Billettique: quels modèles pour faciliter la vie des voyageurs?
La France accélère sur le titre unique de transport. Face à une multiplicité d’acteurs (700 AOM, 200 systèmes de billettique), l’État joue les facilitateurs avec la mise en place d’une plateforme nationale d’interopérabilité, conçue avec une vision commune, comme l’a montré la conférence sur la billettique organisée fin avril par VRT.
Face à la fragmentation des systèmes de transport, l’État et les collectivités locales misent sur un titre unique pour simplifier les trajets des voyageurs. « Il s’agit d’une initiative ambitieuse et collaborative de simplification de l’accès aux transports publics sur tout le territoire », estime Mélanie Vergnon, sous-directrice Multimodalité, innovation, numérique et territoires à la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM).
Ce projet s’appuie sur un partenariat entre l’État, les autorités organisatrices de mobilité (AOM) et les usagers. Depuis 2023, une démarche de co-construction est engagée pour adapter des solutions aux réalités locales. « L’objectif est de fluidifier le parcours usager, notamment lors de l’achat de titres », poursuit la représentante de la DGITM.
Combiner plusieurs modes (bus, TER, tram) implique souvent d’utiliser des applications ou des systèmes distincts, ce qui complique le parcours et freine l’usage des transports collectifs. Le projet vise donc à créer un système unifié permettant d’acheter un seul titre pour l’ensemble du trajet.
Mélanie Vergnon rappelle toutefois que titre unique ne rime pas avec « tarif unique » car les AOM conservent la maîtrise de la tarification et des services. « L’État agit comme ensemblier, en construisant un cadre technique garantissant l’interopérabilité, via une plateforme nationale en backoffice. Les usagers pourront ainsi acheter leurs titres depuis leur application locale, tout en bénéficiant de l’intégration des trajets intermodaux », assure l’experte.
Une expérimentation cet été
Les premières briques techniques sont en cours de développement, en vue d’une expérimentation à l’été 2025. Le déploiement se fera progressivement, selon une logique agile et adaptée à l’engagement des territoires partenaires. Cédric Bourgoin, directeur de l’activité Service à la mobilité au sein de l’activité Exploitation et Maintenance d’Egis, insiste sur la nécessité de concevoir ces systèmes du point de vue de l’usager, en l’accompagnant avant, pendant et après son trajet. « La flexibilité est un facteur-clé: les attentes varient selon les trajets – rapidité, confort, coût, empreinte carbone. »
L’ingénieriste insiste par ailleurs sur la nécessaire intégration des services connexes, les parkings relais notamment, pour construire une mobilité cohérente, de bout en bout.
Selma Harri, responsable développement collectivités chez SNCF Connect & Tech, estime de son côté que l’ouverture à la concurrence vise avant tout à accélérer la transition écologique, en transformant le secteur pour réduire les émissions carbone. Elle indique que de plus en plus de régions vont reprendre la compétence de la distribution et devront se doter d’un référentiel de mobilité agrégeant les plans de transport de tous les modes de transport. « Il est essentiel de créer une plateforme unique d’intégration tarifaire, reliant régions, agences de voyages et autres tiers. », souligne-t-elle. Cette plateforme doit unifier les canaux de distribution (physiques et numériques) et garantir un parcours fluide pour le voyageur .
« L’État agit comme ensemblier, en construisant un cadre technique garantissant l’interopérabilité, via une plateforme nationale en backoffice. Les usagers pourront ainsi acheter leurs titres depuis leur application locale.
Mélanie Vergnon, sous-directrice, Multimodalité, innovation, numérique et territoires à la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM).
Elle doit aussi offrir aux régions une autonomie technique, leur permettant de faire évoluer leurs outils sans perturber l’ensemble du système, tout en proposant une tarification personnalisée fondée sur les préférences des usagers.
Pour répondre à ce nouveau marché, SNCF Connect & Tech a lancé au printemps une plateforme d’agrégation en marque blanche – proposant applications, sites et outils de billetterie – baptisée Tesmo, acronyme de Technologie au service des mobilités. Des interconnexions avec la future solution nationale sont déjà envisagées.
Les plateformes indépendantes de distribution comme Trainline, BlaBlaCar ou Uber comptent également sur l’ouverture à la concurrence pour vendre l’offre ferroviaire. Alexander Ernert, directeur des affaires publiques Europe de Trainline, souligne ses effets concrets : sur Paris–Lyon, les capacités ont augmenté de 10 % et les prix ont baissé de 10 % ; en Espagne, la libéralisation a entraîné +55 % de capacités et –40 % sur les prix.
Mais pour que cette dynamique se poursuive, l’accès aux données (horaires, tarifs, connexions) et un système de commissionnement équitable sont indispensables. Alexander Ernert pointe le déséquilibre dans les relations avec la SNCF et regrette que les obligations de relations « raisonnables, équitables et non discriminatoires » posées dans le Code des transports ne s’appliquent qu’au niveau régional.
Pour y remédier Trainline a cofondé ADN Mobilités avec d’autres distributeurs Kombo, Omio (rejoint récemment par Blablacar), avec le soutien de l’Autorité de régulation des transports, afin de défendre un encadrement plus équitable de la distribution de billets à l’échelle nationale.
Il ajoute que Trainline développe aussi des solutions de billetterie en marque blanche pour transporteurs et collectivités. L’entreprise britannique est en discussion avancée avec des opérateurs au Royaume-Uni, où un appel d’offres pour une solution de post paiement devrait être lancé à la mi-mai.
« Dans les transports publics, les marques locales pourraient s’effacer avec le titre unique. Si le service est
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Publié le 12/05/2025 - Valérie Chrzavzez