Cinq ans après l’ouverture de ses premières données au compte-gouttes, la SNCF ouvre cette fois massivement le robinet à data avec 114 nouveaux jeux ouverts le 19 avril, portant à près de 200 le total des jeux de data disponibles sur sa plateforme pour les développeurs. Le même jour, elle a rendu publique une charte en six points qui vise à encadrer sa pratique de transparence.
Les nouvelles données proviennent en majorité de SNCF Réseau, avec 95 jeux de données ouverts. Elles concernent la description de l’infrastructure : caractéristiques des lignes, ouvrages d’art, passages à niveau, traversées voies piétons, ainsi que les travaux hebdomadaires. Sont également publiées des données sociales, environnementales, sociétales et financières.
Des données qui ont un intérêt pratique. « Celles sur la géolocalisation de tous les passages à niveaux permettront notamment aux développeurs d’applis routières de signaler le danger », souligne ainsi Guillaume Leborgne, directeur du programme Transparence et de l’Open data à la SNCF. Concernant SNCF Mobilités, 19 nouveaux jeux de données sont ouverts, portant sur les tarifs (TER, Intercités et TGV), les menus des bars TGV, les acronymes utilisés à la SNCF… Toutes seront mises à jour et enrichies régulièrement dans le site accessible à tous https://ressources.data.sncf.com.
L’entreprise recense « plusieurs dizaines de milliers d’utilisations de [ses] données chaque mois, assure Guillaume Leborgne. Il y a notamment 5 500 comptes utilisateurs pour l’API SNCF avec les horaires temps réel de tous les trains ». Les clients ? Ce sont par exemple les appli des sociétés de taxis qui envoient les chauffeurs aux gares à l’arrivée des trains, ou encore celles liées à des calculateurs d’itinéraires. « Loi Macron, loi Valter, loi Lemaire… Le fait d’avoir anticipé nous permet de répondre de manière assez satisfaisante à ces trois lois et même d’aller au-delà dans bien des domaines », poursuit-il.
Il n’y a pourtant pas si longtemps, la SNCF se faisait tirer l’oreille puisqu’elle répugnait à ouvrir ses données commerciales TGV. Il y a encore deux ans, seuls 52 jeux de données étaient proposés. Et ce qu’elle diffuse à ce jour en la matière n’est ni exhaustif, ni brut mais sous forme d’API (ce qui nécessite une inscription), ni totalement gratuit (le service devient payant au-delà d’un seuil de requêtes mensuelles, selon le modèle freemium adopté par la SNCF).
Encore faut-il rappeler que les modalités pratiques de l’ambitieux dispositif de la loi Macron, qui prévoit que les opérateurs de services réguliers de transport comme de services de mobilité diffusent « librement, immédiatement et gratuitement » dans un « format ouvert », des informations portant sur leurs arrêts, horaires théoriques et temps réels, tarifs, accessibilité, disponibilité et incidents, devait être précisé par un décret qui n’est toujours pas publié 18 mois après… Les grands groupes freinent des quatre fers, arguant que cela ferait de la France le seul pays du monde à offrir ses données, sous entendu en pâture aux Gafa…
En attendant, la SNCF a édicté son propre règlement. Sa charte établit « le fait que nous voulons une ouverture par principe et non par défaut », insiste le directeur de l’Open data. Autre grand principe : le degré d’ouverture est fonction de la sensibilité des données. Une idée simple : toute donnée déjà disponible sur Internet, qu’elle soit diffusée par l’entreprise ou l’un de ses donneurs d’ordre devrait être disponible en open data.
Enfin, elle réclame aussi une responsabilisation des porteurs de données. Ainsi les données ouvertes sous licence SNCF Open data donnent des droits et des devoirs. Les réutilisateurs de données « sont libres d’utiliser, de partager et de modifier les données ouvertes par SNCF sous condition de diffuser les modifications apportées aux données dans les mêmes termes », édicte ainsi le sixième principe de la nouvelle charte interne.
Il n’en reste pas moins que c’est fin 2012 que tout a commencé, avec un hackathon chez Transilien et la création de la plateforme. En 2014, la SNCF a décidé de se doter d’une politique de transparence et signé un partenariat de trois ans avec Transparency International. On peut notamment se régaler de la publication de plus de 300 courriers reçus et envoyés par la Présidence, depuis décembre 2014 ou de celle des comptes rendus des conseils d’administration de SNCF mobilité et réseau. De ses archives aussi : après près de 2 000 documents (films, affiches et photographies) disponibles, la SNCF numérise des fonds d’archives entiers pour les historiens et les chercheurs.
« Le sujet transparence ne va pas de soi pour une entreprise à très forte culture sécuritaire, il s’est cependant imposé comme une composante du paysage interne », reconnaît-elle dans son communiqué. Elle souligne d’ailleurs qu’il suscite un intérêt à l’international : « Les CFF se sont inspirés de notre politique. Le département Transparence/Open data accompagne le ministère des Transports anglais dans sa volonté de mettre en place le même type de programme pour ses franchises ferroviaires. L’open data est par ailleurs un sujet de collaboration avec la DB dans le cadre d’un MOU digital. »
C. N.