La réouverture de Saint-Dié-des-Vosges – Epinal, inaugurée par le Premier ministre, est la première ligne pour laquelle l’Etat s’était engagé dans un partenariat avec les régions pour rénover les lignes de desserte fine du territoire. A l’autre bout de la France, les circulations reprennent aussi totalement entre Aix et Marseille. Si elles n’ont pas été suspendues, d’importants chantiers les ont perturbées pendant quatre ans.
Un Premier ministre inaugurant une ligne de desserte fine du territoire, ce n’est pas fréquent… C’est pourtant ce qu’a fait, le 12 décembre, Jean Castex en se rendant à Saint-Dié-des-Vosges pour la réouverture de la ligne vers Epinal. Un acte symbolique pour montrer l’importance qu’il porte à la rénovation des « petites » lignes. « Aujourd’hui, […] nous concrétisons un engagement collectif pris par le chef de l’Etat. Engagement pris, engagement tenu », a dit le Premier ministre. « Ce que nous faisons à Saint-Dié-des-Vosges, évidemment, n’aurait pas de sens si, avec le concours très étroit des régions, autorités organisatrices des mobilités, nous ne le faisions partout en France. […] Le total national est de 9 200 kilomètres qui, comme ici, seront régénérés, repris à neuf, parfois rouverts quand ils ont été fermés. On a déjà signé six protocoles (avec des régions, ndlr) », a-t-il poursuivi.
Avec la réouverture de la ligne Epinal – Saint-Dié-des-Vosges, ce sont dix allers-retours par jour en semaine qui sont proposés entre les deux villes, huit le samedi et cinq le dimanche et les jours fériés. La réouverture permet aussi des trajets directs entre Épinal et Strasbourg (trois allers-retours supplémentaires) et des correspondances à Saint-Dié, Arches et Epinal avec Nancy et Remiremont pour prendre le TGV notamment.
Fermée à la circulation depuis le 22 décembre 2018, Epinal – Saint-Dié-des-Vosges, longue de 48,9 km, est constituée d’une voie unique non électrifiée. Elle dessert les gares d’Arches, Bruyères et Saint-Dié-des-Vosges et traverse 20 communes du département des Vosges. Côté ouvrages d’art, elle comprend deux tunnels, 30 ponts-rails et 68 passages à niveau.
Les travaux entre Arches et Saint-Dié-des-Vosges ont notamment consisté à consolider le tunnel de Vanémont qui souffrait de désordres structurels majeurs, à remplacer la totalité de la voie sur 7,7 km et, partiellement, des rails ou des traverses. Six passages à niveau ont également été renouvelés.
Cette rénovation a fait l’objet d’une convention signée le 1er juillet 2019 entre l’Etat, la Région Grand Est et SNCF Réseau. D’un montant de 21 millions d’euros (M€), les travaux ont été cofinancés par l’Etat (40 %) et la région Grand Est (60 %).
Autre nouveauté importante du service 2022, une offre de transport ferroviaire totalement rétablie sur la ligne Aix – Marseille. Rouverte au mois d’octobre 2021 mais avec un plan de transport allégé, elle propose désormais un train toutes les 15 minutes en heure de pointe et un temps de parcours de 39 minutes au plus rapide.
Quatre années de travaux ont été nécessaires pour augmenter la capacité de la ligne et permettre de passer d’une fréquence d’un train toutes les 20 minutes à un train toutes les 15 minutes. Pour cela, il a fallu doubler la voie unique sur 3,5 km entre Gardanne et Luynes. Des améliorations ont aussi été apportées à Aix-en-Provence avec un faisceau de cinq voies d’exploitation à quai et deux voies de garage, tandis que la dimension des quais a été portée à 220 mètres pour accueillir des rames plus longues.
Toute une dimension du changement climatique n’est pas -ou rarement- prise en compte : la résilience des infrastructures. Si les entreprises mesurent leur empreinte carbone et cherchent à l’atténuer (voire à la compenser), peu cherchent en effet à rendre résilientes leurs infrastructures. Or les pics de chaleur, les inondations ou les incendies qui se sont multipliés cet été devraient leur donner à réfléchir.
Côté SNCF, les patrons des 5 SA viennent seulement d’en prendre conscience si l’on en croit les équipes qui travaillent sur le sujet, puisque le premier comité stratégique sur l’adaptation des infrastructures vient seulement de se tenir fin novembre.
Dans le cadre d’un dossier publié ce mois-ci, Ville, Rail & Transports a interrogé des experts sur ce thème qui devrait prendre de plus en plus d’importance car il nécessite des millions et des millions d’euros pour se préparer. Faute de quoi, les assurances pourraient refuser de prendre en charge certains dommages…
Docteur en géographie du développement et ingénieur en agroéconomie, Pascal Rey, PDG du bureau d’études Insuco, spécialisé en sciences et ingénierie sociales, présent dans plus de 40 pays, pointe les risques. Pascal Rey est également chercheur associé à l’IFSRA et enseignant vacataire à l’école des Mines et à Agro Paris Tech.
Ville, Rail & Transports. Que vous enseignent les chantiers à l’étranger sur lesquels vous avez récemment travaillé ?
Pascal Rey. Au Gabon, où nous avons travaillé sur le train transgabonais, on observe ces dernières années une très forte hausse des précipitations. Et des inondations qui n’existaient pas avant, ce qui entraîne notamment une érosion des talus, des éboulements… Sur le train qui relie Djibouti à Addis-Abeba en Ethiopie, construit par des entreprises chinoises avec des normes beaucoup moins contraignantes que celles que nous devrions appliquer, le tracé est soumis à des températures qui sont souvent au-delà de 45°. Ce qui impacte la symétrie des voies, avec des effets de dilatation, alors que le chantier a été livré il y a seulement quatre ans. Dans les deux cas comme ailleurs, les travaux ne prennent pas en compte les effets à venir du réchauffement climatique.
VRT. Que voulez-vous dire ?
P. R. Le réchauffement climatique, c’est pour tout de suite. Mais alors qu’il existe de nombreuses études réalisées par le monde, y compris en Afrique, on assiste à un manque de communication entre ceux qui recueillent les données et les décideurs politiques. On sait que le niveau de la mer augmente, qu’il va falloir revoir les digues, les tracés, mais aussi prendre en compte les migrations liées à une augmentation du niveau de la mer. A quoi bon réparer ou entretenir les infrastructures actuelles si, dans quelques années seulement, plus personne n’habite ici, quand la montée du niveau de la mer obligera les populations à fuir vers l’intérieur des terres ? C’est d’abord là qu’il y aura besoin de routes ou de voies de chemin de fer. Il faudrait vite revoir les cartes en fonction non seulement de l’eau qui va commencer à chatouiller les voies de communication mais aussi des impacts directs qu’auront les mouvements de populations.
Ville, Rail & Transports. Quels effets sur le transport observez-vous qui soient déjà dus au réchauffement climatique ?
P. R. Les fortes chaleurs impliquent un dysfonctionnement du câblage, avec des systèmes de signalisation qui sautent, les systèmes électriques étant soumis à de trop fortes chaleurs. Les risques d’incendie se multiplient. En zone de montagne, on assiste à des éboulements, à des conséquences de l’érosion. En bord de mer, on assiste à des phénomènes d’érosion côtière.
« ON SAIT QUE LE NIVEAU DE LA MER AUGMENTE, QU’IL VA FALLOIR REVOIR LES DIGUES, LES TRACÉS, MAIS AUSSI PRENDRE EN COMPTE LES MIGRATIONS LIÉES À CE CHANGEMENT CLIMATIQUE. A QUOI BON RÉPARER OU ENTRETENIR LES INFRASTRUCTURES ACTUELLES SI, DANS QUELQUES ANNÉES SEULEMENT, PLUS PERSONNE N’HABITE ICI ? »
VRT. Que faudrait-il faire ?
P. R. Il faut prendre en compte ce qu’on voit et s’interroger sur comment, si les températures augmentent dans quelques dizaines d’années, les matériaux actuels résisteront à ces nouvelles contraintes. La solution, c’est que les constructeurs et les investisseurs comprennent que réparer au fur et à mesure coûtera beaucoup plus cher que de fixer d’ores et déjà des normes internationales drastiques, de les respecter et d’anticiper les risques. Plutôt que de rattraper au fur et à mesure, voire de tout refaire.
Or la notion de réchauffement climatique n’est pas prise en considération dans la conception des projets : on s’intéresse aux impacts du projet sur le réchauffement climatique mais pas à l’inverse. Dans les plans quinquennaux d’aménagement du territoire, les projections ne sont pas là. On reste dans le maintenant, sans être capable de se projeter dans 30 ans et de prendre en compte les risques climatiques à venir.
VRT. Pourquoi ce manque d’anticipation ?
P. R. Cela augmenterait considérablement le coût des chantiers.
Si on prend l’exemple des sociétés chinoises, l’approche est de tout faire le plus vite possible, au moindre coût, notamment les routes en Afrique où rien n’est anticipé. On manque aussi parfois de données. Que sait-on de ce que sera un pays comme la Guinée dans 20 ou 30 ans ?
Mais, encore une fois, le coût à venir sera bien plus grand encore. Il faut faire de gros progrès par rapport aux normes internationales, pour y intégrer plus de précisions, une plus grande prise en charge des populations qui sont déjà impactées, et la préservation des écosystèmes. Il faut faire évoluer ces normes auprès des grandes institutions internationales. Il faudrait d’ores et déjà être plus dans le concret, inventer un aménagement du territoire qui planifie, qui anticipe la résilience des infrastructures.
VRT. Des pays montrent-ils l’exemple ?
P. R. La République Dominicaine a pris les problèmes à bras-le-corps. Le Canada ou les Pays-Bas, aussi, savent repenser l’aménagement du territoire.
Ailleurs, on reste dans des normes à sens unique, qui posent la question de l’impact actuel des chantiers sur le réchauffement climatique. Mais qui n’anticipent pas que le réchauffement est déjà là et demandent comment on va faire face aux conséquences inéluctables à venir. Sachant que l’un ne doit pas empêcher l’autre.
Propos recueillis par Alexandre Duyck
Retrouvez notre dossier complet sur « les transports face au réchauffement climatique », dans le numéro de décembre de Ville, Rail & Transports.
Brest gagne le pass d’or, Nice le pass d’argent, Saint-Nazaire le pass de bronze, Guingamp-Paimpol le prix du Jury !
C’est un palmarès un peu particulier que nous vous présentons cette année. D’une part, nous célébrons les 30 ans de cet évènement qui a permis de photographier, année après année, les grands changements en cours pour les transports publics. D’autre part, vu les circonstances exceptionnelles, nous avons décidé, après une discussion avec les membres du jury, de ne pas nous appuyer sur des indicateurs chiffrés, comme nous le faisons habituellement pour établir notre classement des collectivités. Il s’agit toujours de récompenser celles qui ont le plus fait progresser les transports publics au cours de l’année écoulée. Mais les derniers mois ont été atypiques et il n’aurait pas été juste, par exemple, de retenir des évolutions de trafics qui dépendent parfois peu des collectivités (certaines ayant des voyageurs plus « captifs » que d’autres, ou bien dépendant significativement de la fréquentation touristique). Toutes les villes ont vu leur trafic drastiquement chuter et ont pu accompagner ce recul par une diminution de l’offre.
Cette édition 2021 permet de mettre en lumière des collectivités de toutes tailles qui n’étaient pas forcément des habituées de nos podiums. C’est le cas de Brest, qui a multiplié les initiatives et monte cette année sur la plus haute marche. Nice, qui se hisse à la seconde place, a réussi à se transformer en favorisant les vélos, les piétons et les transports publics alors qu’elle était, il n’y a pas si longtemps, une ville où la voiture était reine. Saint-Nazaire obtient le pass de bronze pour son plan de déplacements ambitieux adopté en 2020 après avoir fortement développé les transports publics. Enfin, la toute jeune agglomération Guingamp-Paimpol a su intégrer différents modes de transport en jouant sur leur complémentarité.
Citons aussi Amiens, Clermont, Nantes, Creil, et même Monaco ou Saint-Pierre de la Réunion qui reçoivent nos pass thématiques, après un vote du jury qui n’a pas hésité à regarder au-delà des frontières métropolitaines. Pour la deuxième année consécutive, nous avons aussi attribué un prix de la Mixité, la question de la diversité au sein des entreprises prenant -à juste titre- de plus en plus d’importance. Pour le Grand Prix européen de la mobilité, Göteborg a été choisi par le jury pour ses actions en faveur d’une mobilité plus durable. Une préoccupation qui devrait guider chaque décision des pouvoirs publics.
M.-H. P.
Notre Jury
Ville, Rail & Transports a réuni un panel de spécialistes (représentants d’association d’usagers, d’organisations professionnelles, d’experts…) pour composer le jury.
Une réunion a été organisée par visioconférence le 16 octobre pour échanger sur les candidatures et procéder aux votes de cette 30e édition du Palmarès des Mobilités.
Le jury était constitué de dix membres :
Magalie Dujeancourt, responsable de la communication d’Agir ;
Christian Broucaret, président de la Fnaut-Nouvelle Aquitaine ;
Benoît Chauvin, responsable du pôle technologie des transports et accessibilité au Gart ;
Josefina Gimenez, directrice Recherches et Innovations au Cabinet Artimon ;
Geneviève Laferrère, pilote du réseau transports et mobilité durable de France Nature Environnement ;
Marie-Hélène Poingt, rédactrice en chef de Ville, Rail & Transports ;
Hugo Salmon, chargé de mission au département des affaires économiques et techniques de l’UTP ;
Marie-Xavière Wauquiez, présidente-fondatrice de Femmes en Mouvement ;
Patrick Laval, VRT ;
Emilie Nasse, VRT ;
Nous remercions vivement les membres du jury pour leur participation.
Jacqueline Lorthiois et Harm Smit, grands connaisseurs de l’Ile-de-France et très actifs dans le monde associatif, se penchent depuis des années sur les projets de transport dans la région. Pour eux, le Grand Paris Express (et particulièrement les lignes 17 et 18) fait fausse route, en contribuant à dissocier main d’œuvre et emploi quand il faudrait commencer par les rapprocher, dans ce qu’ils appellent des zones cohérentes. Leur conviction : le meilleur transport est celui qu’on évite.
Ville, Rail & Transports. En Ile-de-France, comme dans d’autres régions ou dans tout le pays, on dirait qu’on veut sans cesse développer la mobilité. Pas vous. Pourquoi ?
Jacqueline Lorthiois. La mobilité n’est pas une vertu. Moi qui, par force, me déplace peu, je me rends compte à quel point la crise du Covid-19 a été une remise en cause du mythe de la mobilité. Assignée à résidence, je me suis trouvée adaptée au contexte du Covid, en tout cas plus adaptée que la moyenne des gens. Qu’est-ce qu’on a mis comme temps pour découvrir le télétravail !…
Harm Smit. La mobilité n’est, de plus, pas structurante. Au contraire, le Grand Paris Express aura un effet plutôt destructurant. Ses concepteurs pensent pouvoir organiser l’aménagement autour des gares. Mais les gares sont presque toujours des lieux de dispersion plutôt que de concentration. Les usagers vont profiter de la vitesse qu’apportent les nouvelles lignes pour augmenter la portée de leurs déplacements sans y consacrer davantage de temps, en allant s’établir plus loin, en périphérie, là où l’immobilier est moins cher et/ou la nature plus proche. D’où un étalement urbain accru, contrairement au but affiché.
J. L. Et cela se conjugue avec la hausse des prix de l’immobilier, déjà faramineuse, en anticipation de l’arrivée du Grand Paris Express. Une étude récente le confirme : les ménages modestes sont forcés de s’installer plus loin. En plus, cela conduit à vouloir remplir les espaces interstitiels non urbanisés. L’espace urbain actuel de l’Ile-de-France a la forme d’une pieuvre avec des tentacules le long des vallées, avec les axes de transports. Si même les espaces de respiration sont urbanisés, on va passer du modèle pieuvre au modèle méduse…
On sous-estime le besoin de respirer, de ménager les espaces naturels et agricoles, très souvent considérés comme de simples réserves foncières.
VRT. Vous parlez de « zone cohérente », qu’entendez-vous par là ?
H. S. Une zone cohérente recoupe un bassin d’emploi et un bassin de main-d’œuvre, si bien que la majorité des habitants vivent et travaillent dans le même territoire, lequel bénéficie ainsi de plus d’autonomie, ce qui diminue à la source les besoins de déplacement. Ce n’est pas un concept utopique, nous avons analysé plusieurs exemples de zones cohérentes existantes.
J. L. Cela part d’un constat de désordre urbain, qui se manifeste à de nombreux endroits, y compris la plaine de France et le plateau de Saclay. On a des villes dissociées : ceux qui y habitent travaillent ailleurs et ceux qui y travaillent habitent ailleurs. La ville de Saint-Denis dans le 93 en est un exemple parlant, on y trouve deux fois plus d’emplois que d’actifs, mais pour l’essentiel les actifs locaux vont travailler ailleurs et les emplois locaux sont occupés par des cadres supérieurs parisiens, et le taux de chômage y est de 23 %, comme à Sevran, une des villes les plus pauvres de France.
Il y a des zones dortoirs où il n’y a pas d’emploi et des zones comme Roissy, sans habitants, qui recrute sur des territoires immenses mais a un taux d’utilité de 6,2 % en termes d’emploi pour la main-d’œuvre des communes environnantes. C’est pour répondre à la réalité de ces territoires dissociés que nous défendons ce concept de zones cohérentes.
H. S. Aujourd’hui, on n’arrête pas de concentrer les emplois au centre de l’agglomération, ce qui tend à reléguer au rang de cité-dortoir toutes les villes de banlieue périphérique. Cela crée un besoin de transport énorme, qui croît chaque année. Pour sortir de ce cercle vicieux, il faut déconcentrer en créant des centralités secondaires. Nous ne sommes pas les seuls à le dire.
Valérie Pécresse, par exemple, la présidente de la Région, se dit polycentriste. Et pourtant, elle veut organiser un seul système de transport permettant de se déplacer d’un bout à l’autre de la région… C’est tout à fait incohérent. Un système polycentrique, tout particulièrement en Ile-de-France, devrait être fondé sur des zones cohérentes où on favorise la mixité, aussi bien sociale que fonctionnelle.
J. L. On veut résoudre toutes les questions avec un seul type d’offre, mais on confond le transport de desserte et le transport de transit. Revenons au Grand Paris Express. Souvenez-vous du débat public qu’il y a eu entre les deux projets régionaux : d’un côté celui de Jean-Paul Huchon et de la Région, Arc Express, de l’autre celui de Christian Blanc et de l’Etat, le réseau de transport du Grand Paris (le « Grand Huit »).
Arc Express était beaucoup plus dans la zone dense, et le projet de Christian Blanc était beaucoup plus un projet de transit express, pas du tout conçu pour les besoins de cabotage des bassins d’habitat donc de main‑d’œuvre. Or, la négociation entre Région et Etat a abouti à faire le Grand Paris Express. Résultat, on a conservé le tracé des liaisons de transit et on y a ajouté des gares de desserte, c’est un contresens.
L’exemple type, c’est la ligne 17 Nord du Grand Paris Express. On relie Le Bourget, aéroport d’affaires et ses VIP, à Roissy, un aéroport tous publics… Mais les utilisateurs des jets privés n’ont pas besoin d’aller à Roissy, ou, s’ils y vont, ce ne sera pas par le métro ! Relier ces deux aéroports par un transport capacitaire ne correspond donc à aucun besoin. Et, sur cette ligne, cinq gares sur six n’ont aucun habitant dans un rayon de 800 m.
H. S. Concernant le débat public de la CNDP de fin 2010-début 2011 sur les projets Arc Express et Grand Huit, je tiens à dénoncer le caractère anti-démocratique de cette procédure : on a suscité la contribution de 272 cahiers d’acteurs, puis, quelques jours avant la clôture du débat, les deux protagonistes ont convenu entre eux d’un accord prétendument historique, sans aucunement tenir compte des avis exprimés par le public. D’éminents experts avaient averti qu’on allait faire fausse route, mais leurs avis ont été totalement ignorés. Quatre ans plus tard, les spécialistes du Cercle des transports ont à leur tour vertement critiqué le projet du Grand Paris Express, mais ils ont prêché dans le désert.
VRT. Le domicile – travail n’est pas majoritaire dans les déplacements, vous y accordez pourtant une importance majeure. Pour quelle raison ?
J. L. Ils ne sont pas majoritaires en proportion du total, mais comme ils sont très concentrés dans le temps (les heures de pointe), ce sont eux qui sont dimensionnants. Les déplacements domicile-travail en Ile-de-France sont contraints et d’une distance de 15 km aller qui a tendance à augmenter. Les transports de proximité sont choisis et de 3-4 km, et ils ont tendance depuis quelques années à diminuer en portée. Les gens ne veulent plus bouger, sauf s’ils y sont contraints. Le bassin de main-d’œuvre est grand, mais les bassins de vie sont petits. En banlieue, plus personne ne va à Paris le week-end. Les gens en ont marre de la galère des transports !
De plus, la crise sanitaire a quelque peu diabolisé les transports collectifs et il faudra voir si les gens retourneront au travail en présentiel à 100 % ou si le télétravail s’installera durablement. La RATP observe une réduction de la fréquentation, notamment dans les quartiers d’affaires.
H. S. On fait comme si l’Ile-de-France était un bassin d’emploi unique, ce qui est impossible dans une mégapole. Souvenez-vous de Christian Blanc disant : « J’ai fait un rêve ». En 2024, imaginait-il, lorsque Paris accueillera les Jeux Olympiques, tout le monde pourra aller vite, grâce au nouveau métro, d’un point quelconque de l’Ile-de-France à un autre point quelconque de la Région, puisque tout le monde se trouvera à moins de 2 km d’une gare.
Mais l’Ile-de-France est beaucoup trop vaste pour que cela puisse fonctionner ainsi.
De plus, il faisait l’hypothèse que tout le monde allait rester là où il est. La réalité est que le nouveau réseau contribuera à faire migrer des gens plus loin en périphérie.
J. L. Avec la notion de zone cohérente, au contraire, on remet l’humain au centre. Mais ce n’est pas simple, car il y a un fort lobbying du BTP qui a mis en route plein de chantiers à la fois pour être sûr de réaliser les marchés… Le département qui souffre le plus, c’est la Seine-et-Marne. Il a les déchets du BTP et il n’est pas relié au métro !
H. S. Il faut extraire du sous-sol pour le Grand Paris Express l’équivalent de huit pyramides de Gizeh, disait Edouard Philippe. Ces nuisances insupportables exaspèrent les gens. Et pendant ce temps-là, les transports du quotidien (les RER) sont sous‑dotés : entassement, inconfort, vétusté du matériel…
Propos recueillis par François Dumont
Retrouvez l’intégralité de l’interview dans Ville, Rail & Transports de décembre (Rubrique Réservoir Mob)
Harm Smit
Ingénieur physicien de formation, Harm Smit a accumulé une expérience de terrain de plus de quarante ans dans les domaines de l’aménagement urbain et de la mobilité. Il a assisté Marc Wiel dans la rédaction de ses trois derniers ouvrages. Il exerce des responsabilités associatives à différentes échelles territoriales en Ile-de-France, dont celle de la coordination du Collectif OIN Saclay depuis 2010 ; à ce titre, il a contribué à l’ouvrage Citoyens de terre contre Etat de fer.
Jacqueline Lorthiois
Spécialiste depuis quarante ans de la relation emploi/main-d’œuvre dans les territoires, dont l’Ile-de-France, Jacqueline Lorthiois est urbaniste et socio-économiste. Cofondatrice du CPTG (Collectif pour le Triangle de Gonesse) et de la COSTIF (Coordination contre les grands projets inutiles d’Ile-de-France). Elle a étudié pour le Service public de l’emploi chacun des bassins d’emplois de la région. Elle a été conseillère technique dans plusieurs cabinets ministériels et dans différentes délégations. Elle a enseigné à Paris-8 et Paris-13. Elle tient un site sur l’aménagement du territoire et un blog sur Mediapart au sujet des grands projets inutiles en Ile-de-France.
La Société du Grand Paris (SGP) a sélectionné le groupement Thales – IER pour la réalisation des systèmes billettiques des lignes 15, 16, 17 et 18 du métro du Grand Paris Express. Ce contrat prévoit les études et les fournitures des nouveaux équipements de ventes et de validation mais également leur intégration à l’écosystème billettique d’Ile-de-France Mobilités (IDFM). Il comprend également la maintenance et l’évolution de ces solutions en support aux futurs opérateurs de transports de ces nouvelles lignes et d’IDFM.
Le design de ces équipements a été confié par la SGP à l’Agence Patrick Jouin ID, en charge de la conception et du suivi de la réalisation de l’ensemble des équipements et mobiliers installés en gare. Soit près de 500 machines de ventes (automates ou guichets) et quelque 1 200 portillons d’accès.
L’association Objectif OFP, qui organise aujourd’hui une rencontre sur le futur du fret ferroviaire, se montre optimiste sur le nouveau plan gouvernemental comme l’explique André Thinières, son délégué général. Selon lui, beaucoup dépend de SNCF Réseau et des entreprises.
Ville, Rail & Transports. Que pensez-vous de la stratégie nationale pour le fret ferroviaire présentée à la rentrée par le gouvernement?
André Thinières.J’ai vu passer beaucoup de plans, notamment depuis 2009 et l’initiative nationale pour le fret ferroviaire prise dans le sillage du Grenelle de l’Environnement. C’était un plan typique, puisque c’était une décision unilatérale de l’Etat avec des fléchages de crédits pour lesquels on s’était contenté de changer les étiquettes. Le résultat était prévisible : il ne s’est rien passé.
Dans le quinquennat précédent, le plan Vidalies avait décidé de doubler les péages en dix ans. Pourquoi pas si c’est pour garantir la santé du gestionnaire d’infrastructures ? Mais c’était au moment où l’Allemagne annonçait de son côté la baisse des péages pour le fret ferroviaire… De plus, SNCF Réseau avait interdiction de financer les lignes capillaires alors que 40 % des origines et destinations du fret se font sur des lignes capillaires. Il s’agissait donc soit de plans en trompe-l’œil, soit de plans inadaptés.
Le plan actuel a le mérite d’avoir été longuement préparé. Il est issu de la loi d’orientation des mobilités, dont l’article 78 demande à l’Etat de définir une stratégie pour le fret ferroviaire et fluvial. L’Etat a travaillé et l’Alliance 4 F a fait des propositions raisonnables. Cette nouvelle stratégie en tient compte. A cela s’ajoute le pacte ferroviaire signé par l’Etat, SNCF Réseau, 4 F et l’AUTF. Il pose le principe que les partenaires s’organisent dans la durée pour suivre la mise en œuvre du plan. Beaucoup d’évolutions dépendent de SNCF Réseau et des entreprises ferroviaires. L’état d’esprit est différent. Tout cela nous paraît aller dans le bon sens.
VRT. Y aura-t-il suffisamment d’argent ?
A. T.Ce qui manque le plus, ce n’est pas l’argent, mais des politiques coordonnées et claires pour que les problèmes d’implantation des futures plateformes se résolvent. Et si les ressources n’existent pas, il faut se mobiliser pour les trouver partout où elles se trouvent, à Bruxelles, dans les régions… Il faut prendre l’habitude de monter des financements plus compliqués que ce que décrète une ligne budgétaire.
Par exemple pour le volet infrastructures territoriales proposé par 4 F (qui concernent les voies capillaires, les voies de services, les voies portuaires, les ITE…), un travail sérieux a été fait sur le terrain, animé par les antennes locales du ministère des Transports qui a conduit à une centaine de petits projets d’un à deux millions d’euros. Ces projets sont tous financés par l’Etat, les régions et des partenaires locaux. Si l’Etat n’avait pas accepté, cela n’aurait jamais eu lieu.
» CE QUI MANQUE LE PLUS CE SONT DES POLITIQUES COORDONNÉES ET CLAIRES POUR QUE LES PROBLÈMES D’IMPLANTATION DES FUTURES PLATEFORMES SE RÉSOLVENT «
Il faut bien comprendre que le bénéfice écologique de ces projets ne se concentre pas seulement dans la région concernée mais sur tout le parcours d’un train, qui est en moyenne de 400 km : il y a moins d’accidents, moins d’embouteillages et moins de pollution atmosphérique dans toutes les régions concernées.
Nous pensons que c’est vital. Si on ne joue pas sur tous les leviers, on n’arrivera jamais à baisser les émissions de CO2 et à réduire les conséquences négatives sur l’environnement.
VRT. Peut-on croire à cet objectif de doublement de la part du fret ferroviaire ?
A. T. Nous sommes dans une stratégie du temps long. Les stratégies précédentes étaient réputées efficaces immédiatement. Nous savons que les premiers effets ne se feront pas sentir avant cinq ans. Le transport combiné par exemple a un fort potentiel. On espère son triplement. Mais auparavant, il faut construire une quinzaine de plateformes supplémentaires. Le temps de réalisation d’une plateforme est de cinq ans. On verra donc les effets dans cinq à dix ans. On peut aussi citer la mise à gabarit plus performant d’un certain nombre de tunnels, qui prendra quatre ou cinq ans.
Il faut que l’Etat s’organise dans la durée pour une mise en œuvre sur dix ans. Il faudra que les gouvernements successifs continuent l’effort. Le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, qui a rendu un avis, insiste sur cette nécessité d’un effort sur la durée.
Dans le contexte de crise sanitaire, et malgré la reprise, c’est encore l’heure des interrogations pour les opérateurs. Dans quelle mesure les changements de comportements vont-ils perdurer ? Faudra-t-il se réinventer pour s’y adapter ? Les pertes cumulées permettront-elles de maintenir
les investissements en Ile-de-France où le mass transit est une réalité incontournable ? Beaucoup de questions, auxquelles les intervenants ont cherché à répondre lors de la table ronde intitulée « Concilier nouveaux comportements et mass transit », organisée le 7 octobre par VRT avant la cérémonie des Grands Prix de la Région Capitale.
« Nous sortons d’une crise sans précédent. Les transports publics n’avaient jamais été aussi impactés que par le Covid », rappelle en préambule Laurent Probst, le directeur général d’Ile-de-France Mobilités (IDFM). Si, durant la pandémie, l’écosystème francilien a su faire preuve de réactivité pour assurer le service, la crise sanitaire a fait perdre à IDFM 2,6 milliards en 2020 (1,6 milliard de pertes sur les recettes passagers, un milliard sur le Versement Mobilité), puis 1,3 milliard d’euros en 2021 (dont 300 millions dus au recul du VM), car le trafic n’est toujours pas revenu à la normale. Il est aujourd’hui d’environ 75 % comparé à l’avant-crise.
« Nous pensons que 80 % des voyageurs seront de retour d’ici la fin de l’année, puis 90 % l’an prochain. Il faudra patienter jusqu’en 2023 pour que le trafic retrouve un niveau équivalent à celui de 2018, auquel il faudra sans doute déduire 3 % à 6 %, en raison de la pérennisation du télétravail », estime Laurent Probst. Au cours des années suivantes, IDFM espère retrouver une croissance annuelle de 5 %, qui lui permettra de retrouver son niveau de fréquentation de 2019 en… 2025.
» IL FAUDRA PATIENTER JUSQU’EN 2023 POUR QUE LE TRAFIC RETROUVE UN NIVEAU ÉQUIVALENT À CELUI DE 2018, AUQUEL IL FAUDRA SANS DOUTE DÉDUIRE 3 À 6%, EN RAISON DE LA PÉRENNISATION DU TÉLÉTRAVAIL « LAURENT PROBST
Le directeur général d’IDFM précise que le retour à 100 % du trafic ne sera pas forcément synonyme de retour aux trains bondés, car la Région poursuit ses investissements pour mettre en place des trains à étage et des extensions de lignes, comme le prolongement d’Eole.
De même, si le télétravail perdure, cela ne signifie pas forcément moins de mobilités, mais plutôt des mobilités différentes, à d’autres moments, notamment pour des déplacements de loisirs. Mais cela devrait permettre de réduire les pics d’affluence aux heures de pointe et d’offrir de meilleures conditions de voyage.
En Ile-de-France, les habitudes de télétravail semblent déjà installées : la fréquentation des transports publics est revenue à 78 % du mardi au jeudi, elle monte à 80 % les week-ends, tandis qu’elle se limite à 72 % les lundis et vendredis. « 6 % se volatilisent en raison du télétravail », en déduit le DG d’IDFM.
Les différentes restrictions décidées par le gouvernement ont conduit à une chute du trafic. Son soutien s’impose donc pour passer ce cap difficile, selon l’exécutif d’IDFM. « Nous avons accumulé six ans de retard sur les recettes prévues pour les transports en Ile-de-France. Raison pour laquelle nous avons demandé l’aide de l’Etat », justifie Laurent Probst qui annonce qu’IDFM va continuer à chercher à réduire les coûts.
Il compte aussi sur la mise en concurrence des liaisons ferrées, des lignes de bus et du Grand Paris Express pour améliorer la qualité de service et réaliser des économies.
A condition de prévenir le risque social, comme le montre le mouvement social alors en cours au moment de cette conférence, perturbant des dépôts de bus exploités par Transdev. Un conflit lié à l’ouverture à la concurrence des bus Optile.
Laurent Probst tente de rassurer : « Nous avons besoin de tous les conducteurs, il n’y aura pas de suppression de postes, mais il faut leur proposer des conditions de travail qui les satisfassent. » C’est pourquoi, dans le cadre de ses appels d’offres, IDFM sera attentive au fait que les opérateurs mènent un dialogue social constructif, assure-t-il. « La mise en concurrence est un défi, mais j’ai confiance dans les opérateurs franciliens, qui sont parmi les meilleurs au monde, pour que cela marche bien et que cela permette d’avoir, à l’horizon 2030-2035, le plus grand, le meilleur et le plus performant réseau de transport du monde, sur lequel nous aurons réalisé le plus grand renouvellement de matériel roulant au monde. »
Situation encore mouvante
Le Covid va-t-il durablement modifier la façon de se déplacer ? Pour le savoir, tous les opérateurs ont lancé des études visant à décrypter les nouveaux comportements. S’il est certain que le Covid a fait bouger les lignes, Annelise Avril, directrice Marketing du groupe Keolis, juge qu’il est encore difficile de savoir dans quel sens la situation va évoluer.
« Nous sommes encore dans une période transitoire et dans une situation mouvante. Il convient donc d’être très prudent, car les choses bougent vite. » L’observatoire Keoscopie, qui sonde les Français tous les trois mois, montre des variations importantes d’un mois sur l’autre. « A la question : est-ce que votre façon de vous déplacer à la sortie de la crise va se modifier, une majorité des personnes interrogées disait oui en octobre dernier, tandis qu’à l’entrée de l’été ce n’était déjà plus le cas. On avait perdu 15 points », rapporte, à titre d’exemple, Annelise Avril.
» IL SUFFIRAIT QUE 10 % DES VOYAGEURS DÉCALENT LEUR DÉPART POUR QUE CEUX QUI VOYAGNET AUX HEURES D’HYPERPOINTE RETROUVENT DU CONFORT « ANNELISE AVRIL
Pour ne pas se contenter de déclaratif, Keolis utilise aussi des outils pour suivre les déplacements réels des piétons, cyclistes et transports en commun. « Le retour des voyageurs, qui s’accompagne de celui de la promiscuité dans les transports, est plus ou moins bien vécu », constate Annelise Avril, qui travaille sur un outil permettant de connaître l’affluence en temps réel. 73 % des Franciliens se disent intéressés par cette information, même si seulement 39 % d’entre eux disent avoir déjà décalé leur départ pour voyager à une heure de moindre influence. « Il suffirait que 10 % des voyageurs décalent leur départ pour que ceux qui voyagent aux heures d’hyperpointe retrouvent du confort », assure Annelise Avril.
« Etant encore au milieu de la crise, il est trop tôt pour savoir comment les comportements vont évoluer », confirme Alain Pittavino, le directeur général adjoint Ile-de-France de Transdev. Depuis le début de la pandémie, Transdev participe à un collectif proposé par Inov360, qui regroupe une trentaine d’acteurs de la mobilité (dont IFPEN, Transdev, SNCF Réseau, Paris Ouest La Défense (POLD), Grand Paris Seine Ouest (GPSO), Communauto, Cityscoot, Karos). Le but est d’interroger des milliers de Franciliens pour appréhender la façon dont la crise sanitaire a influé sur leurs déplacements. Alain Pittavino a vu les opinions évoluer. « Les premières enquêtes montraient une forte démobilité et un intérêt pour changer de mode de transport. La plus récente met en avant le fait qu’il existe encore des craintes sanitaires vis-à-vis des transports publics, toujours perçus comme un lieu où l’on peut être contaminé, ce qui freine le retour de certains voyageurs. »
Le dirigeant constate une grande hétérogénéité de fréquentation selon les territoires. Les voyageurs de la deuxième couronne sont davantage revenus vers les transports publics que ceux du centre de Paris, parce qu’ils en sont plus dépendants. « Sur certaines lignes de Seine-et-Marne, les Franciliens sont revenus à 100 % », commente Alain Pittavino.
» LES PREMIÈRES ENQUÊTES MONTRAIENT UNE FORTE DÉMOBILITÉ ET UN INTÉRÊT POUR CHANGER DE MODE DE TRANSPORT. LA PLUS RÉCENTE MET EN AVANT LE FAIT QU’IL EXISTE ENCORE DES CRAINTES SANITAIRES VIS-À-VIS DES TRANSPORTS OUBLICS, TOUJOURS PERÇUS COMME UN LIEU OÙ L’ON PEUT ÊTRE CONTAMINÉ, CE QUI FREINE LE RETOUR DE CERTAINS VOYAGEURS « ALAIN PITTAVINO
Une enquête réalisée par Transdev a mis en évidence que 18 % des habitants de Seine-Saint-Denis télétravaillaient au moins une journée par semaine, contre 48 % dans les Hauts-de-Seine. Quant au taux de pénétration du vélo, il se réduit au fur et à mesure qu’on s’éloigne du centre de Paris. Alain Pittavino en conclut qu’il faut tenir compte de ces différences pour proposer une offre adaptée à chaque territoire.
Données en temps réel
« En équipant les véhicules de cellules pour remonter des données de trafic en temps réel, nous avons constaté que certains réseaux étaient revenus à 100 %, tandis que d’autres ne sont qu’à 70 % », poursuit Christophe Vacheron, le directeur adjoint France de RATP Dev. Au plus fort de la crise Covid, la fréquentation de RATP Dev avait baissé en moyenne de 90 %, pour revenir rapidement à 50 %. L’entreprise, qui a retrouvé les 20 % de voyageurs captifs, rentre à présent dans une phase de reconquête pour parvenir progressivement à 95 % de fréquentation. Christophe Vacheron table sur le retour du tourisme pour y aider. Il précise : « avant le Covid, notre priorité était de veiller à la fiabilité, à la régularité et à l’information voyageurs. Nous mettons désormais en plus le paquet sur la propreté et l’affluence. »
L’appli « Bonjour RATP » permet aux voyageurs de connaître l’affluence en temps réel. Si l’information est très consultée, elle n’est pas encore un déclencheur de changement, constate Christophe Vacheron. « De plus, une part importante de Français ne peut pas télétravailler, on s’en rend compte sur les réseaux de province revenus à 100 %. »
» UNE PART IMPORTANTE DE FRANÇAIS NE PEUT PAS TÉLÉTRAVAILLER. ON LE VOIT SUR LES RÉSEAUX DE PROVINCE DONT LE TAUX DE FRÉQUENTATION EST REVENU À 100% « CHRISTOPHE VACHERON
En Ile-de-France, quand c’est possible, cela libère une heure, représentant le temps moyen du trajet des Franciliens. Ce temps peut être utilisé pour de nouveaux besoins de déplacements. Si l’on en croit le sociologue Jean Viard, rappelle Christophe Vacheron, 10 % des Français sont en train de changer de vie, les trentenaires souhaitent se rapprocher de la nature et désirent consommer local… RATP Dev en déduit qu’il faut travailler à la « ville du quart d’heure ».
« Le fait que des Parisiens souhaitent quitter la ville est un phénomène que nous nous attachons à mesurer », indique de son côté Sylvie Charles, directrice Transilien, tout en rappelant que la politique d’aménagement du territoire n’est pas du ressort d’un transporteur. Et de poursuivre : « L’avenir est incertain et sera ce qu’on en fera, mais rappelons que sur la région Capitale, 68 % des emplois se sont concentrés ces 20 dernières années sur 6 % du territoire, dont Paris Centre et la Défense… »
Depuis son arrivée en mars 2020 à la tête de Transilien, Sylvie Charles assiste au déplacement des Franciliens vers la petite, voire la grande couronne, en raison de la rareté et du prix du foncier. Un phénomène qui s’est amplifié ces dernières années, au point que le trafic de certaines lignes a augmenté de 3 % par an et conduit à la saturation de certaines infrastructures. D’où une hyperpointe le matin. Dans ces conditions, le télétravail représente une des solutions, puisque, en Ile-de-France, 45 % des emplois sont « télétravaillables ».
« Plus de travailleurs à distance, c’est moins de voyageurs aux heures de pointe, ce qui permet de faire baisser de 5 à 10 % le trafic en hyperpointe », précise-t-elle.
Essentielle intermodalité
La dirigeante se dit confiante sur les chances d’y parvenir. « Le patronat a intérêt à conserver du télétravail pour réduire le nombre de mètres carrés de bureaux nécessaires », souligne-t‑elle, notant un nouvel état d’esprit chez les DRH. « Ils ont compris que le bien-être au travail ne s’arrête pas à la vie au travail. Qu’il faut aussi penser à l’avant et l’après. »
Si ces télétravailleurs se déplacent moins pour se rendre au bureau, la directrice de Transilien est confiante aussi sur le fait qu’ils continueront à utiliser les transports différemment, à d’autres moments, notamment pour leurs loisirs.
Pour remplir ses trains, elle a pour ambition d’attirer plus de clients en heures creuses, le week-end, surtout des occasionnels.
Dans ce but, ses équipes travaillent notamment sur ce qu’on appelle les premiers et derniers kilomètres. « Plus de 80 % des franciliens sont à moins de 3 km d’une gare. Nous devons leur en faciliter l’accès, en rendant les déplacements vers ces gares plus faciles, notamment en bus ou à vélo. »
» 68% DES EMPLOIS SE SONT CONCENTRÉS CES 20 DERNIÈRES ANNÉES SUR 6% DU TERRITOIRE, DONT PARIS CENTRE ET LA DÉFENSE « SYLVIE CHARLES
Elle souhaite que soit facilité l’accès aux places de stationnement des bicyclettes aux abords des gares pour ceux ne disposant pas de passe Navigo. Et si elle ne conteste pas l’intérêt de réaliser des pistes cyclables le long du RER, elle plaide pour qu’on en construise aussi pour desservir les gares.
Pour faciliter l’usage des transports en commun en jouant sur leur complémentarité, elle a également engagé un travail auprès des agents SNCF afin de les pousser à informer les voyageurs sur les autres modes en leur indiquant les emplacements des arrêts de bus à proximité des gares, les stations de vélo… Elle reconnaît qu’il faudrait mieux harmoniser les horaires pour faciliter les correspondances entre trains et bus.
Les extensions de services à venir (la première tangentielle T13 entre Saint-Cyr et Saint‑Germain mi-2022, le T12 reliant Massy à Epinay-sur-Orge fin 2023) contribueront aussi à l’avenir à faciliter les déplacements de banlieue à banlieue.
Prise en compte du dernier kilomètre
Annelise Avril insiste, elle aussi, sur la nécessité de simplifier le parcours du dernier kilomètre et de faciliter la connexion avec les transports en commun. « Ce n’est pas toujours facile et face à cette complexité, certains voyageurs abandonnent. » Elle mise sur les outils digitaux qui pourront rendre les choses plus simples, mais prévient : « Nous devons aussi assurer une présence humaine et une signalétique adaptée pour mieux connecter les gares et les stations avec la marche, le vélo, le covoiturage ».
Pour faciliter l’accès aux gares de grande couronne, Alain Pittavino table sur le vélo électrique, à condition de pouvoir assurer et sécuriser son stationnement. « C’est un enjeu majeur, si on veut renforcer l’intermodalité et l’attractivité des transports publics », affirme‑t-il, avant d’ajouter qu’il faut aussi garantir les correspondances entre les trains et les bus, en proposant, par l’utilisation des outils digitaux, des bus qui partent, non pas à l’heure, mais au moment où le train arrive.
Pour favoriser les déplacements en transports publics, il propose également de les compléter, notamment en soirée, avec du transport à la demande. Christophe Vacheron croit lui aussi au rôle du transport à la demande pour faire venir de nouveaux voyageurs. « Il faut tester, expérimenter », encourage‑t-il. Et pour lever l’obstacle du dernier kilomètre et ramener les voyageurs vers les transports publics, il plaide pour qu’on facilite et sécurise les connexions au mass transit, en faisant preuve d’agilité et en construisant des pistes cyclables sécurisées.
Valérie Chrzavzez
Un niveau d’offre de transport encore trop bas
« Depuis septembre, les Franciliens sont de retour dans les transports et l’effet télétravail varie suivant les lignes et les jours », constate Marc Pelissier. Le président de la Fnaut Ile-de-France estime que les usagers, qui avaient pris l’habitude de voyager confortablement durant la pandémie, supportent mal le retour à la « promiscuité ». Et s’il comprend que certaines lignes ont vu leur offre allégée pendant la pandémie pour des raisons économiques, il regrette qu’elles ne soient pas encore revenues à 100 %. « Ce qui cause de la surcharge et une attente excessive sur le réseau SNCF et n’incite pas à faire revenir les usagers qui ont pris l’habitude d’utiliser leur automobile. » Il plaide donc pour qu’on remette en place une offre adaptée et que le travail visant à améliorer la ponctualité, notamment dans le RER B, se poursuive.
Interpellée, Sylvie Charles reconnaît avoir travaillé avec IDFM sur l’adaptation de l’offre à la demande, durant la crise sanitaire, tout en restant attentive aux pointes et à la fréquence, et en garantissant un train toutes les demi-heures. Mais elle assure que le trafic est revenu depuis la rentrée à un niveau proche, en km/train, de ce qu’il était en 2019 et qu’elle continue à travailler pour l’améliorer. « Alléger dessertes et services en gare durant la crise a permis de montrer à l’Etat qu’on était soucieux des finances publiques. Mais il faut à présent que l’Etat tienne compte des pertes survenues et aide IDFM à combler son déficit », plaide la directrice de Transilien.
» LA CRISE S’AGGRAVE PAR LES SURCOÛTS ANNONCÉS, NOTAMMENT CEUX D’EOLE. TOUT CELA ARRIVE DANS UN CONTEXTE OÙ DES PRJETS AVAIENT DÉJÀ ÉTÉ MIS EN ATTENTE « MARC PELISSIER
Les craintes de la Fnaut
Les problèmes financiers inquiètent également la Fnaut, qui a déjà alerté sur le fait qu’une dizaine de projets risquent d’être bloqués en IDF, faute d’argent. « La crise s’aggrave par les surcoûts annoncés, notamment ceux d’Eole. Tout cela arrive dans un contexte où des projets avaient déjà été mis en attente. » Ce qui fait craindre à Marc Pélissier un nouveau Contrat de Plan Etat-Région qui ne servira qu’à payer les surcoûts du précédent, sans pouvoir financer de nouveaux projets. Ce que ne dément pas Alain Probst : « La découverte d’un surcoût énorme pour Eole et ceux d’autres projets vont assécher le prochain CPER. Il existe bien un risque d’avoir un CPER pour rien. »
La mise en concurrence en question
Jacques Baudrier, adjoint à la maire de Paris et administrateur d’IDFM, a fait les comptes : la crise Covid a coûté quatre milliards de pertes de recettes à IDFM, et le surcoût de certains chantiers, dont les 1,7 milliard supplémentaires annoncés pour le chantier Eole, va s’y ajouter. L’élu communiste, qui réclame aussi un soutien de l’Etat, estime que la mise en concurrence va également représenter un coût, nécessitant le rachat de dépôts et de matériels pour quatre milliards d’euros. « Soit un coût total de 12 milliards, dont quatre qu’on pourrait éviter immédiatement en renonçant à la mise en concurrence. »
» ON POURRAIT ÉCONOMISER IMMÉDIATEMENT QUATRE MILLIARDS D’EUROS EN RENONÇANT À LA MISE EN CONCURRENCE « JACQUES BAUDRIER
Selon lui, s’obstiner dans cette voie est une erreur qui risque de déstabiliser tout le système. Pour compenser le déficit de recettes, il se dit favorable à une augmentation de la contribution du Versement Mobilité, en créant des zones premium, dans les secteurs les plus denses. Assurant : « Les communistes ont déposé des amendements en ce sens. Si on n’a pas ces recettes, on n’y arrivera pas. »
Bis repetita. Un an après avoir obtenu des subventions de la part de l’Etat pour surmonter la crise sanitaire, IDFM a de nouveau présenté la note au gouvernement au titre de l’année 2021 : l’autorité organisatrice des transports franciliens estime à 1,3 milliard d’euros les pertes liées à la crise (300 millions d’euros pour la baisse du versement mobilités et un milliard dû au recul des recettes tarifaires).
Malgré ces difficultés financières, le service public a fonctionné et des innovations ont été lancées pour continuer à rassurer les voyageurs sur la sécurité sanitaire, pour renforcer l’information et pour favoriser les nouvelles mobilités tout en assurant leurs connexions aux modes de transports plus traditionnels.
C’est ce que montrent les Grands Prix de la Région Capitale que nous décernons cette année. Les réseaux de transport ont continué à s’étendre, qu’ils s’agissent de modes lourds ou plus légers et la digitalisation prend une place centrale dans l’exploitation des transports. Derrière ces évolutions, une autre révolution est en marche : à travers ses appels d’offres, IDFM est en train de redistribuer les marchés, d’abord avec les bus Optile et maintenant avec les premières lignes Transilien. La fin des monopoles va obliger les opérateurs de transport à se réinventer. Encore…
La crise sanitaire n’a pas empêché d’avancer les régions qui souhaitent expérimenter l’ouverture à la concurrence de leurs TER. Parmi elles, trois régions ont pris les devants, en plus de l’Ile-de-France : la région Sud-Provence Alpes Côte d’Azur, Hauts-de-France et Grand Est. Les élus
de la région Sud sont ainsi appelés à dire, le 29 octobre, s’ils confient à Transdev l’exploitation des TER sur l’axe Marseille – Toulon – Nice à partir de juillet 2025. Et à la SNCF, l’Etoile de Nice. D’autres appels d’offres devraient suivre et intéresser les grands opérateurs de transport, qu’ils soient français comme Transdev, RATP ou européens comme Arriva ou la Renfe. On s’attend aussi à voir des groupements associant une multiplicité de compétences (ingénieristes, entreprises du BTP, constructeurs ou loueurs de rames…) pour répondre à des demandes nouvelles, notamment pour gérer les infrastructures comme le permet désormais la loi.
Comment répondre aux nouvelles demandes des régions ? Qui seront les nouveaux acteurs demain ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles ont répondu les participants au débat organisé le 16 septembre par VRT, juste avant la remise des Grands Prix des Régions.
Un monopole est en train de tomber : Transdev devrait être la première entreprise à gagner un marché d’exploitation de TER aux dépens de la SNCF. Le président de la Région, Renaud Muselier a annoncé que, pour les deux lots mis en concurrence dans le Sud, Transdev et la SNCF présentaient les meilleures offres. Les élus régionaux devront le confirmer en Assemblée plénière le 29 octobre prochain.
Pour Jean-Pierre Serrus, vice-président chargé des Transports à la région, ce scrutin marquera la fin d’un long processus démarré en 2017. PACA avait alors décidé de jouer les pionniers, en ouvrant à la concurrence la liaison Marseille – Toulon – Nice et l’étoile ferroviaire niçoise. Le premier lot représentant 10 % de l’offre régionale, le second 23 %. Après un appel à manifestation d’intérêt qui avait donné lieu à une dizaine de réponses, la région avait enchaîné en 2020, avec un appel d’offres et un cahier des charges précis. « La qualité des offres va dans le sens de l’intérêt de l’usager. A coût constant pour la collectivité et pour les usagers, elles permettront d’augmenter significativement la cadence des trains », assure Jean-Pierre Serrus. Le démarrage de l’exploitation par les nouveaux opérateurs n’est prévu que fin 2024 pour l’Etoile de Nice et 2025 pour Marseille – Toulon – Nice. « L’essentiel reste à faire, mais c’est une véritable aventure qui commence », commente l’élu. Et il ajoute : « L’ouverture à la concurrence ne doit pas être vue comme un mouvement de libéralisme, mais plutôt de décentralisation. Elle permet de rapprocher le centre de décisions des usagers et des clients ».
» L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE NE DOIT PAS ÊTRE VUE COMME UN MOUVEMENT DE LIBÉRALISME, MAIS PLUTÔT DE DÉCENTRALISATION. ELLE PERMET DE RAPPROCHER LE CENTRE DE DÉCISIONS DES USAGERS ET DES CLIENTS « JEAN-PIERRE SERRUS
L’importance de l’implantation locale
Edouard Hénaut, directeur général France de Transdev se dit honoré du choix régional et rappelle le long parcours entamé en 2016 pour en arriver là. « Nous nous sommes arrimés au projet, en nous appuyant sur notre solide expérience acquise en Europe. » L’entreprise exploite des lignes en Suède et est le premier opérateur privé en Allemagne, pays ayant ouvert ses trains à la concurrence il y a 20 ans.
En France, Transdev a obtenu le Certificat de sécurité ferroviaire lui donnant l’autorisation d’exploiter des lignes, en 2018 et sa filiale CFTA, exploite 89 km entre Carhaix (Finistère) et Guingamp et Paimpol (Côtes-d’Armor).
L’opérateur, filiale de la Caisse des dépôts et de l’allemand Rethmann veut se développer sur le marché ferroviaire mais pas à n’importe quel prix. Pour décider de répondre ou pas à un appel d’offres, Edouard Hénaut explique qu’il « scannera » le projet et le cahier des charges afin de comprendre les besoins de la collectivité. Certains critères, tels que la possibilité d’être maître de la maintenance, feront pencher la balance d’un côté ou de l’autre.
» NOUS SAURONS NOUS ADAPTER EN FONCTION DES CIRCONSTANCES, EN CRÉANT DES ÉQUIPES DÉDIÉES ET EN NOUS APPUYANT SUR NOS 20 ANS D’EXPÉRIENCE » EDOUARD HÉNAUT
Le patron de Transdev France insiste sur l’importance d’une implantation locale, condition pour pouvoir analyser finement les besoins des territoires et pouvoir gérer au cas par cas des solutions de rabattement ou des services de substitution en cas d’aléas. Selon lui, si les appels d’offres seront très différents d’une région à l’autre, une même logique les guidera : plus d’offres pour un meilleur service. « On rencontre tous les cas de figure. Certaines régions demandent d’exploiter une ligne, d’autres de mettre en place de la régénération, de remettre en service une liaison… On sait s’adapter en fonction des circonstances, en créant des équipes dédiées et en s’appuyant sur nos 20 ans d’expérience », précise Edouard Hénaut.
L’aiguillon de la concurrence
Si la SNCF va perdre dans quelques années son monopole dans la région Sud, elle a tout de même remporté le deuxième lot, le plus important des deux. L’opérateur ferroviaire s’engage à améliorer son offre sur l’Etoile de Nice et à gagner en productivité. Il a déjà amélioré son service depuis quelques années, aiguillonné par cette perspective d’ouverture à la concurrence, reconnaît Jean-Aimé Mougenot. Le directeur TER délégué SNCF Voyageurs explique qu’en travaillant sur les horaires et en procédant à un réglage « d’horlogerie fine » sur la circulation des trains, la SNCF a réussi à réduire de 30 % les trains en retard sur l’ensemble du territoire en cinq ans.
« Sur le lot Azur, nous avons gagné 10 points en cinq ans. Cela nous a donné envie de continuer pour tenir l’objectif d’augmenter le trafic de 75 % en train/km. Ce qui va nous demander de regarder point par point, ligne par ligne, où on peut ajouter des fréquences sur ce territoire coincé entre la montagne et la mer. »
» SUR LE LOT AZUR, NOUS AVONS GAGNÉ DIX POINTS EN CINQ ANS. CELA NOUS A DONNÉ ENVIE DE CONTINUER POUR TENIR L’OBJECTIF D’AUGMENTER LE TRAFIC DE 75% EN TRAIN/KM « JEAN-AIMÉ MOUGENOT
Jean-Aimé Mougenot, assure ne pas craindre la concurrence. « C’est une nouveauté sur le marché conventionné, mais elle existe déjà pour le fret et les lignes à grande vitesse qui sont en open access. Cela nous a appris à mieux écouter nos clients, autorités organisatrices, voyageurs, chargeurs. » La SNCF répondra à tous les appels d’offres de mise en concurrence en Régions, à travers des sociétés dédiées, avec à chaque fois pour objectif de conserver sa puissance opérationnelle. « Nous y répondrons en faisant en sorte d’être le plus local possible, pour coller aux spécificités des territoires concernés. En combinant industriel et local is beautiful », explique Jean-Aimé Mougenot.
L’expérience internationale
Filiale de la SNCF, Keolis fait partie des acteurs qui s’intéressent à l’ouverture à la concurrence des TER. Elle a répondu à un appel d’offres dans le Grand Est, pour la réouverture de la ligne Nancy – Contrexéville. Son directeur général adjoint, Didier Cazelles, met en avant l’expérience ferroviaire de l’entreprise à l’international. Keolis a remporté un contrat d’exploitation et de maintenance du réseau dense de Boston aux Etats-Unis et un autre à Adélaïde en Australie. En Europe, l’autorité organisatrice de mobilité du Pays-de-Galles lui a confié l’exploitation, la maintenance et la rénovation de l’ensemble du réseau ferroviaire gallois et Keolis opère des petites lignes de desserte aux Pays-Bas. « Dans l’Hexagone, l’entreprise est un acteur du tram-train en Ile-de-France et exploite la ligne ferroviaire du Blanc Argent dans le Centre-Val de Loire. »
» DANS L’HEXAGONE, KEOLIS EST UN ACTEUR DU TRAM-TRAIN EN ILE-DE-FRANCE ET EXPLOITE LA LIGNE FERROVIAIRE DU BLANC ARGENT EN VAL-DE-LOIRE « DIDIER CAZELLES
Fort de ce savoir-faire Didier Cazelles souhaite profiter d’opportunités qui vont se présenter en régions, en cherchant à faire baisser le coût des TER. Mais toujours en concertation avec la SNCF. Le rapport du Cerema estime que le prix des lignes de dessertes fines du territoire devrait avoisiner les 10€ au train-km, rappelle Didier Cazelles en assurant que cet objectif est accessible.Pour garantir un service de qualité, Keolis travaille sur des réponses réactives en cas d’aléas. C’est ce qui est fait par exemple sur la ligne Blanc Argent, où le service n’a jamais été affecté pour défaut de conducteur, grâce aux ressources mises en place pour éviter ce type de situation. Enfin, Didier Cazelles ajoute que Keolis sait construire des projets en proposant des montages financiers de type PPP.
Des données essentielles
Né il y a deux ans du partenariat entre RATP Dev et Getlink, Régionéo s’est associé avec le groupe Colas pour répondre aux appels d’offres notamment dans le Grand Est. La région veut relancer, via un appel d’offres, la ligne entre Nancy et Contrexéville, fermée à la circulation depuis décembre 2016 et sur laquelle l’infrastructure est à reconstruire intégralement. Elle cible aussi la ligne Epinal – Saint-Dié, également fermée mais qui devrait rouvrir et être exploitée temporairement par la SNCF fin 2021. « Grand Est a un projet d’intégration vertical, avec de la régénération, de la maintenance, du financement et de l’exploitation des services. En cela, la région est pionnière », rappelle Ronan Bois, le président de Régionéo qui insiste sur la nécessité d’obtenir un bon niveau d’informations pour pouvoir faire une offre. « Même si la SNCF fait des efforts pour fournir ses informations, il reste une asymétrie résiduelle vis-à-vis des nouveaux candidats. Soit parce que l’opérateur qui était en situation de monopole n’était pas organisé pour avoir ces données, soit parce que c’est le résultat d’une stratégie plus ou moins consciente de rétention d’informations. Auquel cas le régulateur doit intervenir », insiste-t-il.
L’Autorité de régulation des transports a été sollicitée sur les appels d’offres de la région Sud et dans le Nord, comme le rappelle Franck Dhersin, vice-président de la Région Hauts-de-France chargé des transports et des infrastructures. « Nous n’avons pas eu toutes les informations dont nous avions besoin. La SNCF nous a transmis des documents de 3 000 pages, en nous disant débrouillez-vous avec ça ! Il est très difficile dans ces conditions de construire un cahier des charges. » L’ART lui a donné raison, mais la SNCF a décidé de faire appel, regrette Franck Dhersin, en reconnaissant toutefois que pour l’étoile d’Amiens, les choses se passent bien.
» MÊME SI LA SNCF FAIT DES EFFORTS POUR FOURNIR SES INFORMATIONS, IL RESTE UNE ASYMÉTRIE RÉSIDUELLE VIS-À-VIS DES NOUVEAUX CANDIDATS « RONAN BOIS
Interpellé, Jean-Aimé Mougenot explique que c’est un véritable apprentissage pour la SNCF de s’organiser pour fournir des données. Il insiste sur le fait que cela demande parfois autant de travail que de répondre aux appels d’offres. Mais le directeur TER délégué assure jouer le jeu. « Nous avons envoyé 135 000 documents aux Régions qui ouvrent à la concurrence leurs TER. Nous sommes conscients de la difficulté qu’il peut y avoir à les étudier, c’est pourquoi nous proposons aux autorités organisatrices de leur fournir des explications. Nous donnons tout ce que nous avons, à l’exception des éléments liés à la fiabilité. »
Mais pour Ronan Bois, « il y aura toujours une asymétrie résiduelle… » Il considère qu’elle devra se réguler par le contrat entre la collectivité et le candidat futur attributaire, avec le principe du risque partagé de façon équilibré. Et d’ajouter : « Le manque de données ne doit pas être un risque aveugle pour le candidat. »
Des nouveaux marchés
Jean Baptise Eyméoud, président d’Alstom France envisage l’ouverture à la concurrence comme « une dynamique » dans laquelle son groupe va s’inscrire, puisque si l’offre augmente « cela aura un impact sur l’activité industrielle. » Alstom va donc continuer à proposer du matériel roulant en adaptant son catalogue aux besoins.
En fonction des appels d’offres (certains s’appuyant sur les flottes existantes), le constructeur compte aussi se positionner sur d’autres marchés : évolutions de matériels existants, modernisations, nouveaux services, verdissement… Alstom a déjà transformé des autorails à grande capacité en remplaçant les packs diesel par des batteries hybrides, travaille sur la récupération de l’énergie de freinage pour charger des batteries et proposera demain de modifications pour faire rouler des matériels à l’hydrogène. « Dans les offres d’ouverture à la concurrence, en plus d’une demande de qualité de service, il y aura une demande pour améliorer le digital et réduire l’empreinte carbone des trains », ajoute Jean-Baptiste Eyméoud, en rappelant qu’il y a encore plus de 1 200 rames qui circulent au diesel dans les régions françaises et qu’il faudra les renouveler en proposant des énergies alternatives.
Le constructeur entend aussi proposer ses solutions de maintenance prédictive. « Pour profiter de l’ouverture à la concurrence, on sera pragmatique, opportuniste et agile. Sur chacun des projets d’appels d’offres, on verra si on peut s’associer aux exploitants pour créer de la valeur. Concernant la maintenance, certains opérateurs peuvent penser que c’est à eux de la faire, mais à l’étranger il y a des cas où l’association fait sens. Avec des trains plus intelligents, on peut faire de la maintenance prédictive et donc d’énormes économies. On le fait déjà avec Keolis et Transdev en transport urbain », rappelle Jean-Baptiste Eyméoud qui prévient : « on proposera du matériel, mais on ne le financera pas. » Le financement pourra être porté par les opérateurs, les régions, ou des Rosco.
» DANS LES OFFRES D’OUVERTURE À LA CONCURRENCE, EN PLUS D’UNE DEMANDE DE QUALITÉ DE SERVICE, IL Y AUARA UNE DEMANDE POUR AMÉLIORER LE DIGITAL ET RÉDUIRE L’EMPREINTE CARBONE DES TRAINS « JEAN-BAPTISTE EYMÉOUD
Alors que certains s’inquiètent de la capacité qu’auront les Régions à garantir les voyages interrégionaux, lorsqu’elles auront toutes leurs propres exploitants de TER, Jean-Pierre Serrus rassure : « C’est notre rôle d’autorité d’y veiller. L’ouverture à la concurrence ne changera ni le rôle, ni l’attention que les AO mettrons à l’inter modalité. Notre rôle c’est d’assurer la capillarité pour irriguer la totalité de nos territoires. » Il insiste : « On aura une phase où on va changer d’opérateurs, mais on continuera à travailler avec nos collègues des autres autorités pour assurer, à travers l’intermodalité, des mobilités plus pratiques et plus intuitives. Le digital nous y aidera. »
Si le transport ferroviaire a connu une embellie cet été, la SNCF fait encore face à la baisse des déplacements professionnels et aux changements d’habitudes des voyageurs. Le tout sur fond d’ouverture à la concurrence. Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs (TGV InOui, Ouigo, Intercités, TER, Transilien) aborde cette nouvelle période sous l’angle de la conquête, que ce soit en France ou en Europe, comme il l’a expliqué au Club VRT le 9 septembre dernier.
Le bilan estival redonne le sourire aux dirigeants de la SNCF. « Plus de 22 millions de voyageurs ont pris le train cet été », se félicite Christophe Fanichet. Le nombre de voyages reste en retrait de 8 % par rapport à ceux de l’été précédant la crise Covid, mais les déplacements en Ouigo ont connu une progression de 20 % par rapport à 2019.
Les trains de nuit ont aussi trouvé leur public, bénéficiant sans doute du nouvel intérêt des Français pour des voyages à l’intérieur du pays.
Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs.
La SNCF a joué sur différents dispositifs afin d’inciter les voyageurs à monter à bord des trains pour redécouvrir leur région, comme cela a été le cas en Ile-de-France avec la campagne de communication #CPASLOINENTRAIN.
Ailleurs, les 12/25 ans ont profité de la reconduction du Pass Jeune TER de France offrant la possibilité de voyager un mois en illimité sur l’ensemble des TER pour 29 euros. Ce pass, qui avait déjà connu un beau succès l’an passé, a doublé ses ventes cette année. Plus de 85 000 jeunes en ont acheté un.
Par ailleurs, 100 000 jeunes de 16 à 27 ans sont abonnés à TGVmax qui leur permet de voyager en illimité sur le réseau à grande vitesse pour 79 euros par mois. « Les jeunes sont sensibles à la cause environnementale, ils passent moins leur permis de conduire et nous savons leur proposer des offres pour voyager en train », souligne Christophe Fanichet.
Ces bons résultats estivaux, la SNCF les doit aussi à la simplification des cartes de réduction avec le lancement en juin dernier de la carte Avantage, donnant accès à des prix réduits et plafonnés. Plus d’un demi-million de ces cartes ont été vendues depuis le 17 juin, soit 9 000 par jour. « Avec cette carte, le prix moyen du billet a baissé et on ne nous reproche plus d’être trop chers », se réjouit Christophe Fanichet qui prône un « choc de simplification » pour faire grandir le ferroviaire en France. « Gagner des parts de marché passe par la simplicité et par le prix, et je veux être un accélérateur de la part du ferroviaire en France », affirme-t-il.
» AVEC LA CARTE AVANTAGE, LE PRIX MOYEN DU BILLET A BAISSÉ ET ON NE NOUS REPROCHE PLUS D’ÊTRE TROP CHERS. JE PRÔNE UN CHOC DE SIMPLIFICATION «
Un modèle économique à réinventer
Depuis la rentrée, les télétravailleurs qui avaient déserté les trains du quotidien sont de retour dans les TER et Transilien. 80 % des voyageurs sont revenus.
En revanche, l’activité des TGV est à la peine. Le trafic sur ces trains a baissé de 50 % l’an passé, faisant perdre 4,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires à SNCF Voyageurs. Une activité essentielle pour l’entreprise qui en tire une grande part de ses revenus. Car si les 15 000 trains du quotidien représentent 90 % des déplacements et 4,5 millions de voyageurs, ils n’assurent que 50 % du chiffre d’affaires de SNCF Voyageurs et seulement 25 % de ses recettes. L’autre moitié des 17 milliards d’euros de l’activité de la SA est réalisée par les TGV, les voyages professionnels apportant la plus forte rémunération. Or les voyages d’affaires ont reculé de 70 % l’an passé, pesant lourdement sur les résultats de l’entreprise. Et si la reprise des voyages de loisir se confirme, la clientèle professionnelle se fait encore désirer. Leur poids est encore loin de ce qu’il était en 2019 et pourrait ne jamais retrouver son niveau d’avant crise. Comme le secteur de l’hôtellerie anticipe une baisse structurelle de son business de 20 %, Christophe Fanichet en déduit que « les gens qui n’iront plus à l’hôtel ne seront plus non plus dans nos trains ». De quoi remettre en cause le modèle économique de la compagnie ferroviaire…
Pour tenir le cap, la SNCF conduit un plan d’économies d’ampleur. L’entreprise a coupé dans ses dépenses, arrêté ou différé des investissements et réduit ses frais de structure pour gagner en productivité.
Pour mieux suivre le marché, la SNCF a mis en place une méthode consistant à observer la demande, afin d’adapter son plan de transport.« Nous avons gagné en agilité. Nous sommes capables d’être plus réactifs et de créer des trains en fonction de la demande », souligne Christophe Fanichet.
L’entreprise doit aussi s’adapter aux nouvelles habitudes des voyageurs. « Nous nous attendons à ce que le télétravail s’installe durablement, sur deux jours par semaine, d’autant que les entreprises pourraient se servir de cet argument pour séduire les jeunes générations. » Les Régions l’anticipent aussi et certaines proposent déjà des abonnements Spécial Télétravail.
Comme le télétravail se fait majoritairement en début ou en fin de semaine, la SNCF propose plus de trains le week-end et moins la semaine. « Les pics de demandes démarrent le jeudi soir et vont jusqu’au lundi soir. » Cet étalement des déplacements liés au télétravail complique la vie de la SNCF, mais présente aussi un avantage. Dans les grandes agglomérations, les télétravailleurs qui prennent les trains durant les heures creuses peuvent contribuer à faire baisser le pic de voyageurs aux heures de pointe. Ce qui est appréciable dans les métropoles où les transports sont saturés.
Autre changement auquel la SNCF doit faire face : des réservations de plus en plus tardives. De plus en plus de professionnels et voyageurs de loisirs achètent leurs billets moins de 15 jours avant le départ. « Avoir plafonné les prix en loisirs jusqu’à la dernière minute pousse moins à anticiper, même si les tarifs des billets pris à l’avance restent plus intéressants », précise Christophe Fanichet. Pour aider les voyageurs à se décider, le site internet leur indique le nombre de places encore disponibles dans un train, avant qu’il ne soit complet, ajoute le patron de SNCF Voyageurs.
Pour ajuster plus finement l’offre aux besoins de sa clientèle, la SNCF pourra bientôt compter sur les TGV M, modulaires, qui lui permettront de passer rapidement d’un train composé classiquement de trois premières et cinq secondes, à un train uniquement composé de secondes classes, ou encore d’enlever la voiture-bar. Ces trains permettront aussi d’emporter des vélos, car si c’est possible dans les TER, ça l’est moins dans les trains à grande vitesse actuels qui n’ont pas été conçus dans ce but.
SNCF Voyageurs a déjà augmenté de 6 % les places réservées aux bicyclettes dans les TGV InOui. Pour aller plus loin, il faut aussi, souligne Christophe Fanichet, que les villes jouent pleinement leur rôle en mettant à disposition des vélos à louer autour des gares, pour accompagner la tendance croissante de l’usage partagé des modes de transport plutôt que la propriété.
L’éventualité d’une baisse structurelle des voyages d’affaires doit pousser la SNCF à attirer d’autres clients dans ses trains, en se renouvelant. Mais Christophe Fanichet reconnaît : « Les prochaines années seront compliquées pour l’entreprise qui va devoir faire un rééquilibrage entre loisir et professionnel. » Le dirigeant se dit toutefois persuadé qu’il y aura toujours des déplacements pour affaires : « Les rendez-vous commerciaux continueront. » Et il compte sur les vertus du train pour convaincre les entreprises, dans leurs engagements RSE, de privilégier le train, afin de pouvoir présenter un bilan carbone plus responsable.
La fin du monopole
Outre ces difficultés conjoncturelles, la SNCF est aujourd’hui vraiment confrontée à l’ouverture à la concurrence. La région Sud qui avait lancé un appel d’offres pour deux lots de lignes TER s’apprête à confier officiellement l’exploitation de l’axe Nice – Marseille à Transdev. Un choix symboliquement très fort qui marque la fin du monopole de la SNCF. « Perdre ce lot est une déception collective », reconnaît Christophe Fanichet. La SNCF, qui doit se voir attribuer le lot Azur (Etoile de Nice), devra augmenter très fortement la fréquence des trains sur cet axe. Un défi, alors qu’aujourd’hui le réseau est saturé aux heures de pointe. Le dirigeant assure pouvoir tenir les objectifs fixés : « On a un peu de temps pour s’y préparer, car d’ici 2025 des travaux seront réalisés et nous bénéficierons de l’homogénéisation des trains. Je suis serein, si ce n’était pas possible, nous ne nous serions pas engagés. » Il rappelle que la SNCF a déjà réalisé de très gros efforts pour améliorer la qualité dans la région Sud, ce qui lui a sans doute permis de ne perdre qu’un des deux lots, alors qu’initialement la Région n’avait pas caché sa volonté de vouloir les confier à ses concurrents. « Notre indice de satisfaction a progressé et nous poursuivrons l’amélioration de notre qualité de service jusqu’en 2025 », assure le président de SNCF Voyageurs.
Pour exploiter ces lignes, la SNCF créera une société dédiée permettant de répondre aux exigences des autorités organisatrices régionales qui cherchent ainsi à avoir une vision plus claire et transparente des moyens affectés à l’exploitation des TER, ainsi que des coûts et des comptes. Les cheminots affectés à l’exploitation des TER seront donc transférés dans ces filiales 100 % SNCF Voyageurs. « En passant dans ces sociétés dédiées, leurs droits individuels seront les mêmes que dans la société mère », assure Christophe Fanichet, en s’engageant à leur garantir les parcours et leurs déroulements de carrière. Avec une mobilité possible entre les différentes entités, « les cheminots pourront aller chez SNCF Réseau, Gares & Connexions, à la maison mère, passer à TER, ou aller chez TGV. »
La SNCF répondra à tous les appels d’offres de mise en concurrence dans le but de les remporter à chaque fois, précise-t-il. Même en cas de perte de contrat, la SNCF croit à la croissance : Jean-Pierre Farandou a fixé l’objectif de multiplier par deux le nombre de voyageurs en dix ans. Parmi les projets de développement, figure le programme OSLO, qui consistera à utiliser des voitures Corail pour effectuer des trajets à 200 km/h sur des liaisons comme Paris – Nantes ou Paris – Lyon, en s’adressant à des voyageurs plus sensibles aux prix qu’aux temps de parcours. « Il y a là un marché pour ceux qui sans cette offre prendraient leur voiture, ou qui n’auraient pas les moyens de prendre le train. » Ces trains, qui compléteront les TGV, pourraient circuler dès 2022.
Des concurrents bienvenus
La SNCF n’est pas la seule entreprise à penser qu’il y a des parts de marché à prendre en France. De nouveaux opérateurs arrivent. C’est le cas de la société Le Train, qui souhaite utiliser la ligne à grande vitesse Tours – Bordeaux et faire du trafic interrégional dès 2022 entre Arcachon, Bordeaux, Angoulême et Poitiers. Ou encore de Railcoop, société coopérative, ayant pour ambition de relancer des liaisons transversales abandonnées par la SNCF, comme entre Lyon et Bordeaux. Christophe Fanichet les considère non pas comme des concurrents, mais comme des partenaires potentiels. « Nous partageons le même objectif : augmenter la part modale du ferroviaire en France, où 90 % des Français se déplacent en voiture. Ils viennent avec des idées marketing différentes des nôtres, pour proposer des services que nous n’avons pas su adresser. Si leurs offres attirent de nouveaux voyageurs, je ne peux que m’en réjouir, car je sais qu’à un moment leurs clients prendront aussi nos trains. » C’est pourquoi il leur souhaite la bienvenue et se dit même prêt à collaborer avec eux sur des sujets comme la maintenance. Christophe Fanichet rappelle aussi que si Paris – Bordeaux est un succès commercial, c’est aussi la ligne la plus déficitaire de l’entreprise, en raison du coût élevé des infrastructures. « Le péage est deux fois plus cher que sur Paris – Lyon. Avec Le Train, nous aurons comme intérêt commun d’essayer d’en faire baisser le prix. »
Christophe Fanichet se montre plus critique sur l’arrivée prochaine de Thello sur Paris – Lyon, la liaison la plus rentable de France. Selon lui, lorsque SNCF Voyageurs fait un profit sur cette ligne, 100 % des résultats remontent à la société mère, qui les utilisera ensuite pour alimenter les fonds servant à renouveler le réseau. « Les bénéfices réalisés par d’autres compagnies sur cette ligne ne serviront pas à moderniser le réseau mais iront dans la poche de leurs actionnaires », prévient-il.
» NOUS NE PROCÉDERONS À UN INVESTISSEMENT À L’ÉTRANGER QU’À LA CONDITION QU’IL NOUS APPORTE PLUS DE RENTABILITÉ QUE CE QU’ON FAIT EN FRANCE «
Des ambitions européennes réaffirmées
La SNCF se développe aussi en Europe, où elle réalise le tiers de son activité grande vitesse, avec Eurostar ou Thalys. Le trafic international de la SNCF a toutefois fortement souffert des mesures sanitaires mises en place par la Grande-Bretagne. « Ce qui ne devrait être que provisoire car, quand on lève les contraintes, le trafic reprend », relativise Christophe Fanichet. Le projet de mariage entre Eurostar et Thalys, qui doit permettre de jouer sur les synergies et d’offrir aux voyageurs plus de fréquences et des correspondances, reste d’actualité. « Mais la trajectoire n’est plus celle qu’on avait en 2019. »
Le Groupe compte aussi poursuivre sa politique de conquêtes sur de nouveaux marchés. En mars dernier, il a lancé une ligne Ouigo entre Barcelone et Madrid qui connaît, affirme-t-il, un énorme succès. Il regarde chez ses voisins « parce qu’on a la conviction qu’il y a un marché. », commente Christophe Fanichet, qui prévient : « Nous ne procéderons à un investissement à l’étranger qu’à la condition qu’il nous apporte plus de rentabilité que ce qu’on fait en France. »
Rappelant que la Commission européenne avait déclaré que 2021 serait « l’Année européenne du rail », Christophe Fanichet regrette que cela n’ait pas été assez médiatisé. « Nous n’en avons pas assez parlé. Nous sommes trop modestes. Nous oublions de dire que le train est le moyen de transport le plus facile et le plus écologique, et qu’il permet d’optimiser les trajets puisqu’on peut y faire autre chose que conduire. » Il conclut : « Le train a participé à la construction de l’Europe et doit continuer à le faire. C’est pourquoi nous ne devons pas nous limiter à regarder le marché domestique, mais nous intéresser aussi au marché européen. »
Valérie Chrzavzez
Bientôt une nouvelle application
Le nouveau « choc de simplification » voulu par Christophe Fanichet passe aussi par la nouvelle application préparée par la SNCF pour la fin de l’année. Pour faciliter la vie de ses clients, la SNCF ne proposera, à l’avenir, qu’une application unique baptisée SNCF. L’ambition est d’héberger de multiples opérateurs pour proposer tous types de services (covoiturage, VTC, taxis, vélos… ) et devenir un assistant personnel de mobilité.
« Attaché aux facilités de circulation »
Rappelons que les facilités de circulation viennent de donner lieu à un rapport commandé par le Gouvernement. Christophe Fanichet souhaite clore le débat : « on parle trop souvent des cheminots de manière négative. Rappelons que ce sont eux qui ont fait circuler les trains pendant la crise. Si le Gouvernement a demandé un rapport sur ces facilités, c’était pour éclairer le sujet sur les droits transférables des cheminots qui seront amenés à changer d’entreprise ferroviaire. Pas pour les remettre en cause. Il y a à la SNCF des avantages, comme dans toutes les grandes entreprises. Quand on est recruté, cela fait partie du package. Ces facilités de circulation sont un avantage auquel les cheminots sont attachés, et moi plus encore. »
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