilitaires et poids lourds à moteur thermique. Karima Delli a hérité du texte porté par le parlementaire néerlandais Jan Huitema qui « n’a pas voulu l’assumer. Or, il faut accompagner la filière automobile car le tout électrique, ça n’est pas gagné ! », juge la présidente de la commission Tran.

Lors du Club VRT, elle a annoncé le lancement d’Assises de la transformation automobile pour accompagner cette transition énergétique et revoir la chaîne industrielle automobile. « Sinon ça va faire mal. S’ils ne prennent pas le virage maintenant, les constructeurs automobiles seront largués. La Chine qui a le monopole des batteries ne les attendra pas, les Etats-Unis qui maîtrise le contrôle des données non plus », insiste Karima Delli.

La bataille de l’électromobilité entre Européens

Autre gros sujet, la directive infrastructures. « Il n’y aura pas de véhicules électriques sans infrastructures de recharge. La Commission européenne veut des autoroutes de bornes électriques : tous les combien de kilomètres ? A l’hydrogène vert ?, interroge l’eurodéputée. Il va falloir s’armer d’intelligence car il ne s’agit pas changer de stratégie et de technologie dans cinq ans. Ce qu’il faut, c’est mailler le territoire », poursuit-elle. La position du Parlement est attendue d’ici juin, avant celle du Conseil, pour être ensuite négociée en trilogue en vue d’un texte commun.

 » RÉDUIRE DE MOITIÉ LES GES EN HUIT ANS, C’EST COURT COMME FENÊTRE ! J’AURAIS AIMÉ MENER UN TRILOGUE AVEC MA COMMISSION PENDANT LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE, MAIS LES TEXTES N’ARRIVERONT PAS EN NÉGOCIATION AVANT JUILLET OU SEPTEMBRE « 

Quel est le montant des investissements ? « La transition va coûter cher mais plus on tardera, plus ça coûtera cher. Dans la directive, il y a un fonds social pour le climat mais on ne sait pas à ce stade comment il sera financé, ni à quoi il servira. Il faut un fonds de formation dédié aux nouveaux métiers de l’automobile car si l’on veut développer une filière de l’économie circulaire dans le secteur, le rétrofit, il faut former maintenant. Demain tout le monde ne roulera pas en électrique, il va falloir innover et former. Les régions ont la compétence sur les filières professionnelles, qu’est-ce qu’elles attendent ?, interroge Karima Delli. L’Europe, ce sont des financements et des leviers d’actions incroyables, mais qui le sait ? Personne », selon l’eurodéputée. « La bataille de l’électromobilité entre Européens, c’est maintenant qu’elle se joue, et les Allemands veulent en devenir les leaders, prévient-elle. Quand la France expérimente un train à hydrogène, l’Allemagne en a déjà des dizaines… »

Quid des autres carburants alternatifs ? « On est dans un paradoxe extraordinaire : à la COP 26 de Glasgow fin 2021, tous les chefs d’Etat ont promis, juré, que leur pays n’investirait plus dans le fossile. On en est loin… Il y a beaucoup d’expérimentations sur les carburants alternatifs, on se donne le temps ». Trop ?  « Soit on se donne les moyens de la transition, soit on arrête les beaux discours », prône l’écologiste qui a appris le jeu des alliances entre États au sein de sa commission parlementaire.

« Sur l’Euroredevance, j’ai perdu »

La réforme controversée de l’Eurovignette qui fixe les nouvelles règles de l’UE relatives aux péages routiers, pour les rendre plus cohérentes et plus respectueuses de l’environnement, a fini par être adoptée par le Parlement européen en février. Rebaptisée Euroredevance à cette occasion, elle est devenue l’un des instruments du Pacte vert européen. Elle instaure un système de tarification basée sur la distance et non plus sur la durée, pour mieux inscrire le principe de pollueur-payeur dans la législation européenne. Avec des redevances applicables aux émissions de CO2 des poids lourds.

« Après une période de transition de quatre ans, la tarification des coûts externes de la pollution atmosphérique deviendra obligatoire pour les poids lourds, sauf si elle entraîne une déviation involontaire de circulation », dit la Commission européenne, réputée conservatrice. Bien que le texte final comprenne une disposition relative à l’affectation de l’Euroredevance aux transports alternatifs à la route (fret ferroviaire notamment), elle ne s’applique qu’aux taxes sur les embouteillages. Et n’est pas obligatoire pour les États membres…

« J’ai perdu sur l’Euroredevance, le Conseil n’a pas voulu de fléchage. Une partie des recettes devait aller vers le ferroviaire, la sécurisation des routes et vers les entreprises de transport routier car ce sont des PME, et qu’il faut les aider à changer leur flotte ou faire du transport combiné », regrette Karima Delli. En clair, le fléchage n’est pas contraignant, chaque Etat membre peut faire ce qu’il veut avec les recettes. « Les taxes ne vont jamais dans le secteur des transports propres », déplore l’eurodéputée Verte.

« L’Europe, c’est comme une copropriété »

Interrogée sur le boom du vélo en France et en Europe, et sur le retard de la filière industrielle du cycle, elle indique qu’une nouvelle résolution est en préparation dans sa commission et qu’elle veut « y inscrire une vraie politique industrielle européenne du vélo » : assemblage en Europe, ateliers de réparation, parkings vélo obligatoires, places de vélo dans les trains, pistes cyclables sécurisées, etc. « Les entreprises, les start-up sont prêtes, il faut enclencher la vitesse supérieure, rien de telle que l’Europe pour y arriver !, croit l’eurodéputée. Je vais tout faire dans ma commission pour avoir un texte de loi, et on le poussera ».

Si la question train + vélo se pose, « qu’en est-il des autotrains ? », a demandé un participant du Club VRT. En France, la SNCF les a supprimés en 2017, jugeant le service peu rentable.

 » LES MÉTROPOLES ASPIRENT TOUT. ATTENTION À LA FRACTURE TERRITORIALE SINON ON AURA DES TERRITOIRES OUBLIÉS ET PERDUS « 

« Ma commission reçoit beaucoup de demandes à ce sujet, l’idée est de nouveau dans l’air du temps. Les autotrains, c’est un peu comme les grandes lignes de trains de nuit fermées en 2016 par manque de rentabilité et d’investissement, à une époque (pas si lointaine) où les enjeux du dérèglement climatique n’étaient pas aussi flagrants. Il faut un fonds de rénovation permanent. Mon but c’est de mailler puis de multiplier les liaisons de nuit, on est train de redessiner le réseau européen des trains de nuit !, s’enthousiasme Karima Delli. C’est un peu long car l‘Europe, c’est comme une copropriété tant que tout le monde n‘est pas d’accord pour faire les travaux, ça ne démarre pas. Mais quand c’est lancé, ça va vite ».

Le train plus cher que l’avion

Autre cheval de bataille, l’interdiction des vols intérieurs en avion quand il y a une alternative en train en moins de 2 h 30. Ce principe est fixé par la loi française Climat et résilience d’août 2021 et il suscite des interrogations à Bruxelles. Saisie le 17 septembre par l’Union des aéroports français et la branche européenne du Conseil international des aéroports, la Commission européenne a ouvert une enquête.

Interdire ces vols, « est plus que nécessaire, vous posez la question à une écolo ! Il faut encourager le train à tout prix, mais le train, c’est plus cher que l’avion », constate l’eurodéputée.

L’industrie aéronautique n’a pas les fonds d’innovation et de recherche qu’elle mérite pour sortir du kérosène. Une partie de la taxe kérosène devrait aller dans un fonds innovation. Comme pour l’automobile, « si on n’investit pas maintenant pour la transition énergétique, l’industrie aéronautique européenne sera à la traîne ».

Pas trop pour les RER métropolitains

Défenseur invétéré des RER métropolitains qui dans l’Hexagone, tardent à franchir les frontières de l’Ile-de-France, Jean-Claude Degand a interpellé Karima Delli : « L’Europe ne pourrait-elle pas financer ces projets ? », lui a demandé l’ancien directeur des projets périurbains à la SNCF, qui dirige aujourd’hui la société de conseil Itinéraires & Territoires, et préside le think-tank Mobilités 2050. « Les métropoles aspirent tout, attention à la fracture territoriale, sinon, on aura des territoires oubliés et perdus, lui a répondu la candidate de l’union de la gauche dans les Hauts-de-France aux dernières élections régionales. La mobilité devrait réconcilier les territoires. Les RER… moi, je ne suis pas pour. La carte des mobilités ne doit oublier personne, et surtout pas accélérer la précarité », insiste Karima Delli en espérant que le paquet Shift for 55 sera bouclé avant la fin de la mandature du Parlement européen en 2024. « J’espère surtout qu’on aura un ministre des Transports à la hauteur des enjeux. Et présent à Bruxelles ! », a conclu Karima Delli.

Nathalie Arensonas

Ewa

Un rapport de l’Institut Montaigne prône une « rupture radicale » dans nos habitudes de déplacements

Nantes Tram

Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre des transports? Cette question, maintes fois posée ces dernières années, est reprise par le rapport publié hier par l’Institut Montaigne et intitulé « Infrastructures de transport vers le futur et le durable ».

Cosigné par Patrick Jeantet et Jacques Gounon, le premier, senior adviser chez Vauban Infrastructure Partners (et ancien PDG de SNCF Réseau) et le second, président de Getlink, ce rapport part d’un constat d’échec : le secteur des transports, à l’origine de 30 % des émissions en France (dont plus de la moitié pour les véhicules particuliers) est le seul dont les rejets ont augmenté depuis 1990. « Si l’industrie a réduit ses émissions de 40 % ( une baisse en partie imputable au processus de désindustrialisation), l’immobilier de 15 % et le secteur agricole de 9 %, les émissions de GES issues du secteur des transports ont augmenté de 10 % (voire de 14 % si l’on inclut les émissions liées aux transports aérien et maritime internationaux). Ce résultat est bien loin de l’objectif fixé lors du Grenelle de l’environnement, et pour tenir le nouvel objectif européen il faudrait maintenant réduire les émissions des transports de 60 % en moins de dix ans« , écrivent-ils.

Une politique des transports inefficace

En cause, une politique des transports qui, même si elle s’est traduite par des investissements massifs dans les transports publics (de l’ordre de 90 milliards d’euros en 10 ans, soit une hausse de 50 % pour le réseau ferroviaire et de 250 % pour les transports collectifs urbains) et par des subventions en hausse, s’est finalement révélée inefficace, donc sans effet sur le report modal. Selon Patrick Jeantet, qui était l’invité ce matin du Club VRT, « les investissements dans les transports collectifs se sont essentiellement concentrés là où les enjeux étaient les plus faibles, c’est-à-dire dans les villes-centres« . Or, les déplacements au sein des centres urbains ne représentent que 1 % des émissions de GES liées à la mobilité, alors que les trajets entre la ville-centre et ses couronnes et au sein de celles-ci représentent près de 60 % des émissions mais n’ont pas fait l’objet d’investissements significatifs, à l’exception du Grand Paris Express. Et rien n’a été fait pour réduire les émissions du transport de marchandises émettant pourtant 40 % des émissions.
Rappelant que les progrès technologique pourraient permettre de réaliser environ 50 % des objectifs de réduction des émissions de GES à l’horizon 2050, il faudra nécessairement changer nos comportements à l’avenir pour atteindre totalement les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique préviennent les experts. « Cette rupture radicale ne sera pas spontanée : la mobilité devra faire l’objet de contraintes, physiques (réduction de la voirie, voies réservées aux véhicules partagés, interdictions de circulation pour les véhicules thermiques, réduction des vitesses autorisées, etc.) ou économiques (augmentation du coût de la voiture dans les grandes agglomérations, augmentation de la contribution des usagers au financement des transports collectifs,etc.), qui concerneront aussi bien les personnes que les marchandises« , écrivent-ils.

Augmenter les tarifs des transports

Entre autres préconisations, le rapport recommande de donner aux autorités organisatrices des mobilités (AOM)  tous les leviers disponibles permettant de favoriser une approche multimodale et de développer les transports collectifs en périphérie. Ce qui passe notamment par le transfert de la gestion de l’ensemble des routes ainsi que les pouvoirs de police de la circulation et du stationnement. Les AOM devraient être « responsabilisées » sur des objectifs précis de réduction des émissions de CO2.

Il prône aussi une loi de programmation établissant une liste d’investissements prioritaires (dont la régénération ferroviaire pour laquelle il faudrait consacrer 3,8 milliards d’euros annuels). Ces investissements conséquents appellent de nouvelles ressources. Les auteurs du rapport estiment qu’il faut « remplacer partiellement la TICPE par une taxe locale sur les véhicules, pour un financement des transports plus efficace, plus juste et plus transparent. La TICPE devrait être recentrée sur le seul objectif auquel elle est aujourd’hui bien adaptée : la lutte contre le changement climatique, ce qui conduirait dans un premier temps à la réduire afin de l’aligner sur les minima européens (0,38 €/litre)16 , puis de la réaugmenter progressivement pour atteindre 1,1 €/litre en 2040, puis 1,8 €/litre en 2050. En contrepartie, pour renforcer l’autonomie des collectivités locales sans augmenter à court terme le coût de l’automobile, une taxe locale de financement des transports pourrait être mise en place pour tous les véhicules motorisés jusqu’à 12 tonnes« . Cette taxe pourrait ainsi être deux à trois fois plus élevée dans les grandes agglomérations, et plus faible en milieu rural, tout en prenant en compte les enjeux d’équité sociale, précise encore le rapport. Les recettes seraient affectées aux dépenses de l’AOM locale.

Les deux co-signataires estiment aussi qu’il faudra progressivement augmenter le tarif des transports, pour aller jusqu’à 50 % de couverture des dépenses d’exploitation par les recettes commerciales des transports collectifs, « comme c’est le cas dans la plupart des grandes villes européennes« . Il faudrait, dans le même temps renforcer les tarifications solidaires pour éviter tout risque d’exclusion sociale.

MH P

Ewa

Les mobilités au rang des priorités

L’A1 de Roissy 
à la Seine-Saint-Denis 
en 2050, vue par SUN. L’autoroute est devenue une plateforme flexible qui abrite un grand nombre d’usages, de flux et de configurations différentes.

Désolés de nous répéter, mais l’urgence climatique est grande, et devrait être en tête de liste des préoccupations de la prochaine élection présidentielle. Pas la peine de se leurrer, ce n’est jusqu’à présent pas le cas, et ce n’est pas franchement parti pour le devenir. Pas une raison pour baisser les bras. Que la campagne s’en empare ou pas, l’urgence
est là et le ou la future locataire de l’Elysée n’y échappera pas.

Nous avons demandé à certains des spécialistes — universitaires, responsables, ONG, think tanks — les plus reconnus du monde des transports de nous dire quels sujets devraient être en tête des préoccupations de nos futurs dirigeants. Une première salve de contributions paraît dans ce numéro. Celles d’Aurélien Bigo, de Diane Strauss, de Jean-Pierre Orfeuil, de Jean Coldefy, de Christophe Gay et Sylvie Landriève et, dans le domaine des transports de marchandises qui mérite un chapitre à part, de Lætitia Dablanc. Un second ensemble paraîtra dans celui de février. Argumentées, charpentées, ces contributions n’ont rien d’un tract électoral… Mais elles nous permettront d’interpeller en connaissance de cause les candidats. De leur poser les questions les plus pertinentes. Et de voir si, derrière les mots d’ordre d’une campagne électorale, ils ont pris le temps de bien penser une question devenue vitale.

« Instaurer les 110 km/h sur les autoroutes »

Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports

VRT. La lutte contre le dérèglement climatique est une priorité absolue. Que faut-il attendre, dans le domaine de la mobilité, du prochain mandat présidentiel ? Quelles sont les trois (ou quatre, ou cinq) principales mesures à prendre ?

Aurélien Bigo. Les politiques publiques font actuellement la promotion de modes de transport ou de technologies bas-carbone. Mais dans le même temps, les mobilités intenses en énergie et en carbone ne sont pas découragées, voire même sont encouragées. La somme de ces tendances positives et négatives nous mène au total à des émissions relativement stables ces dernières années, loin des fortes baisses d’émissions nécessaires. Les mesures proposées ici visent à assumer la baisse des usages les plus carbonés actuellement en vigueur.

1. Abaisser les vitesses sur les routes, en particulier en instaurant les 110 km/h sur les autoroutes et 100 km/h sur les nationales, mesure permettant les plus fortes baisses d’émissions à très court terme, avec de faibles coûts de mise en œuvre et même des économies pour les automobilistes. Dans le même temps, instaurer les 30 km/h dans les zones urbaines dès qu’il n’y a qu’une seule voie par sens de circulation (comme cela a été fait en Espagne), aussi bien dans les villes que les villages, afin d’améliorer la sécurisation de la marche et du vélo.

2. Renforcer la fiscalité sur les modes les plus difficiles à décarboner et aujourd’hui au moins partiellement exonérés de fiscalité énergétique, à savoir l’aérien, le maritime et les poids lourds. Cela viserait simultanément à encourager la réduction de leur usage (en modérant la demande, en favorisant d’autres modes) et leur passage à des énergies décarbonées.

3. Réorienter le marché des voitures vers les véhicules légers et sobres, en sollicitant les normes (sur la vitesse maximale, le poids ou encore les émissions à ne pas dépasser) et en renforçant la fiscalité (sur le poids, les émissions…) afin de réinvestir le montant des malus sur les véhicules légers, allant du vélo au quadricycle en passant par le vélo à assistance électrique, le vélomobile ou encore les vélos cargos (les véhicules intermédiaires entre le vélo et la voiture), pour lesquels un grand plan de développement industriel et de relocalisation de ces véhicules serait lancé.

4. Instaurer un moratoire sur la construction et l’agrandissement des aéroports et de voies routières rapides. Sur l’aménagement du territoire et en lien avec les déplacements quotidiens, stopper la construction de routes communales liées à l’étalement du logement, de même que l’artificialisation liée à la construction de centres commerciaux et d’entrepôts logistiques en périphérie.

VRT. De ce point de vue, comment évaluez-vous la politique menée lors du quinquennat qui s’achève ?

A. B. Je juge ce mandat comme positif sur trois points : sur la mise en place de l’objectif de neutralité carbone et la dynamique que cela a pu instaurer à l’international ; sur la volonté d’accélérer certaines technologies pour la décarbonation, tels que l’électrification des voitures ; enfin, la mise en place de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), qui a pu montrer que des citoyens formés aux enjeux vont généralement bien plus loin que les politiques sur les évolutions de sobriété, ainsi la majorité des mesures citées dans la 1re question ont été proposées par la CCC, et des enquêtes montrent aussi une faveur importante des citoyens pour nombre de ces mesures.

En revanche, le constat est bien plus sévère sur le manque de sollicitation des leviers de sobriété de la transition, pourtant indispensables au respect de nos objectifs de décarbonation des transports. Cela s’est notamment reflété par une forte baisse d’ambition par rapport aux propositions de la CCC, par exemple sur l’aérien, le poids des véhicules ou les 110 km/h. Enfin, l’écart est toujours grandissant entre les objectifs et les trajectoires, sans vraiment chercher à corriger ce décalage et accepter que la technologie seule ne suffira pas.

VRT. Indépendamment du climat, y a-t-il, dans ce domaine, une mesure à inscrire à l’agenda présidentiel ?

A. B. De nombreuses nuisances sont liées à la voiture (consommation d’espace, sédentarité, bruit, pollution, etc.). Les traiter nécessite notamment un fort rééquilibrage de l’espace public en faveur des mobilités sobres en énergie, en ressources et en espace. Il faut assumer une hiérarchie entre les modes de transport afin de systématiquement favoriser la marche, devant le vélo, les transports en commun ferroviaires, routiers, puis la voiture (ainsi que l’avion pour la longue distance). Cela devrait aussi s’accompagner d’un vaste plan pour permettre à tous les élèves de primaire, collège et lycée d’aller à pied ou à vélo jusqu’à leur établissement en toute sécurité, véritable question de santé publique et de comportement des plus jeunes à habituer aux mobilités durables.

VRT. Question subsidiaire : De quelle fausse bonne idée faut-il se méfier ?

A. B. Se méfier de la solution magique de manière générale, notamment technologique, car elle n’existe pas. Elle est souvent invoquée comme un alibi pour ne rien changer, alors qu’il faudra combiner des changements importants sur les 5 leviers de transition (modération de la demande, report modal, amélioration du remplissage des véhicules, efficacité énergétique décarbonation de l’énergie) pour espérer rattraper le retard accumulé sur nos trajectoires d’émissions.


« Fin de vente des véhicules thermiques particuliers en 2035 »

Diane Strauss, directrice France de Transport & Environnement, organisation européenne regroupant une cinquantaine d’ONG

VRT. La lutte contre le dérèglement climatique est une priorité absolue. Que faut-il attendre, dans le domaine de la mobilité, du prochain mandat présidentiel ? Quelles sont les trois (ou quatre, ou cinq) principales mesures à prendre ?

Diane Strauss.

  • Fin de vente des véhicules thermiques particuliers en 2035*
  • Fin de vente des camions thermiques d’ici 2035/2040
  • Une trajectoire d’électrification ambitieuse entre 2022 et 2030, avec notamment l’électrification prioritaire des flottes d’entreprises (50 % des ventes de véhicules neufs) et la réduction des ventes d’hybrides rechargeables.
  • Un effort de réduction des kilomètres parcourus avec des voies cyclables et de l’autopartage (VTC, covoiturage) en milieu urbain.
* Mesure proposée le 14 juillet 2021 par la Commission européenne [ndlr].

VRT. De ce point de vue, comment évaluez-vous la politique menée lors du quinquennat qui s’achève ?

D. S. Timide effort mis sur les bornes de recharges. La France doit être plus ambitieuse au niveau européen (voir sa position sur la fin de vente des hybrides rechargeables en 2040) et au niveau français (loi Climat très décevante).

VRT. Indépendamment du climat, y a-t-il, dans ce domaine, une mesure à inscrire à l’agenda présidentiel ?

D. S. D’après le GIEC, l’avenir des enfants nés en 2021 est en jeu. Il n’existe pas de priorité plus grande que le climat.

Il faut donc anticiper l’effet de cette transition sur l’emploi en France, notamment dans la filière automobile et aviation et non retarder la transition même. Quels emplois pourraient être perdus, comment offrir une alternative viable à ces populations dans leur bassin d’emploi ? Ces discussions doivent avoir lieu avec l’Etat, les régions et les filières.

VRT. De quelle fausse bonne idée faut-il se méfier ?

D. S. Les biocarburants issus de cultures alimentaires ne sont pas une option viable, ni pour le climat, ni pour la biodiversité.


« On ne régulera pas la mobilité si persistent des sentiments d’injustice »

Jean-Pierre Orfeuil, professeur émérite, Université Gustave Eiffel, Conseil de l’Institut pour la ville en mouvement

La loi énergie climat de 2019 renforce les ambitions de la loi de transition énergétique de 2015 dont les objectifs intermédiaires n’ont pas été tenus. Elle vise la neutralité carbone en 2050, et une baisse de 40 % de l’usage des énergies fossiles en 2030. Le dossier technique qui l’accompagne prévoit une forte baisse des consommations des véhicules thermiques (-30 % en 2030), une forte pénétration de la voiture électrique (46 % des ventes en 2030), et un usage accru des transports publics et de la voiture en commun. Elle est peu connue des citoyens, malgré ses implications sur leurs modes de vie.

Les ébauches de programme sont silencieuses sur cette loi, et montrent une attention différenciée au sujet : la baisse des émissions n’apparaît pas dans les objectifs phare des Républicains, elle figure dans les 10 axes prioritaires de la primaire populaire. A droite, on est contre l’écologie punitive, pour le véhicule électrique, sans ambition pour le transport public, réservé sur les éoliennes, enthousiaste sur le nucléaire. A gauche, on veut des véhicules propres, plus de transport public, l’interdiction des SUV, des soutiens aux ménages modestes et aux énergies renouvelables, mais on ne dit rien sur ce qui pourrait fâcher : taxe carbone, péages, et même normes sur les véhicules.

Il y a donc tout à parier qu’on sortira de la prochaine mandature en 2027 avec un écart béant entre l’objectif affiché et la réalité des consommations. Pour éviter cette décrédibilisation récurrente de l’action publique, il faudrait renforcer les mécanismes pour que les gouvernants respectent les trajectoires fixées par la loi, et faire partager l’idée que ce qu’on qualifie d’écologie punitive peut être une politique vertueuse si on en redistribue les ressources efficacement.

Parce qu’on ne régulera pas la mobilité si persistent des sentiments d’injustice, la priorité pour le quinquennat devrait être d’amener l’offre de véhicules à plus de sobriété (40 % de SUV dans les ventes en France, 46 % à Paris !), ce qui a été récemment amorcé avec un timide malus lié au poids. Dans ce registre, on peut envisager :

  • Une plus forte taxation des véhicules de société, et notamment de l’avantage archaïque des véhicules de fonction. Ce n’est pas anecdotique, car un véhicule neuf sur deux n’est pas acheté par des particuliers, et que les véhicules de société, plus gros en moyenne, se retrouvent chez les particuliers au bout de trois ou quatre ans.
  • Une annualisation du système de malus, qui reviendrait à restaurer la vignette pour les véhicules « hors des clous ».

Ces mesures stimuleraient en outre la demande de véhicules électriques tout en réduisant les aides à l’achat dont bénéficient surtout les ménages aisés. Les ressources induites pourraient être affectées à l’aide à la transition, notamment pour les actifs modestes dépendant de leur voiture.

Le locataire de l’Elysée s’honorera enfin de préparer le terrain pour son successeur, car moins de la moitié du chemin vers la neutralité carbone aura été parcourue. En 2027, l’essentiel du parc (voitures et poids lourds) sera composé de véhicules connectés, ce qui facilitera les transactions de tous types. Il mettra donc à l’étude, et versera au débat public, toutes les possibilités d’orientation de la demande (voyageurs et fret) vers le bien commun rendues plus nécessaires par l’affaissement du rendement des taxes sur les carburants lié à l’électrification du parc et plus aisées par cette avancée majeure.


« L’offre de transports en commun n’a pas suivi la dynamique métropolitaine »

Jean Coldefy, directeur du programme mobilité 3.0 d’ATEC-ITS France

La voiture avec 16 % des émissions du pays est l’un des tout premiers postes d’émissions de GES. Le diagnostic établi en 2017 lors des assises de la mobilité est toujours d’actualité : nous avons un déficit considérable d’alternatives à la voiture pour accéder aux agglomérations qui concentrent le potentiel économique du pays. L’offre de transports en commun n’a pas suivi la dynamique métropolitaine. Conjugué avec un urbanisme d’éparpillement, du fait d’une gestion trop locale de l’urbanisme dans le périurbain, ceci a grandement favorisé l’usage de la voiture pour accéder aux emplois des agglomérations.

Les flux centres – périphéries représentent ainsi la moitié des émissions de la mobilité des aires urbaines, tandis que les déplacements dans les villes centres ne pèsent que 2 %, la part restante se situant au sein des 1re couronnes et du périurbain. 25 % des actifs des grandes métropoles n’y résident pas, les villes centres des métropoles ne représentent que 8 % de la population française et disposent des alternatives à l’inverse des couronnes qui pèsent près de la moitié de la population. Voilà pourquoi des centaines de milliers de voitures engorgent les grandes villes. C’est un manque d’offres et non un problème de demande. Les partisans de la gratuité font une erreur fondamentale de diagnostic pour les grandes aires urbaines. Ces distances domicile – travail sont par ailleurs hors de portée du vélo et pèsent 60 % des kilomètres de la mobilité quotidienne des Français.

Ce n’est pas la ville du quart d’heure qu’il faut inventer (elle existe déjà) mais la métropole de la demi-heure. Dans les grandes agglomérations, il faudrait ainsi tripler l’offre de transports en commun sur les liens centres-périphéries et au sein de la première couronne, permettant un report modal massif. La difficulté réside dans la nécessaire vitesse de déploiement compte tenu des engagements climatiques : comment réaliser en cinq ans ce que d’habitude nous mettons 30 ans à réaliser ? Le financement devra passer par une plus grande efficience de notre système de transport en commun et une participation accrue de l’usager, des transports en commun comme de la route.

Il faudra par ailleurs déployer un urbanisme de la proximité pour les déplacements résidentiels et donc implanter l’habitat à proximité des pôles de commerces afin de favoriser les modes actifs, et un urbanisme de la vitesse pour les trajets domicile – travail avec des zones économiques implantées à proximité des pôles de transports en commun. La mobilité se gère à l’échelle des bassins de vie, c’est-à-dire là où les Français vivent ET travaillent : les aires urbaines. La répartition des rôles Régions / EPCI / Métropoles doit être adaptée en conséquence.

Décarboner les mobilités et retrouver une cohésion territoriale et sociale à l’échelle des aires urbaines est possible, les solutions sont connues et décrites. Le prochain quinquennat devra s’attaquer au financement et à la nécessaire adaptation de la gouvernance territoriale des mobilités et de l’aménagement. On ne réussira pas la lutte contre le réchauffement climatique sans réussir la cohésion sociale et territoriale.

Ce défi peut ainsi être un facteur fort de cohésion sociale vers un futur désirable qui doit nous permettre de tourner la page des excès du « Vivre sans temps morts et jouir sans entrave » de mai 1968 afin de privilégier à nouveau l’investissement sur la consommation, le futur sur le bien-être immédiat, à l’image de l’effort collectif entrepris après 1945 pour redresser le pays.

Comme le disait François Perroux, économiste lyonnais cofondateur d’Economie et humanisme (1903 – 1987) : « On ne saurait augmenter l’investissement sans diminuer la consommation. Chaque économie ne peut élever le niveau de vie des générations ultérieures sinon en imposant un sacrifice aux consommations présentes ».


« Il faut poser dès maintenant les bases d’un système alternatif à la voiture individuelle »

Christophe Gay et Sylvie Landriève, codirecteurs du Forum Vies Mobiles

VRT. La lutte contre le dérèglement climatique est une priorité absolue. Que faut-il attendre, dans le domaine de la mobilité, du prochain mandat présidentiel ? Quelles sont les trois (ou quatre, ou cinq) principales mesures à prendre ?

Christophe Gay et Sylvie Landriève. On ne peut pas sortir du système de déplacement actuel basé sur la vitesse en un mandat : l’accès à toutes nos activités (travail, achats, loisirs, etc.) est déterminé par le fait que nous utilisons des modes de transport rapides, au premier chef la voiture qui émet à elle seule la moitié des émissions de CO2 du secteur des transports. Mais le prochain gouvernement a la responsabilité de mettre en urgence la France sur la trajectoire définie par la Stratégie Nationale Bas Carbone. Il doit donc poser dès maintenant les bases d’un système alternatif à la voiture individuelle qui soit efficace, réaliste et adapté aux territoires.

Il faut arrêter d’additionner et de mettre en concurrence les offres (voiture, train, bus, vélo, …) et lancer les bases d’un système où chaque mode serait vraiment connecté aux autres, tout en ayant sa zone de pertinence, pour permettre des déplacements porte à porte sur tous les territoires (ville, périurbain, campagne). On pourrait commencer par les 30 % des Français qui pratiquent l’ensemble de leurs activités à moins de neuf kilomètres de chez eux mais recourent encore trop largement à la voiture individuelle.

Pour ceux qui ne peuvent pas se passer facilement d’un véhicule (distances, santé, transports de charge, accompagnement, etc.), l’État doit encourager le développement d’une nouvelle filière industrielle low-tech de petits véhicules légers, réparables, électriques (dont du rétrofit), mécaniques, ou très peu consommateurs de carburant.

Enfin, le cœur du problème reste l’aménagement du territoire pour réduire les distances à parcourir au quotidien et limiter le recours aux modes motorisés. Le prochain gouvernement devra remettre en cause l’hyper concentration des services, des emplois et de la population dans la mégalopole de l’Ile-de-France mais également dans les centres des métropoles pour concevoir de nouveaux territoires de vie, grâce au redéploiement local de l’activité, des services et des équipements du quotidien autour des habitations : alimentation, santé, loisirs et bien sûr emplois, avec entre autres le télétravail.

VRT. De ce point de vue, comment évaluez-vous la politique menée lors du quinquennat qui s’achève ?

C. G. et S. L. Le quinquennat a incontestablement été marqué par le mouvement social des Gilets jaunes que nous interprétons au Forum Vies mobiles comme une nouvelle crise de mobilité. La taxe carbone, dénoncée alors comme inéquitable dans la mesure où elle pèse plus fortement sur le budget des ménages les plus modestes, est également inefficace parce qu’elle a peu d’effets sur les modes de vie des plus riches, pourtant les plus émetteurs de CO2. Nous avons étudié une alternative radicale : le rationnement des déplacements carbonés en France. Cela paraît possible, d’autant que la moitié des Français n’y serait pas opposée. Face à l’ampleur des changements à opérer, pourquoi ne pas lancer des expérimentations territoriales dès 2022 ?

VRT. Indépendamment du climat, y a-t-il dans ce domaine une mesure
à inscrire à l’agenda présidentiel ?

C. G. et S. L. La crise sanitaire a fait exploser la pratique du télétravail. Pour le meilleur et pour le pire. Pour éviter que les transporteurs ne courent désespérément derrières les nouvelles pratiques et pour éviter les effets rebonds potentiels (parcourir plus de kilomètres qu’avant pour aller au travail, même si on s’y rend moins souvent) ou réinvestir le temps gagné dans plus de déplacements autour de son domicile), il faut mettre en place une politique nationale d’organisation du télétravail en partenariat avec les collectivités locales et les entreprises. L’objectif ? répondre aux aspirations des citoyens à limiter le stress et la fatigue des déplacements domicile-travail, réguler les flux dans les villes, permettre à ceux qui le souhaitent de déménager sans pour autant aggraver la dépendance à la voiture.

VRT. De quelle fausse bonne idée faut-il se méfier ?

C. G. et S. L. Alors que le développement du véhicule autonome et le déploiement des infrastructures nécessaires à sa mise en circulation exigent des investissements considérables non seulement privés mais aussi, à l’avenir, publics (développement, adaptation des infrastructures, etc.) nous avons montré que sa contribution à la décarbonation de la mobilité ne peut être au mieux que marginale. Pire, selon les scénarios, sa diffusion risque, à l’inverse, d’augmenter fortement les émissions de CO2 liées au transport, celles découlant de la circulation de la nouvelle flotte (accentuation des distances parcourues, concurrence des transports en commun, voire des mobilités douces), mais aussi de la production massive de véhicules, de matériel électronique et d’infrastructures, ainsi que d’une génération de données colossale. Cette situation est symptomatique d’une forme de schizophrénie des pouvoirs publics qui articulent difficilement enjeux économiques, sociaux et écologiques.


Transport de marchandises : la France risque de se retrouver en retard

Laetitia Dablanc, urbaniste, est directrice de recherche à l’université Gustave Eiffel, où elle dirige la Chaire Logistics City

Rarement au centre des attentions, le transport de marchandises est responsable d’un tiers des émissions de CO2 du transport, et sa part est amenée à croître fortement. Nombre de mesures sont déjà prises pour assurer sa décarbonation, mais elles pêchent souvent par un côté franco-français dommageable pour un secteur d’activité largement mondialisé.

VRT. La lutte contre le dérèglement climatique est une priorité absolue. Que faut-il attendre, dans le domaine de la mobilité, du prochain mandat présidentiel ? Quelles sont les trois (ou quatre, ou cinq) principales mesures à prendre ?

Lætitia Dablanc. Le transport des marchandises est responsable d’un tiers des émissions de CO2 du transport, part qui est amenée à s’accroître fortement si l’on en croit les projections de l’OCDE/ITF1. Comment une politique sur le transport des marchandises peut-elle contribuer à la lutte contre le changement climatique ? D’abord, avant de lancer de nouvelles mesures, on peut faire aboutir de façon effective plusieurs réformes adoptées pendant les mandats précédents. Le transport intermodal rail-route doit être fortement privilégié dans la mise en place de la stratégie nationale de développement du fret ferroviaire (octobre 2021) car il combine l’ubiquité de la route et la massification des transports permise par le ferroviaire, qui présente des facteurs d’émissions de carbone très réduits. Parmi les actions prioritaires : amélioration de la gestion des sillons et circulations de nuit des trains de marchandises, autorisation des 46 tonnes (et pourquoi pas au-delà) pour les camions faisant du pré et post-acheminement, investissements dans la modernisation des terminaux, notamment portuaires. Autre dossier à pousser en priorité : les zones à faibles émissions, qui représentent un outil puissant de dépollution des flottes urbaines et de modernisation du transport routier de marchandises. La France est aujourd’hui l’un des pays les moins avancés en Europe en ce qui concerne le nombre et l’efficacité des ZFE2. La loi d’orientation des mobilités 2019 et la loi climat et résilience de 2021 accélèrent leur déploiement dans les agglomérations françaises. Il faut maintenant s’assurer que ces zones soient effectives c’est-à-dire contrôlées et respectées ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Elles devront aussi prendre en compte de façon spécifique l’enjeu des poids lourds, dont les versions zéro émission ne seront pas disponibles à court terme, pour ne pas perdre les importants bénéfices qu’ils permettent dans la massification des marchandises. Rien ne serait pire qu’une ville logistique propre mais congestionnée par des dizaines de milliers de petits véhicules utilitaires. Sur l’écotaxe poids lourds, la loi climat et résilience ouvre la possibilité aux régions volontaires de mettre en place à partir de 2024 des « contributions spécifiques » mais la réforme risque de se heurter à l’absence de volontarisme des régions (l’Ile-de-France a récemment renoncé par exemple). Il faudra promouvoir vigoureusement l’outil, tout en s’assurant de l’interopérabilité des systèmes.

 » LA FRANCE EST AUJOURD’HUI L’UN DES PAYS LES MOINS AVANCÉS EN EUROPE EN CE QUI CONCERNE LE NOMBRE ET L’EFFICACITÉ DES ZFE « 

De nouvelles mesures sont aussi à prendre afin d’aller bien plus loin dans la décarbonation du transport des marchandises. Elles sont bien sûr pour l’essentiel de niveau européen/international et le mandat présidentiel qui arrive devra d’abord s’ancrer dans le Règlement européen pour le climat, le Green Deal, la COP26, le paquet Climat… Ce n’est pas un simple rappel de routine, il s’agit d’un positionnement ayant des conséquences concrètes comme la mise en œuvre rapide et sincère des engagements3. En France, un dossier concret mais complexe concerne les poids lourds propres. La vente des poids lourds neufs sera interdite à partir de 2040 s’ils sont à énergies « majoritairement fossiles » (loi climat et résilience). Les poids lourds électriques à batterie font l’objet de développements technologiques rapides dans des régions en pointe comme la Californie. La France risque de se retrouver en retard si elle concentre l’innovation de long terme sur l’hydrogène propre (qui représente bien évidemment une voie prometteuse pour tous les véhicules lourds) et ses efforts de court terme surtout sur les véhicules GNV et bio GNV. Faudra-t-il que l’Etat donne une impulsion forte aux constructeurs pour aller plus vite sur les poids lourds à batterie (avec tout l’écosystème des stations de recharge rapide qui leur est associé) ? De l’autre côté du spectre des véhicules, les deux-roues électriques doivent être adoptés massivement alors que peu de villes ont compris que les scooters et motos, polluants et bruyants, sont de plus en plus utilisés par les livreurs. Les données, le big data et leur exploitation automatique par intelligence artificielle doivent soutenir les territoires, pour modéliser les flux et élaborer les bilans carbone de la logistique. Or on se heurte aujourd’hui à une extrême timidité du cadre réglementaire français. Par exemple, les données des futures caméras LAPI4 de contrôle des ZFE ne pourront pas être utilisées alors qu’elles le sont dans les pays européens voisins.

 » RIEN NE SERAIT PIRE QU’UNE VILLE LOGISTIQUE PROPRE MAIS CONGESTIONNÉE PAR DES DIZAINES DE MILLIERS DE PETITS VÉHICULES UTILITAIRES « 

VRT. De ce point de vue, comment évaluez-vous la politique menée lors du quinquennat qui s’achève ?

L. D. Du point de vue du changement climatique, la politique menée en termes de transport et mobilité des marchandises est au mieux très contrastée. D’abord, il faut regarder au niveau européen, où se prennent les décisions les plus importantes. Est-ce que l’action européenne de la France depuis cinq ans a été favorable à la décarbonation du transport de marchandises ? Le bilan sera surtout fait à l’issue de la Présidence française de l’UE qui vient de débuter. Au niveau franco-français, certaines initiatives sont très positives, notamment sur la cyclo-logistique (plan national pour la promotion de la cyclo-logistique) ou les aides à l’acquisition de véhicules utilitaires légers électriques (mais les aides en faveur des poids lourds propres ne sont pas à la hauteur des enjeux). Parallèlement, la dynamique de France Logistique est bien engagée et se consolide. Les comités interministériels de la logistique commencent à se succéder. Ceci fait partie d’un ensemble de démarches partenariales qui visent à développer les échanges d’expériences et d’outils pour des stratégies de réduction des impacts carbone dans le secteur (dispositif EVE).

 » LES POIDS LOURDS ÉLECTRIQUES À BATTERIE FONT L’OBJET DE DÉVELOPPEMENTS TECHNOLOGIQUES RAPIDES DANS DES RÉGIONS EN POINTE COMME LA CALIFORNIE « 

Beaucoup d’initiatives sont en revanche insuffisantes. Je pense notamment à la stratégie nationale pour le fret ferroviaire qui insiste sur les autoroutes ferroviaires (merveilleuses mais trop franco-françaises) au risque de ne pas miser suffisamment sur le transport combiné rail-route traditionnel. La stratégie représente un gros effort financier de l’Etat et de SNCF Réseau mais sans contrepartie réelle au niveau des opérateurs sur l’amélioration de leur productivité5. J’ai par ailleurs du mal à comprendre pourquoi on se donne un objectif de 80 % de la part du fret conteneurisé manutentionné dans les ports français à destination et en provenance de la France d’ici 2050 (stratégie nationale portuaire). Ce type de « nationalisme du conteneur », notamment pour Le Havre, me paraît superflu alors que plusieurs ports européens sont proches de la France et adaptés à l’approvisionnement du pays, surtout s’il est ferroviaire ou fluvial (par exemple dans la perspective du canal Seine-Nord Europe). Il vaudrait mieux se poser la question de l’efficacité des ports français, qui doivent eux aussi servir le reste de l’Europe et qui doivent pour cela être beaucoup mieux connectés au ferroviaire et au fluvial. Il faudrait aussi s’assurer qu’une vraie tarification d’usage par les poids lourds des infrastructures routières en France fasse évoluer l’attractivité relative des ports européens approvisionnant la France.

 » LES AUTOROUTES FERROVIAIRES, MERVEILLEUSES MAIS TROP FRANCO-FRANÇAISES « 

VRT. Indépendamment du climat, y a-t-il, dans ce domaine, une mesure à inscrire à l’agenda présidentiel ?

L. D. Le social est un point majeur à traiter pour le secteur logistique. L’action de la France au niveau européen a été plutôt favorable aux conditions de travail des chauffeurs-livreurs (un seul exemple, la proposition d’interdire aux employeurs de faire dormir les conducteurs de VUL dans leur véhicule pendant les jours de repos) mais il reste beaucoup à faire. L’attractivité du transport routier de marchandises sur longue distance se dégrade et les difficultés de recrutement s’accroissent. On manque de contrôleurs de transport terrestre, il est trop facile de ne pas respecter les lois sociales françaises. Dans le secteur des livraisons instantanées par plateformes numériques, la situation sociale est marquée par de graves et multiples dysfonctionnements (emploi croissant de précaires, non-respect des règles sur les véhicules, insécurité routière ; la problématique des partages de comptes n’est pas sérieusement abordée). Les élections professionnelles prévues par la LOM pour 2022 devront être activement préparées avec des moyens importants donnés à la mobilisation des acteurs (livreurs, syndicats, collectifs, plateformes). La formation professionnelle dans le transport et la logistique est sans doute mieux abordée que par le passé et là encore, les initiatives partenariales sont à souligner mais ces actions doivent être considérablement accélérées. Il faut aller chercher les futurs salariés du transport et de la logistique là où ils sont (peut-être sur un scooter Deliveroo aujourd’hui et ignorants des possibilités de qualification et de carrière dans la logistique). Enfin, les pollutions locales et le bruit des deux-roues sont minorés en France (la suspension du contrôle technique des deux-roues motorisés est très regrettable).

VRT. De quelles fausses bonnes idées faut-il se méfier ?

L. D. Un mot sur la ville du quart d’heure qui me paraît s’opposer par nature à ce qui fait une métropole vivante où la mobilité -pour trouver un travail ou se rendre dans un lieu de culture à l’autre bout du territoire- me paraît une valeur importante. Par ailleurs, l’intendance logistique de la ville du quart d’heure continuera pour grande partie à se baser sur des chaînes logistiques venant de loin.

1 https://www.itf-oecd.org/projections-and-scenarios-transport-sector
2 https://www.lvmt.fr/wp-content/uploads/2019/10/2021-Brief-Lucas-Belliard.pdf
3 Evitant à l’avenir au pays d’être renvoyé devant la Cour de Justice de l’UE comme récemment sur les émissions de NOx (https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_20_1880).
4 LAPI : lecture automatique des plaques d’immatriculation.
5 Résultat net de -230 millions d’euros en 2019 pour seulement 1 247 millions d’euros de chiffre d’affaires pour le fret ferroviaire français. Les coûts d’exploitation restent encore supérieurs à ceux de la moyenne européenne.

Ewa

« Nous avons progressé dans l’organisation des chantiers »

Matthieu Chabanel - Directeur general adjoint operations

Malgré la crise sanitaire, le programme des chantiers de régénération du réseau a été exécuté sans encombre en 2021, selon Matthieu Chabanel. Le directeur général délégué chargé des Projets, de la Maintenance, et de l’Exploitation à SNCF Réseau dresse un bilan sur l’année passée et esquisse les projets pour 2022, alors que le contrat de performance élaboré avec l’Etat est en cours de consultation.

Ville, Rail & Transports. Que retenir de 2021 ?

Matthieu Chabanel. Après une année 2020 perturbée par la crise du Covid-19, 2021 a été une année réussie pour SNCF Réseau. Cette année, en matière de régénération, nous sommes revenus à un rythme conforme à ce qui était prévu dans le budget. C’est une vraie satisfaction puisque la crise sanitaire avait impacté notre production en 2020. Le budget de régénération s’élève à 2,820 milliards d’euros, rapporté à un budget d’investissement total de 5 milliards d’euros.

Les investissements sont stables, avec naturellement des petits écarts d’une spécialité à l’autre : un peu plus de voies et un peu moins d’ouvrages d’art, par exemple, mais dans des proportions relativement faibles.

Le budget pour la régénération atteindra même 2,850 milliards d’euros en 2022 – un budget sans commune mesure avec celui d’il y a 15 ans, quand nous tournions autour de 1 milliard d’euros.

VRT. Les retards liés au Covid se font-ils toujours ressentir ?

M. C. Nous avons rattrapé rapidement les écarts causés par la crise l’année dernière. Certaines mises en service de projets spécifiques, décalées l’année dernière du fait de la crise sanitaire, ont pu se réaliser cette année. C’est notamment le cas pour la ligne Serqueux – Gisors, opérationnelle depuis le printemps dernier.

En parallèle, la régénération du réseau a été comme chaque année un chantier permanent. Ces travaux se déroulent sur le réseau exploité et ils doivent être programmés longtemps à l’avance pour limiter leurs conséquences sur la circulation des trains. En 2021, nous avons dû non seulement réaliser le programme annuel planifié mais aussi des reliquats d’opérations initialement programmées en 2020.

VRT. Quelles ont été les principales entreprises partenaires qui ont travaillé avec vous en 2021 ?

M. C. Notre panel de fournisseurs de travaux regroupe près de 400 entreprises. Certains font des travaux très précis. Pour les chantiers de plus gros volume, nous pouvons citer Colas Rail, Eiffage rail, ETF ou TSO. Concernant les marchés de suites rapides, Transalp Renouvellement est également à pied d’œuvre à nos côtés.

En réalité, SNCF Réseau travaille avec un tissu d’entreprises diversifié, aussi bien des gros groupes que des PME ou des ETI. Notre objectif est d’ailleurs d’animer un écosystème industriel complet et synchrone qui ne se limite pas aux grands groupes. En complément des activités sur les voies, un gros travail de signalisation est réalisé par des entreprises comme Alstom, Thalès, Hitachi et Siemens.

VRT. Quelles sont les difficultés rencontrées ?

M. C. Plus de 1 500 chantiers sont réalisés chaque année sur l’ensemble du territoire par les équipes de SNCF Réseau. Je tiens à souligner le travail remarquable de nos collaborateurs, qui résolvent chaque jour de multiples problématiques techniques dans le cadre de la régénération du réseau. C’est un défi industriel du quotidien, d’autant que ces travaux ont lieu en plein air, la plupart du temps de nuit, dans des conditions météorologiques parfois extrêmes. Ces chantiers doivent, qui plus est, s’intégrer parmi les circulations qui se poursuivent sur le réseau ferroviaire. L’un de nos enjeux à l’heure actuelle est de réaliser des travaux les moins perturbants possible pour la circulation des trains de nos clients.

Un autre enjeu majeur pour SNCF Réseau et ses partenaires industriels est le recrutement, et notamment le « sourcing » de personnel formé dans un certain nombre de spécialités techniques. Le groupe SNCF mène une politique très active autour du recrutement et de la formation mais le sujet demeure.

Le contrat de performance qui va être signé entre SNCF Réseau et l’Etat va contribuer à le résoudre car il donnera de la visibilité à nos partenaires industriels sur leur chiffre d’affaires des années suivantes, et leur permettra donc d’investir en recrutement et en formation. Dans une approche gagnant-gagnant, ils s’appuieront sur la visibilité que nous aurons nous-mêmes.

VRT. Quelles sont les dernières innovations technologiques ?

M. C. SNCF Réseau a réalisé cette année de gros efforts pour le renouvellement des installations caténaires, concrètement des armements et des poteaux, au nombre de 600 000 le long du réseau. Nous avons créé, avec nos partenaires, des trains-usines caténaires, à l’image de ce qui est mis en œuvre sur les chantiers de modernisation de la voie ; c’est inédit en Europe. Côté renouvellement de voie, le développement de trains spécifiques pour des zones denses, comme l’Ile-de-France, nous a fait gagner en efficacité.

Nous avons aussi sensiblement progressé dans l’organisation des chantiers. Certains process nous permettent par exemple de gagner du temps dans l’installation des travaux.

VRT. Qu’est-ce qui changera avec le futur contrat de performance que vous allez signer avec l’Etat ?

M. C. Ce contrat de performance inscrira dans la durée, jusqu’à 2030, l’effort d’investissement dans la rénovation du réseau à un niveau élevé et stable. C’est-à-dire un montant d’au moins 2,8 milliards d’euros par an pour renouveler le réseau, pour nous donner de la visibilité et nous permettre de mobiliser les moyens adéquats.

Le gestionnaire d’infrastructures que nous sommes a besoin de planifier très en amont sa stratégie industrielle et donc d’inscrire les actions associées dans la durée, ce contrat avec l’Etat nous le permet.

VRT. Dans combien de temps les efforts de régénération pourront-ils faire baisser l’âge moyen du réseau ferré français ?

M. C. Notre réseau ferré français est très particulier : il s’agit du 2e réseau européen en taille et son âge moyen est élevé, entre 29 et 30 ans pour la voie.

Malgré cela, son niveau de sécurité figure parmi les meilleurs standards européens et nous disposons d’un taux de défaillance de l’actif relativement faible. C’est grâce aux efforts de régénération permis par le contrat de performance mais aussi à l’importance accordée à l’entretien du réseau au quotidien par les équipes de SNCF Réseau.

Propos recueillis par Antoine Irrien

Retrouvez cette interview et notre dossier spécial sur les grands projets de rénovation du réseau ferré français dans le numéro de janvier de Ville, Rail & Transports.

Ewa

« Le réchauffement climatique n’est pas pris en considération dans la conception des projets de transport »

Pascal Rey

Toute une dimension du changement climatique n’est pas -ou rarement- prise en compte : la résilience des infrastructures. Si les entreprises mesurent leur empreinte carbone et cherchent à l’atténuer (voire à la compenser), peu cherchent en effet à rendre résilientes leurs infrastructures. Or les pics de chaleur, les inondations ou les incendies qui se sont multipliés cet été devraient leur donner à réfléchir.

Côté SNCF, les patrons des 5 SA viennent seulement d’en prendre conscience si l’on en croit les équipes qui travaillent sur le sujet, puisque le premier comité stratégique sur l’adaptation des infrastructures vient seulement de se tenir fin novembre.

Dans le cadre d’un dossier publié ce mois-ci, Ville, Rail & Transports a interrogé des experts sur ce thème qui devrait prendre de plus en plus d’importance car il nécessite des millions et des millions d’euros pour se préparer. Faute de quoi, les assurances pourraient refuser de prendre en charge certains dommages…

Docteur en géographie du développement et ingénieur en agroéconomie, Pascal Rey, PDG du bureau d’études Insuco, spécialisé en sciences et ingénierie sociales, présent dans plus de 40 pays, pointe les risques. Pascal Rey est également chercheur associé à l’IFSRA et enseignant vacataire à l’école des Mines et à Agro Paris Tech.

Ville, Rail & Transports. Que vous enseignent les chantiers à l’étranger sur lesquels vous avez récemment travaillé ?

Pascal Rey. Au Gabon, où nous avons travaillé sur le train transgabonais, on observe ces dernières années une très forte hausse des précipitations. Et des inondations qui n’existaient pas avant, ce qui entraîne notamment une érosion des talus, des éboulements… Sur le train qui relie Djibouti à Addis-Abeba en Ethiopie, construit par des entreprises chinoises avec des normes beaucoup moins contraignantes que celles que nous devrions appliquer, le tracé est soumis à des températures qui sont souvent au-delà de 45°. Ce qui impacte la symétrie des voies, avec des effets de dilatation, alors que le chantier a été livré il y a seulement quatre ans. Dans les deux cas comme ailleurs, les travaux ne prennent pas en compte les effets à venir du réchauffement climatique.

VRT. Que voulez-vous dire ?

P. R. Le réchauffement climatique, c’est pour tout de suite. Mais alors qu’il existe de nombreuses études réalisées par le monde, y compris en Afrique, on assiste à un manque de communication entre ceux qui recueillent les données et les décideurs politiques. On sait que le niveau de la mer augmente, qu’il va falloir revoir les digues, les tracés, mais aussi prendre en compte les migrations liées à une augmentation du niveau de la mer. A quoi bon réparer ou entretenir les infrastructures actuelles si, dans quelques années seulement, plus personne n’habite ici, quand la montée du niveau de la mer obligera les populations à fuir vers l’intérieur des terres ? C’est d’abord là qu’il y aura besoin de routes ou de voies de chemin de fer. Il faudrait vite revoir les cartes en fonction non seulement de l’eau qui va commencer à chatouiller les voies de communication mais aussi des impacts directs qu’auront les mouvements de populations.

Ville, Rail & Transports. Quels effets sur le transport observez-vous qui soient déjà dus au réchauffement climatique ?

P. R. Les fortes chaleurs impliquent un dysfonctionnement du câblage, avec des systèmes de signalisation qui sautent, les systèmes électriques étant soumis à de trop fortes chaleurs. Les risques d’incendie se multiplient. En zone de montagne, on assiste à des éboulements, à des conséquences de l’érosion. En bord de mer, on assiste à des phénomènes d’érosion côtière.

« ON SAIT QUE LE NIVEAU DE LA MER AUGMENTE, QU’IL VA FALLOIR REVOIR LES DIGUES, LES TRACÉS, MAIS AUSSI PRENDRE EN COMPTE LES MIGRATIONS LIÉES À CE CHANGEMENT CLIMATIQUE. A QUOI BON RÉPARER OU ENTRETENIR LES INFRASTRUCTURES ACTUELLES SI, DANS QUELQUES ANNÉES SEULEMENT, PLUS PERSONNE N’HABITE ICI ? »

VRT. Que faudrait-il faire ?

P. R. Il faut prendre en compte ce qu’on voit et s’interroger sur comment, si les températures augmentent dans quelques dizaines d’années, les matériaux actuels résisteront à ces nouvelles contraintes. La solution, c’est que les constructeurs et les investisseurs comprennent que réparer au fur et à mesure coûtera beaucoup plus cher que de fixer d’ores et déjà des normes internationales drastiques, de les respecter et d’anticiper les risques. Plutôt que de rattraper au fur et à mesure, voire de tout refaire.

Or la notion de réchauffement climatique n’est pas prise en considération dans la conception des projets : on s’intéresse aux impacts du projet sur le réchauffement climatique mais pas à l’inverse. Dans les plans quinquennaux d’aménagement du territoire, les projections ne sont pas là. On reste dans le maintenant, sans être capable de se projeter dans 30 ans et de prendre en compte les risques climatiques à venir.

VRT. Pourquoi ce manque d’anticipation ?

P. R. Cela augmenterait considérablement le coût des chantiers.

Si on prend l’exemple des sociétés chinoises, l’approche est de tout faire le plus vite possible, au moindre coût, notamment les routes en Afrique où rien n’est anticipé. On manque aussi parfois de données. Que sait-on de ce que sera un pays comme la Guinée dans 20 ou 30 ans ?

Mais, encore une fois, le coût à venir sera bien plus grand encore. Il faut faire de gros progrès par rapport aux normes internationales, pour y intégrer plus de précisions, une plus grande prise en charge des populations qui sont déjà impactées, et la préservation des écosystèmes. Il faut faire évoluer ces normes auprès des grandes institutions internationales. Il faudrait d’ores et déjà être plus dans le concret, inventer un aménagement du territoire qui planifie, qui anticipe la résilience des infrastructures.

VRT. Des pays montrent-ils l’exemple ?

P. R. La République Dominicaine a pris les problèmes à bras-le-corps. Le Canada ou les Pays-Bas, aussi, savent repenser l’aménagement du territoire.

Ailleurs, on reste dans des normes à sens unique, qui posent la question de l’impact actuel des chantiers sur le réchauffement climatique. Mais qui n’anticipent pas que le réchauffement est déjà là et demandent comment on va faire face aux conséquences inéluctables à venir. Sachant que l’un ne doit pas empêcher l’autre.

Propos recueillis par Alexandre Duyck

Retrouvez notre dossier complet sur « les transports face au réchauffement climatique », dans le numéro de décembre de Ville, Rail & Transports.