A quelques heures de la déclaration de politique générale de Michel Barnier devant l’Assemblée nationale, son ministre des Transports, François Durovray, ne pouvait se montrer à Strasbourg pour inaugurer, comme c’est la tradition, le salon européen des Transports (EURO Mobility qui s’est ouvert le 1er octobre). Mais il sera là jeudi. Et il est attendu de pied ferme.
Toutefois, il y a quelques jours, toujours à Strasbourg, mais cette fois pour le Congrès des Régions, le nouveau ministre très au fait du sujet de la mobilité, et défenseur du « choc d’offre » pour inciter les Français à abandonner le volant de leur voiture, n’a pu qu’évoquer de nouveaux modèles de financement.
Dans l’expectative du tour de vis budgétaire que s’apprête à imposer le gouvernement, Louis Nègre, président du Gart, l’association des élus locaux en charge des transports, n’a pas caché sa colère lors de la conférence inaugurale du salon : « Je bous [du verbe bouillir] devant ces incohérences, il y a un mal français qui s’appelle Bercy, » a tancé l’élu des Alpes- Maritimes. « Je n’aurai qu’une question à poser à François Durovray : combien d’argent êtes-vous prêt à mettre sur la table ? ». Louis Nègre connait déjà la réponse.
Marché carbone : le Medef et l’UTP sur la même ligne
« Le choc d’offre crée le choc de demande, mais on peut faire sans Bercy« , relance Marie-Ange Debon, dirigeante de Keolis, filiale transport urbain et interurbain de la SNCF. Egalement présidente de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTPF), elle propose de s’appuyer sur le modèle de la Société des grands projets (ex-Société du Grand Paris) qui a levé une nouvelle taxe, sur l’immobilier de bureaux, pour financer les 200 km du futur métro automatique autour de Paris. « Il faut aussi desserrer la contrainte psychologique du Budget en s’appuyant sur la fiscalité européenne », défend Marie-Ange Debon qui demande d’affecter au secteur une fraction du produit de la mise aux enchères des quotas d’émissions de gaz à effet de serre (ETS). « En France, les ETS, représentent deux milliards d’euros et pas un seul n’a jamais été fléché vers les transports publics », illustre-t-elle. La dirigeante cosigne d’ailleurs aujourd’hui avec le patron du Medef, Patrick Martin, une position commune adressée à Bercy et à Matignon dans lequel les deux organisations patronales demandent que 250 millions d’euros de ce marché carbone reviennent au secteur. Si le Medef s’oppose farouchement à toute augmentation du versement mobilité, taxe payée sur les entreprises de plus de 11 salariés pour financer les transports en commun, il est favorable à ce fléchage des recettes des ETS.
Auditionné le 2 octobre à l’Assemblée nationale, le pdg de la SNCF Jean-Pierre Farandou, a lui aussi appelé à capter une partie des deux milliards d’euros de cette nouvelle fiscalité sur les poids lourds et l’avion au profit du ferroviaire. Ainsi qu’une partie de « la manne autoroutière » à la faveur de la fin des contrats de concessions à partir de 2031.
Pour le nouvel eurodéputé socialiste François Kalfon (liste Raphaël Gluksmann), « Il va falloir appliquer le principe pollueur-payeur et faire payer, les externalités négatives du transport routier de marchandises, notamment ». C’est la taxe poids lourds tuée dans l’œuf par le mouvement des bonnets rouges en 2013. « On peut mieux faire que du temps des bonnets rouges », croit le nouveau parlementaire européen, ancien conseiller régional d’Ile-de-France. Dans la précédente mandature, le Parlement européen a donné son feu vert au méga-camions…
Fonds européen sur la sellette
A la Commission européenne, Herald Ruitjers, directeur général adjoint de la direction des transports (DG Move) qui est en train reconstituer ses équipes, se veut plus optimiste, « Des solutions existent : le Feder, les financements croisés de l’Eurovignette [qui renforce le principe pollueur-payeur], les ETS2 [qui élargissent le champ du marché bas carbone à d’autres secteurs, dont le transport routier], et le MIE [fonds de l’Union européenne pour les investissements dans les infrastructures d’énergie, de transport et numérique] ». Le MIE et ses 26 milliards d’euros sur la période 2021-2027 qui avaient permis d’enclencher le Pacte Vert serait aujourd’hui sur la sellette. « Si ce n’est pas le MIE, ce sera un autre mécanisme, croit le représentant de la DG Move.
Nathalie Arensonas