Michael Cramer, le président (Verts) de la commission des Transports du Parlement européen, critique le volet social du 4e paquet ferroviaire adopté mi-décembre, et la concurrence du rail qui, selon lui, ne sera pas loyale.
VR&T. Le quatrième paquet ferroviaire européen a enfin été adopté, sous les coups de sifflet des cheminots qui parlent de porte ouverte au dumping social. Ont-ils raison ?
Michael Cramer. Oui, ils ont raison. Le volet social est vraiment le point faible de ce paquet. Nous aurions voulu qu’il intègre une clause de reprise du personnel aux mêmes conditions en cas de changement de prestataire. Parce que sans cela, nous craignons que la concurrence ne se fasse que sur la base des coûts et non pas sur la qualité du service. Or, nous ne voulons pas que la concurrence dans le rail ait les mêmes conséquences sociales que celles qui a eu lieu dans l’aviation ou dans le transport routier. Oralement, y compris au sein de la commission des Transports, tout le monde est d’accord pour dire que les aspects sociaux sont importants. Mais quand il s’agit de légiférer, c’est autre chose. C’est pourquoi nous ne sommes pas parvenus à trouver une majorité pour défendre notre position. Le groupe des Verts est critique vis-à-vis de ce résultat.
VR&T. Le paquet va-t-il introduire une réelle concurrence sur le rail ?
M. C. C’est un autre point faible, il n’y aura pas une vraie concurrence à l’échelle européenne. Certains pays soutiennent la concurrence à l’extérieur, mais pas chez eux. Certaines compagnies réalisent 40 % de leur profit à l’étranger mais sont protégées chez elle et bénéficient d’une attribution directe des contrats. Ce qui leur permet de gagner des marchés hors frontières. Ce n’est pas une concurrence loyale. Beaucoup d’exemptions dans le paquet ferroviaire permettront de perpétuer cette situation.
VR&T. La Commission européenne doit présenter un important paquet routier l’année prochaine. Qu’en attendez-vous ?
M. C. Il devait se trouver sur la table il y a deux ans, puis l’année dernière, puis cette année. Maintenant on évoque courant 2017. Personne ne sait, et personne ne sait ce qu’il y aura exactement dans ce paquet. Ce que nous voulons, à la commission des Transports, c’est un paquet avec une dimension sociale, une dimension environnementale et des dispositions qui permettent une concurrence loyale. Aujourd’hui, la concurrence entre les modes de transport est faussée. 100 % du réseau ferroviaire est soumis à péage et seulement 1 % du réseau routier. J’ai demandé à la commissaire aux Transports [Violeta Bulc, NDLR] si elle allait rendre les péages obligatoires sur tout le réseau routier. Non. Je lui ai suggéré alors de supprimer l’obligation de redevances ferroviaires, pour bâtir une concurrence loyale. Mais cela, elle ne le fera pas. En Allemagne, les péages routiers ont diminué de 13 % au cours des trois dernières années. Ils ont augmenté de 16 % sur le rail durant la même période.
Propos recueillis par Isabelle Smets