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Ewa

« Nous comptons porter l’activité internationale de Captrain France de 5 % à 25 ou 30 % »

sortie atelier

Le 1er janvier dernier, VFLI est devenu Captrain France. La filiale de droit privé de la SNCF cherche à développer son activité en Europe dans une logique de coopération avec le réseau des entreprises ferroviaires constitué autour de Captrain en Europe. Explications avec Stéphane Derlincourt, le président de Captrain France.

Ville, Rail et Transports. Pourquoi avoir changé le nom de VFLI pour celui de Captrain ?

Stephane DerlincourtStephane Derlincourt. Depuis le 1er janvier VFLI est devenu Captrain France. Ce n’est pas pour une question d’image car VFLI enregistrait des taux de satisfaction élevés.

Mais nous souhaitons désormais évoluer sur un terrain de jeu plus large que notre seul marché domestique. En effet, le terrain de jeu du ferroviaire est la longue distance. Les flux sont plutôt européens que franco-français.

La marque Captrain est un réseau d’entreprises ferroviaires en Europe, constitué depuis une dizaine d’années par le groupe SNCF. Il y en a en Allemagne, en Italie, en Belgique… et dans l’est de l’Europe. Le but est de constituer, à terme, un réseau maillé à l’échelle européenne.

Captrain France se positionne comme la pièce manquante en France dans le réseau européen. Il s’agit de donner de la visibilité à notre entreprise. VFLI était bien connue en France mais manquait de visibilité en Europe.

Nous avons changé de nom, mais nous restons les mêmes, fortement engagés avec le souhait de faciliter l’accès au rail pour nos clients, dans une logique de report modal pour respecter la planète et aider l’économie française.

VRT. Qu’attendez-vous de ce réseau européen ?

S. D. Avec Captrain France, nous ne changeons pas notre ADN, qui est avant tout d’être proches de nos clients, mais nous souhaitons nous développer à l’international. Nous disposons de 70 chefs de sites aux petits soins pour nos clients. Avec un effectif de 1 000 salariés, nous restons une entreprise à taille humaine et nous allons sur le terrain. Pour résumer, nous sommes des entrepreneurs dans une logique de start-up.

Une coopération existait déjà entre VFLI et les différentes entreprises du réseau. Aujourd’hui, nous regardons quels sont les flux pour lesquels nous pouvons proposer une offre ferroviaire, dans le cadre d’un report modal de la route vers le fer.

Sur l’activité cargo nous avons réussi à développer quelques business, comme un train combiné avec Captrain Italie pour relier la région parisienne à l’agglomération de Milan. Nous envisageons des coopérations avec l’ensemble des Captrain en Europe dans les 12 mois qui viennent.

Notre objectif est d’offrir un service sans couture, dans une logique de coopération entre les différentes Captrain en Europe.

VRT. Avez-vous des objectifs chiffrés ?

S. D. Dans les trois années qui viennent, nous comptons réaliser de 25 à 30 % d’activité internationale alors qu’aujourd’hui celles-ci ne représentent que 5 % du total. Nous le ferons en coopération avec les autres entreprises du réseau Captrain.

Nous comptons aussi profiter des différents plans de relance pour nous développer. Nous ressentons de la part des clients mais aussi la société tout entière un besoin fort en faveur du ferroviaire. Il y a aussi de plus en plus d’incitations qui poussent les entreprises à se tourner vers le rail.

VRT. Quels résultats avez-vous enregistrés en 2020 ?

S. D. Le chiffre d’affaires en 2020 s’élève à 159 millions d’euros. En comparaison, en 2019, année atypique avec un mois de décembre quasi à l’arrêt, nous avions réalisé 152 millions d’euros d’activité.

2020 a été ponctuée par des épisodes difficiles : il y a d’abord la suite des grèves contre la réforme des retraites, puis, à partir de mars, la crise sanitaire. Le premier confinement a représenté la période la plus compliquée car complexe à appréhender et anxiogène. Mais nos équipes ont répondu présents jour après jour, et on peut dire avec courage, car on ne savait rien alors sur le virus.

Beaucoup d’activités se sont retrouvées à l’arrêt car elles sont liées à notre périmètre de marché qui est composé de trois activités : notre activité cargo (que l’on appelle Captrain Cargo et qui représente les trois quarts de notre chiffre d’affaires) a été fortement touchée : si les activités liées à l’automobile et à la chimie ont fortement reculé, celles de la grande consommation, ainsi que l’eau minérale et le combiné, se sont maintenues.

Le reste de notre chiffre d’affaires se partage entre une activité de desserte et de manutention dans les ITE (installations terminales embranchées) et une activité travaux avec la mise à disposition de ressources pour que des entreprises de travaux des voies puissent mener des chantiers. L’activité travaux a été quasiment à l’arrêt pendant deux mois et nous avons dû recourir au dispositif de chômage partiel.

Aujourd’hui, Captrain France est l’une des rares entreprises ferroviaires en France à offrir ces trois types d’activités. Rares sont celles qui savent offrir du cargo, de la proximité et des travaux. Nous souhaitons poursuivre sur ces trois axes.

VRT. A combien estimez-vous votre manque à gagner du fait de la crise ?

S. D. Au-delà du confinement, l’impact sur notre business continue de se faire sentir notamment dans l’automobile et dans le combiné maritime car les récoltes de céréales n’ont pas été de bonne qualité en France, ce qui a impacté notre client Cargill et ce qui nous a affectés. Entre les différents effets de la crise et les effets du marché, il va nous manquer 20 millions d’euros de chiffre d’affaires par rapport à nos prévisions.

Nos dernières estimations ne nous laissent pas penser qu’on ne va pas dégrader le capital de Captrain France. En 2020, au-delà de nos efforts, nous avons en effet également bénéficié d’un soutien de la part de l’Etat avec la gratuité des péages au second semestre.

Les mesures d’économies que nous avons mises en place et les aides de l’Etat vont nous permettre de terminer l’année et d’avoir la capacité d’investir dans les prochaines années pour nous développer.

VRT. Votre portefeuille d’activités a-t-il évolué ?

S. D. Notre portefeuille commercial a évolué : nous avons perdu des marchés, notamment le trafic Danone qui a réduit ses volumes ferroviaires ainsi que le trafic de Cargill.

Mais depuis la mi-décembre, nous avons réussi à gagner des volumes de fruits et légumes à températures dirigés à 140 km/h pour notre client Froid Combi.

Nous avons aussi récupéré depuis début janvier un nouveau trafic opéré par Via avec un premier train semi-remorque sur autoroute ferroviaire. Nous souhaitons en effet nous développer sur les autoroutes ferroviaires car elles offrent la possibilité de transporter des camions à des prix compétitifs et facilitent l’accès au rail.

Citons encore les trains que nous organisons entre le nord-est de la France et le sud-ouest, avec trois allers-retours par semaine, pour un trafic de bois de trituration en vue de leur transformation. Ce sont des volumes nouveaux que nous avons captés et qui sont passés au train. L’intérêt du mode ferroviaire est de permettre l’évacuation rapide de ce bois qui est attaqué par les insectes.

VRT. Quelles sont vos relations avec Fret SNCF ?

S. D. Avec Fret SNCF, nous sommes parfois en compétition, parfois en coopération. Parfois, nous nous retrouvons tous deux en final sur un marché. J’en suis fier car cela montre que le groupe SNCF dispose de belles entreprises.

Dans le cadre de la coalition avec 4F (une alliance regroupant les acteurs du fret ferroviaire pour le promouvoir, dont font partie Captrain France et Fret SNCF mais aussi des opérateurs privés, ndlr), des travaux ont été menés sous l’angle des investissements à réaliser dans les infrastructures et sous l’angle des aides à l’exploitation.

Nous avons obtenu une baisse de 50 % des péages en 2021 pour l’ensemble des entreprises ferroviaires, ainsi que des mesures de soutien au wagon isolé, accordées à celles qui en acheminent, donc Fret SNCF au premier chef. S’y ajoutent des aides au coup de pince, qui vont être pratiquement doublées. Et une réflexion est en cours pour soutenir les entreprises ferroviaires qui investissent dans du matériel. Ces dispositifs vont favoriser le développement du fret ferroviaire.

Il faut aussi obtenir des aides européennes, que ce soit pour les locomotives, pour les infrastructures ou pour mettre en place des solutions de contournement des grandes agglomérations. Il faut enfin travailler avec SNCF Réseau (ce que nous faisons) pour que les travaux sur les voies aient moins d’impact pour le fret ferroviaire.

VRT. Disposez-vous de suffisamment de conducteurs ?

S. D. Il va nous falloir des moyens pour nous développer. On investit beaucoup dans nos centres de formation et nous cherchons à nous faire connaître dans le monde du travail.

Nous recevons chaque année 35 000 CV. Mais cela reste difficile de recruter et la plupart des personnes embauchées ne connaissent rien au ferroviaire. Nous recrutons annuellement en CDI 150 personnes, que nous intégrons dans nos cursus de formation. Pour former un conducteur il faut quasiment un an. C’est donc un investissement important, un vrai engagement.

Nous essayons d’adapter nos formations et de travailler nos process pour être attractifs en proposant de plus en plus de stages sur le terrain et des entraînements sur des simulateurs. Et nous proposons le plus vite possible des affectations. La visibilité sur l’affectation est importante pour nos recrues car beaucoup sont attachés à leurs régions d’origine et souhaitent y être affectés.

Chacun de nos 70 sites a un responsable. 80 % de ces chefs de site sont issus de la promotion interne. Nous faisons en sorte d’offrir à nos salariés des perspectives d’évolution dans leur parcours.

VRT. Quelle est votre politique en matière de matériel roulant ?

S. D. Nous louons nos locomotives et essayons de nous tourner vers le mode électrique. Mais nous avons aussi été les premiers en France et même en Europe à acheter une locomotive hybride que nous exploitons. Nous avons prévu d’en acheter d’autres, mais comme c’est onéreux, nous devons le faire en fonction de nos capacités.

Nous cherchons à réduire notre empreinte carbone en utilisant des biocarburants et en formant nos personnels à l’écoconduite. Nous nous intéressons aussi à la solution hydrogène.

En attendant, il ne faut pas oublier que quand on assure un transport de fret en train, on consomme six fois moins d’énergie et on émet neuf fois moins de CO2 qu’un poids lourd. Sur 1 000 km, ce sont 1 000 kg de CO2 économisés.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

Urgence en Grande couronne, selon l’Essonne

A12 bus

Faut-il en revenir à l’écotaxe ? C’est l’une des propositions que fait François Durovray, président du Conseil départemental de l’Essonne, dans un Rapport sur les mobilités en Grande couronne. Présenté le 10 février, cosigné par six députés et trois sénateurs du département, le rapport juge que les besoins de financement sont « immenses » en Grande couronne et demande, selon l’expression inévitable, un « plan Marshall ».

Le constat ? Les conditions de transport sont inéquitables, au détriment des départements de Grande couronne francilienne. Certes, des « investissements sans précédent » ont été consentis dans la région permettant le renouvellement des trains ou le Grand Paris des Bus. Certes, le Pass Navigo a été dézoné. Et le CPER répartit mieux les investissements régionaux. Pas assez cependant pour rattraper le retard et s’affranchir d’un « système de transport à deux vitesses » au détriment de la Grande couronne. Peu d’emplois y sont localisés, et les trajets domicile – emploi que doivent faire les habitants sont donc très importants. « Pour la grande majorité d’entre eux l’usage de la voiture n’est pas un choix, il est subi et représente un coût non négligeable. » Le texte dénonce, de ce fait, les conséquences sur ces habitants de la « politique nombriliste » antivoiture de Paris. Argumentation connue, ce qui ne veut pas dire qu’elle est fausse.

Il y a bien le réseau ferroviaire, mais entre 2010 et 2018, l’offre a crû de 2 %, tandis que la fréquentation croissait de 10,4 %. L’offre dans le métro croissait dans le même temps de 5,4 %, et la fréquentation de 3,6 %… Le Grand Paris Express, qui a représenté une part considérable de l’effort va bientôt venir. Mais, « sur les 68 gares du réseau 15, seulement, seront situées en Grande couronne ». Quant à l’automobile, les encombrements hors boulevard périphérique explosent… Aujourd’hui, « les habitants de la Grande couronne payent plus cher pour se déplacer dans des conditions médiocres, qui continuent de se dégrader ». Les écarts se creusent, d’où une « souffrance sociale absolument pas prise en compte dans les décisions publiques structurantes pour l’avenir des réseaux d’Ile-de-France. » Cela ne va pas s’arranger tout seul, puisque « les emplois continuent de se concentrer principalement dans le cœur de l’agglomération alors que les populations augmentent partout dans sa périphérie ».

Pour réduire la « fracture toujours plus grande entre l’hypercentre et la Grande couronne », l’Essonne parie sur la route, qui offre des « extraordinaires possibilités d’innovation ». Le réseau magistral doit, à terme, pouvoir accueillir et faciliter d’autres usages que la voiture : bus, covoiturage, taxis aujourd’hui et, plus tard, navettes autonomes, trains de véhicules, etc. « Les aménagements de voies réservées sur les autoroutes doivent être accélérés et doivent constituer un véritable réseau. »

Et « ce nouveau réseau s’appuiera sur les infrastructures routières existantes, et en particulier sur le réseau routier national qui structure d’ores et déjà la Grande couronne ». Des propositions en droite ligne avec la consultation internationale Les Routes du futur Grand Paris achevée en octobre 2019.

De plus, alors que la gouvernance de la mobilité dans la région est « historiquement centrée sur le réseau métropolitain », les compétences d’Ile-de-France Mobilités pourraient être étendues à la circulation routière pour correspondre à cette nouvelle organisation multimodale. Le Pass Navigo deviendrait alors un vrai Pass Mobilités. Pour réaliser les investissements, le rapport pose la question d’un outil dédié, coordonné entre les collectivités, en prenant pour modèle la Société du Grand Paris.

Reste à trouver l’argent… Il s’agit déjà de prendre date, pour que la Grande couronne ne soit pas oubliée du « plan de relance inédit » du gouvernement. Au-delà, la proposition de l’Essonne rappelle plusieurs pistes. Augmenter la part de la TICPE affectée à Ile-de-France Mobilités, regarder les potentiels de récupération de la plus-value immobilière générée par l’amélioration du système de transport, notamment le réseau du Grand Paris Express. Il faudrait aussi que « les acteurs de la livraison en ligne contribuent au financement des réseaux de transport ». Le rapport souligne enfin que « la taxation des poids lourds et du transport routier en général a peu évolué en France, contrairement aux autres pays européens » : le débat de l’écotaxe doit être rouvert. Proposition immédiatement rejetée par la FNTR, dont un communiqué dénonce « la fausse bonne idée ». Pour la FNTR, « cette écotaxe viendrait s’ajouter à d’autres taxes régionales comme celle sur les surfaces de stationnement, et pénaliserait fortement le secteur et sa compétitivité ». Dialogue de sourds habituel. Bon courage, Monsieur Durovray.

F. D.

Ewa

Vélo ou vélo-cargo. Le double visage de la cyclo-logistique

Velo cargo Bluebird

Vélos-cargos d’un côté, simples vélos de l’autre. La distinction recoupe une profonde différence sociale : d’un côté des salariés d’entreprise ou co-entrepreneurs, de l’autre des auto-entrepreneurs précaires qui rusent souvent avec les règles pour s’en sortir. Les premiers sont encensés, les seconds décriés. Mais cela vaudrait la peine de se pencher sur le sort d’une activité aux nombreux livreurs et au métier risqué.

Par Laetitia Dablanc

Il s’agit vraiment d’un Tale of Two Cities : la cyclo-logistique est encensée comme le futur d’une logistique urbaine propre et responsable, mais une autre version des livraisons à vélo est au contraire accusée de tous les maux, car « ubérisée » et socialement néfaste.

Cette distinction recoupe, quoiqu’imparfaitement, la distinction entre les vélos-cargo d’entreprises militantes de la logistique urbaine durable, vélos à assistance électrique, biporteurs ou triporteurs avec un conteneur ; et les simples vélos (parfois vélos en libre-service) des livreurs auto-entrepreneurs des plateformes numériques, qui n’ont pour conteneur que le sac à dos coloré et fluorescent des marques de « livraison instantanée » pour lesquelles ils travaillent.

La première cyclo-logistique, celle des vélos-cargo, fait l’objet de toutes les attentions des municipalités européennes. Elle bénéficie d’un festival international annuel (International Cargo Bike Festival, https://cargobikefestival.com/) et d’une forte image de marque. Les collectivités locales françaises veulent valoriser ces entreprises, représentatives à leurs yeux d’une mobilité durable et d’un modèle social respectueux (conditions de travail, statut des salariés, engagements pour la sécurité et la formation). A Berlin, l’initiative KoMoDo réunit les prestataires de transport de colis (DHL, Hermes) autour d’un réseau de micro-hubs permettant la cyclo-logistique.

A Montréal, l’initiative Colibri réunit des startups de cyclo-logistique et est soutenue par la municipalité.

La ville de New York, navigant entre les injonctions contradictoires de l’Etat de New York (qui a toujours restreint l’usage des vélos électriques pour des raisons de sécurité, pour finalement les autoriser en avril 2020 alors que le confinement rendait de plus en plus absurde l’interdiction qui était faite aux livreurs de se faire assister par une batterie) a lancé un programme avec Amazon, DHL et UPS pour l’usage de vélos-cargo tri et quadriporteurs dans Manhattan.

Un peu d’histoire récente : la renaissance des vélos-cargo dans les villes européennes doit beaucoup à la logistique urbaine française du début des années 2000. En 2001, la société La Petite Reine a lancé des triporteurs à assistance électrique (fabricant Lovelo) d’abord pour des commerçants parisiens, puis pour des expressistes (DHL et FedEx). Elle s’est installée dans l’un des premiers « espaces logistiques urbains » souterrains de la capitale (dans le parking Saint-Germain l’Auxerrois, bénéficiant d’un contrat d’occupation du domaine public) et a d’emblée embauché des personnes en réinsertion. En 2011, Star Service, l’une des « success stories » françaises de la logistique du dernier kilomètre, a acquis 51 % des parts et opère aujourd’hui avec 100 triporteurs (auxquels se sont ajoutées des fourgonnettes électriques). L’entrepreneur à l’origine de la Petite Reine est aujourd’hui derrière le projet de logistique urbaine Fludis, qui associe une barge et des vélos-cargo. Les autres grands noms du secteur sont : Olvo, constituée en coopérative ; Les Triporteurs de l’Ouest à Rennes et Nantes et dans huit autres villes françaises (à ce jour) ; AppliColis, une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) créée à Toulouse, qui vise à devenir un réseau fédérateur permettant aux entrepreneurs de vélos-cargo de travailler sur une plateforme commune et de mutualiser la recherche d’affaires, la communication, le lobbying.

LA RENAISSANCE DES VÉLOS-CARGOS DANS LES VILLES EUROPÉENNES DOIT BEAUCOUP À LA LOGISTIQUE URBAINE FRANÇAISE DU DÉBUT DES ANNÉES 2000

Les coopératives de livreurs à vélo se développent parce qu’elles permettent de donner aux livreurs un statut de salarié sans lien de subordination, tout en permettant de mutualiser des biens et des services. La fédération CoopCycle réunit des coopératives de livraison en France (Olvo à Paris, Toutenvélo à Caen, BeeFast à Amiens, Tours’N Messengers à Tours, etc.) mais aussi en Allemagne, en Belgique, au Canada. L’association loi 1901 Les Boîtes à Vélo fédère 170 professionnels de la cyclo-logistique en France. Toutes ces initiatives se revendiquent du secteur de l’économie sociale et solidaire, mais leur modèle économique est souvent fragile. Les entreprises de vélos-cargo, notamment celles qui livrent dans les villes denses comme Paris ou Lyon, ont par ailleurs parmi leurs défis celui de trouver des locaux en ville : la cyclo-logistique avec conteneurs, qui effectue plutôt des tournées que des courses, nécessite des lieux de stationnement et de recharge des véhicules ainsi que de préparation des livraisons. En ce qui concerne les matériels, les vélos-cargo utilisés en Europe (et limités à 250 W) ont la caractéristique d’être majoritairement fabriqués en Europe : Pays-Bas, Suède, France… En France, les fabricants sont nombreux, ce qui veut dire aussi que cette industrie est fragmentée. Le site applicolis.fr recense – et ce n’est pas exhaustif – six constructeurs de biporteurs, neuf de triporteurs et six de remorques pour vélo. Les plus volumineux (VUF, Lovelo) coûtent au moins 6 000 euros. Les K-Ryole, utilisées notamment par Stuart (groupe La Poste), peuvent transporter jusqu’à 250 à 500 kg de marchandises. En dehors des start-up « pures », militantes dès l’origine de la logistique à vélo, des sociétés de transport et de courses plus traditionnelles se mettent également sur le marché de la cyclo-logistique. Coursier.fr, positionné sur les livraisons B2B haut de gamme à Paris, emploie 60 coursiers à vélo et 15 coursiers à vélo cargo, en addition à ses activités plus traditionnelles de livraison en deux-roues motorisé ou véhicule utilitaire. On a vu aussi l’évolution de Star Service avec le rachat de la Petite Reine. Du côté des gros acteurs (DHL, UPS, Geodis, …), les vélos-cargo font une entrée dans la gamme de véhicules utilisés en ville.

Une caractéristique majeure des initiatives de vélos-cargo est l’emploi de livreurs salariés (via le salariat traditionnel ou la coopérative). C’est ce qui les différencie de « l’autre » cyclo-logistique, celle des plateformes numériques de mise en relation. Ce sont dans ce cas des auto-entrepreneurs, dont beaucoup de précaires1. Cette logistique est aux deux tiers à vélo, en tout cas à Paris, terrain pour lequel on a des chiffres fiables2. Aux deux tiers seulement, alors que théoriquement ces livreurs ne peuvent utiliser que le vélo lorsqu’ils n’ont pas de licence de transport routier de marchandises (ce qui est le cas de la quasi-totalité d’entre eux). Ce métier de livreur autoentrepreneur, payé à la tâche, circulant souvent avec un vélo de mauvaise qualité qu’il leur faut parfois transporter dans le train ou le RER pour les livreurs habitant en banlieue, est décrié et l’objet de nombreux débats et propositions (mission Frouin en France, référendum californien sur la « proposition 22 » aux dernières élections américaines). En France, les autorités locales ne savent pas toujours quoi faire des livreurs à vélo des plateformes numériques, au moins dix fois plus nombreux que ceux de la cyclo-logistique militante. Les municipalités ont l’impression que les dysfonctionnements de ces activités (statut précaire, partage de comptes, utilisation illégale de scooters) relèvent surtout d’une action nationale ou européenne et qu’ils manquent de leviers de réforme.

Pourtant, cette mobilité cycliste qui se développe très rapidement relève aussi d’enjeux locaux : gestion d’un trafic cycliste croissant et qui peut avoir des caractéristiques spécifiques (vitesses plus élevées), usage des systèmes de vélos en libre-service (Smovengo a d’ailleurs ajouté cet été une clause interdisant les utilisations du Vélib’ « à des fins de livraison commerciale régulière » ; reste à savoir si cette interdiction a bien une base légale et si elle peut être appliquée de façon concrète : sur quelles bases réelles pourrait-on déconnecter des comptes soupçonnés de servir à une activité de livraison ?), enjeux de sécurité routière (29 % des livreurs auto-entrepreneurs enquêtés à Paris ont eu un accident de vélo et 79 % considèrent leur activité comme très risquée).

1 Des entreprises, peu nombreuses, sont à la frontière des deux mondes : c’est le cas d’Urb-It, une société suédoise présente aussi à Paris, Lyon et Londres, qui emploie des coursiers indépendants (à pied, en vélo et en vélo-cargo), mais qui médiatise son engagement en faveur d’un recrutement pointilleux, de la formation et des conditions de travail.
2 Enquête représentative de l’ensemble des livreurs des plateformes les plus présentes sur le marché parisien (UberEats, Deliveroo, Stuart, Frichti, Glovo) : https://cutt.ly/ThvpWuF

Ewa

Vitesse vs ralentissement. En finir avec la recherche du temps perdu

Yves Crozet

Pour respecter nos engagements climatiques, l’électrification des véhicules ne suffira pas. La vitesse et les gains de temps jouent contre le climat, et la sobriété doit s’imposer. Il faudra une façon ou d’une autre réduire les distances parcourues. Par quel moyen ? Jouer sur la vitesse physique n’est pas le plus prometteur. Reste la vitesse économique, par les quotas ou la forte hausse des prix. Mais le peut-on ? Le veut-on ?

Par Yves Crozet

La vitesse routière a mauvaise presse. Les radars sont devenus d’exigeants et nécessaires compagnons de route, mais la sécurité n’est pas la seule origine de cette offensive. La réduction de la congestion, du bruit et de la pollution expliquent aussi, un peu partout, l’abaissement des vitesses autorisées. Des urbanistes et géographes comme Marc Wiel1 ou Cyrille Genre-Grandpierre2 ont aussi pointé du doigt les effets négatifs de la « métrique accélérante » de la route. Un objet mythologique se répand dans les villes et les villages où il a remplacé la DS Citroën de Roland Barthes : le ralentisseur !

Ralentir. Le thème est à la mode et pas seulement sur les routes, au point que le confinement, voire le virus lui-même, ont pu être vus comme une « bonne surprise ». Hartmut Rosa n’a-t-il pas déclaré3 : C’est « un miracle sociologique que de ralentir ainsi le monde (…). C’est une expérience collective d’auto-efficacité absolument incroyable : oui, nous pouvons contrôler ou du moins arrêter le monde » ! Miracle ? Le mot semble déplacé face aux dégâts humains, économiques et sociaux de la pandémie.

Il s’explique par le fait que le sociologue dénonce depuis plusieurs années l’accélération du monde. Mais, comme nous allons le voir, ce qui devrait être qualifié d’intensification a peu de choses à voir avec la vitesse physique de nos déplacements, mais est par contre très lié à ce que nous appelons « vitesse économique ».

Ne pas confondre accélération et intensification

Le thème de l’accélération est ancien. Jules Michelet, en 1872, écrivait : « l’allure du temps a tout à fait changé. Il a doublé le pas d’une manière étrange ». En 1948, Daniel Halévy publiait un essai sur l’accélération de l’histoire. Ces formules littéraires sont évocatrices, mais relèvent d’un effet d’optique. Le temps physique s’écoule toujours au même rythme, comme le montrent les horloges astronomiques. Ce qui change, c’est le temps vécu, les événements survenus dans une unité de temps. Ce n’est pas le temps qui double le pas, mais notre appétit qui s’aiguise, ou s’essouffle, avec la variété du menu et la hausse du pouvoir d’achat.

 

LA VITESSE N’A PAS FAIT GAGNER DU TEMPS, ELLE A SIMPLEMENT AUGMENTÉ LA PORTÉE DE NOS DÉPLACEMENTS, UNE RÉALITÉ À L’ORIGINE D’UNE FRUSTRATION…

Pour comprendre le monde moderne, il est plus juste de parler d’intensification que d’accélération, car le temps vécu est une grandeur relative et non pas absolue. Dans notre rapport au temps, ce qui change n’est pas le dénominateur (les heures, les minutes), mais le numérateur. Gary Becker l’a formulé ainsi lors de la réception du prix Nobel d’économie en 1992 : « the most fundamental constraint is limited time. Economic and medical progress have greatly increased length of life, but not the physical flow of time itself, which always restricts everyone to twenty-four hours per day. So while goods and services have expended enormously in rich countries, the total time available to consume has not4».

Le sentiment d’accélération provient d’une intensification des programmes d’activités. La hausse des revenus s’est traduite, chaque jour, par la multiplication des activités accessibles, parfois obligatoires. Le confinement n’a pas fait disparaître cette charge mentale. L’impératif catégorique de l’intensification s’est invité à la maison. Il est vrai que nous avons redécouvert le plaisir de cuisiner et quelques livres trop longtemps négligés. Mais nous avons aussi accru le temps passé au téléphone et devant les écrans. Avons-nous pour autant ralenti ? Est-ce ralentir que de combiner télétravail et garde des enfants à domicile ? Est-ce ralentir que de rattraper son retard de séries télé ? Avant, pendant et après le confinement, le manque de temps est une constante. La société du temps libre (Jean Viard5) est d’abord celle du temps rare.

La vitesse et les gains de temps contre le climat

Les ressources monétaires et le temps disponibles sont des quantités finies. La contrainte budgétaire peut être assouplie par la hausse des revenus, mais pas la contrainte temporelle. Il est vrai que l’espérance de vie a augmenté. Mais ce qui n’a pas changé est la contrainte des 24 heures journalières. La hausse du revenu ne permet pas d’acheter des journées plus longues. Par contre, il est possible d’acheter de la vitesse et donc, selon la formule en usage, de gagner du temps !

 

EN 1980, IL FALLAIT 784 HEURES DE SMIC POUR UN VOL A-R ENTRE PARIS ET SINGAPOUR, SOIT UNE VITESSE ECONOMIQUE DE 30 KM/H. EN 2019, 78 HEURES, SOIT 300 KM/H

Depuis l’avènement du chemin de fer, les modes de vie ont été transformés par l’accélération des vitesses moyennes de déplacement. Les Français ont franchi quotidiennement en 2019 une distance de 40 km, et huit de plus avec les transports internationaux6. Cette formidable accélération a élargi les horizons et enrichi la palette des options disponibles pour les loisirs et les lieux de résidence ou de travail. Elle a donc accru le numérateur de notre rapport au temps, mais pas le dénominateur dont la rareté relative a été au contraire attisée. C’est la raison pour laquelle notre budget temps de transport quotidien n’a pas diminué. Selon l’Enquête sur la Mobilité des Personnes 2018-20197, il a même légèrement augmenté au cours des dix dernières années.

La vitesse n’a pas fait gagner du temps, elle a simplement étendu la portée de nos déplacements, une réalité à l’origine d’une frustration, voire d’une aliénation, selon Hartmut Rosa. « Une idée extrêmement puissante s’est infiltrée jusque dans les pores les plus fins de notre vie psychique et émotionnelle : l’idée selon laquelle la clé d’une vie bonne, d’une vie meilleure, réside dans l’extension de notre accès au monde. »8 On ne saurait mieux dire puisque même l’usage du vélo en ville est présenté par ses défenseurs comme un moyen de gagner du temps. Tout comme l’est le slogan de « la ville du quart d’heure », celle qui offre aux piétons et cyclistes un maximum d’aménités. Réduire les vitesses de déplacement, et pourquoi pas celle des connexions numériques (cf. la 5G), ne serait-il pas un moyen de traiter à la fois l’aliénation individuelle et les défis collectifs du dérèglement climatique ?

Les émissions de gaz à effet de serre des transports ne sont pas alignées avec les engagements climatiques de la France. En 2019, elles dépassaient de 36 % l’objectif fixé dans le protocole de Kyoto pour l’année 2020. Il n’est donc pas surprenant qu’une des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat soit de réduire la vitesse maximale sur les autoroutes. Comme l’a montré Aurélien Bigo, dans une remarquable thèse soutenue le 23 novembre à Polytechnique9, cela s’inscrit dans une tendance apparue au début des années 2000. Quel que soit le type de voirie, les vitesses routières moyennes ont baissé, parfois de façon significative (figure 1). Cette contrainte physique est peut-être à l’origine du « peak-car » (voir Réservoir MOB, septembre 2020) mais pas d’un « peak-travel » car si, en passagers-km, les distances franchies en voiture et en train plafonnent, ce n’est pas le cas pour l’avion (figure 2). La multiplication par 2,5 en 30 ans des km parcourus en avion provient bien sûr de sa vitesse. Elle rend accessibles des destinations souvent hors d’atteinte pour les autres modes. Pourtant, depuis les attentats et la massification des flux, la vitesse porte-à-porte du transport aérien a baissé au fur et à mesure qu’augmentaient les délais de précaution et les contrôles de sécurité.

Figure 1

graphique route
Figure 1 – Variation des vitesses par type de voirie. Les vitesses routières s’inscrivent à la baisse depuis le début des années 2000, comme l’a montré Aurélien Bigot dans sa thèse.

Figure 2

graphique mobilité
Figure 2-Distances annuelles par habitant et par mode. Si, en passagers-km, les distances franchies en voiture et en train plafonnent, ce n’est pas le cas pour l’avion.

 

Engagements climatiques et vitesse économique

Mais, jusqu’à la pandémie, cela n’a pas affecté la croissance du trafic aérien car sa vitesse économique a progressé de façon continue. Par vitesse économique, nous entendons le temps de travail nécessaire pour acheter un déplacement. Référons-nous, pour simplifier, au salaire horaire minimum. En 1980, il fallait 784 heures de SMIC pour embarquer dans un vol AR entre Paris et Singapour, soit une vitesse économique de 30 km/h. Pour New York, 140 heures suffisaient, soit une vitesse économique de 85 km/h. En 2019, les chiffres étaient respectivement : pour Singapour, environ 78 heures de travail, soit 300 km/h ; pour New York, 50 heures de travail, soit 240 km/h. Au même moment, un voyage en TGV correspondait pour un smicard à une vitesse économique de 80 km/h, mais 200 km/h pour un Ouigo, ce qui explique le succès de cette offre, au risque de la voir cannibaliser l’offre Inoui. La SNCF devait réagir, coûte que coûte, à la concurrence de BlaBlaCar et des services d’autocar à longue distance, sans oublier les liaisons aériennes domestiques low-cost.

Comme nous l’a appris depuis 60 ans la notion de coût généralisé, le choix d’un mode de transport se réalise en effet en fonction de sa vitesse physique mais aussi de son coût, ou de son inverse, la vitesse économique. Avec elle, s’éclaire un petit mystère de l’économie des transports. Toutes choses égales par ailleurs, une hausse de la valeur du temps fait mécaniquement croître le coût généralisé. La hausse des revenus, et donc de la valeur du temps, devrait se traduire par une tendance à réduire le temps de transport puisqu’il devient plus coûteux. Or ce n’est pas le cas, car la hausse des revenus c’est aussi la hausse de la vitesse économique et donc enrichir le temps vécu via ce que les économistes appellent la préférence pour la variété.

Ce constat est redoutable dans la perspective des mesures à prendre pour respecter nos engagements climatiques. Pour réduire de 40 % à l’horizon 2030 les émissions de GES des transports, l’électrification du parc automobile, même accélérée, ne suffira pas. Il faudra d’une façon ou d’une autre réduire les distances parcourues. Un simple calcul montre que même si, d’ici à 2030, les émissions unitaires moyennes du parc automobile baissaient de 165 à 120 gr (-27,5 %), dans la même proportion que de 1992 à 2018, l’objectif ne serait atteint que si le trafic baissait aussi de 17,5 %. Comment y parvenir ? La baisse des vitesses physiques peut jouer un rôle, mais les marges de manœuvre sont limitées. Le sont-elles plus pour la vitesse économique ? Ce n’est pas évident dans la mesure où elle a déjà été réduite depuis le début du siècle comme le montre le tableau (ci-dessous). Il évalue l’évolution de la vitesse économique de la voiture pour un smicard, sur la base de son coût marginal défini par le prix du litre d’essence ou de diesel et de la consommation unitaire.

 

Tableau

Tableau carburant
Ce tableau fait apparaître l’évolution de la vitesse économique de la voiture pour un smicard, sur la base de son coût marginal défini par le prix du litre d’essence ou de diesel et de la consommation unitaire. Après avoir fortement augmenté au cours des années, la vitesse économique du diesel diminue, puis plafonne.

De 1970 à 1990, la vitesse économique a doublé pour les véhicules à essence, mais, avec le passage au diesel, elle a été multipliée par quatre. Elle continue à progresser ensuite pour les véhicules à essence, mais diminue puis plafonne pour le diesel. Les légères baisses des vitesses économique et physique ont donc été simultanées, comme en novembre 2018 lorsque les Gilets jaunes ont dénoncé à la fois le passage au 80 km/h et la hausse des prix des carburants. A cette date, pour un smicard, une hausse de 10 centimes du litre de diesel (taxes + prix du pétrole) représentait une baisse de 10 % de la vitesse économique. Le passage à un véhicule essence la faisait baisser de 20%. C’est une des raisons d’une colère qui a brutalement interrogé les ambitions de réduction des émissions de CO2 des transports. Pourtant, comme l’explique Aurélien Bigo dans sa thèse, le progrès technique ne suffira pas à atteindre les objectifs. Une logique de sobriété doit s’imposer. Le problème est qu’il y a peu à gagner avec la baisse des vitesses physiques. Celle des avions ne changera pas et celle des voitures ne se modifiera qu’à la marge. Reste alors une action résolue pour réduire drastiquement les vitesses économiques, par le rationnement (quotas carbone) et/ou par une forte hausse des prix. Le peut-on et plus précisément le veut-on car il y a un prix à payer pour une telle évolution qui revient à ne plus chercher à gagner du temps vécu, celui qui provient principalement de la hausse du pouvoir d’achat ? Si, dans la société d’abondance, la sobriété se définit comme le « droit au temps » rappelons que cela correspond, pour paraphraser Hartmut Rosa à « réduire notre accès au monde ».

Evitons cependant de prôner la sobriété pour les autres. Jean Giono, merveilleux romancier mais piètre moralisateur, le fait dans un de ses derniers textes publiés10. Il y fustige le consumérisme, le besoin des ouvriers de s’acheter un poste de télévision. Il leur oppose la simplicité, le plaisir de la promenade, il évoque son père, « l’homme qui plantait des arbres », rappelle l’intérêt de maîtriser les besoins. Le lecteur adhère volontiers mais, à la suite de ces belles envolées, il apprend que notre homme revient de ses vacances à l’Ile d’Elbe et qu’il a été à Madrid pour dédicacer ses ouvrages. Sa propre préférence pour la variété nous informe sur la vitesse économique de ses droits d’auteur.

1. Wiel M., 1999, La transition urbaine, ou le passage de la ville pédestre à la ville motorisée, Edition architecture et recherches / Mardaga, 149 pages.
2. Genre-Grandpierre C., 2007, Changer de métrique des réseaux routiers pour réguler la dépendance automobile : les « réseaux lents », Les cahiers scientifiques du transport, n ° 52, pp. 45 – 66.
3. Rosa H., 2020, https://cutt.ly/whbevZo
4. Becker G.S., The economic way of looking at life, Nobel Lecture, December 9, 1992, Department of Economics, University of Chicago, Chicago, IL. 60637, USA.
5. Viard J., 2003, Le sacre du temps libre, Editions de l’Aube, 212 pages.
6. Crozet Y., 2019, https://cutt.ly/ihbezAK
7. https://cutt.ly/Xhbexj4
8. Rosa H., 2019, Rendre le monde indisponible, La Découverte, 144 pages.
9. Bigo A., Les transports face au défi de la transition énergétique. Explorations entre passé et avenir, technologie et sobriété, accélération et ralentissement. https://cutt.ly/ShbelFq
10. Giono J., 1976, Les terrasses de l’Ile d’Elbe, Gallimard, 196 pages.

Ewa

Courts métrages. Les non-lieux du Grand Paris

Grand Paris films

On ne sait pas trop ce que c’est, au moins cela porte un nom : le Grand Paris. Pour le Pavillon de l’Arsenal et Libération, Stéfan Cornic, réalisateur, suit dix écrivains en autant de courts métrages documentaires. Chaque film dit un lieu et chaque lieu conduit ailleurs, dans l’espace ou dans le temps. La Seine, à l’ouest de Paris, où, dix ans durant, Pierre Assouline a pratiqué l’aviron, tandis que s’élevaient les premières tours de La Défense : il se souvient « de nos regards ébahis et incrédules face à la naissance d’un monde ». Bassin de La Villette, avec Maylis de Kerangal ; bief amont, « le canal de l’Ourcq remonte Pantin, Bobigny, Noisy, Bondy, Les Pavillons-sous-Bois, Aulnay » et, sous le plan d’eau c’est le passé de Paris qui remonte, avec le masque de l’inconnue de la Seine. Le passage Ronce, près de la rue des Couronnes, a depuis longtemps disparu, mais, dit Régine Robin, après-guerre, « dans ce quartier considéré comme un taudis, insalubre, bon à démolir, nous réapprenions à vivre et nous étions heureux ». La caméra est discrète, comme au second plan, derrière ce qui est dit. On va à Issy, à Roissy, on est à Paris. Rarement en un lieu qui demeure et qu’on pourrait habiter, à l’exception peut-être de Fontenay-aux-Roses, où Alice Zeniter était étudiante il n’y a pas si longtemps.

Le Grand Paris n’existe pas. On l’a baptisé, mais il n’est pas né. Et le métro ne suffira pas à lui donner corps et âme. La diffusion des films en pleine pandémie mène-t-elle à une lecture triste d’un ensemble qui paraît inhabitable ? Est-ce qu’en se privant des ressorts de la fiction on manque de perspective ? La vie est absente, et rien ne la promet. A leur insu, peut-être, les films en font le constat. Tout paraît aujourd’hui comme la place des Fêtes : « irréductiblement moche », comme dit Julia Deck. On aimerait qu’une saison prochaine donne la parole à celles ou à ceux qui aujourd’hui, dans des lieux à première vue désespérants, apprennent à vivre et sont peut-être heureux.

F. D.

Ewa

Les leçons des franchises pour l’exploitation du réseau ferroviaire britannique

Grand Bretagen Arriva

La France fait le choix d’ouvrir le transport ferroviaire de voyageurs à la concurrence… et les Britanniques, pionniers de la libéralisation, renationalisent provisoirement leurs franchises… La crise due au Covid-19 en est la cause, mais elle n’explique pas toutes les difficultés du système. Quelles leçons peut-on tirer d’une expérience de plus de 20 ans pour réussir ici l’ouverture du réseau ?

Par Timothée Lachenal

Timothée LACHENAL
Timothée Lachenal, fondateur du cabinet de conseil en stratégie ferroviaire Raillissime Consulting.

Depuis le 3 décembre 2019, l’Etat et les régions françaises ont la possibilité d’ouvrir à la concurrence l’exploitation de leurs services ferroviaires conventionnés. L’Etat (avec l’ouverture des lignes TET Nantes-Lyon et Nantes-bordeaux) et plusieurs régions françaises (dont Hauts-de-France, Sud et Grand Est) se sont engagés résolument dans cette voie. La concurrence dans le transport ferroviaire de voyageurs conventionné arrive pour de bon en France.

Parallèlement, le Financial Times du 31 juillet 2020 nous informait que, pour assurer la continuité des opérations ferroviaires dans un contexte de crise sanitaire, le gouvernement britannique avait de facto procédé à la renationalisation complète des franchises britanniques. Ironie de l’histoire donc, où l’on voit la France ouvrir l’exploitation de ses trains de voyageurs à la concurrence alors même que la très libérale Albion les renationalise. Mais qu’en est-il dans les faits ?

A l’heure où l’Etat et les Régions se mettent en ordre de marche pour définir les allotissements et les règles du jeu commercial des futurs contrats, considérer les forces et limites de l’exemple britannique qui offre près de 25 ans de retour d’expérience est essentiel.

Le modèle historique des franchises britanniques

En 1997, le chemin de fer britannique a été privatisé avec pour objectif l’amélioration des services et la réduction des coûts d’exploitation, et donc des subventions, en attirant de nouveaux entrants sur le marché. L’attribution par appel d’offres de contrats de franchises pour l’exploitation du réseau a dès le début été un élément clé du système privatisé. Au Royaume‑Uni, les contrats de franchises ferroviaires sont pour la plupart attribués par le ministère des transports. En tant qu’autorité organisatrice, le ministère conduit le processus d’appel d’offres de bout en bout, depuis la définition du cahier des charges jusqu’au suivi opérationnel du contrat. Pour assurer un service public de qualité, le ministère développe des cahiers des charges incluant de nombreuses exigences, notamment sur la desserte minimale et les niveaux de service attendus. Pour remporter une franchise, les opérateurs ferroviaires doivent offrir une offre technique de haute qualité et, selon le cas, le paiement d’un premium au gouvernement sur les franchises rentables, ou la demande d’une subvention aussi faible que possible pour les franchises pour lesquelles les coûts d’exploitation sont supérieurs aux recettes commerciales.

La libéralisation a dopé la croissance ferroviaire outre-Manche

La libéralisation du chemin de fer britannique a déclenché une véritable renaissance du transport ferroviaire de voyageurs outre-Manche. Quand le marché fut privatisé à la fin des années quatre-vingt-dix, les trafics voyageurs étaient en berne (diminution de 20 % entre 1950 et 1997). Depuis la privatisation, l’impulsion des opérateurs privés a créé un essor sans précédent, avec un doublement du nombre de voyageurs entre 1997 et 2017. Par ailleurs, la libéralisation a permis des investissements privés massifs dans le système ferroviaire. Par exemple entre 2007 et 2017, le secteur privé a investi 5,2 milliards de livres (environ 5,8 milliards d’euros) dans le matériel roulant. La concurrence a aussi été un véritable moteur de l’innovation qui a permis une amélioration nette des services offerts aux clients. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut s’attendre à ce que l’ouverture à la concurrence en France soit une bonne nouvelle pour le ferroviaire français.

On ne saurait néanmoins ignorer le fait que le modèle des franchises n’a pas été qu’un succès. Examinons les faiblesses majeures de ce modèle et tirons-en quelques enseignements pour le marché français.

Des franchises qui flanchaient bien avant la crise de la Covid

Le problème majeur auquel l’industrie du rail britannique a fait face dans le modèle de franchises était l’incitation très forte à offrir le paiement d’un premium très élevé (ou à demander une subvention très faible) au ministère des Transports pour remporter les contrats, ce qui passait par exemple par des prévisions de croissance de recettes ou de performance opérationnelle irréalistes. Ainsi, depuis 2012, de nombreux contrats ont été attribués sur la base d’hypothèses beaucoup trop optimistes, avec des conséquences sérieuses pour les acteurs. En juin 2018, le gouvernement reprenait en main pour la troisième fois en douze ans l’exploitation du réseau Intercités East Coast après la déroute de son exploitant Virgin Trains East Coast, un groupement entre Stagecoach et Virgin. Bien que les recettes de Virgin Trains East Coast couvraient largement ses coûts d’exploitation, les prévisions de trafic réalisées lors de la préparation de l’offre étaient bien trop optimistes et peinaient à se matérialiser, si bien que la marge opérationnelle ne permettait plus de couvrir le paiement du premium que l’exploitant s’était engagé à payer au ministère. Pour honorer ses engagements, la compagnie ferroviaire a dû utiliser les 165 millions de livres (environ 185 millions d’euros) de garantie fournie par ses maisons mères. Le ministère a repris l’exploitation de la ligne à épuisement de la garantie. Autre exemple : en janvier 2020, le ministère des Transports reprenait le contrôle de la franchise Northern au groupe de transport Arriva, suite à ses difficultés répétées à fournir un service de qualité dans la région.

La baisse des recettes voyageurs consécutive à la crise de la Covid a obligé le gouvernement britannique à mettre en place des mesures d’urgence pour assurer la continuité des opérations. Pour sauver l’ensemble des opérateurs de la faillite, le ministère des Transports a suspendu les contrats de franchises et les a remplacées par des mesures temporaires qui prévoient que les opérateurs soient compensés pour leurs coûts, plus une faible marge (mesures qui, selon l’office national anglais de statistiques, équivalent à une nationalisation). Les contours de la réforme structurelle dont la préparation est engagée depuis 2018 et qui est attendue pour 2021 ne sont pas encore connus, mais l’on peut s’attendre à ce que, à l’avenir, le ministère britannique des Transports se concentre dans son rôle de stratège et abandonne les franchises au profit de contrats de concessions dont l’exploitation sera confiée à des opérateurs privés. Ceux qui espéraient la renaissance de British Rail seront donc déçus : la renationalisation – temporaire – liée à la crise sanitaire et la réforme structurelle attendue laisseront les opérateurs privés au centre du système.

Revenons en France. Pour garantir la stabilité financière de l’exploitant sur toute la durée du contrat – ce qui est dans l’intérêt commun de l’Autorité Organisatrice de la Mobilité (AOM) et de l’exploitant -, nous proposons que les conditions suivantes soient réunies.


LES DÉFAILLANCES DES NOMBREUSES INTERFACES REQUISES PAR LA FRAGMENTATION DU RÉSEAU NE PERMETTENT PAS LE BON FONCTIONNEMENT D’UNE INDUSTRIE QUI DOIT, PAR NATURE, RESTÉE INTÉGRÉE

 

D’abord, les contrats liant l’AOM et l’exploitant doivent être attribués sur des critères réalistes. Les AOM devront avoir à cœur d’évaluer de manière critique la viabilité financière des offres. Des offres financières agressives adossées à des taux de croissance de trafic ou des hypothèses de réduction de coûts héroïques devront être écartées. En outre, les critères d’attribution des contrats devront donner un poids important à l’élément qualitatif des offres en comparant leur crédibilité et non pas seulement leur compétitivité financière.

Ensuite, le partage des risques entre l’exploitant et l’AOM devra être défini avec soin, avec un équilibre entre le volume de gains attendus et l’amplitude des risques pris par l’opérateur, où chaque risque est alloué à la partie la plus à même de le gérer. L’expérience montre que ce principe théoriquement évident est souvent difficile à mettre en application de manière robuste. Les Britanniques, qui se confrontent depuis plus de vingt ans à ces difficultés, ont essayé avec plus ou moins de succès plusieurs formules. Un exemple qui a beaucoup fait débat concerne le risque sur les recettes. La prise de risque sur les recettes par l’opérateur est une bonne chose a priori car elle incite les opérateurs à faire croître le marché et à agir de manière très commerciale, mais elle a causé la faillite de plusieurs exploitants. En réponse, le ministère britannique des Transports a alors développé un mécanisme qui compense l’opérateur en cas de retournement macroéconomique totalement hors de son contrôle mais impactant toutefois sévèrement son chiffre d’affaires. Une bonne idée, encore faut-il que le mécanisme soit bien calibré, ce qui n’est pas chose facile. Un mécanisme de transfert de risques mal calibré conduit soit à une surexposition au risque de l’opérateur, soit à une surcompensation de l’opérateur par l’AOM, deux situations non souhaitables et qui détruisent de la valeur.

Un système fragmenté et une performance en baisse

Autre écueil à éviter : la privatisation à l’anglaise a conduit à une fragmentation poussive du réseau qui en rend la gestion inefficace. Les nombreux exploitants privés et le gestionnaire d’infrastructure ont trop souvent des intérêts divergents, et les incitations prévues dans les contrats commerciaux qui les lient les uns aux autres ne permettent pas toujours de produire un service optimal pour le client final. Les défaillances des nombreuses interfaces requises par cette fragmentation ne créent pas les conditions pour le bon fonctionnement d’une industrie qui doit, par nature, fonctionner de manière très intégrée. C’est ainsi que le changement d’horaires britannique de mai 2018 a viré au fiasco, avec des milliers de trains annulés ou retardés au niveau national. Certains accuseront le gestionnaire d’infrastructure, d’autres les exploitants, mais c’est bien l’échec du système qui s’est révélé lors de ce désastre industriel. En France, si la séparation entre les opérateurs et le gestionnaire d’infrastructure est essentielle afin d’assurer un traitement équitable des transporteurs par ce dernier, il sera primordial que SNCF Réseau prenne un rôle fort d’intégrateur du système ferroviaire pour garantir son intégrité au-delà des interfaces commerciales.

Des contrats trop risqués et à faibles marges qui rebutent les opérateurs

Toujours enclin à apprendre de l’expérience et de ses erreurs et afin de mieux s’assurer de la crédibilité des offres et de leur compétitivité, le ministère britannique des Transports a augmenté au cours des années le nombre de spécifications à respecter dans les cahiers des charges. La conséquence en est que répondre à un appel d’offres pour une franchise britannique est devenu un exercice très onéreux, ce qui, dans un contexte où la performance du réseau est médiocre, la prise de risque élevée et les marges plutôt faibles, a progressivement rendu le marché britannique de moins en moins attractif. C’est ainsi que National Express, le plus gros acteur du marché à la fin des années 2000, a vendu en 2017 ses activités ferroviaires d’outre-Manche pour concentrer ses ressources sur d’autres régions du monde jugées plus attractives, nous rappelant au passage que, dans un contexte où le marché est en forte croissance mais les ressources limitées, les AOM d’Europe et du monde sont en concurrence les unes avec les autres pour attirer les meilleurs opérateurs. Les groupes de transport raisonnent de manière globale et déploient donc leurs moyens financiers et humains sur les contrats les plus attractifs. Le ferroviaire est en pleine croissance et les opportunités ne manquent pas sur un marché désormais mondial dans lequel les exigences liées à la transition écologique sont un sérieux argument politique en faveur de ce mode de transport.

En conclusion, les leçons apprises de l’expérience britannique sont précieuses pour éviter de reproduire les mêmes erreurs en France. Pour que le trafic se développe et que le marché prospère, les AOM devront attribuer les contrats sur des critères réalistes et pragmatiques, en évaluant avec prudence des offres financières trop agressives, tout en incitant les opérateurs à prendre des risques considérés. Le processus de réponse à appel d’offres devra rester simple et facile d’accès. SNCF Réseau devra prendre un leadership fort pour assurer la cohésion et l’intégration du système ferroviaire dans son ensemble. Ce sont les conditions qui permettront d’attirer des exploitants durables, innovants et responsables, au service des passagers.

Ewa

« C’est le moment de solliciter des financements européens »

Welcomeurope Lorraine

La Commission européenne, qui est en train de clôturer les programmes européens mis en oeuvre entre 2014 et 2020, prépare la nouvelle programmation pour la période 2021-2027. A la clé des financements (1074 milliards d’euros pour les programmes et 750 milliards d’euros au titre de la relance) pour soutenir des projets d’infrastructures, de développement territorial, d’innovation ou de recherche dans tous les domaines économiques et sociaux. Le transport et la mobilité y sont centraux, notamment dans le cadre de la transition verte, grande priorité des fonds.  Explications avec Lorraine de Bouchony, fondatrice et présidente du cabinet spécialisé en financements européens Welcomeurope.

Ville, Rail & Transports. Comment s’y retrouver dans la « jungle » des financements européens ?

Lorraine de Bouchony. Les fonds européens sont déployés au sein de programmes proposés par la Commission et adoptés par le Parlement et le Conseil. Il en existe des centaines. Pour chacun de ces programmes, une littérature est disponible pour comprendre les règles sur l’éligibilité des projets, les taux de financement, les critères d’attribution…

Par exemple le Feder (Fonds européen de développement régional) est déployé à travers des programmes régionaux ou nationaux dans tous les Etats membres. En France, chaque Région dispose de son propre programme opérationnel dans lequel les objectifs et les actions éligibles sont renseignés.

On peut aussi citer le programme de soutien à la recherche-développement directement géré par la Commission, Horizon Europe, qui est doté pour la période 2021-2027 d’environ 95,5 milliards d’euros. Ce programme organisé en plus de 40 « sous-programmes » sectoriels ou transversaux bénéficient chacun d’une guidance spécifique pour y accéder (guide du candidat).

Tous ces budgets s’étendent sur sept ans. La programmation 2014-2020 est en phase de clôture, certains appels à projets étant encore ouverts début 2021. La nouvelle programmation, pour la période 2021-2027, va être rapidement lancée. C’est donc le bon moment pour se préparer.

VRT. Qui précisément gère ces programmes ?

L. B. Ces programmes sont financés par le budget européen mais pas forcément gérés par l’institution centrale elle-même.

Certains programmes sont centralisés au niveau de la Commission européenne et donc gérés directement par ses services et agences.

D’autres sont décentralisés et confiés aux Etats et aux régions, qui les gèrent de façon autonome, toujours sous le contrôle des institutions communautaires. On connaît donc, pour chaque programme, l’autorité gestionnaire du fonds, qui est l’interlocutrice directe des porteurs de projets.

VRT. Qu’est-ce qui distingue ces deux catégories de programmes ?

L. B. En résumé, on peut dire que les fonds centralisés permettent de décupler les capacités d’innovation européennes et les services communs quels qu’ils soient (on est alors dans la recherche de solutions européennes et de la compétitivité européenne), tandis que les fonds décentralisés se font à l’échelle du territoire pour corriger les déséquilibres régionaux et favoriser leur attractivité.

VRT. Qui peut solliciter des fonds européens et comment ?

L. B. C’est toute la complexité notamment des fonds décentralisés, appelés fonds européens structurels et d’investissement (Fesi) majoritairement déployés à travers les programmes Feder et FSE+ : il faut trouver la porte d’entrée !

Tout le monde peut solliciter ces fonds (il n’y a pas à la base de restrictions réglementaires), mais ce n’est pas ouvert aux individus, hormis pour les programmes de bourses individuelles. C’est également peu accessible aux petites entreprises qui viennent de se créer, à l’exception des programmes spécifiquement conçus pour elles (EIC Accelerator pour les start-up par exemple).

Hormis ces cas très particuliers, les fonds s’adressent à toutes les organisations : grandes entreprises, ETI ou PME, associations, collectivités, organismes de recherche ou universitaires… Les fonds s’intéressent plus au cœur du projet qu’au statut de celui qui le porte et la liste des organisations éligibles est généralement très étendue.

Il faut toutefois savoir qu’il vaut mieux avoir les reins solides et donc avoir suffisamment de trésorerie quand on sollicite les fonds structurels car ils opèrent en remboursements de dépenses acquittées.

Par exemple, nous avons accompagné le Club Med pour un projet Feder en Guadeloupe ou encore la start-up Seven qui a obtenu 4,4 millions d’euros pour financer 13 stations de BioGNV dans le cadre du programme MIE-Transport.

VRT. Peut-on bénéficier de plusieurs fonds européens sur une même opération ?

L. B. Il y a une règle d’or : on ne peut jamais financer une même activité avec deux fonds européens. Le cumul n’est donc pas possible.

Toutefois, les fonds structurels en faveur du développement des territoires peuvent être combinés avec d’autres aides de tous types, régionales, nationales, privées… Une seule règle s’impose toujours : il faut respecter la réglementation sur les aides d’Etat conditionnant certains taux d’aides à certains types de projets. C’est aussi un des facteurs de complication. Il faut trouver le bon régime d’aide. Mais nous sommes là pour sécuriser nos clients.

Citons une autre complexité : les calendriers des financeurs ne sont pas toujours alignés. Ainsi, jusqu’à récemment, dans ses appels à projets, l’Ademe pouvait conditionner certains de ses financements au fait que le projet soit déjà validé pour un soutien Feder. Heureusement, de plus en plus, une coopération se met en place et les fonds français se calent sur le formalisme européen.

VRT. Quel bilan dresser sur la programmation 2014-2021 ?

L. B. Cette programmation, en passe d’être clôturée, a pour la première fois fixé des critères plus exigeants qu’auparavant.

En effet, les fonds structurels fonctionnaient un peu comme des guichets ouverts : les collectivités par exemple pouvaient facilement faire financer des ronds-points ou des salles polyvalentes avec des fonds européens.

Depuis 2014, la Commission se montre plus ambitieuse pour les fonds régionaux, à l’image des programmes qu’elle gère en direct. Les objectifs se fixent désormais sur l’impact tangible attendu des projets en termes d’attractivité et de dynamisme des territoires.

En revanche, ce qui ne change pas et n’est pas près de changer, c’est la complexité des process, notamment sur le reporting et le contrôle. Du coup, de nombreuses régions redoutent des surcontrôles et cela peut les freiner dans l’analyse des demandes.

VRT. Perçoit-on de nouvelles tendances dans la nouvelle programmation 2021-2027 ?

L. B. La grande nouveauté, c’est le focus sur le green deal (pacte vert en français), donc tout ce qui touche à la transition écologique sera valorisé.

La question de l’emploi et de la réponse sociale est aussi au cœur des préoccupations. En effet, s’est ajouté ce qui n’était pas anticipé : la réponse à la crise sanitaire avec l’adoption d’un nouveau budget dédié de relance de 750 milliards d’euros.

Avec ce plan de relance, Bruxelles ouvre les vannes et l’Union européenne va s’endetter. De ce fait avec le temps, les programmes pourraient être partiellement transformés en instruments financiers : ils seront moins subventionnés et mixeront subventions et emprunts. C’est d’ailleurs déjà le cas avec le MIE (mécanisme pour l’interconnexion en Europe), directement géré par la Commission européenne et dont l’objectif est de favoriser le maillage européen par les corridors, que ce soit par mer, fleuve, fer ou route pour interconnecter les territoires européens, favoriser les connexions frontalières et lutter contre les goulets d’étranglement.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Retrouvez nos dossiers sur les financements européens chaque mois dans Ville, Rail & Transports.

Lire le dossier complet

Ewa

Les entreprises de travaux sur voies ferrées veulent jouer un rôle dans l’ouverture à la concurrence du ferroviaire

Travaux

Pascal de Laurens, le président du SETVF (Syndicat des entrepreneurs de travaux de voies ferrées de France) revient sur les conséquences de la pandémie pour le secteur et explique quel rôle veulent jouer les entreprises membres du syndicat dans l’ouverture à la concurrence des TER.

Pascal-de-Laurens
Pascal de Laurens, président du Syndicat des entrepreneurs de travaux de voies ferrées de France (SETVF)

Ville, Rail & Transports. Quelles sont les spécificités des entreprises représentées par le SETVF ?

Pascal de Laurens. Notre syndicat a plus de 80 ans et représente 49 entreprises (et 9 500 salariés) de toutes tailles implantées sur toute la France et effectuant des travaux de voies ferrées mais aussi des prestations de sécurité ferroviaire. Soit 1,5 milliard d’euros de chiffres d’affaires en 2019.

Nous représentons les professionnels auprès des acteurs publics et des donneurs d’ordre. Avec un regard très tourné vers SNCF Réseau. La relation avec la SNCF est absolument nécessaire pour l’ensemble de nos adhérents. Nous sommes tous les jours en lien avec la SNCF. Il y a une particularité dans le ferroviaire : tous nos adhérents ont soit un client exclusif soit majoritaire. Cela implique une relation tout à fait particulière de fournisseurs à entreprise. Il y a quasiment un devoir d’allégeance, voire de soumission. Notre objectif est d’améliorer ce lien par des échanges.

Nous effectuons aussi un gros travail technique avec nos adhérents et réalisons des actions très importantes pour agir en faveur de la protection du personnel, pour édicter des règles, des conditions contractuelles…

VRT. Qu’est-ce qui a changé avec la crise sanitaire ?

P. L. Le confinement a représenté une épreuve pour notre profession, mais ce n’est pas dramatique. Aujourd’hui, la principale préoccupation concerne la sécurité des chantiers. Nous avons construit avec la SNCF des process, permettant de poursuivre la maintenance du réseau.

Certes, la crise sanitaire a un impact sur la programmation des travaux et il y a quelques incertitudes sur quelques contrats qui seront peut-être remis en cause car il y a une chaîne logistique imbriquée. Mais l’essentiel sera réalisé. Globalement, la trajectoire est là : il y a un plan de régénération à 10 ans, on en est à la moitié. Le plan de relance a permis de confirmer une trajectoire en faveur de la régénération lancée depuis quelques années. On ne devrait pas trop souffrir en 2021.

Il y a un tissu régional fort et SNCF Réseau a toujours montré sa volonté de faire travailler des entreprises locales. Il faut aussi, bien sûr, de plus grosses entreprises capables d’acheter des trains de travaux. Il y a de la place pour tout le monde.

Il y a aussi un fait irréversible : SNCF Réseau n’est plus propriétaire de grosses machines. La donne travaux ne se fera plus qu’avec des groupements d’entreprises, peut-être avec des conceptions-réalisations, avec une programmation plus en amont. Il en va de l’avenir de nos entreprises.

VRT. Qu’est-ce qui peut changer à l’avenir ?

P. L. Nous sommes un petit syndicat, qui ne peut pas faire le poids face à la SNCF et son corps social très fort.

Mais nous entretenons une bonne relation avec SNCF Réseau. Ce groupe représente un énorme navire et le ferroviaire est un temps long. Nous sommes obligés de l’accepter, nous n’avons pas d’autre choix. Mais nous sommes agiles. Il faut être modeste mais nous avançons. Si notre relation avec la SNCF est majoritaire, elle n’est pas exclusive car d’autres clients peuvent aussi faire appel à nous : les collectivités, les villes, le Grand Paris, pour des métros…

Dans le cadre de la relance des petites lignes ferroviaires, nos entreprises vont s’associer avec des groupements, comprenant des opérateurs de transport, et répondre à des appels d’offres. Nos entreprises seront force de propositions. Il faudra remercier la région Grand Est qui veut ouvrir à la concurrence la ligne Nancy-Contrexéville en proposant un marché construction-exploitation. Forcément, il faut des compétences multiples : des opérateurs, des ingénieurs, et des constructeurs. On va pouvoir être innovant. C’est la possibilité d’adresser un signal au monde ferroviaire.

Par ailleurs, depuis une dizaine d’années, Réseau est en train d’ouvrir des missions à des prestataires, sur la maintenance et la sécurité. Jusqu’où va-t-on aller, où va-t-on placer le curseur ? A-t-on les moyens de réaliser toutes les missions ?

Reste une préoccupation constante et partagée avec SNCF Réseau : la formation des salariés. Le BTP est un secteur d’avenir. Mais il ne propose pas forcément les jobs les plus attractifs : on travaille de nuit, en déplacement, dans un environnement contraint… Nous avons du mal à attirer suffisamment de candidats. Il y a donc un souci d’amélioration de ce point de vue là. La SNCF connaît aussi ce problème.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Retrouvez, dans Ville, Rail & Transports de janvier, notre dossier complet sur les travaux prévus en 2021 pour moderniser le réseau ferroviaire français. Ou sur notre site sur https://www.ville-rail-transports.com/dossiers/plus-de-28%e2%80%afmilliards-deuros-pour-le-reseau-ferre-en-2021/

Ewa

Le marché automobile devrait retrouver son niveau en 2023

automobiles voitures

Le marché mondial du véhicule neuf a été fortement touché par la pandémie. Selon l’Observatoire Cetelem, (groupe BNP Paribas) qui a réalisé une enquête auprès de 10 000 personnes dans 15 pays, la baisse des immatriculations en 2020 devrait être de 17 %.

Elle sera particulièrement forte en Europe, avec -29 % (-28 % en France). Les ventes devraient reprendre en 2021 : +11 % au niveau mondial, +16 % en Europe, +19 % en France.

Le marché français du véhicule neuf ne devrait pas retrouver son niveau d’avant-crise avant 2023. En revanche, toujours en France, le marché de l’occasion devrait se rétablir dès cette année.

L’électrification du marché va s’accélérer : plus des trois quarts des personnes sondées considèrent que l’avenir sera électrique et 17 % de ceux qui veulent acheter une voiture en 2021 pensent acquérir un véhicule électrique.

Au-delà de la crise du Covid-19, 56 % des personnes interrogées considèrent que la voiture occupe une place trop importante dans le monde (46 % en France). De plus, 72 % jugent légitime qu’elle soit critiquée pour ce qui concerne l’environnement (66 % en France) et 82 % des répondants pensent de ce fait qu’il est souhaitable de laisser plus de place aux modes doux (73 % en France).

Cependant 55 % des personnes interrogées ne pourraient pas se passer d’automobile. La proportion atteint même 65 % en France. 19 % des sondés disent avoir tendance à rouler de moins en moins, mais 35 % déclarent rouler de plus en plus.

N.B. : L’enquête quantitative a été conduite par Harris Interactive du 2 au 11 septembre 2020 auprès de personnes de 18 à 65 ans. 3 000 personnes ont été interrogées en France, et 500 dans chacun des autres pays : Allemagne Belgique Brésil, Chine Espagne, Etats-Unis, Italie, Japon, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, et Turquie. On espère maintenant une étude de qualité sur le sujet.

Ewa

Les véhicules d’occasion en pleine expansion

voiture occasion

D’après le rapport sur les véhicules d’occasion publié le 26 octobre 2020 par le programme pour l’environnement de l’ONU, le parc automobile mondial devrait doubler d’ici 2050. 90 % de la croissance viendraient des pays non-membres de l’OCDE qui importent un grand nombre de véhicules d’occasion. Principaux exportateurs, l’UE (54 %), le Japon (27 %) et les USA (18 %), qui ont exporté 14 millions de véhicules légers d’occasion entre 2015 et 2018. 70 % de ces véhicules vont dans les pays en voie de développement, qui disposent, selon l’ONU, d’une « réglementation limitée, voire inexistante sur la qualité et la sécurité des véhicules importés ». De plus, sur les 146 pays étudiés, 28 ont adopté des normes d’émission pour les véhicules, 100 n’en disposent pas, les 18 restants ayant interdit l’importation de véhicules d’occasion.