Lille et Londres, le Val et les Docklands. Deux atouts maîtres de Keolis dans le métro automatique. De quoi rappeler avec force, depuis Londres et devant la presse, la position du groupe sur le métro du Grand Paris. Keolis, on le sait depuis longtemps, sera candidat à l’exploitation, tout comme devrait l’être Transdev : Jean-Marc Janaillac quand il en était le patron, avait déjà manifesté cette ambition.
L’appel d’offres n’est pas lancé et Keolis, avant qu’il ne soit rédigé, a rappelé sa position. Un. La séparation entre exploitant ferroviaire et gestionnaire d’infrastructure prévue par la loi Grand Paris n’a aucun sens dans un métro automatique. Deux. On ne va pas refaire la loi et, puisqu'il faudra découper selon le pointillé, autant que celui-ci soit mis au bon endroit. Que le gestionnaire d’infrastructure fasse de la maintenance patrimoniale, de grands renouvellements, mais que la vie du réseau au quotidien soit sous la responsabilité de l’opérateur : gestion des flux de voyageurs dans les gares, ramassage des objets tombés sur la voie ou, naturellement, gestion des circulations au PCC. Etc. Que l’exploitant joue pleinement son rôle d’exploitant. C’est jusqu’à présent la position de Transdev comme celle de Keolis.
Jean-Pierre Farandou émet de plus des doutes sur l’objectivité d’un appel d’offres dans lequel la RATP, gestionnaire d’infrastructures, serait aussi candidat à l’exploitation. Il menace, si l’appel d’offres n’est pas assez ouvert, de pratiquer la politique de la chaise vide. Pas de recours, dit-il mais un « retrait ».
Les opérateurs ont déjà expliqué leurs positions à longueurs de colonnes et de colloques. Des déclarations de Transdev semblables ont irrité Elisabeth Borne, la patronne de la RATP. Et les opérateurs français se sont dit leurs quatre vérités lors d’une réunion au ministère, le 29 février dernier (lire Lettre confidentielle n° 106). Sans réussir à tomber d’accord.
Si la filiale de la SNCF juge aujourd’hui bon de rappeler sa position, c’est qu’elle a le sentiment que la lecture des textes faite au ministère va plutôt dans le sens de la RATP. Pas surprenant. Le système a été conçu dès l’origine par Christian Blanc, ex-patron de la RATP, pour que l’essentiel revienne à la RATP. Cela peut se comprendre. Depuis des années, avant qu’on ne parle du Grand Paris, elle poursuit des études et fait du lobbying pour un projet qui est historiquement le sien.
Keolis ne souhaite pourtant pas la réécriture de la loi. De peur que le dispositif s’effondre. Or, il a le mérite, avec la société de projet ad hoc et le financement fléché, de permettre la réalisation du réseau. Un Grand Paris Express que Keolis juge indispensable. Il est temps que Paris se dote d’une rocade qui soulage les tronçons centraux. Comme Moscou. Comme Londres.
Keolis occupe une place de choix dans un club mondial des métros automatiques. On y compte une quarantaine de membres, sur quelque 160 réseaux de métros. Lille et Londres ne sont pas tout. Keolis exploite aussi la ligne D, à Lyon, ou le Val de Rennes. S’y ajouteront, l’an prochain, les métros d’Hyderabad et de Shanghai. En Inde, l’exploitant attend le feu vert des autorités pour commencer. En Chine, la construction de la ligne 8.3 s’achève. Keolis se présente donc comme le leader mondial du métro automatique. Rang que la RATP conteste, préférant compter en millions de passagers plutôt qu’en dizaines de kilomètres. On ne tranchera pas. Mais ce n'est pas le seul motif de fierté de Keolis. Il y a aussi la performance de ses réseaux. Exemple, les intervalles pratiqués à Lille : 66 secondes entre deux trains à l’heure de pointe, autre record revendiqué, inégalé selon Keolis et quasi imbattable… puisqu’un intervalle inférieur à cet optimum mettrait la belle mécanique à la merci du moindre aléa d’exploitation. Le groupe revendique en outre le rôle de pionnier. Le Val de Lille est automatique depuis ses débuts en 1983. La ligne D automatique de Lyon remonte à 1991. Les deux systèmes ont précédé la très célèbre ligne 14, ouverte en 1993. Sans avoir le même impact. Paris sera toujours Paris.
C'est pourquoi la ligne 15 Sud du Grand Paris Express, la première du nouveau réseau qui sera attribuée, est déjà fortement disputée. Et, même si cela comporte des risques, la filiale de la SNCF souhaite, pour l'image de la France et, par ricochet, pour la sienne, une large ouverture à la concurrence. Transport for London l’a fait. Le Stif doit le faire aussi : pour être un succès, l’appel d’offres du Grand Paris Express devra attirer des entreprises comme MTR (société du métro de Hongkong).
Les ambitions en métro automatique de Keolis ne se limitent pas à Paris. Il y a des échéances immédiates très importantes. En France, Lille (voir dans cette même Lettre), où Transdev et Keolis s’affrontent durement pour le renouvellement de la DSP. Au Moyen-Orient, Riyad et Doha. C’est en cette fin d’année la saison de remise des offres. A Riyad, la RATP et Keolis sont concurrents. A Doha, ils sont alliés. Si, en 2017, Keolis parvient à garder Lille et à gagner l’un des deux métros du Moyen-Orient, Jean-Pierre Farandou sera un homme heureux. En attendant le Grand Paris.
F. D.