Les élus du Sud-Ouest haussent le ton. Pour la deuxième fois depuis le début de l’année, ils ont envoyé, le 27 avril, une lettre à Jean-Baptiste Djebbari, le ministre délégué aux Transports, pour lui faire part de leur mécontentement à propos des conditions de reprise du train de nuit entre Paris et Tarbes, telles qu’elles sont envisagées pour 2022. Ce qui devait être une bonne nouvelle risque de se transformer, assurent-ils, en occasion manquée.
Selon eux, il faut relancer le train la Palombe Bleue, qui permettait, jusqu’en 2011, de relier Paris à Hendaye (près de la frontière espagnole) via Bordeaux et Tarbes. « Quand le train passait par Bordeaux, c’était l’un des trains de nuit les plus intéressants, comme le confirme d’ailleurs l’Autorité de régulation des transports (ART). Ce qui a fait le succès de la Palombe Bleue, c’était son itinéraire : Paris – Bordeaux – Dax puis deux branches : une vers Pau – Béarn, et l’autre vers Hendaye. On pouvait alors s’épargner une nuit d’hôtel et vraiment passer une journée entière à Paris. Inversement, on pouvait passer une journée entière à Hendaye ou profiter de connexions intéressantes avec le réseau ferré espagnol », souligne Max Brisson, le sénateur des Pyrénées-Atlantiques, en pointe dans ce combat. En relançant une liaison Paris – Tarbes via Toulouse (et non plus par Bordeaux), comme l’envisage aujourd’hui le gouvernement, l’intérêt se réduit, affirme l’élu.
C’est ce qu’il avait déjà essayé d’expliquer au ministre, dans un premier courrier en février signé par 27 autres élus locaux, dont Alain Rousset, le président de la Nouvelle-Aquitaine, Renaud Lagrave, le vice-président chargé des Transports ou encore Jean-René Etchegaray, le président de la Communauté d’agglomération du Pays basque. Soit des d’élus de toutes tendances, affichant « un consensus politique rare en période préélectorale », commente Max Brisson.
« Mais nous n’avons pas apprécié la réponse du ministre. Ni sur le fond, ni sur la forme. Sur la forme, nous sommes étonnés que M. Djebbari ne daigne pas nous recevoir alors que cette demande émane de Parlementaires. Ce n’est pas républicain. C’est à la limite du mépris », s’indigne Max Brisson. « Sur le fond, le ministre ne répond pas à nos arguments », poursuit-il.
Le nouvel itinéraire envisagé par le gouvernement relierait Paris, Limoges, Toulouse et Tarbes, et pourrait être prolongé jusqu’à Hendaye, mais uniquement en haute saison touristique, l’été. « Le Pays basque n’est pas qu’une destination touristique. Ce territoire a une vocation à avoir une activité économique diversifiée », poursuit le sénateur, qui regrette aussi l’absence de desserte de Lourdes, « alors qu’il y a un vrai besoin ».
Dans ces conditions, la relance du train de nuit Paris – Tarbes risque d’échouer, estiment ces élus, comme cela a déjà été le cas dans le passé lorsque la Palombe Bleue a été détournée par Toulouse pour relier Tarbes, du fait de travaux.
Il y a eu en effet deux étapes dans l’histoire de la Palombe Bleue. « Jusqu’en 2010 le trajet empruntait la ligne Paris – Bordeaux et la Palombe Bleue comptait sept voitures vers Irun – Hendaye et six voitures vers Tarbes avec coupure et jonction à Dax. Dès 2011, du fait de la construction de la LGV SEA, son itinéraire a été modifié et s’est fait via Toulouse et Tarbes avec huit voitures, augmentant le temps de trajet de pratiquement trois heures, et n’apportant plus les avantages d’un train de nuit », racontent ses défenseurs.
Puis, le 1er juillet 2017, le train de nuit a définitivement cessé son service, jugé trop peu fréquenté, et connaissant le même sort que ses semblables (à l’exception des lignes Paris – Briançon et Paris – Latour-de-Carol maintenues). Depuis cette date, le TGV a remplacé la Palombe Bleue, mettant Bordeaux à 2 h 04 de Paris.
Pour les élus du Sud Ouest, le train de nuit a encore sa place. « Mais pour réussir la relance, il faut choisir des horaires adéquats. On sait bien que si on veut dégrader une situation, on peut jouer sur les horaires. C’est ce qui a un peu caractérisé la politique du rail ces dernières années en France. Tant qu’à rétablir la Palombe Bleue, autant le faire dans de bonnes conditions, pour la SNCF et les territoires », conclut Max Brisson.
Marie-Hélène Poingt
« La réponse de Jean-Baptiste Djebbari est à la limite du mépris »
Max Brisson, sénateur des Pyrénées-Atlantiques
Ville, Rail & Transports. Avez-vous lancé des études sur le trafic que pourrait acheminer la Palombe Bleue ?
Max Brisson. Nous n’avons pas lancé d’études et on peut penser que les temps ont changé puisqu’une décennie est passée depuis l’arrêt de la Palombe Bleue historique. Mais nos territoires, à la différence de nombreux autres, n’ont pas bénéficié de l’arrivée du TGV qui s’est arrêté à Bordeaux.
On voit bien que le TGV a profité aux collectivités qui sont desservies, tandis que les conditions de dessertes de nos territoires n’ont pas changé depuis dix ans. Il faut 2 h 1/4 pour aller de Bordeaux à Hendaye, c’est-à-dire le même temps que pour relier Bordeaux à Paris, mais avec une distance moitié moins longue et des cadences de trains dégradées.
D’où la prééminence de l’avion (avec un service d’ailleurs également profondément dégradé), ce qui pose question à l’époque de la lutte contre le réchauffement climatique.
VRT. Êtes-vous prêts à mettre la main à la poche pour aider à cette relance ?
M. B. Non car il s’agit d’un train d’équilibre du territoire. L’Etat est dans son rôle d’autorité organisatrice. Si on regarde ce qui s’est passé avec le TGV, on constate que de nombreuses collectivités continuent de payer pour le TGV à Bordeaux, et qu’il y a parfois des contentieux. De plus, il n’y a pas de consensus sur la prolongation du TGV de Bordeaux vers Dax ou Bayonne. Je pense qu’il faudrait d’abord rénover la liaison entre Bordeaux et Dax, avant de prolonger la LGV. Le train de nuit n’est pas la réponse à toutes les questions. Nous avons aussi besoin d’explorer tous les sujets qui peuvent améliorer les relations avec Paris et au-delà avec l’Europe. Nous constatons une dégradation de la relation ferroviaire, au-delà de Bordeaux. La vitesse commerciale des trains entre Dax et Hendaye s’est nettement affaiblie faute d’entretien. De ce fait, le ton de la réponse de Jean-Baptiste Djebbari à notre courrier est à la limite du mépris.
Propos recueillis par M.-H. P.