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Ewa

40 ans de mise à l’épreuve du ferroviaire

Auray-Quiberon petite ligne

Il y a 30 ans l’Union européenne (UE) publiait la directive 1991-440. Elle marquait le point de départ de la déréglementation du transport ferroviaire. Fidèle à son analyse des entreprises en réseaux, l’UE voulait s’appuyer sur la concurrence pour dynamiser un mode de transport crucial et pourtant en perte de vitesse. Mais comment instaurer la concurrence alors que le ferroviaire européen n’était que la juxtaposition d’opérateurs historiques nationaux en position de monopole ? Pour répondre à ce défi, l’UE a établi une feuille de route assez bien appliquée pendant 20 ans. Mais depuis 2011 les opérateurs historiques ont lancé une contre-offensive qui a mis les décideurs publics à l’épreuve, tout comme le fera la crise sanitaire et ses impacts sur les trafics et les comptes des entreprises ferroviaires.

Par Yves Crozet

1991-2011 : les entreprises ferroviaires à l’épreuve

La directive 1991-440 s’inspirait de la réforme conduite dans les années 1980 en Suède sous la forme d’une séparation entre le gestionnaire d’infrastructure (GI) et les entreprises ferroviaires (EF). Progressivement, les paquets ferroviaires successifs vont concrétiser la stratégie de la Commission. La concurrence est désormais, ou va devenir, la règle dans l’UE, pour tous les segments du marché (marchandises et voyageurs). Pourtant, les résultats, parfois remarquables localement, sont restés globalement décevants.

Les principes de la déréglementation du ferroviaire en Europe

En première analyse, la déréglementation du transport ferroviaire en Europe ressemble à une « success story ». Des pratiques totalement étrangères au rail sont devenues courantes. Il en est ainsi de l’existence d’un GI, des péages d’infrastructure, de la concurrence « pour le marché » mais aussi de la concurrence « sur le marché ».

La force de la démarche européenne a été de fixer quelques grands principes mais de laisser aux Etats une grande liberté dans l’adaptation de ces innovations :

  • La séparation entre GI et EF était, initialement, une simple séparation comptable appelée à devenir une « muraille de Chine » entre ces entités. Certains pays (Suède, Pays-Bas, Royaume-Uni…) ont fait le choix d’un GI totalement indépendant. Mais, dans d’autres pays (Allemagne, Italie et France depuis 2015), le GI est resté une filiale de l’opérateur historique.
  • En matière de péage, certains pays (Suède, Espagne, Italie…) ont opté, grâce à des subventions au GI, pour des péages faibles. D’autres (Allemagne, France, Royaume-Uni) ont préféré viser une couverture maximale des coûts d’infrastructure par les péages, quitte à subventionner certaines EF.
  • L’UE a tenu compte du fait que le ferroviaire régional et urbain ne peut pas fonctionner sans aide publique. Une Obligation de Service Public (OSP) a donc été instaurée pour ces services. Les subventions sont possibles, mais l’attribution du service à une EF doit, à terme, se faire obligatoirement via un appel d’offres. C’est la concurrence « pour le marché » (off track).
  • Pour le fret et les voyageurs à longue distance, la règle est la concurrence « sur le marché » (on track). Les entreprises ferroviaires qui ont obtenu une licence, autorisation donnée par un établissement indépendant en charge de la sécurité ferroviaire, ont le droit de faire circuler des trains là où elles le souhaitent, sous réserve d’avoir obtenu les sillons ferroviaires attribués par le GI.

Au vu de ces éléments, on comprend que l’instauration de la concurrence dans le ferroviaire est un processus complexe. Il a fallu mettre en place dans chaque pays un établissement indépendant pour attribuer les licences, mais aussi un régulateur sectoriel vérifiant qu’il y a bien libre entrée sur le marché et pas de favoritisme au bénéfice, par exemple, de l’opérateur historique. Il a fallu également que les Etats se dotent de compétences visant à exercer une réelle tutelle sur les entreprises publiques, par exemple sous la forme d’un contrat de performance fixant au GI des objectifs précis en termes de coûts, de réalisations ou de productivité. Une opération délicate car elle suppose en contrepartie des engagements financiers de l’Etat, notamment pour l’entretien et le renouvellement du réseau. Le rôle des opérateurs historiques a donc été réduit, mais au prix d’une plus grande complexité institutionnelle. Cela a-t-il permis de dynamiser le rail européen ?

Des résultats en demi-teinte

La libéralisation du transport ferroviaire a donné des résultats significatifs, tant du côté des succès que des déceptions. Le principal succès est la progression des trafics. En 25 ans (1994-2019), les trafics voyageurs ont plus que doublé au Royaume-Uni et ont crû de 90 % en Suède, de 75 % en France mais seulement de 35 % en Allemagne. Cette progression, pourtant exprimée en passagers-km, provient en grande majorité de la hausse du trafic régional, y compris en France (+65 % pour la longue distance mais +85 % pour le régional y compris l’Ile-de-France).

Les trafics ont surtout progressé dans les pays qui n’ont pas donné la priorité à la grande vitesse ferroviaire

Sur la seule période 2005-2019, la hausse a atteint 50 % au Royaume-Uni et dépassé 40 % en Autriche, en Suède et en Suisse mais a été de 5 % seulement en Italie et d’environ 20 % en Espagne, en Allemagne et en France. Comme dans le même temps les autres modes de transport ont aussi progressé, la part modale du rail est restée faible à l’échelle de l’UE, 7 %, 10 fois moins que la voiture et moins que l’avion, 9,5 %. Le fret ferroviaire représente la principale déception. La somme des parts modales du ferroviaire et de la voie d’eau, deux modes considérés comme favorables à l’environnement, est au mieux restée stable (graphique ci-dessus). De 2005 à 2018, elle a même diminué en Allemagne, en France, en Suède et au Royaume-Uni.

Ces mauvais résultats du fret interpellent l’UE et l’importance qu’elle a donnée à l’ouverture à la concurrence. Le fret est en effet la première activité ferroviaire où la concurrence est devenue une réalité pour les trafics internationaux et domestiques. Mais tout s’est passé comme si le rail s’était heurté à un plafond de verre. En Allemagne où la croissance du fret ferroviaire (+40 % depuis 2000 contre – 40 % en France…) s’est faite au détriment de la seule voie d’eau, la part de marché de la route a même progressé.

graphique fret-navigation

Dans le domaine des voyageurs, la concurrence est restée limitée. La concurrence « sur le marché » pour la longue distance s’est limitée au cas italien (Trenitalia vs NTV) et à quelques lignes en Suède ou en Allemagne. Le Ouigo Madrid – Barcelone que vient d’ouvrir la SNCF ou les projets de la RENFE ou de Trenitalia en France risquent de rester des cas isolés. La concurrence « pour le marché » a été plus importante. Systématique au Royaume-Uni avec le système des franchises et la disparition de l’opérateur historique (British Railways), elle a été développée en Suède, en Allemagne ou aux Pays-Bas, principalement pour servir à aiguillonner l’opérateur historique qui a conservé une part de marché très importante.

De manière générale, il y a eu peu de nouveaux entrants dans le secteur, même si encore une fois l’Italie fait exception avec NTV. Regroupés dans l’association Allrail, ces nouveaux acteurs ont montré un réel dynamisme comme l’Autrichien ÖBB qui relance des trains de nuit internationaux. Mais ils restent marginaux. La concurrence reste largement oligopolistique, elle se fait entre les principaux opérateurs historiques via leurs filiales dédiées au fret ou aux voyageurs. Mais quand la concurrence existe, elle a parfois permis de réduire les subventions publiques pour les trains régionaux. Ainsi en Allemagne la subvention moyenne a baissé d’un tiers entre 1997 et 2014, de 15 à 10 € le train-km. En France, elle a augmenté de plus de 40 % entre 2002 et 2018. Au Royaume-Uni, après avoir beaucoup augmenté au début des années 2000 pour atteindre près de 18 £ par train-km, elle était redescendue à moins de 6 £ en 2015 (Nash et alii 2019).

2011-2031 : la Commission européenne et les effets d’annonce à l’épreuve

Ainsi, contrairement aux ambitions du Livre blanc européen de 2011, le ferroviaire est resté, sauf pour certains segments, un mode de transport peu attractif en Europe. Or, les années 2010 ont vu se développer un puissant lobbying de certains opérateurs historiques contre la séparation totale entre GI et EF. Ils ont eu en partie gain de cause dans le quatrième Paquet ferroviaire, mettant la Commission européenne à l’épreuve. Elle l’est plus encore aujourd’hui alors que le ferroviaire européen sort exsangue de la crise sanitaire, laissant craindre rien moins qu’une décennie perdue.

L’Allemagne et la France à l’assaut du 4e paquet ferroviaire

Le 15 septembre 2011 la ministre N. Kosciusko-Morizet et le secrétaire d’Etat T. Mariani lançaient les « Assises du ferroviaire », à la demande de la SNCF. Jusqu’à cette date, cette dernière s’inscrivait dans la logique européenne de la dé-intégration et s’opposait donc à la position allemande du maintien de l’EF et du GI au sein de la Deutsche Bahn (DB). Or, au début de 2011, la SNCF prenait conscience du fait que les exigences de l’UE allaient progressivement la priver de leviers stratégiques. Il en allait ainsi du transfert dans le giron de Réseau Ferré de France (RFF) de la direction des circulations ferroviaires (DCF), en charge de la construction du graphique et de la gestion quotidienne des flux. Il y avait aussi la perspective de transférer à RFF l’entité « Gares et connexions ». C’était suffisant pour déclencher un changement de stratégie. Jouant de sa capacité de lobbying, la SNCF obtint de la Droite l’organisation des Assises du ferroviaire, destinées à préparer le retour du GI dans le giron de la SNCF, que la Gauche réalisera avec la loi ferroviaire de 2014.

Au même moment, à l’échelle européenne, une initiative était lancée par la Communauté Européenne du Rail (CER), généralement présentée comme le lobby européen des opérateurs historiques, via la publication en 2012 d’une étude sur les impacts négatifs de la séparation entre EF et GI. Cette étude (EVES) notait l’existence de dysfonctionnement et de coûts de transaction liés aux défauts de coordination entre GI et EF. Il n’est donc pas surprenant que le 4e paquet ferroviaire (2015) ne soit pas arrivé à rendre obligatoire la séparation totale annoncée par le Commissaire européen Sim Kallas, incapable de résister aux pressions du couple franco-allemand et de la CER. Depuis, les marges de manœuvre de l’UE se sont encore réduites. D’abord avec le Brexit et la renationalisation du rail britannique (voir encadré pages suivantes), l’UE a perdu son meilleur élève pour défendre sa logique de dé-intégration totale entre GI et EF. Ensuite parce que durant la crise sanitaire, les Etats ont soutenu à coups de milliards les opérateurs historiques. Comme cela est appelé à durer, comme nous allons le voir, il se pourrait même que la concurrence elle-même soit moins intense dans les prochaines années du fait des difficultés que traverse le secteur.

Années 2020 : le rail et le risque d’une décennie perdue

Le ferroviaire fait l’objet depuis quelques mois de multiples surenchères. En écho à ses engagements climatiques, la Commission européenne affiche à nouveau, comme dans les Livres blancs de 2001 et 2011, des objectifs présomptueux pour les trafics de voyageurs et de marchandises. En France, le gouvernement multiplie les engagements (trains de nuit, petites lignes, LGV, fret…). Le président de la SNCF veut doubler en dix ans le nombre de voyageurs. Ces ambitions sont peu crédibles pour deux raisons principales.

EN FRANCE LE GOUVERNEMENT MULTIPLIE LES ENGAGEMENTS (TRAINS DE NUIT, PETITES LIGNES, LGV, FRET…). LE PRÉSIDENT DE LA SNCF VEUT DOUBLER EN DIX ANS LE NOMBRE DE VOYAGEURS. CES AMBITIONS SONT PEU CREDIBLES

La première est que les décideurs publics continuent à donner un rôle majeur au report modal alors qu’il n’existe que dans des conditions spécifiques.

  • Pour le fret, le rail est en concurrence avec la voie d’eau, mais très peu avec la route, la seule capable de répondre à tous les segments de la logistique.
  • Pour les voyageurs à longue distance, la grande vitesse reste une priorité pour l’UE. Or, comme l’a indiqué la Cour des comptes européenne en 2018, l’extension du réseau européen de LGV se fait depuis le début du siècle au prix de rendements décroissants. Après un maximum de 21,9 millions (M) de passagers-km (pkm) par km de réseau, atteint en 2001, l’intensité a baissé de 50 % en 2016 suite à l’ouverture de lignes dont le potentiel est inférieur au seuil de pertinence d’une LGV (9 M de pkm par an). L’idée que le TGV est un substitut à l’avion est une généralisation abusive de quelques cas d’école. Un exemple le montre. En 2017, la desserte TGV de Rennes s’est beaucoup améliorée (- 30 minutes depuis Paris). Pourtant, de 2016 à 2019, l’aéroport de Rennes a accueilli 30 % de passagers supplémentaires. Même constat pour les trains de nuit. Ils répondent à une demande spécifique mais leur potentiel est faible, ils ne modifieront pas les parts modales.
  • Pour la mobilité quotidienne, les petites lignes sont en France au cœur des discours alors qu’elles n’offrent qu’une modeste perspective de croissance des trafics au contraire des zones métropolitaines. Mais ces dernières supposent des investissements élevés dont les montages financiers restent dans les limbes (Cf Bordeaux, Lyon, Toulouse…).

La seconde raison qui incite à se défier des effets d’annonce est la situation financière et commerciale des entreprises ferroviaires. Avec la crise sanitaire, le trafic ferroviaire de voyageurs a chuté de 50 % en 2020 en Europe. Une reprise se manifeste en 2021 mais la fin de la pandémie ne provoquera pas un retour instantané à la situation antérieure. La contraction de la demande sera durable et il faudra plusieurs années pour retrouver les trafics de 2019. Les voyages d’affaires, en baisse depuis 2008, poursuivront leur décrue. Pour la mobilité quotidienne, la révolution digitale au domicile (travail, loisirs, achats…) incite à un desserrement urbain défavorable aux transports collectifs. Ce qui est certain dans les années à venir n’est pas la revanche du ferroviaire, mais un besoin croissant de fonds, privés mais surtout publics, pour maintenir à flot des opérateurs en grande difficulté.

Le rapport Spinetta (2018) indiquait que le ferroviaire en France nécessitait 14 mds de subventions par an. Contrairement aux espoirs de la loi « Pacte ferroviaire », ce chiffre va devoir augmenter, et plus que les trafics, comme nous l’avions annoncé dans cette revue en 2017 (lire VRT d’octobre 2017). Une hausse liée à la reprise de 35 mds de dette ferroviaire, mais aussi du fait de l’addition de mesures qui se révéleront indispensables et non transitoires : baisse des péages pour le fret ferroviaire, voire pour certains TGV, relance des trains de nuit, soutien accru aux TER et aux TET, maintien de certains services TGV, sans oublier les énormes besoins de renouvellement, de modernisation et d’extension du réseau. L’INSEE définit un service non marchand comme celui qui est gratuit ou vendu à un prix inférieur à 50 % du coût. Le risque est donc de placer le rail sous le régime d’une économie administrée, comme dans le traité de Rome !

• Cour des comptes européenne, Réseau ferroviaire à grande vitesse européen : fragmenté et inefficace, il est loin d’être une réalité, 2018 https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR18_19/SR_HIGH_SPEED_RAIL_FR.pdf
• EVES-Rail report, Economic effects of Vertical Separation In the railway sector, Report to Community Of European Railway And Infrastructure Companies, Full report, 2012
• Nash, C, Smith, A, Crozet, Y, Linke H, Nilsson JE, 2019, How to liberalise rail passenger services? Lessons from European experience. Transport Policy, 79. pp. 11-20. ISSN 0967-070X
• Schapps W., Great British Railways, the Williams-Schapps Plan for Rail, May 2021, 113 p

Monopole naturel, concurrence et coûts de transaction

Le transport ferroviaire relève de ce que les économistes appellent le monopole naturel, c’est-à-dire une activité dont les rendements sont croissants. Une fois construite, l’exploitation d’une voie ferrée est d’autant moins coûteuse que le trafic y est important. Sauf cas particulier, il est peu opportun de construire deux voies ferrées parallèles pour la simple raison que l’efficience des opérateurs serait stimulée par la concurrence. Sur cette base, à la différence des routes et des canaux où divers transporteurs utilisent la même infrastructure, le ferroviaire s’est construit au XIXe siècle sur le modèle du monopole intégré : infrastructure et exploitation des trains dans la même main.

Au départ il s’agissait de monopoles privés sur des segments spécifiques comme le Paris – Lyon – Marseille (PLM). L’extension des réseaux et les difficultés rencontrées par les entreprises privées, notamment après la Première Guerre mondiale, ont conduit dans tous les pays européens à la constitution d’un monopole public intégré à l’échelle nationale. Cette situation atypique était mentionnée explicitement dans le Traité de Rome (1957), le ferroviaire ne relevait pas de l’économie de marché. Cependant, au vu des médiocres résultats du ferroviaire par rapport au succès de la route, l’idée de concurrence a refait surface grâce aux travaux d’économistes qui ont proposé de circonscrire le monopole au domaine de l’infrastructure. Gérer une infrastructure est un monopole naturel. Faire circuler des trains n’en est pas un !

Pour cela il fallait dé-intégrer les entreprises ferroviaires avec d’une part un GI et d’autre part les EF qui utilisent les rails en payant un péage au GI. La tarification de l’infrastructure est aussi un moyen de traiter les risques de congestion sur le réseau, tout en fournissant au GI des recettes le rendant moins dépendant des subventions publiques. Entre le GI et les EF, s’est donc instaurée une relation contractuelle et marchande, au lieu et place d’une simple relation hiérarchique interne à l’entreprise intégrée. Cette révolution des pratiques n’a pas été sans poser la question des « coûts de transaction ».

Les économistes des organisations comme Ronald Coase et Oliver Williamson ont en effet souligné que l’intégration verticale a justement pour but d’éviter les coûts de transaction (information, données, contrôle…), plus ou moins cachés dans les mécanismes de marché. La réduction de ces coûts ne sera pas toujours au rendez-vous comme l’a montré le cas britannique.


Renationalisation : un nouveau big-bang ferroviaire outre-Manche

Le secrétaire d’Etat britannique aux transports William Schapp, a publié en mai 2021 un Livre blanc qui expose comment le système ferroviaire britannique sera entièrement repensé dans les années qui viennent. Une réorganisation indispensable car la pandémie a rendu obsolète le système des franchises. La baisse drastique de la fréquentation pendant des mois, elle reste encore faible à ce jour, a mis à genoux les opérateurs. Le Trésor britannique a dépensé en 2020 12 mds £ (14 mds €) pour sauver le système ferroviaire. La nationalisation concrétise aussi une promesse de Boris Johnson.

Une nouvelle entreprise publique intégrée va donc voir le jour : Great British Railways (GBR). Ce nom magnifie le souvenir de l’ancien opérateur historique démantelé en 1994. A l’heure du Brexit, il s’agit clairement d’un clin d’œil à la fois nationaliste et nostalgique. Mais ce n’est pas que cela. Le Livre blanc constitue en effet un bilan équilibré des 25 années de déréglementation ferroviaire.

Il pointe d’abord du doigt les nombreux dysfonctionnements : manque de lisibilité tarifaire, coûts élevés pour l’usager et les finances publiques, retards et faible qualité de service mais aussi la montée des coûts de transaction via la « culture du blâme » et la multiplication des contentieux entre les différents opérateurs ferroviaires et entre ces derniers et Network Rail, le GI. Face à ces errements, le Livre blanc regorge de promesses d’amélioration faites aux usagers du ferroviaire.

GBR SERA UN OPÉRATEUR INTÉGRÉ, GÉRANT LES VOIES ET LA SIGNALISATION, LA PROGRAMMATION DES TRAINS MAIS AUSSI L’ORGANISATION DES SERVICES ET LA VENTE DE BILLETS

Le Livre blanc insiste ensuite sur la nécessité de conserver les acquis du système des franchises et du partenariat avec les opérateurs privés. Il ne veut pas jeter le bébé du doublement des trafics ferroviaires avec l’eau du bain de la dé-intégration. Concrètement, GBR sera un opérateur intégré, gérant les voies et la signalisation, la programmation des trains mais aussi l’organisation des services et la vente de billets. Ce guichet unique pour les voyageurs, billettique et information, est une réponse à l’une des principales critiques faite au système des franchises. Mais cela ne signifie pas la disparition des opérateurs privés qui vont être transformés en purs tractionnaires, comme cela est pratiqué dans la capitale anglaise par Transport for London (TfL) pour les bus et les métros.

GBR va donc planifier tous les services ferroviaires de voyageurs (le fret restera ouvert à la concurrence entre EF). Après appels d’offre, GBR choisira des opérateurs qui devront faire circuler les trains et sans doute les entretenir dans les dépôts, en respectant un cahier des charges, mais sans contact commercial avec la clientèle. Ce choix vise à réduire les coûts de transaction apparus avec le système des franchises, mais ce ne sera pas une baguette magique. Il en est effet probable que GBR aura besoin d’un temps d’apprentissage relativement long pour trouver les compétences nécessaires à la réalisation conjointe de la planification, du contrôle et de la tarification des services. Les gagnants seront à court terme les employés des franchisés qui pourront intégrer GBR, provoquant de fait un appauvrissement des ressources humaines des opérateurs. Le principal défi de GBR, comme de tout opérateur intégré, sera donc d’éviter les inerties internes et la méfiance à l’égard de l’innovation, tout en la stimulant chez les tractionnaires. Un beau défi !

Ewa

L’Europe soutient la réouverture de la liaison Pau-Canfranc-Saragosse

gare internationale Canfranc départ train espagnol juillet 2014 197

Identifiée comme un chaînon manquant du réseau transeuropéen de transport, la liaison internationale Pau – Canfranc – Saragosse va bénéficier de l’aide européenne. L’Union européenne a en effet décidé, via le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), de subventionner un nouveau programme d’études techniques contribuant à la réouverture complète de cet axe ferroviaire transfrontalier. La décision a été saluée par Alain Rousset, le président du Conseil régional Nouvelle-Aquitaine, qui pousse le projet.

Grâce à une subvention de 2 854 400 €, sur un coût estimé à 8 950 000 €, ce programme d’études comprend les investigations détaillées et les études d’avant-projet de la remise en circulation ferroviaire du tunnel du Somport et le réaménagement complet de la gare de Canfranc. Il vient compléter plusieurs programmes en cours bénéficiant déjà de subventions européennes.

Les procédures administratives préalables aux travaux pourront être initiées en 2022, en vue d’un lancement effectif des travaux en 2024.

Bernard Chubilleau

Ewa

Les eurodéputés bloquent la nomination de Rovana Plumb à la DG Move

Proposée par la Roumanie pour devenir commissaire chargée des transports, Rovana Plumb n'a pas réussie son grand oral devant le Parlement européen l'estime qu'il existe un conflit d'intérêt.

La candidature de la roumaine Rovana Plumb, affiliée au groupe socialiste, pour devenir commissaire européenne des Transports (DG Move) est définitivement écartée. Pressentie pour succéder à Violeta Bulc, Rovana Plumb s’est vu barrer la route vers Bruxelles le 26 septembre par la commission des Affaires juridiques du Parlement européen qui a refusé de valider sa déclaration d’intérêt. Elle est mise en cause pour deux prêts.

Elle ne pourra donc pas être auditionnée par les eurodéputés, étape nécessaire pour pouvoir accéder à la présidence d’une commission de l’exécutif européen, celles des transports en l’occurrence. Plusieurs possibilités s’offrent à la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen : passer outre l’avis négatif du Parlement européen, ou demander aux Etats membres de lui proposer d’autres noms.

En attendant, Violeta Bulc, toujours en poste, annonce le 27 septembre un nouveau plan d’investissement de 117 millions d’euros pour financer 39 projets d’interconnexions ferroviaires et portuaires. Dont les études pour améliorer une section ferroviaire aujourd’hui limitée à 100 km/h, entre Strasbourg et Lauterbourg (Allemagne), sur la rive gauche du Rhin. Ces projets seront soutenus par le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), dispositif financier de l’Union destiné à soutenir les infrastructures de transport.

N. A.

Ewa

Fusion Alstom-Siemens : la Commission européenne donne les raisons de son refus

Margrethe Vestager

Pas l’ombre d’un doute. Pour la Commission européenne, la concentration qui « aurait permis à Siemens et à Alstom de mettre en commun leurs activités en matière de matériel et de services de transport dans une nouvelle société exclusivement contrôlée par Siemens, […], aurait porté atteinte à la concurrence sur les marchés des systèmes de signalisation ferroviaire et des trains à très grande vitesse ». Et, déclare Margrethe Vestager, commissaire chargée de la Politique de concurrence, « la Commission a interdit la concentration parce que les parties n’étaient pas disposées à remédier aux importants problèmes de concurrence que nous avons relevés ».

Les griefs

Les griefs portaient sur deux domaines. La signalisation et les trains à très grande vitesse (plus de 300 km/h). La concentration aurait, selon un communiqué publié le 6 décembre par la Commission, créé le « leader incontesté du marché sur certains marchés de la signalisation et un acteur dominant dans le secteur des trains à très grande vitesse. Elle aurait réduit de manière significative la concurrence dans ces deux domaines, restreignant ainsi le choix des clients, notamment les opérateurs ferroviaires et les gestionnaires d’infrastructure ferroviaire, en matière de fournisseurs et de produits ».

Au cours de son enquête, la Commission indique « avoir reçu plusieurs plaintes émanant de clients, de concurrents, d’associations professionnelles et de syndicats. Elle a aussi reçu des observations négatives de plusieurs autorités nationales de la concurrence dans l’Espace économique européen (EEE). »

Pour les systèmes de signalisation, l’opération envisagée « aurait éliminé un concurrent très puissant de plusieurs marchés de la signalisation pour grandes lignes et lignes urbaines ». Alstom-Siemens serait devenu « le leader incontesté sur plusieurs marchés de la signalisation grandes lignes, en particulier en ce qui concerne les systèmes de protection automatique des trains ETCS dans l’EEE et les systèmes d’enclenchement autonomes dans plusieurs Etats membres ». Et, pour les métros, « l’entité issue de la concentration serait également devenue le leader du marché pour les systèmes de signalisation les plus récents de type CBTC ».

Pour les trains à très grande vitesse, l’opération « aurait réduit le nombre de fournisseurs en supprimant l’un des deux principaux fabricants de ce type de trains dans l’EEE ». L’entité issue de la concentration aurait détenu des parts de marché très importantes « tant au sein de l’EEE que sur un marché plus vaste comprenant aussi le reste du monde à l’exception de la Corée du Sud, du Japon et de la Chine (où le secteur n’est pas ouvert à la concurrence). » Cette réduction « aurait porté préjudice aux clients européens. Les parties n’ont avancé aucun argument étayé expliquant en quoi l’opération aurait généré des gains d’efficacité propres à la concentration ».

Alors qu’on lui reproche d’avoir limité ses vues au marché européen la Commission indique avoir, en particulier, « analysé la concurrence qui pourrait être exercée à l’avenir au niveau mondial par les fournisseurs chinois ». Or, « en ce qui concerne les systèmes de signalisation, l’enquête de la Commission a confirmé que les fournisseurs chinois ne sont pas présents dans l’EEE aujourd’hui, qu’ils n’ont à ce jour même pas tenté de participer à des appels d’offres et que, par conséquent, ils ne deviendront pas des fournisseurs crédibles pour les gestionnaires d’infrastructure européens avant très longtemps ». En ce qui concerne les trains à très grande vitesse, la Commission estime qu’il est « hautement improbable que l’entrée de la Chine sur le marché ne constitue une contrainte concurrentielle pour les parties à la concentration dans un avenir prévisible ».

Or, les « mesures correctives proposées par les parties ne permettaient pas de répondre de manière satisfaisante aux préoccupations concurrentielles de la Commission ».

En particulier, en ce qui concerne les systèmes de signalisation grandes lignes, « le remède proposé consistait en une combinaison complexe d’actifs de Siemens et d’Alstom, certains d’entre eux étant transférés en tout ou en partie, et d’autres cédés sous licence ou copiés ». En conséquence, « la mesure corrective proposée ne consistait pas en une activité autonome et pérenne qu’un acheteur aurait pu utiliser pour concurrencer de manière effective et indépendante l’entreprise issue de la concentration ».

Et, en ce qui concerne le matériel roulant à très grande vitesse, « les parties ont proposé de céder soit un train actuellement incapable de rouler à très grande vitesse (le Pendolino d’Alstom), soit une licence portant sur la technologie à très grande vitesse Velaro de Siemens. La licence était soumise à de multiples conditions restrictives et exceptions, qui auraient, pour l’essentiel, fait obstacle au développement, par l’acheteur, d’un train à très grande vitesse concurrent ».

Mesures correctives insuffisantes

La Commission « a sollicité l’avis des participants au marché sur les mesures correctives proposées. Les retours ont été négatifs dans les deux domaines. Cela a confirmé l’analyse de la Commission selon lequel les mesures correctives proposées par Siemens ne suffisaient pas à remédier aux graves problèmes de concurrence ». Aussi la Commission « a-t-elle interdit l’opération envisagée ».

Ewa

L’UTP active auprès de Bruxelles

A la veille des élections européennes, l’UTP a fait le point devant la presse de ses actions de lobbying passées et futures auprès de la commission et du Parlement européens. Une activité très importante sachant que 80 % de la législation transport découle de l’UE. Un exemple : le quatrième Paquet ferroviaire, sur lequel le Parlement s’est prononcé en première lecture le 26 février et « qui sera le gros du travail communautaire pour au moins les deux, trois années qui viennent »,a précisé Sophie Boissard, sous sa casquette de présidente de la commission Législation et Affaires européennes de l’UTP. Il devrait être adopté en 2015 ou 2016 pour « parachever la libéralisation du transport de passagers sur le marché domestique en open access, comme conventionné, et donner un fondement technique à l’interopérabilité ».Le président de l’UTP, Jean-Marc Janaillac, a rappelé dans un sourire que sur la question de la concurrence, les membres de l’UTP « discutent beaucoup » entre eux pour prendre « des décisions à l’unanimité, c’est parfois long et compliqué »… Et aussi qu’il n’y avait pas d’opposition sur le principe mais sur « l’expression de ses modalités ».

Tel que présenté par la Commision européenne le 30 janvier 2013, le quatrième paquet comprend cinq propositions de règlements et directives, organisées en trois piliers : « concurrence » – et l’UTP défend des conditions d’égalité des armes entre entreprises, la concurrence devant porter sur les savoir-faire commerciaux et industriels, le rapport qualité-prix, l’innovation – ; « gouvernance » qui prévoit le possible maintien des entreprises ferroviaires intégrées et renvoie la définition des « murailles de Chine » entre gestionnaire d’infrastructure et entreprise ferroviaire à celle des régulateurs nationaux ; et enfin « technique » qui initie une démarche progressive vers le certificat de sécurité unique. Sur ce dernier point, « on y va à petite vitesse »,a estimé Sophie Boissard.

Le volet concurrence préfigure la modification du règlement sur les obligations de service public (OSP), dont la nouvelle mouture a intégré plusieurs acquis jugés intéressants par l’UTP concernant le transport conventionné : « La prise en compte des effets de réseaux donc d’un ensemble de lignes y compris des lignes bénéficiaires, c’est important pour le développement des transports publics en Europe ; la protection du secret des affaires, le niveau de compensation des obligations de service public »,énumère Sophie Boissard. Points d’alertes majeurs en revanche : la manière d’attribuer les contrats qui n’est pas décrite, et le principe de réciprocité selon lequel « n’importe quelle autorité organisatrice peut exclure une entreprise qui a plus de 50 % de la valeur de ses contrats attribués sans mise en concurrence. »

Par le passé, deux dossiers ont occupé l’UTP : le règlement aides d’Etat et la nouvelle directive concessions. Concernant les aides d’Etat, susceptibles de fausser le libre jeu du marché, certains secteurs dont les transports publics, directement liés à des subventions publiques, bénéficient d’une exception permanente. « La Commission a eu la tentation d’y mettre fin en 2012,rappelle Jean-Marc Janaillac. A l’issue d’un dialogue soutenu, nous avons pu expliquer qu’il ne s’agit pas d’un passe-droit, mais d’un principe à la base même de l’économie des transports publics ».Quant aux concessions (au sens européen, incluant les DSP), le projet « méconnaissait les spécificités des transports et risquait de créer des rigidités notamment sur la durée des contrats prévue à cinq ans qui a été rallongée à dix ans quand des investissements sont faits ».Des réussites qui laissent espérer un dénouement favorable sur la concurrence ferroviaire, en tout cas en accord avec l’actuel projet de réforme ferroviaire. La date de la bascule dans cet univers inconnu en France est toujours prévue par Bruxelles pour la fin 2022.

Cécile NANGERONI

Ewa

Quatrième paquet ferroviaire : la bataille du rail sur les bancs du Parlement européen

DBgouvernancerail

Les eurodéputés allemands font blocage pour éviter l’adoption de la réforme européenne de la gouvernance du rail.  

« Un complot allemand » pour enterrer la réforme européenne du rail ? C’est en tout cas ce que pense l’eurodéputé UMP, Dominique Riquet, après le report d’un vote sur le « Quatrième paquet ferroviaire » en commission transport du Parlement européen le 26 novembre dernier.

En théorie, les eurodéputés reculent pour mieux sauter : ils devraient se prononcer mi-décembre sur 4 000 amendements et voter en plénière en février. La fenêtre de tir avant les élections européennes en mai est étroite.

Or, dans cette course contre la montre, les Allemands empêchent volontairement l’adoption de compromis pour empêcher un vote sur le volet politique du « Paquet rail », estime Dominique Riquet. Leur objectif serait l’adoption du volet technique de la réforme qui n’est pas conflictuel, et le report sine die des deux questions controversées : l’ouverture à la concurrence du trafic régional passager et la scission entre les activités de transport et de réseaux.

Des ébauches de compromis sur ces deux volets de la réforme sont sur la table : pour libéraliser le trafic passager quelque part en 2019 comme le souhaite la Commission européenne et 2029 comme le propose le rapporteur. Ou encore pour permettre l’attribution directe de marché sous la surveillance d’un régulateur « fort » comme le suggèrent les libéraux.

La séparation entre les gestionnaires d’infrastructures et les opérateurs ne serait plus aussi tranchée, ce qui rendrait la création du groupe SNCF « eurocompatible ». Les tractations actuelles portent surtout sur le contrôle des flux financiers entre filiales, un point sur lequel la Deutsche Bahn est clairement visée.

Le problème est qu’il n’y a pas de majorité claire parmi les eurodéputés. Les rapporteurs ne sont pas suivis par leur groupe : les Allemands de tout bord sont contre, les Espagnols et Italiens pour. Les Français sont divisés. Les UMP sont globalement pour le « paquet ». Les socialistes temporisent en attendant la loi française du rail. Bref, la bataille se joue député par député. Ce qui redonne du temps aux opérateurs historiques pour faire avancer leurs positions.

Nathalie Steiwer

Ewa

L’Union prépare la libéralisation intégrale du rail

C?est la feuille de route de la Commission européenne pour les années à venir. Elle vise « le développement d?un marché unique du ferroviaire » Aux yeux de Bruxelles cela passe forcément pour l’ouverture à la concurrence du trafic passagers domestique, y compris celui des lignes à grande vitesse. L’exécutif européen entend « adopter une nouvelle initiative pour faciliter l’ouverture du marché en 2012 au plus tard ». Une information qui ne constitue pas vraiment une surprise mais plutôt une confirmation, cela fait des mois que les services de la DG Move travaillent sur cette hypothèse ; les acteurs ont d’ailleurs déjà été consultés une première fois. La Commission présentera dès l’an prochain une évaluation des coûts et bénéfices induits par l’ouverture, en y incluant la question des obligations de service public. Elle entend aussi mettre en place des « garde-fous appropriés pour garantir la qualité ».
Au-delà de cette mesure phare, Bruxelles offre à l’occasion de cette communication sur le ferroviaire un diagnostic qui va diriger son action future. « Il n’a pas été possible d’atteindre les objectifs de parts de marché du fret et du transport passagers que fixait le livre blanc de 2001, écrit la Commission européenne. Les résultats attendus de l’ouverture du marché sont lents à se matérialiser. » Bruxelles en impute la responsabilité aux obstacles à la concurrence qui persistent mais aussi aux problèmes de qualité qui continuent d’affecter le ferroviaire. La Commission souhaite donc accélérer la création d’un marché unique basé sur une infrastructure intégrée et des équipements interopérables.
Plus d’ouverture. En sus de l’ouverture du trafic domestique, Bruxelles veut améliorer le fonctionnement du marché, ce qui passe à ses yeux par la refonte du premier paquet ferroviaire, présentée le même jour que la feuille de route. Cette refonte laisse néanmoins de côté un aspect essentiel : la question de la séparation entre gestionnaire d’infrastructure et opérateurs historiques. Le commissaire Kallas promet de se pencher sur la nécessité de renforcer cette séparation en 2012 à l’occasion de l’ouverture du trafic passagers.
Plus de justice dans la concurrence intermodale. Bruxelles le reconnaît noir sur blanc : « Aujourd’hui, il n’y a pas de concurrence équitable et juste entre les modes. » Elle compte sur l’adoption de la nouvelle version de la directive eurovignette pour y parvenir et envisage aussi des mesures pour verdir encore davantage le rail.
Plus d’intégration européenne. La Commission constate le manque de pouvoir et de moyens des régulateurs nationaux. S’appuyant sur le récent règlement sur les corridors prioritaires de fret, l’exécutif européen s’interroge à haute voix sur l’opportunité d’une européisation de la supervision, envisagée pour « plus tard », en ayant bien conscience des levées de boucliers nationaux qu’une telle proposition peut provoquer…
Plus d’argent. Bruxelles promet de mobiliser le plus de fonds possibles, mais évoque aussi la possibilité de créer de nouveaux instruments de financement, avec l’objectif de trouver des ressources supplémentaires. Afin de séduire d’éventuels investisseurs privés, la Commission propose aussi de contraindre les autorités publiques à établir des stratégies d’investissement à moyen et long termes.
Plus d’interopérabilité. C’est l’une des clés pour un marché véritablement ouvert. Cela vise le déploiement d’ERTMS bien sûr, mais le commissaire Kallas a récemment rappelé son intérêt pour des solutions de billetterie intégrées. La Commission s’engage à faire leur promotion.

 

Isabelle ORY

Ewa

Un « code ferroviaire » vise à fluidifier le marché

Prévue pour le mois de juillet, la refonte du premier paquet ferroviaire devait finalement être présentée par le commissaire Kallas vendredi 17 septembre Très attendu, ce nouveau texte vise à fluidifier le marché ferroviaire en supprimant les « faiblesses, ambiguïtés et vides juridiques » des directives existantes, alors qu’en parallèle la procédure d’infraction devant la justice européenne se poursuit contre les Etats-membres qui les ont mal transposées.
Le premier paquet ferroviaire : un cadre pour la concurrence en Europe
Trois directives forment ce premier paquet présenté en 1998 et finalement entré en vigueur en 2003, elles créent le socle sur lequel la libéralisation du marché devait s’opérer. Elles instaurent des gestionnaires d’infrastructures chargés de gérer le réseau et distincts des opérateurs ferroviaires. Elles définissent les conditions d’accès aux réseaux. Les gestionnaires d’infrastructures doivent faire payer l’accès mais aussi garantir un ensemble minimal de services aux nouveaux entrants. Les textes créent également un régulateur ferroviaire.
Pourquoi la révision ?
L’ouverture du marché n’a pas permis d’améliorer comme on l’espérait la compétitivité du rail face à la route. Dans sa résolution adoptée au mois de juin, le Parlement européen mettait les pieds dans le plat « en demandant instamment à la Commission de proposer une révision et en l’invitant à traiter en priorité, les problèmes de l’indépendance des gestionnaires d’infrastructure, de l’insuffisance des ressources et des pouvoirs dont disposent les organismes de réglementation, et à proposer des principes de tarification de l’accès à l’infrastructure aptes à stimuler les investissements publics et privés dans le secteur ferroviaire ». Un bon résumé des problèmes que l’exécutif européen reprend à son compte en insistant sur leurs conséquences : la discrimination qui frappe à tous niveaux les opérateurs qui veulent pénétrer sur un marché.
Que propose la Commission ?
Les trois directives sont refondues pour n’en faire plus qu’une, un « code ferroviaire unique » dans un objectif de clarification.
En ce qui concerne l’accès au marché, la Commission renforce l’indépendance des prestataires de services ferroviaires. Lorsque ces services sont offerts par l’opérateur historique, elle réclame au minimum un management indépendant pour éviter les conflits d’intérêt et faciliter un accès non discriminatoire à tous les concurrents. Si un opérateur propriétaire d’un terminal de service ne s’en sert pas, il doit le proposer à la location, afin d’éviter une saturation artificielle du marché.
Bruxelles entend aussi améliorer la qualité des documents de description du réseau. Ils devront être accessibles dans au moins deux des langues officielles de l’Union européenne et disponibles sous forme électronique depuis le site internet de l’Agence ferroviaire européenne. Ils devront inclure les tarifs pour les services et aussi la méthodologie mise au point par l’Etat membre pour établir le niveau des charges d’infrastructures.
Concernant les régulateurs, la Commission européenne déplore leur manque de moyens et d’indépendance face aux gouvernements qui les ont mis sur pied. Le nouveau texte insiste sur ce point et renforce leur compétence en l’étendant aux services ferroviaires, en leur donnant un pouvoir d’audit sur les compagnies ferroviaires et les gestionnaires d’infrastructures, afin de veiller à la séparation effective des fonctions essentielles.
Enfin, la Commission propose d’introduire des tarifs différenciés pour les charges d’accès au réseau en fonction du niveau de bruit émis par les convois.
 

Isabelle ORY

Ewa

Véhicule électrique : un rapport parlementaire engage l?UE à plus de volontarisme

Gérard Voisin, député UMP de Saône-et-Loire, n?est pas tendre avec la Commission européenne dans son rapport d?information sur le véhicule électrique présenté le 28 juin à la commission des affaires européennes de l?Assemblée nationale Dans ce rapport de 98 pages, le député se penche sur la politique de recherche de certains pays européens comme l’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France en matière d’« électromobilité ». Il fait remarquer que ces pays ont émis un communiqué commun de soutien au véhicule électrique, dans lequel ils demandent à la Commission européenne de financer des projets pilotes. Les quatre pays appellent à « augmenter le travail » visant à obtenir une norme définitive sur l’automobile européenne en 2011. « Nous considérons que le véhicule électrique doit être placé au centre des perspectives de développement et de compétitivité », indique encore le rapport. Se faisant juge de l’action de la Commission européenne, Gérard Voisin déplore tout d’abord la lenteur de la mise en place de normes sur les voitures électriques, que ce soit au niveau des prises pour recharger le véhicule ou de l’accès normalisé aux bornes de recharge ou au niveau des batteries utilisées (le but étant de favoriser la location). Toujours d’après le rapport, il a fallu attendre, par exemple, jusqu’au 15 juin 2010 pour que la Commission européenne propose des normes garantissant la protection des consommateurs (tous les véhicules électriques mis sur le marché en Europe devront êtres fabriqués de manière à protéger les utilisateurs de tout contact avec les parties du véhicule qui sont à haute tension). Gérard Voisin espère aussi que l’UE prendra des mesures pour garantir la liberté du consommateur : ce dernier doit pouvoir recharger son véhicule avec une prise ordinaire, avoir la possibilité d’utiliser un opérateur différent de celui auprès duquel il a souscrit un abonnement pour ses déplacements… La France propose selon lui un des meilleurs modèles de développement : « Le gouvernement français l’a bien compris. Il a rédigé des propositions pour un plan européen en faveur de l’électromobilité qui devrait servir de modèle à la Commission européenne pour élaborer un plan cohérent et ambitieux dans les faits. » « L’ambition française pour l’Europe », qui fait l’objet d’un chapitre entier dans le rapport, n’est pas des moindres. Elle consiste à faire de l’UE un leader mondial de l’électromobilité. Pour y parvenir, le rapport du député UMP propose un plan européen articulé autour de deux priorités : la normalisation et la standardisation des dispositifs de recharge et encourager la recherche scientifique et l’innovation technologique au service des modes de transport durables (en particulier au niveau des batteries). Ensuite, le plan prend en compte les questions de la réduction de la pollution, de la structuration de la demande, de l’intégration de la problématique du véhicule électrique dans l’adaptation des infrastructures (réseau et production).
 

Marie FOUCHÉ

Ewa

Transports publics : l’Union favorable aux concentrations

Après Eurostar en juin, il y a eu pendant le mois d?août le feu vert à l?acquisition d?Arriva par la Deutsche Bahn ainsi que le renvoi de la fusion Transdev/Veolia devant les autorités françaises et néerlandaises de la concurrence. DB/Arriva
Bruxelles a autorisé le rachat de l’opérateur britannique sous conditions. Pour réaliser cette opération ambitieuse, la Deutsche Bahn a dû accepter de se dessaisir de toutes les activités bus et trains d’Arriva Deutschland, alors que, selon la presse allemande, elle aurait aimé en conserver certaines parties. « Cette décision montre que la Commission est ouverte à une intégration transnationale sur les marchés des transports libéralisés récemment, affirme Joaquin Almunia, le commissaire européen chargé de la Concurrence, pour autant que ce type d’opération ne réduise en aucune façon la concurrence sur le marché national de l’acquéreur. » Le gendarme de la Concurrence estime que, « en dépit d’importantes barrières à l’entrée », Arriva est devenu en Allemagne l’un des principaux concurrents de la DB, qui dispose encore de parts de marché très élevées. C’est une autorité indépendante qui sera chargée de vendre Arriva Deutschland et qui désignera en attendant un manager chargé de s’en occuper. Ainsi, la Deutsche Bahn n’aura pas accès aux comptes et à la stratégie d’un de ses futurs challengers. L’achat d’Arriva aura coûté 2,8 milliards d’euros à l’opérateur allemand qui compte boucler la vente des activités en Allemagne d’ici à la fin de l’année. Keolis, Veolia ou encore la holding Benex, qui appartient à la Hamburger Hochbahn, la société qui gère les transports publics à Hambourg, ont déjà exprimé leur intérêt.

Keolis/Transdev
Dans ce cas, le verdict de la Commission est à deux niveaux. Ailleurs qu’en France et aux Pays-Bas, Bruxelles estime que le rapprochement ne nuira pas à la concurrence, y compris dans le secteur du transport international de passagers par autocars, segment sur lequel les deux opérateurs étaient pourtant présents. Dans un second temps, pour ce qui concerne les marchés d’origine des deux entreprises, Bruxelles renvoie la balle aux autorités nationales de la concurrence, à leur demande. Mais le gendarme européen émet néanmoins un avis, en affirmant que, selon son enquête, de nombreux acteurs (aussi bien des clients que des concurrents), craignent que la fusion n’ait une incidence négative sur la concurrence. « Leurs craintes portent sur le chevauchement des activités des parties sur les différents marchés du secteur public en France (transport public urbain, interurbain et transport en Ile-de France) et aux Pays-Bas », écrit Bruxelles dans le communiqué qui accompagne l’annonce de son feu vert partiel. Une manière de mettre Paris et La Haye devant leurs responsabilités.
 

Isabelle?ORY